VINCENT, ZACHARIE (Telari-o-lin), peintre, dessinateur et chef huron (huron-wendat), né le 28 janvier 1815, au Village-des-Hurons (Wendake), Bas-Canada, fils de Gabriel Vincent et de Marie Otis (Otisse, Otesse, Hôtesse) ; le 14 août 1848, il épousa à Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette (Loretteville, Québec) une Iroquoise (Haudenosaunee), Marie Falardeau (Falardau), veuve d’Édouard-Sébastien Falardeau, et ils eurent trois fils et une fille ; décédé le 9 octobre 1886, à Québec.

Le sens du nom huron de l’artiste autochtone Zacharie Vincent, Telari-o-lin, reste incertain ; longtemps traduit par « non divisé » ou « sans mélange », ce nom, dont la graphie varie selon les sources, pourrait être dérivé du terme mohawk Tekarioken, qui signifie « parole qui divise en deux en sortant de la bouche ». On s’accorde cependant pour décrire Vincent comme un artiste particulièrement doué, et comme un acteur majeur de la préservation et du rayonnement de la culture huronne. Le jeune Zacharie grandit en effet dans une famille soucieuse de la transmission de la culture traditionnelle. On disait de son père, Gabriel Vincent, qui portait le nom de Ouenouadahronhé, qu’il était « le seul à avoir conservé les coutumes et à avoir élevé sa famille dans la langue de ses ancêtres, alors que les plus jeunes habitants du village ne parlaient que le français. »

La volonté de Zacharie Vincent de perpétuer à son tour le mode de vie traditionnel, combinée à l’intérêt qu’il suscita chez certains de ses contemporains issus des milieux artistique et littéraire, contribua à ce qu’il soit désigné, au xixe siècle, comme le « dernier des Hurons ». L’année 1838 marqua un point tournant dans le parcours de Vincent, alors âgé de 23 ans. Cette année-là, le peintre Antoine Plamondon*, originaire d’Ancienne-Lorette, réalisa un portrait en pied de Vincent intitulé le Dernier des Hurons, œuvre qui lui valut, en 1838, une médaille de la Société littéraire et historique de Québec. Ce tableau, acquis par lord Durham [Lambton*] et envoyé à Londres en 1840, est conservé au musée des beaux-arts du Canada à Ottawa. Il inspira à François-Xavier Garneau* le poème le Dernier Huron : « Triomphe, destinée / Enfin, ton heure arrive / Ô peuple, tu ne seras plus. » Le poète trouvait dans ce portrait « l’expression d’une résignation contemplative ». L’intérêt que suscitait le thème de l’extinction imminente de la culture huronne n’était pas sans rapport avec la disparition anticipée des francophones en Amérique du Nord à cette époque. « Puissions-nous élever quelques monuments de nous-mêmes avant d’être engloutis dans le flot de l’immigration », de dire un journaliste à la vue du tableau de Plamondon. En 1840, Henry Daniel Thielcke* peignit une toile conservée au musée du château Ramezay, à Montréal montrant Vincent coiffé d’un « couvre-chef de sa propre manufacture » qui le distingue des autres notables hurons, dont la plupart portent le haut-de-forme en peau de castor emprunté aux colons, et qui symbolise « le souvenir historique de la race » selon l’abbé Lionel Lindsay.

La toile de Plamondon influença Vincent qui se mit à peindre des autoportraits afin de s’approprier son image et de préserver le souvenir de la Huronie. Selon l’historiographie traditionnelle, la formation du peintre huron se serait limitée à quelques conseils artistiques reçus de Plamondon. Trois dominantes se retrouvent dans son œuvre : des autoportraits où il se représente vêtu d’un habit traditionnel, des dessins témoignant des activités traditionnelles de son peuple, et des paysages de la Jeune-Lorette. Plusieurs de ses toiles se trouvent au musée national des beaux-arts du Québec et au musée du château Ramezay. D’après un auteur de l’époque, Vincent aurait fait plus de 600 dessins et peintures, et il en aurait vendu plusieurs, dont certains à d’illustres personnages tels lord Elgin [Bruce*], Charles Stanley Monck* et la princesse Louise* Caroline Alberta, en plus de lord Durham. En outre, la tradition rapporte que l’artiste aurait taillé de petites sculptures pour l’église Notre-Dame-de-Lorette, au Village-des-Hurons, lesquelles auraient disparu lors de l’incendie qui ravagea l’église en 1959. Artiste prolifique, Vincent s’impliqua aussi dans sa communauté ; il occupa les fonctions de chef de guerre à partir de 1845 puis de chef du conseil jusqu’en 1879, avant de s’installer à Caughnawaga (Kahnawake, Québec).

Zacharie Vincent a voulu préserver, à travers son art, une image traditionnelle et authentique des Hurons tout en empruntant des éléments de la civilisation européenne, reflet du métissage des cultures qui s’opérait. Ce faisant, il tenta de renverser l’image romantique et nostalgique associée, au xixe siècle, aux cultures autochtones. Son œuvre, naïve certes, est intéressante par l’intensité et la sincérité qui s’en dégagent et elle répond à son désir de capter le visage d’une Amérique huronne qui semblait disparaître.

Équipe du DBC/DCB

Aucune des sculptures de Zacharie Vincent ne nous est connue. Quelques-uns de ses tableaux sont exposés au musée du château Ramezay (Montréal) et au musée national des beaux-arts du Québec (Québec) ; il s’agit d’autoportraits, de portraits, de paysages et de scènes de la vie huronne.

AC, Québec, État civil, Catholiques, Saint-Roch (Québec), 14 oct. 1886.— AP, Saint-Ambroise (Loretteville), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 15 févr. 1808, 28 janv. 1815, 23 nov. 1848, 20 juill. 1850, 3 juin 1852, 1er mai 1854.— IBC, Centre de documentation, Fonds Morisset, 2, V775.5/Z16.— F.-X. Garneau, « Le dernier Huron », Le répertoire national ou recueil de littérature canadienne, James Huston, compil. (4 vol., Montréal, 1848–1850), IV : 172–175.— Le Canadien, 12 août 1840.— Le Journal de Québec, 21 déc. 1878.— Le Populaire (Montréal), 14 mai 1838.— Star and Commercial Advertiser (Québec), 8 avril 1829.— Mariages de Loretteville (St-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette), 1761–1969, Village des Hurons (Notre-Dame-de-Lorette), 1904–1969, G.-E. Provencher, compil. (Québec, 1970).— Harper, La peinture au Canada.— L.-S.-G. Lindsay, Notre-Dame de la Jeune-Lorette en la Nouvelle-France, étude historique (Montréal, 1900).— Gérard Morisset, La peinture traditionnelle au Canada français (Ottawa, 1960).— Monique Duval, « Petit musée de la Huronnie à Loretteville », Le Soleil (Québec), 23 août 1972 : 20.

Bibliographie de la version modifiée :
Louise Vigneault, « Zacharie Vincent : dernier Huron et premier artiste autochtone de tradition occidentale », Mens (Montréal), 6 (2006) : 239–261 ; Zacharie Vincent : une autohistoire artistique (Wendake, Québec, 2016).

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Équipe du DBC/DCB, « VINCENT, ZACHARIE (Telari-o-lin) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/vincent_zacharie_11F.html.

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Auteur de l'article:    Équipe du DBC/DCB
Titre de l'article:    VINCENT, ZACHARIE (Telari-o-lin)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    2023
Date de consultation:    20 nov. 2024