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MAGILL, ROBERT, professeur d’université, spécialiste de l’économie politique, fonctionnaire et secrétaire de la Winnipeg Grain and Produce Exchange, né le 23 mai 1871 à Drumlee (Irlande du Nord), cinquième enfant de Robert Magill et de Susan Shilladay ; le 14 avril 1905, il épousa à Halifax Susan Isabella Stairs, fille d’Edward Stairs et petite-fille de William James Stairs*, et ils eurent trois filles et un fils ; décédé le 15 janvier 1930 à Battle Creek, Michigan.
Robert Magill père cultivait un grand domaine concédé à la famille deux siècles auparavant. Quand il mourut, son fils Robert avait seulement quatre ans. En 1886, à l’âge de 15 ans, celui-ci partit pour Belfast afin de s’initier au métier de grossiste en toile, mais la vie d’intellectuel l’attirait davantage, et il put opter pour cette voie car son père avait laissé assez d’argent pour lui permettre, ainsi qu’à ses frères, d’aller au collège. Entré en 1890 au Queen’s College de la Royal University of Ireland à Belfast, il y obtint en 1894 une licence ès arts avec mention très bien. Un an plus tard, il reçut, de la même université, une maîtrise ès arts avec spécialisation en sciences humaines et en morale, encore une fois avec mention très bien et, en plus, une médaille d’or pour la « haute qualité de ses réponses ». Puis, il fit une année de théologie au Presbyterian College (Assembly’s College) de Belfast et obtint en 1897 une bourse pour « éloquence en chaire ». En même temps, il travailla comme précepteur, puis donna des cours de sciences humaines et de morale dans une grammar school pour filles, le Victoria College, où il était populaire auprès de ses élèves.
Magill étudia deux ans à l’université d’Iéna, en Allemagne. En 1899, il obtint un doctorat pour une thèse sur les écrits du philosophe britannique Henry Sidgwick. D’après l’un de ses collègues en Allemagne, c’était un « conteur de premier ordre » qui ne manquait pas d’humour et avait l’esprit vif. Il prenait au sérieux ses activités intellectuelles, mais aimait bien rigoler. Originaire du comté de Down comme Magill et ami de sa famille, Alexander Charles Stewart mettrait en scène un personnage inspiré de lui dans un roman paru à Toronto en 1919, The discard […]. Ce personnage, « le Professeur », est « un type brillant et un bon gars », « dont la vision embrasse plus que les prairies et avant-monts de l’esprit ».
De retour en Irlande en 1900, Magill fut ordonné ministre au Magee Theological College de Londonderry (Irlande du Nord), après quoi il desservit durant près de trois ans une petite congrégation de 260 familles à Maghera. En quête d’un avenir meilleur, il accepta un poste de professeur de philosophie au Presbyterian College de Halifax et immigra au Canada en 1903. À compter de 1904, il donna en plus, à titre gracieux, des cours à la Dalhousie University. Il succéda à Robert Alexander Falconer* en 1907 à la direction du Presbyterian College, mais continua d’enseigner à Dalhousie. Finalement, cette université lui offrit la chaire George Munro de philosophie. Entré en fonction en septembre 1909 à un salaire annuel de 2 500 $, il enseigna aussi une nouvelle discipline, l’économie politique, à compter de 1912.
Magill appartenait à cette nouvelle catégorie d’universitaires qui avaient la conviction de pouvoir contribuer autant à la société canadienne en dehors de leur classe qu’à l’intérieur. Par l’entremise de son beau-père, Edward Stairs, éminent homme d’affaires de Halifax, il rencontra des personnes bien placées, et il leur fit bonne impression. En 1908, le gouvernement libéral de la Nouvelle-Écosse, dirigé par George Henry Murray, le nomma président d’une commission d’enquête sur les heures de travail. Dans son rapport, Magill n’hésita pas à écrire qu’« un homme pourrait faire autant de bon travail en une journée de huit heures qu’en une journée de dix heures ».
L’initiation de Magill au commerce des céréales commença en 1910. Sur l’avis de Walter Charles Murray*, recteur de la University of Saskatchewan et ex-professeur à Dalhousie, le premier ministre de la Saskatchewan, Thomas Walter Scott*, le nomma président d’une commission d’enquête sur les élévateurs à grain. À l’époque, les fermiers pressaient le gouvernement provincial d’étatiser les élévateurs pour mettre fin à l’hégémonie des grandes sociétés privées [V. Frederick William Green*]. À l’issue d’une enquête approfondie, Magill se prononça contre l’étatisation et recommanda plutôt à la province de prêter de l’argent à une coopérative d’élévateurs exploitée par les fermiers. Du point de vue politique, c’était une solution sûre pour Scott, qui qualifia le rapport de « chef-d’œuvre ». Non seulement Magill reçut-il 500 $ pour son travail, mais il commençait à se faire un nom comme expert du commerce céréalier.
En 1912, le gouvernement conservateur de Robert Laird Borden*, à Ottawa, mit en place la Commission des grains pour le Canada. La nomination de Magill à la tête de cet organisme chargé de superviser le transport et l’inspection des céréales allait de soi. Quitter Dalhousie et renoncer à ses parties de golf ne l’enchantait guère, mais c’est avec confiance qu’il assuma ses nouvelles fonctions au bureau de la commission à Fort William (Thunder Bay, Ontario). Il ne tarda pas à devenir le principal conseiller du gouvernement fédéral en matière de politique céréalière et, ce qui était un exploit, à gagner autant la faveur des fermiers que des commerçants de grain. Pourtant, comme il le dirait plus tard, le travail était « plus compliqué que bien des gens ne l’imaginaient ». Au début de la Première Guerre mondiale, il écrivit au ministre de la Milice et de la Défense, le major-général Samuel Hughes*, pour lui offrir de s’enrôler dans le Corps expéditionnaire canadien. Se représenter le savant Magill dans les tranchées dut amuser Hughes. Il lui répondit que la meilleure façon pour lui d’aider « les gars » était d’« obtenir de bonnes céréales » pour les nourrir.
En tant que président de la commission, Magill impressionnait bien des membres de la Winnipeg Grain and Produce Exchange (la Bourse winnipegoise des grains et autres denrées), qui cherchaient un nouveau secrétaire pour administrer leur bureau et leurs affaires à la suite de la démission de Charles Napier Bell*. Encore une fois, Magill était le candidat tout désigné. Bien que le ministre du Commerce, George Eulas Foster*, lui ait demandé de rester à la commission, il partit s’installer à Winnipeg avec sa famille à la fin de novembre 1916. Tout de suite, il se trouva en pleine crise : la récolte de blé de 1916 avait été mauvaise et la Grande-Bretagne réclamait de grandes quantités de grain canadien.
À titre de membre du comité de direction de la Bourse, Magill devint un fervent défenseur du marché libre, mais même lui dut concéder à Foster que ce système établi dans « des conditions de paix » avait besoin d’« être modifié en période de guerre ». Il informa donc Foster, qui s’apprêtait à créer une commission de commercialisation du grain pour la durée des hostilités, que la Bourse était disposée à collaborer. Une telle commission, dit-il au ministre, devait « se composer d’hommes qui sav[aient] comment on récolte, transporte, met en marché et distribue le grain ». Le 11 juin 1917, le ministre le récompensa de sa bonne volonté en le nommant à la présidence de la Commission des surveillants du commerce du grain du Canada. La formation de cet organisme de 12 membres inaugurait la participation directe du gouvernement fédéral à l’industrie céréalière du pays.
Jusqu’à la fin de son existence en 1919, la Commission des surveillants du commerce du grain du Canada réglementa les prix, la distribution et l’exportation du blé. Magill expliqua à Foster que, à titre de président de l’organisme, il « [se] trouv[ait] souvent en conflit avec ceux-là mêmes qui [lui] vers[aient] le salaire dont [il] vi[vait] à titre de secrétaire de la Bourse ». Il démissionna de la présidence en octobre 1918, mais Foster et le comité de direction de la Bourse le pressèrent de rester en place. Les commerçants de céréales de Winnipeg, en particulier, craignaient les conséquences de l’accession d’un représentant du mouvement des fermiers à la présidence de la commission. À contrecœur, Magill accepta de conserver son poste gouvernemental, mais il s’employa aussi à rassembler des appuis en faveur de la réouverture du marché du blé. Ses efforts furent particulièrement manifestes pendant qu’il représentait la Bourse à la mission commerciale du Canada à Londres en décembre 1918. Le gouvernement créa une commission du blé en prévision de la récolte de 1919–1920, mais permit au libre marché de fonctionner à nouveau l’année suivante.
Dans les années 1920, Magill fut occupé à défendre les intérêts de la grande entreprise céréalière. À force de témoigner devant des comités parlementaires et des commissions royales d’enquête, il finit par être exaspéré, comme tous les commerçants de céréales. Dans un article écrit en 1921, il signalait : « toutes ces enquêtes n’ont révélé à peu près aucun cas d’illégalité ou de crime de la part du secteur céréalier ». À la même époque, il passa beaucoup de temps à discuter avec des fermiers sceptiques au sujet des bénéfices que leur rapportait un marché libre par rapport aux dividendes que leur versaient les nouveaux syndicats ou coopératives du blé établis dans les Prairies en 1923 et 1924.
En 1929, Magill partit se faire soigner pour des problèmes cardiaques dans une maison de santé à Battle Creek, au Michigan. Il y mourut d’artériosclérose l’année suivante à l’âge de 58 ans. Son décès était une grande perte pour le milieu winnipegois des céréaliers. « Que dire à la mort d’un homme qui avait un esprit aussi brillant et qui a accompli autant que M. Magill ? », demanda Ernest Seaforth Parker, vice-président de la Bourse.
Le Winnipeg Tribune y alla de cet éloge : « D’une manière ou d’une autre, le commerce du grain est le secteur le plus important et le plus complexe du Canada et constitue le principal apport du Canada à l’économie mondiale. On peut affirmer que nul ne connaissait aussi bien que M. Magill toutes les ramifications du commerce du grain. » En un temps où la politique agricole du Canada suscitait souvent des affrontements et des conflits, Robert Magill exerça une influence apaisante et éclairée. Sans être toujours d’accord avec lui, même les fermiers de l’Ouest, adversaires traditionnels de la grande entreprise céréalière et de la Winnipeg Grain and Produce Exchange, en vinrent à apprécier son intégrité et ses efforts en leur nom. En signe de respect, la Bourse suspendit ses activités le 18 janvier.
Robert Magill est l’auteur de Grain inspection in Canada (Ottawa, 1914), The wheat situation (Winnipeg, 1920) (copie à la Winnipeg Commodity Exchange Library), « Private business and royal commissions », Dalhousie Rev. (Halifax), 1 (1921–1922) : 233–242 et A prophecy comes true ([Winnipeg, 1930]).
AN, MG 27, II, D7 ; MG 28, III 82, 50 ; MG 30, E299.— Manitoba Free Press, 15 janv. 1930.— A. [G.] Levine, The exchange : 100 years of trading grain in Winnipeg (Winnipeg, 1987).— C. F. Wilson, A century of Canadian grain : government policy to 1951 (Saskatoon, 1978).
Allan Levine, « MAGILL, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/magill_robert_15F.html.
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Auteur de l'article: | Allan Levine |
Titre de l'article: | MAGILL, ROBERT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |