Après l’échec des rébellions, George-Étienne Cartier adopte une autre stratégie :
Cartier semble avoir rapidement accepté l’idée que la résistance armée à l’autorité [britannique] était inutile et qu’il valait mieux chercher à opérer des réformes constitutionnelles.
Avec la fin des rébellions et le relatif retour au calme, d’autres acteurs du mouvement patriote remettent leurs idéologies politiques en question. À l’instar de Cartier, le médecin et homme politique Étienne-Paschal Taché :
[…] est donc un patriote qui, avec l’Union [de 1840–1841], se transforme en homme du compromis […] Il croit alors à une alliance avec les réformistes haut-canadiens et à la possibilité de tirer avantage de l’union des Canadas. À cette fin, il s’engage dans la vie publique.
Cartier adopte peu à peu la voie réformiste en affirmant publiquement son attachement :
[…] aux institutions britanniques qui avec la responsabilité ministérielle lui semblaient faire triompher suffisamment une démocratie que tempérait l’existence d’une chambre haute non élective.
Plus encore, ces conditions prémunissent selon lui les Canadiens de leurs voisins du sud. En effet :
Cartier eut toute sa vie une crainte presque morbide des États-Unis et il fut toujours profondément opposé à leurs institutions républicaines.
L’objectif politique prioritaire de Cartier consiste alors à faire en sorte que les Canadiens français s’épanouissent dans le régime de l’Union (1840–1867). Pour ce faire, Cartier se rapproche de son nouveau mentor en politique, Louis-Hippolyte La Fontaine, chef réformiste du Canada-Est (Bas-Canada, Québec actuel) :
Tout en exerçant sa profession, Cartier continua à s’intéresser aux affaires publiques […] En politique, il accepta l’Union, devint un partisan de Louis-Hippolyte La Fontaine* et réclama l’application du principe de la responsabilité ministérielle. Au lendemain de la formation du premier ministère de La Fontaine et de Robert Baldwin*, Cartier écrivit à La Fontaine, le 18 septembre 1842, pour le féliciter et lui faire part de son enthousiasme : « Votre nomination a électrisé nos cœurs et nos esprits. »
Son implication active va grandissante :
En 1844, lorsque le ministère La Fontaine-Baldwin démissionna à la suite du refus du gouverneur sir Charles Theophilus Metcalfe* d’accepter ses recommandations, Cartier fit campagne en faveur de la responsabilité ministérielle dans les élections générales qui suivirent.
Fin stratège politique et organisateur reconnu, Cartier fait désormais partie de la garde rapprochée de La Fontaine. Cet extrait de la biographie de ce dernier montre de plus dans quel climat de tension et de violence peuvent se dérouler les élections au xixe siècle :
[La Fontaine] savait comment se gagnaient les élections. Étant dans l’opposition, il avait mis sur pied un réseau d’agents qui, dans chaque comté, pouvait à tout moment le tenir au courant des opinions, des préjugés, des besoins et des désirs de la population. En période électorale, ces agents se transformaient facilement en orateurs et en candidats. Durant les premiers mois de 1844, il pria Hincks de venir s’installer à Montréal pour coordonner les opérations. Avec l’aide d’organisateurs comme Joseph-Édouard Cauchon pour la région de Québec et George-Étienne Cartier* à Montréal, le réformiste haut-canadien monta une équipe toujours prête, durant les bagarres et les émeutes, à acclamer les « bons » candidats, à investir les bureaux de votation et à assommer les adversaires. L’équipe fit ses preuves lors d’une élection partielle à Montréal en avril 1844, et, plus tard, durant les élections générales de 1844 et de 1847–1848. Composée de Canadiens français et d’Irlandais, cette équipe donna aux luttes électorales une atmosphère de champ de bataille, surtout à Montréal où les tories avaient précédemment remporté leurs plus belles victoires.
Quelques années plus tard, c’est au tour de Cartier de briguer les suffrages, étape primordiale pour son ascension vers le pouvoir :
Après avoir repoussé quelques offres de candidature parce qu’il ne se sentait pas suffisamment établi dans sa profession, il accepta finalement de se présenter contre Amable Marion à une élection partielle dans Verchères ; il fut élu, le 7 avril 1848, député à l’Assemblée législative du Canada-Uni. C’est alors que commença sa véritable carrière politique, ininterrompue jusqu’à sa mort.
Pour en savoir davantage sur des personnages impliqués dans le courant politique réformiste au Canada-Uni entre 1839 et 1848, nous vous invitons à consulter les biographies suivantes.