CAMPBELL, JOHN, officier et agent des Affaires indiennes, né vers 1731 à Glendaruel (Strathclyde, Écosse), décédé le 23 juin 1795 à Montréal.

John Campbell se lança jeune dans la carrière des armes, en entrant au 43e (plus tard le 42e) d’infanterie en 1744. Promu lieutenant le 16 mai 1748, il suivit son régiment en Amérique du Nord en 1756 et, deux ans plus tard, fut blessé au cours de l’attaque d’Abercromby contre le fort Carillon (Ticonderoga, New York). En mars 1762, Campbell, alors capitaine, obtint un poste par permutation dans le 27e d’infanterie, avec lequel il servit au siège de La Havane, à Cuba. À partir de l’automne de 1763, son régiment fut en garnison à Trois-Rivières et, cette même année, Campbell épousa Marie-Anne, fille de Luc de La Corne, lequel avait joué un rôle important dans les relations franco-indiennes au cours de la guerre de Sept Ans. L’influence qu’avait conservée son beau-père fut peut-être l’un des facteurs qui expliquent ses nominations subséquentes au département des Affaires indiennes.

En mars 1765, le gouverneur Murray, de Québec, qui avait reçu des instructions lui enjoignant de nommer « une ou des personnes convenables » pour traiter avec les Indiens, désigna Campbell « inspecteur des Affaires indiennes ». Mais une querelle de juridiction s’éleva quand sir William Johnson, surintendant des Affaires des Indiens du Nord, fit remarquer que Christian Daniel Claus agissait déjà à titre d’agent adjoint auprès des Indiens du Canada. On soumit la question au gouvernement britannique, et le point de vue de Johnson l’emporta, semble-t-il, puisque Campbell dut par la suite présenter une requête pour obtenir la place à laquelle il avait été nommé. À la fin de 1766, Campbell se trouva mêlé à l’affaire Thomas Walker ; il fut accusé d’être l’un des assaillants du magistrat. Emprisonné, on le libéra ensuite lorsqu’on abandonna les accusations contre la plupart des inculpés.

Le 27e d’infanterie quitta Québec pour l’Irlande en août 1767 ; quatre ans plus tard, ne voyant pas le jour où il aurait de l’avancement, Campbell obtint par permutation un poste à la demi-solde. Il continua de chercher à obtenir un poste au département des Affaires indiennes et, en septembre 1772, le duc d’Argyll appuya sa requête en vue d’obtenir celui de surintendant des Affaires indiennes de la province de Québec. Grâce à l’influence du gouverneur Guy Carleton*, Campbell fut nommé à ce poste le 3 juillet 1773. Sa nomination s’inscrivait dans le cadre de la campagne menée par Carleton pour réduire l’influence de la famille Johnson au sein du département. L’arrivée de Campbell à Montréal, en septembre 1775, pour y réclamer le poste de surintendant, signifiait le déplacement de Claus, qui en fut fort offensé. En novembre, Claus se joignit à Guy Johnson, à Joseph Brant [Thayendanegea*] et à quelques autres, et partit pour l’Angleterre, où il espérait obtenir un dédommagement du gouvernement de la métropole. Demeuré à Montréal, Campbell lutta activement contre l’invasion américaine ; en septembre, il commanda une sortie au cours de laquelle on s’empara d’Ethan Allen et d’une partie de ses troupes. Plus tard, il fut fait prisonnier et dut attendre jusqu’à la fin de 1776 sa libération et la permission de se rendre à New York.

L’année suivante, Campbell se vit confier la responsabilité des Indiens de l’Ouest au sein de l’expédition de Burgoyne, bien que cette fonction ne comportât aucune tâche proprement militaire. Selon Burgoyne, ni Campbell ni son adjoint, Alexander Fraser, ne parlaient quelque langue indienne ; cette lacune explique en partie qu’ils n’eussent été « d’aucun poids » dans les conseils indiens. La majorité des Indiens quittèrent l’armée en août, et Campbell, ou bien les accompagna, ou bien fut vite échangé après la capitulation de l’armée en octobre 1777, puisqu’il se trouvait à Montréal en juillet 1778. Cette année-là, les pressions exercées par le groupe Johnson, combinées au remplacement de Carleton par Haldimand, plus favorable que son prédécesseur aux Johnson, provoquèrent une remontée des intérêts de ces derniers. En octobre, Claus fut nommé agent adjoint auprès des Six-Nations, peut-être à cause de l’échec de Campbell, qui n’avait pas su garder les Indiens dans l’expédition de Burgoyne, et peut-être aussi à cause de la facilité avec laquelle Claus parlait plusieurs langues de la famille iroquoise ; les responsabilités de Campbell se trouvèrent ainsi réduites jusqu’à un certain point. Mais Haldimand semblait l’avoir en amitié et Guy Johnson, à ce moment-là, était préoccupé par ses propres difficultés, de sorte que Campbell ne fut pas renvoyé comme Claus l’avait été.

À titre de « commandant des Indiens et de surintendant et inspecteur des Affaires indiennes », Campbell était responsable de tous les Indiens du Canada, à l’exclusion des Six-Nations. Par suite du caractère largement militaire de son travail pendant la Révolution américaine, Campbell faisait rapport directement à Haldimand, bien qu’il fût censé tenir le groupe Johnson au fait de ses activités. Ses ordres lui enjoignaient d’envoyer des Indiens en éclaireurs dans le territoire des rebelles et de les charger d’y exécuter des raids, de faire parvenir des marchandises de traite et des présents dans les postes des pays d’en haut et d’équiper et d’approvisionner les Indiens au service du gouvernement. En outre, il participa aux conseils du gouvernement avec les Indiens, en particulier pendant la dernière phase de la révolution, alors que quelques-unes des Six-Nations se préparaient à entrer au Canada. Campbell travailla bien avec Haldimand, à ce qu’il semble, même si, comme d’autres fonctionnaires du département, il encourut les critiques du gouverneur concernant les grandes dépenses de ce service. À la fin de 1782, sir John Johnson* fut nommé surintendant général des Affaires indiennes ; Campbell se trouva alors sous sa juridiction.

Les problèmes relatifs à une définition exacte des fonctions de Campbell furent, à l’occasion, causes de difficultés. Dès le printemps de 1774, il pétitionna en vue d’obtenir le grade de lieutenant-colonel dans l’armée et renouvela à plusieurs reprises cette requête. Deux fois, en 1779, il réclama aussi le commandement de la garnison de Montréal en l’absence de l’officier supérieur. Inflexible, Haldimand, avec l’appui du gouvernement britannique, rejeta toutes les requêtes que Campbell fit du temps de son gouvernement. L’examen de la correspondance révèle que les titres de major et de lieutenant-colonel, donnés à Campbell respectivement en 1773 et 1777, étaient de pure courtoisie, puisque son poste était civil et non militaire. Dès lors, et même si l’Army list le mentionnait comme détenant un grade temporaire en Amérique, on ne lui accorda ni le grade ni la solde d’un officier. À la fin de la guerre, il se vit retirer son grade de colonel, donné par courtoisie en 1782, et rétrograder à celui de lieutenant-colonel. Il s’adressa au gouvernement britannique pour être réintégré au grade de colonel, mais il n’obtint pas satisfaction avant 1790. En 1792, il tenta une autre fois de faire valoir son autorité en réclamant le commandement du département en l’absence de sir John Johnson. Le lieutenant-gouverneur Alured Clarke* ne fut pas plus secourable que Haldimand : il répondit que la nomination de Campbell valait pour le Bas-Canada seulement et ne lui permettait pas de prétendre au commandement de tout le département. La frustration de Campbell de ne point voir ses services au sein du département des Affaires indiennes convenablement reconnus sur le plan militaire se trouvait au centre du problème créé par la situation ambiguë du département au sein du gouvernement ; le statut de ce département ne sera finalement fixé qu’en 1830.

Campbell semble s’être acquitté des affaires du département d’une façon responsable, mais, à une occasion au moins, il eut à faire face au mécontentement de lord Dorchester [Carleton]. Au début des années 1790, la situation devint délicate quand le gouvernement britannique se mêla à la querelle entre Américains et Indiens au sujet de la région de l’Ohio. Au début de 1794, après la publication dans la presse américaine de l’un de ses discours à un conseil indien, Dorchester ordonna à Campbell de découvrir comment on en avait obtenu le texte et accusa le département des Affaires indiennes du Bas-Canada d’être « détraqué ». Campbell, dans son rapport, répondit ne pas savoir comment le discours avait été obtenu et éluda la seconde question en tentant d’expliquer plutôt ce qu’était la « situation détraquée » des Indiens du Bas-Canada. Un an plus tard, la mort venait mettre fin à sa carrière.

Il est difficile d’évaluer la carrière de Campbell. Certains auteurs ont vu en lui un incompétent cupide, version xviiie siècle du futur aventurier politique américain qui apparut après la guerre de Sécession. Mais ce jugement est probablement injuste ; ses difficultés furent autant le résultat des bouleversements que connut le département des Affaires indiennes au cours de la Révolution américaine que de ses propres déficiences.

Douglas Leighton

APC, MG 19, F1, 23 ; MG 23, Al, sér. 1, 8, ff.2 285, 2 287. BL, Add. mss 21 771–21 773 ; 21 873, ff.146–147v. ; 21 882, f.10.— APC Report, 1888, note A.— Johnson papers (Sullivan et al.),VIII : 1 103, 1 109 ; XII : 114, 691, 698. State papers, APC Report, 1891, 27, 65s., 105. State papers – Lower Canada, APC Report, 1890, 76, 89, 111s.— La Gazette de Québec, 2 juill. 1795, 18 mars 1813. APC, Preliminary inventory, Record Group 10 : Indian affairs (Ottawa, 1951), iii. G.-B., WO, Army list, 1758–1795. Graymont, Iroquois, 81, 148, 150–155, 175. R. S. Allen, The British Indian department and the frontier in North America, 1755–1830, Lieux historiques canadiens : cahiers d’archéologie et d’histoire (Ottawa), no 14 (1975) : 5–125.

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Douglas Leighton, « CAMPBELL, JOHN (mort en 1795) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/campbell_john_1731_1795_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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