SELWYN, ALFRED RICHARD CECIL, géologue et fonctionnaire, né le 26 juillet 1824 à Kilmington, Somerset, Angleterre, fils du révérend Townshend Selwyn et de Charlotte Sophia Murray ; en 1852, il épousa sa cousine Matilda Charlotte Selwyn (décédée en 1882), et ils eurent neuf enfants ; décédé le 19 octobre 1902 à Vancouver.

Alfred Richard Cecil Selwyn appartenait à une famille à l’aise ; son père était un des chanoines de la cathédrale de Gloucester et sa mère était la fille de l’évêque de St David. Il eut un précepteur puis fut envoyé en Suisse pour parfaire son éducation. Ce séjour à l’étranger aurait fixé l’intérêt de cet amant de la nature sur la géologie et affiné des talents d’alpiniste qui lui seraient utiles dans sa carrière.

Nommé le 1er avril 1845 géologue adjoint de l’équipe de terrain de la Geological Survey of Great Britain, Selwyn se joignit à un groupe de stratigraphes qui devaient déterminer les grandes lignes des structures géologiques du pays. Il bénéficia d’une formation intensive sur le terrain avec Andrew Crombie Ramsay, directeur régional de la commission. Les cartes que traça Selwyn des formations complexes datant du bas silurien, dans le nord du pays de Galles et dans l’ouest de l’Angleterre, furent reconnues comme des modèles de détails soignés ; Ramsay les loua comme « la perfection de la beauté ». Pour cette importante contribution, Selwyn fut promu géologue le 1er janvier 1848.

En juillet 1852, le ministère des Colonies nomma Selwyn géologue de la nouvelle colonie australienne de Victoria, puis directeur de sa commission géologique. Amplement qualifié pour analyser les couches siluriennes de la colonie, débordantes d’or et de fossiles, Selwyn commença les travaux en 1853. Il évalua aussi les bassins houillers et les gisements aurifères de la Tasmanie et de l’Australie-Méridionale.

Selwyn demeura à la commission géologique durant 16 ans. Il remplit aussi d’autres fonctions publiques importantes à Victoria à titre de membre de la Mining Commission, du Board of Science, du Board of Agriculture et des commissions des expositions tenues à Victoria (1861), Londres (1862), Dublin (1865) et Paris (1866). Selwyn démissionna de la commission en 1869, le Parlement ayant cessé de la subventionner à la suite d’un désaccord sur les objectifs premiers de l’organisme.

Avant de quitter l’Australie en mars 1869, Selwyn accepta l’offre de sir William Edmond Logan* de lui succéder à la direction de la Commission géologique du Canada. Ce n’était pas une sinécure, même pour un stratigraphe du calibre de Selwyn, de combler l’énorme fossé laissé par le départ de Logan, qui jouissait d’une fortune personnelle, d’un rang social, de sens politique et d’une réputation scientifique, tant au Canada qu’à l’étranger. La transformation de la commission en un organisme transcontinental et moderne ne pouvait qu’augmenter considérablement la complexité de sa tâche. La transition s’avéra encore plus difficile du fait que Selwyn était un nouveau venu parmi les membres de longue date de la commission qui convoitaient le poste de directeur laissé vacant par le départ à la retraite de Logan, et que certains étaient irrités de sa nomination, qui devint officielle le 1er décembre.

Le cheminement de carrière de Selwyn à la Commission géologique du Canada fut régi par ces changements de structure et cette difficulté à se faire accepter. Le premier défi officiel qu’il dut relever fut d’en apprendre suffisamment sur la géologie canadienne pour superviser la recherche détaillée effectuée par le personnel, ce qui ne fut pas une mince affaire avec l’entrée dans la Confédération du Manitoba et de la Colombie-Britannique peu de temps après son arrivée. Durant sa première saison en poste, soit en 1870, Selwyn étudia les Cantons-de-l’Est, dans la province de Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. En 1871, il traversa la Colombie-Britannique dans le but d’aider à définir le rôle de la commission dans la construction du futur chemin de fer canadien du Pacifique. L’année suivante, il étudia les formations précambriennes situées entre les lacs Supérieur et Winnipeg et, en 1873, les prairies entre Winnipeg et les montagnes Rocheuses. En 1875, en compagnie du botaniste John Macoun*, Selwyn retourna en Colombie-Britannique pour se pencher sur le tracé ferroviaire proposé pour franchir les Rocheuses, soit par le col de la rivière de la Paix. Il passa les années 1876 à 1879 dans les provinces centrales, où il étudia l’analyse de Logan sur le groupe de strates de la province de Québec, analyse que contestait l’ancien chimiste et minéralogiste de la commission, Thomas Sterry Hunt*. Le rapport de Selwyn constitue une tentative valable de systématiser ces formations archéennes en structures anticlinales au lieu de synclinales.

Durant le mandat de Selwyn, deux lois fédérales modifièrent les conditions d’existence de la Commission géologique du Canada. En 1872, on accrût le financement pour une période de cinq ans, puis en 1877, on adopta une loi qui fit de la commission une division du département de l’Intérieur, la soumettant ainsi de nouveau à l’incertitude du régime des subventions annuelles. La loi fixa de nouvelles responsabilités en histoire naturelle et en ethnologie à la commission et créa quatre directions adjointes, situation propice aux conflits d’autorité. Elle prévoyait aussi le transfert de la commission de Montréal à Ottawa. En 1881, ce transfert était chose faite, mais Selwyn dut se battre pour obtenir des installations adéquates. Le personnel de la commission devait aussi être intégré à la fonction publique, mesure appliquée en 1883. En 1890, cependant, une loi rendit à la commission son statut d’organisme indépendant (quoique sous la supervision du ministre de l’Intérieur), spécifia les exigences relatives aux compétences du personnel et ordonna la collecte de statistiques sur la production minérale du Canada.

Pendant que le personnel procédait à l’étude des régions géologiques, Selwyn changea l’orientation des travaux, passant de la reconnaissance large aux détails de la cartographie à petite échelle de régions caractéristiques. Au cours de ce processus, il normalisa les légendes et les couleurs utilisées dans les cartes géologiques canadiennes en 1881. Selwyn fut membre du comité organisateur du Congrès international de géologie en 1878, et il commença en 1889 à élaborer une nomenclature et une cartographie communes avec la United States Geological Survey. Au cours des années 1880, il engagea du personnel mieux qualifié pour procéder aux tâches de plus en plus spécialisées qui étaient confiées à la commission. Ce personnel comprenait des ingénieurs civils et miniers pour dresser les cartes de base et mettre sur pied une section des mines, un botaniste (Macoun), un zoologiste et un taxidermiste pour mener les études d’histoire naturelle.

Outre ses nombreuses responsabilités scientifiques et administratives, Selwyn assuma également celles d’organiser à l’étranger la participation du Canada aux expositions internationales de Philadelphie (1876), de Paris (1878), de Londres (1886) et de Chicago (1893). Ses efforts lui valurent un doctorat en droit du McGill College en 1881 et le titre de compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges en 1886. Quand la ville de Montréal fut l’hôte de la British Association for the Advancement of Science en 1884, Selwyn dirigea un voyage d’étude de terrain en Colombie-Britannique. Le fait qu’il ait désigné George Mercer Dawson comme directeur suppléant durant ces absences suscitait du ressentiment chez Robert Bell* et d’autres, dont certains avaient eu à souffrir des injustices inévitables engendrées par les nombreuses transitions que venait de connaître la Commission géologique. Même les qualités et l’expérience personnelles de Selwyn contribuaient à ces difficultés : ses fermes convictions étaient combinées à une « humeur prompte », tandis que son sens de la discipline et de l’ordre trouvaient leur expression dans une attitude austère et officielle qui commandait la déférence sans qu’on puisse compter sur bien des louanges. En 1884, les audiences d’un comité spécial de la Chambre des communes sur la Commission géologique du Canada rendirent publique la forte animosité que l’on éprouvait à l’égard de Selwyn. L’enquête ne permit pas de résoudre grand-chose et l’amertume persista. Les circonstances qui entourèrent le départ de Selwyn en 1895 furent embarrassantes : il fut mis à la retraite durant un congé en Angleterre et informé à son retour qu’il avait été remplacé par Dawson. L’année suivante, Selwyn présida la Société royale du Canada, couronnant sa carrière scientifique par une importante allocution sur l’origine et l’évolution des roches archéennes.

Alfred Richard Cecil Selwyn appartenait à une génération de stratigraphes formés en Grande-Bretagne qui contribuèrent largement à la géologie de l’Empire au xixe siècle. Même s’il insista à la fois sur les aspects économiques de la science et sur la solution de ses problèmes structuraux complexes, il réussit beaucoup moins que Logan ou Dawson à convaincre le public du lien important qui existait entre ces activités géologiques.

Suzanne Zeller

Une liste des publications d’Alfred Richard Cecil Selwyn figure dans Science & technology biblio. (Richardson et MacDonald) ; on trouve aussi une bibliographie de ses ouvrages jusqu’en 1894 dans SRC Trans., 1re sér., 12 (1894), proc. : 70s. Les écrits suivants sont particulièrement dignes de mention : Notes and observations on the gold fields of Quebec and Nova Scotia (Halifax, 1872) ; « Notes on a journey through the North-West Territory, from Manitoba to Rocky Mountain House », Canadian Naturalist (Montréal), nouv. sér., 7 (1875) : 193–216 ; « The stratigraphy of the Quebec group and the older crystalline rocks of Canada », Canadian Naturalist, nouv. sér., 9 (1881) : 17–31 ; et « Presidential address : on the origin and evolution of Archaean rocks, with remarks and opinions on other geological subjects ; being the result of personal work in both hemispheres from 1845 to 1895 », SRC Trans., 2e sér., 2 (1896), proc. : lxxviii–xcix.

Commission géologique du Canada (Ottawa), Directors’ letter-books.— ADB, 6.— Dictionary of scientific biography, C. G. Gillispie et al., édit. (14 vol., New York, 1970–1976).— DNB.— Commission géologique du Canada, Report of progress (Ottawa ; Montréal), 1870–1884, paru par la suite sous le titre Annual report (Montréal ; Ottawa), nouv. sér., 1 (1885)–8 (1895).— R. A. Stafford, Scientist of empire : Sir Roderick Murchison, scientific exploration and Victorian imperialism (Cambridge, Angleterre, et New York, 1989).— Zaslow, Reading the rocks.

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Suzanne Zeller, « SELWYN, ALFRED RICHARD CECIL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/selwyn_alfred_richard_cecil_13F.html.

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Auteur de l'article:    Suzanne Zeller
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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