TURRIFF, JOHN GILLANDERS, cultivateur, entrepreneur, homme politique et fonctionnaire, né le 14 décembre 1855 d’une lignée de presbytériens écossais à Petit-Métis (Métis-sur-Mer, Québec), fils de Robert Turriff et de Jane Gillanders ; le 1er octobre 1884, il épousa à Carlyle (Saskatchewan) Eva Louise Bartlett-Buchanan (décédée le 7 octobre 1897), et ils eurent trois filles et un fils, puis le 1er mars 1900, à Chicago, Catherine Mary Wilson, et aucun enfant, semble-t-il, ne naquit de ce second mariage ; décédé le 10 novembre 1930 à Ottawa.

On sait peu de chose à propos des jeunes années de John Gillanders Turriff, sinon qu’il étudia à Petit-Métis et à Montréal. Parti pour le Manitoba en 1878, il exploita une concession statutaire près de Morden. Manifestement, l’expérience ne fut pas une grande réussite. Au début des années 1880, au moment où la colonisation s’intensifiait dans les Territoires du Nord-Ouest, il s’établit comme marchand et notaire à Carlyle. Par la suite, il élut domicile à Alameda (Saskatchewan), où il fut commerçant de céréales et d’instruments aratoires et tint un magasin. En plus, il détenait des actions d’une entreprise céréalière où il était salarié. Toutes ces sources de revenu lui permettaient de faire vivre confortablement sa famille. Au fil des ans, il s’associa à un certain nombre de sociétés du secteur de la minoterie, des mines et des finances. Au moment de son décès, il occuperait la présidence de la Western Trust Company de Winnipeg.

Élu représentant de Moose Mountain au Conseil des Territoires du Nord-Ouest en 1884 et en 1886, Turriff défendit avec vigueur les droits territoriaux, et particulièrement la création d’une assemblée majoritairement élective. Quand Ottawa accepta la formation d’une telle assemblée, en 1888, il fut élu dans Souris sous la bannière libérale. Il décida de ne pas se porter candidat en 1891, mais affronta le ministre de l’Intérieur Edgar Dewdney* dans Assiniboia East aux élections fédérales de la même année. À ses yeux, Dewdney incarnait la politique répressive d’Ottawa. Après avoir perdu le scrutin, Turriff fournit au chef libéral, Wilfrid Laurier*, une analyse franche et pénétrante des facteurs qui avaient contribué à ce résultat.

Cette analyse perspicace reflétait les talents de Turriff en matière d’organisation. Il se découvrit des affinités avec Clifford Sifton, qui était, entre autres, organisateur en chef au sein du gouvernement libéral de Thomas Greenway* au Manitoba. Le fait que Turriff nomma son fils unique Robert Sifton révèle son admiration pour l’homme. Ils seraient d’ailleurs amis pour la vie. Après que Laurier eut confié à Sifton le portefeuille de l’Intérieur, en 1896, les libéraux provinciaux du Manitoba connurent des problèmes d’organisation. À la fin de 1897, Sifton recommanda Turriff en disant qu’il pourrait insuffler de l’énergie à ce gouvernement fatigué. Cependant, Turriff venait de perdre sa femme ; « [je sens] que je dois être à la maison le plus possible », confia-t-il. D’autres raisons expliquent son refus. Il n’y avait pas d’incitatif financier. Sifton n’était plus là. Turriff s’attendait que ses associés conservateurs dans l’entreprise céréalière « travailler[aient] contre [ses] intérêts dans la Cie ». Il se considérait comme « un North Wester » et craignait de perdre une part de son influence s’il travaillait au Manitoba.

Le 8 juillet 1898, par suite d’une décision de Sifton, Turriff devint commissaire des terres du dominion au département de l’Intérieur. Sans nul doute, il s’acquitta assez bien de ses fonctions pour ce qui était de l’adjudication des concessions foncières, mais son rôle consistait avant tout à organiser le Parti libéral dans les Prairies. La plus grande partie de ce qui subsiste de la correspondance entre les deux hommes porte sur ce sujet. Au début de 1904, Turriff démissionna afin de se présenter dans Assiniboia East aux élections fédérales. Il remporta la victoire. Réélu à l’occasion de trois autres scrutins, il conserva son siège (Assiniboia à compter de 1907) jusqu’à sa nomination au Sénat le 23 septembre 1918.

Sans jamais occuper le devant de la scène parlementaire, Turriff fut un député et un sénateur capable et actif. Au cours de ses premières années aux Communes, il fut souvent appelé à défendre son bilan, et celui de Sifton, en matière d’administration des terres du dominion. En 1907, après l’une de ses interventions, même le chef de l’opposition, Robert Laird Borden*, admit qu’« il a[vait] présenté une défense très solide ».

Turriff se fit également le gardien des intérêts de l’Ouest. Il appuya la construction de ce qui devint le Hudson Bay Railway et prôna l’adoption de mesures législatives pour obliger les sociétés ferroviaires à construire dans un délai raisonnable les lignes secondaires pour lesquelles elles détenaient une charte. Il se montrait critique envers le système d’inspection des céréales et de toute hausse tarifaire qui désavantagerait le fermier de l’Ouest. Toujours en faveur de la pratique de l’épargne au gouvernement, il voulait que toute augmentation de salaire consentie aux fonctionnaires soit assortie d’un allongement des heures de travail. Il soutint la réciprocité en 1911 parce que « telle [était] la volonté populaire » et parce qu’« une nouvelle ère de prospérité s’ouvrira[it] au Canada ». En 1913, niant l’urgence d’envoyer une contribution à la marine britannique, il se prononça en faveur d’un projet de Laurier, la création d’une marine canadienne. Pendant la Première Guerre mondiale, il eut assez peu de commentaires à faire sur le conflit, mais il joignit sa voix à celle des partisans de la prohibition et du suffrage féminin.

En 1916, le gouvernement Borden était tellement rongé par la corruption et avait accumulé tant d’erreurs dans l’administration de l’effort de guerre que Turriff, comme bien d’autres libéraux, croyait que son parti prendrait le pouvoir s’il y avait des élections. Hélas, le 15 septembre de cette année-là, son fils fut tué à la bataille de Courcelette. « Mon plus grand espoir dans la vie s’est envolé », dit-il, abattu, à Sifton. Ce deuil et le nouveau tournant pris par la guerre pourraient expliquer pourquoi, à l’été de 1917, après avoir servi fidèlement Laurier durant 30 ans, Turriff lui tourna le dos et choisit de soutenir la conscription et la formation d’un gouvernement de coalition. La solution de Laurier, à savoir tenir un référendum sur la conscription, lui semblait mauvaise. Selon lui, cette consultation se solderait par une défaite, et « il y a[vait] des moments où il ne fa[llait] pas laisser la majorité gouverner ». Pourtant, il s’associa de mauvais gré au gouvernement Borden et aux libéraux unionistes en 1917. Il ne jugeait pas opportun de priver du droit de vote les « étrangers [de nationalité] ennemie » qui avaient été naturalisés et n’était pas d’accord pour que les fermiers dans leur ensemble bénéficient de concessions spéciales dans le contexte de la conscription. À ce sujet, il soutenait que les tribunaux chargés d’accorder des exemptions individuelles reconnaîtraient l’importance des travaux agricoles dans l’effort de guerre.

En 1918, Turriff reçut de Borden une récompense pour son appui : un poste de sénateur. C’était aussi une bénédiction, car bon nombre de ses ex-amis libéraux aux Communes l’évitaient comme la peste. Toutefois, au fil du temps, les décisions gouvernementales répugnèrent de plus en plus à sa sensibilité d’homme de l’Ouest. En 1921, il traversa l’enceinte du Sénat pour aller apporter son « soutien au Parti progressiste ou Parti des fermiers ». À ce titre, il était bien seul à la Chambre haute. Sa nouvelle position lui permettait de critiquer tous les autres partis mais, vu le déclin des progressistes plus tard dans la décennie, il se rangea de plus en plus du côté des libéraux, alors dirigés par William Lyon Mackenzie King*.

John Gillanders Turriff mourut en 1930 dans sa maison du parc de Rockcliffe à Ottawa ; depuis quelques années déjà, il avait des ennuis de santé. Le Globe de Toronto rappela qu’il avait été un fervent libéral au moment de sa première élection aux Communes mais notait que « ses opinions [avaient] changé par la suite ». « Probablement a-t-il droit à la reconnaissance surtout à cause de son sincère dévouement envers les résidents des provinces des Prairies », ajoutait le journal.

David J. Hall

AN, MG 26, G ; J ; MG 27, II, D15.— Globe, 12 nov. 1930.— Manitoba Free Press, 11 oct. 1884, 11–12 nov. 1930.— Ottawa Citizen, 3 mars 1900, 11 nov. 1930.— Ottawa Morning Journal, 11 nov. 1930.— Alameda, Saskatchewan, History Committee, A history of Alameda and district ([Alameda, 1955]).— Canada, dép. du Secrétariat d’État, The civil service list of Canada [...] (Ottawa), 1899 ; Chambre des communes, Débats, 1905–1918 ; Parl., Doc. de la session, 1898–1905 ; Sénat, Débats, 1919–1931.— Canadian directory of parl. (Johnson).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— CPG.— L. H. Thomas, The struggle for responsible government in the North-West Territories, 1870–97 (2e éd., Toronto, 1978).

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David J. Hall, « TURRIFF, JOHN GILLANDERS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/turriff_john_gillanders_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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