TANAGHRISSON (Deanaghrison, Johonerissa, Tanacharison, Tanahisson, Thanayieson, et son titre, le demi-roi), Tsonnontouan, chef de file des Iroquois établis dans la partie supérieure de la rivière Ohio depuis 1748 environ, décédé le 4 octobre 1754 à Harris’s Ferry (Harrisburg, Penn.).

On connaît peu de chose des premières années de Tanaghrisson. Gaspard-Joseph Chaussegros* de Léry, fils, a écrit qu’il appartenait aux Têtes-Plates (Catawbas) de par sa naissance mais que les Tsonnontouans s’en étaient emparés quand il était encore jeune et l’avaient adopté ; selon Chabert de Joncaire, il venait du lac des Deux-Montagnes et il « etoit cy devant portez pour les françois, mais apresent il est plus qu’Anglois ». Son importance particulière réside dans le rôle qu’il joua dans les événements qui furent à l’origine des hostilités entre les Anglais et les Français en 1754.

La percée effectuée par des commerçants anglais, tel George Croghan, dans la région qui s’étend entre l’Ohio supérieur et les Grands Lacs, aux environs de 1745, entraîna un changement d’attitude chez certaines tribus indiennes de la région. À la suite de la défection du chef huron Orontony, qui avait déserté les rangs de l’alliance française, des bandes appartenant à sa tribu et à celle des Miamis quittèrent les rives des Grands Lacs pour aller s’établir sur les affluents de l’Ohio. Tanaghrisson est mentionné pour la première fois dans les documents en 1747, alors que son nom (écrit Tanareeco) apparaît avec ceux de cinq autres signataires au bas d’une lettre écrite de la main de Croghan et dans laquelle il est fait état d’un traité entre Mingos et Chaouanons alliés des Anglais et la « nation des Inomey [Miamis] ». Un des autres signataires « mingos », Scarroyady, un Onneiout qui s’occupait des rapports entre les Iroquois et les Chaouanons, était le plus proche collaborateur de Tanaghrisson.

Le conseil iroquois à Onondaga (près de Syracuse, N. Y.) considérait que les bandes de Mingos établis dans la région de l’Ohio étaient des guerriers qui n’avaient pas l’autorité voulue pour tenir des conseils en règle ; ils n’avaient pas de feu du conseil reconnu et pas d’orateur désigné (ou « roi » selon l’usage d’alors). Néanmoins, les intérêts commerciaux de la Pennsylvanie et de la Virginie, et, particulièrement dans le cas de la Virginie, le désir d’obtenir des terres de colonisation, firent qu’il était plus avantageux pour ces colonies de négocier directement avec les Indiens de la région de l’Ohio plutôt qu’avec le conseil d’Onondaga. En avril 1748, Croghan, au nom de la Pennsylvanie, offrit des présents en marchandises aux Indiens de la région de l’Ohio et, en septembre, Johann Conrad Weiser, agent auprès des Indiens, leur fit des dons encore plus considérables auxquels la Virginie avait également contribué. Il semble que cette dernière circonstance ait décidé du choix de Logstown (Ambridge, Penn.) comme un des sièges du conseil ; à l’occasion de cette même rencontre, Tanaghrisson est identifié comme « le demi-roi ». Il est à présumer que ce titre, manifestement d’origine anglaise, définit le rôle de son détenteur comme étant celui de porte-parole des Iroquois établis sur les bords de l’Ohio (l’expression « demi-roi », équivalent français de half King, n’apparaît que dans les traductions). Lors de cette réunion, Tanaghrisson et ses collaborateurs, à titre de « nouveaux commençants » en matière de conseil, demandèrent une provision de porcelaine (wampum), chose essentielle à la validité d’un traité indien. Tanaghrisson fit fonction de porte-parole lors de la conférence tenue à Logstown par Croghan, en mai 1751, et lors d’une autre, en juin 1752, au moment où la Virginie chercha à faire ratifier une cession de terres.

L’occupation militaire de la région de l’Ohio supérieur par les Français, à partir de 1753, marqua le début d’une époque troublée qui porta la carrière de Tanaghrisson à son point culminant. Convaincu que l’amitié et la protection des Anglais étaient de nature à procurer de plus grands avantages aux Indiens de l’Ohio, il chercha à unir les tribus pour faire opposition à la présence française. Cependant, tous ne partageaient pas ses vues, et l’appui qu’il avait d’abord reçu commença à s’effriter sous l’action énergique des Français. Les Indiens présentèrent trois protestations formelles : une, assez bénigne, de la part des Loups (Delawares), une autre par Scarroyady au nom des Chaouanons et, finalement, une dernière, signifiée par Tanaghrisson lui-même le 3 septembre, exigeant le retrait des Français ; elle fut rejetée par le commandant français, Paul Marin de La Malgue. En même temps que Tanaghrisson accomplissait sa mission, Scarroyady dirigea une délégation d’Iroquois, de Loups, de Chaouanons, de Hurons et de Miamis à Winchester, pour répondre à une invitation de la Virginie, puis à Carlisle en Pennsylvanie, afin d’y chercher des appuis. Lors de ces rencontres, Tanaghrisson et Scarroyady mirent l’accent sur le fait qu’ils n’agissaient pas au nom du conseil Iroquois mais au nom des guerriers de la région de l’Ohio.

Tanaghrisson conseilla aux trafiquants anglais de quitter la région de l’Ohio. Néanmoins, enhardis peut-être par la mort de Marin, lui-même et deux autres chefs, Jeskakake et Kaghswaghtaniunt, accompagnèrent le major George Washington lors d’une expédition au fort de la rivière au Bœuf (Waterford, Penn.) dans le but de sommer, de la part de la Virginie, les Français de partir. Ayant essuyé une nouvelle rebuffade, Tanaghrisson retourna à Logstown le 15 janvier 1754 escorté par un détachement français sous les ordres de Michel Maray de La Chauvignerie qui établit un poste temporaire dans le voisinage.

Au cours du mois suivant, Tanaghrisson se joignit à des habitants de la Virginie pour élever un fort sur l’emplacement de Pittsburgh en Pennsylvanie et leur apporta son aide jusqu’à ce qu’ils capitulent devant Claude-Pierre Pécaudy* de Contrecœur, le 18 avril ; ce dernier commença alors au même endroit la construction du fort Duquesne. Un détachement de la Virginie sous les ordres de Washington fut dépêché afin de réaffirmer l’autorité anglaise sur la région. En cours de route, Tanaghrisson se joignit aux troupes et, le 28 mai, il participa à l’attaque d’un groupe de Français près de l’endroit où est situé présentement Jumonville, Penn. Le commandant des Français, Joseph Coulon de Villiers de Jumonville, fut tué, présumément par Tanaghrisson lui-même. Washington se retira à quelques milles de là, à Great Meadows (près de Farmington, Penn.) et éleva en toute hâte le fort Necessity en prévision de représailles de la part des Français. Le 1er juin, Tanaghrisson et 80 à 100 Mingos allèrent se joindre à Washington mais se retirèrent avant que celui-ci ne capitule, le 4 juillet, aux mains des Français qui l’assiégeaient. Les Indiens se rendirent d’abord à l’endroit qui deviendra Cumberland, Maryland, puis à Aughwick (Shirleysburg, Penn.) où Croghan avait un comptoir de traite.

Tanaghrisson y convoqua les chefs des Loups et des Chaouanons puis il continua jusqu’au poste de John Harris d’où il revint en compagnie de Conrad Weiser pour tenir conseil à Aughwick, du 4 au 6 septembre, dans le but de rallier les Loups et les Chaouanons aux intérêts anglais. La tentative échoua : ces Indiens ne pouvaient pas quitter la région de l’Ohio où la Pennsylvanie était incapable de leur assurer protection. La plupart des réfugiés iroquois demeurèrent à Aughwick. Vers la fin du mois, cependant, le demi-roi et sa famille, dont l’état de santé laissait à désirer, furent amenés au poste de Harris par Scarroyady ; il y mourut le 4 octobre.

La Virginie et la Pennsylvanie reconnurent promptement Scarroyady comme le nouveau demi-roi mais les voyages qu’il fit à New York pour tenter d’obtenir l’aide de sir William Johnson*, surintendant aux affaires des Indiens du Nord, laissèrent en suspens la question de la direction du groupe ; cette question était encore en litige en janvier 1756.

Le fait que Tanaghrisson et Scarroyady soient tous deux appelés demi-roi dans les documents a contribué à définir la portée du titre mais n’a pas été sans créer une certaine ambiguïté ; on a souvent confondu Tanaghrisson avec son adjoint et successeur, qui mourut à Lancaster, Pennsylvanie, en juin 1757. On connaît peu de chose de la famille de Tanaghrisson. « Gahickdodon, le fils du demi-roi », assista à Carlisle à des négociations en vue d’un traité, en janvier 1756. Deux filles – l’une était l’épouse indienne du commerçant John Owen – demeurèrent pour un temps à Aughwick où on avait bâti le fort Shirley, puis elles partirent en juillet 1756 avec un soldat de la garnison. La même année, une bru, répondant au prénom de Nancy, vivait dans la partie supérieure de la rivière Susquehanna.

William A. Hunter

ASQ, Fonds Verreau, 5, n° 60, liasse A (papiers Marin).— Christopher Gists journals [...], W. M. Darlington, édit. (Pittsburgh, Penn., 1893), 80–87.— The diaries of George Washington, 1748–1799, J. C. Fitzpatrick, édit. (4 vol., Boston, New York, 1925), I.— History of Colonel Henry Bouquet and the western frontiers of Pennsylvania, 1747–1764, M. C. Darlington, édit. (s.l., 1920), 41–47.— The history of an expedition against Fort Du Quesne in 1755, under Major-General Edward Braddock [...], Winthrop Sargent, édit. (Philadelphie, 1855), 378.— Journal de Joseph-Gaspard Chaussegros de Léry, lieutenant des troupes, 1754–1755, RAPQ, 1927–1928, 355–429.— Minutes of the council of Pennsylvania, V-VII.— Papiers Contrecœur (Grenier).— Pennsylvania archives, 1re sér., I-II.— The treaty of Logg’s Town, 1752, Virginia Magazine of History and Biography (Richmond), XIII (1905–1906) : 143–174.— The writings of George Washington from the original manuscript sources, 1745–1799, J. C. Fitzpatrick, édit. (39 vol., Washington, [1931–1944]), I : 40–80.

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William A. Hunter, « TANAGHRISSON (Deanaghrison, Johonerissa, Tanacharison, Tanahisson, Thanayieson) (le demi-roi) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/tanaghrisson_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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