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Peggy (circa 1766–1827) compte parmi les centaines d’esclaves noirs qui vécurent dans le Haut-Canada. Tandis que Peggy et ses trois enfants étaient les esclaves de Peter Russell dans sa propriété et sa ferme à York, son mari, Pompadour, était un Noir libre. Quelques documents subsistants attestent du combat continuel de Peggy contre la servitude, y compris lorsqu’elle échappa temporairement à son propriétaire. Elle obtint sa liberté quelque temps après la mort de Russell. Après une vie d’esclavage, elle avait toutefois peu de ressources et connut la misère dans sa vieillesse.
Titre original :  Advertisement from the Upper Canada Gazette, February 1806.

Provenance : Lien

PEGGY, esclave noire, née vers 1766, probablement dans les Treize Colonies ; décédée après août 1827, vraisemblablement à York (Toronto).

Peggy était l’esclave de Peter Russell*, figure majeure du gouvernement du Haut-Canada. Celui-ci maintenait Peggy et ses enfants – son fils Jupiter et ses filles Amy et Milly – en servitude dans sa vaste propriété de York, à l’angle sud-ouest des rues Princess et Front. Russell vivait dans son domaine, nommé Russell Abbey, avec sa demi-sœur Elizabeth. Pompadour, le mari de Peggy et père de ses enfants, était un Noir libre. Les statuts juridiques différents d’homme libre pour Pompadour et d’esclaves pour Peggy et les enfants créèrent une situation familiale compliquée.

On ne sait pas comment Russell fit l’acquisition de Peggy, son fils et ses filles ; il les acheta probablement d’un colon loyaliste peu après son arrivée dans le Haut-Canada en 1792. La présence de Peggy dans la maison est mentionnée pour la première fois le 11 novembre 1800 dans le journal de Joseph Willcocks*, régisseur de la ferme et secrétaire particulier de Russell. Comme tous les autres documents subsistants la concernant, celui-ci ne fournit pas de nom de famille. Dans le système mondial de l’esclavage, l’utilisation du seul prénom visait à indiquer l’appartenance à un groupe ethnoculturel et l’état de servitude d’une personne.

Une vie de travail forcé

Peggy effectuait une série de tâches domestiques. Elle cuisinait, faisait la lessive, nettoyait, s’occupait d’autres corvées ménagères, et fabriquait du savon et des chandelles. Elle devait sans doute aussi entretenir les feux, laver la vaisselle et vider les pots de chambre, aidée probablement de ses jeunes filles. Peggy servait les Russell quotidiennement, ainsi que leurs invités de marque quand ils organisaient des dîners et des fêtes. Elle prodigua des soins traditionnels à au moins une occasion, lorsqu’une amie d’Elizabeth Russell se brûla dans un feu de cuisine ; Peggy lui appliqua un baume apaisant de sa confection, pansa sa blessure et lui servit du thé à la menthe préparé par ses soins.

Peggy devait également travailler sous la contrainte dans la ferme, nommée Petersfield, de son propriétaire. Située à proximité de Russell Abbey au nord-ouest, cette ferme de 100 acres, bordée par les rues Beverley et Huron, s’étendait vers le nord de la rue Queen Ouest à la rue Bloor. Dans les petites exploitations agricoles, les femmes noires asservies accomplissaient souvent une partie des tâches réalisées par leurs homologues masculins. Peggy aidait à soigner les vaches, les bœufs, les moutons et les chevaux. Elle participait aussi à la culture et à la récolte de produits comme le blé, l’avoine, l’orge et la fléole des prés, ainsi qu’à celles des fruits et des légumes, notamment les pommes de terre, les melons, les choux-fleurs, les choux, les panais, les carottes, les betteraves, les épinards et les framboises.

La résistance de Peggy

En 1801, le comportement de Peggy causa des soucis à son propriétaire. Avec l’aide de Matthew Elliott*, l’un des plus grands propriétaires d’esclaves du Haut-Canada [V. Nom inconnu*], Russell tenta de vendre Peggy au chef agnier Joseph Brant [Thayendanegea*], qui vivait sur le territoire des Six-Nations, à l’extrémité ouest du lac Ontario. Le 23 juin de la même année, Willcocks nota : « M. Elliot et moi souhaitions envoyer la Noire Peggy à la tête du lac, mais le batelier n’a pas voulu la transporter. » Plus tard au cours de l’été, on incarcéra Peggy à la prison de York durant quelques semaines ; le juge en chef, John Elmsley*, força Russell à payer dix livres pour couvrir les frais de sa détention et de sa libération. Le nom de Peggy ne figure dans aucun registre d’audience de l’époque, ce qui suggère que Russell usa de son pouvoir et de son influence pour la faire enfermer sans inculpation. Il tenta, en vain, de la vendre à Brant ou à Elliott pendant le reste de l’année.

Russell décrivit Peggy à Elliott comme une « fauteuse de troubles » et affirma qu’il pourrait la faire emprisonner de nouveau afin de la maîtriser parce que sa demi-sœur Elizabeth refusait de la laisser entrer dans la maison. Les Russell accusèrent Peggy de corrompre Jupiter, Amy et Milly, de leur donner le mauvais exemple en mentant, en volant et en se montrant irrespectueuse, oisive et insolente, et de tenir à ses enfants et aux habitants de la ville des propos malveillants à l’égard de la famille Russell.

Peggy manifesta sa volonté et exerça son autonomie dans les limites que lui imposait l’esclavage. En 1803, elle s’enfuit du domaine des Russell et de l’emprise de son propriétaire. Le 3 septembre, Russell publia un avis dans l’Upper Canada Gazette, dans lequel il intimait les résidents de la ville de ne pas aider Peggy au cours de sa fuite :

La servante noire PEGGY de l’abonné, n’ayant pas sa permission de s’absenter de son service, le public est avisé par la présente de ne pas l’employer ni l’héberger sans l’autorisation du propriétaire. Quiconque le fait après cet avis peut s’attendre à être traité comme le prévoit la loi.

Peggy fit le choix de s’enfuir pendant de courtes périodes probablement pour exprimer une forme de résistance et obtenir un répit temporaire de son assujettissement et de l’emprise de son propriétaire. Elle ne partit pas définitivement, peut-être parce que sa famille demeurait toujours avec Russell à York. Après son retour quelques jours plus tard, Russell commença à lui verser une allocation mensuelle de 4 $, sans doute pour l’apaiser, pour qu’elle ne se sauve pas de nouveau et pour continuer de bénéficier de son travail. Ces paiements durèrent jusqu’en 1804.

Menace de vente et de séparation familiale

En février 1806, la famille de Peggy fut, une fois de plus, menacée de séparation, lorsque Russell publia une annonce dans la Gazette pour vendre Peggy et Jupiter :

À vendre, une femme noire, nommée Peggy, âgée d’environ quarante ans, et un garçon noir, son fils, nommé Jupiter, âgé d’environ quinze ans, tous deux la propriété de l’abonné.

La femme est une cuisinière et une blanchisseuse acceptable, et elle sait parfaitement comment fabriquer du savon et des chandelles.

Le garçon est grand et fort pour son âge, et a travaillé aux tâches agricoles, mais a principalement été élevé comme domestique. Tous deux sont serviteurs à vie. Le prix pour la femme est de cent cinquante dollars. Pour le garçon, deux cents dollars, payables en trois ans avec intérêts à compter du jour de la vente, et à garantir par cautionnement, etc. Mais un quart de moins sera pris en argent comptant.

La menace de séparation pour les familles noires réduites en esclavage était constante et réelle. Même si aucun document ne le confirme, il semble que Peggy ne fut pas vendue. On ne sait pas ce qu’il advint de Jupiter. Trois événements survenus vers cette époque affectèrent la vie de Peggy : Pompadour mourut à l’automne de 1807, Peter Russell mourut en septembre 1808, et Elizabeth, qui avait apparemment hérité de Peggy et de ses enfants, offrit Amy en cadeau à sa filleule Elizabeth Denison, fille du capitaine John Denison (qui avait repris la gestion de la ferme de Russell). Pour Peggy et ses proches, la possibilité qu’on les sépare devint une réalité dévastatrice. Ce n’est qu’après la mort d’Elizabeth Russell, en 1822, que Peggy et Milly obtiendraient leur liberté.

Vieillesse et indigence

Peggy continua de vivre à York et fut citée dans deux affaires judiciaires. En octobre 1808, elle comparut comme témoin aux côtés du loyaliste noir James Baker au procès d’un autre loyaliste noir, William Lee. Un mois plus tard, une personne nommée Peggy, sans nom de famille, fut déclarée non coupable d’une accusation de nuisance. Il s’agit vraisemblablement de la même Peggy, résidente bien connue de York, où les gens l’appelaient par ce nom.

Elle est probablement aussi la Peggy qui figure, toujours sans nom de famille, dans les registres datés du mois d’août 1827 de la Society for the Relief of the Sick and Destitute. Au début de la soixantaine, elle vivait dans la pauvreté. Après avoir été « servante à vie », Peggy ne pouvait plus travailler et devait se débrouiller seule. Certains affranchis, comme John Baker*, furent pris en charge par leurs anciens propriétaires, mais il semble que les Russell ne laissèrent pas de ressources financières à Peggy. Cette dernière reçut des rations alimentaires de la Society for the Relief of the Sick and Destitute tous les deux jours entre décembre 1826 et août 1827. Elle mourut sans doute peu après, car aucun document ne la mentionne par la suite.

Peggy, femme, épouse et mère, était considérée simplement comme un bien dont on pouvait disposer selon la loi et les coutumes du Haut-Canada, et selon le point de vue de gens puissants comme les Russell, qui défendaient et perpétuaient l’asservissement de certains groupes ethnoculturels. Contrainte par les limites brutales du système de l’esclavage, elle fit de son mieux pour vivre, travailler et entretenir sa relation avec son mari et ses enfants. Peggy résista à sa condition d’esclave et récupéra les morceaux volés de son humanité pour survivre à l’inhumain.

Natasha Henry-Dixon

AO, F 46 (Peter Russell fonds).— Bibliothèque et Arch. Canada (Ottawa), RG1-L3, vol. 196 (Petition of free Negroes).— Toronto Reference Library, Special Coll. & Rare Books, L 21 (Elizabeth Russell papers), Elizabeth Russell diary.— Upper Canada Gazette (Toronto), 3 sept. 1803, 10 févr. 1806, 3 oct. 1807.— Laura Álvarez López, « Who named slaves and their children ? Names and naming practices among enslaved Africans brought to the Americas and their descendants with focus on Brazil », Journal of African Cultural Studies (Abingdon, Angleterre), 27 (2015) : 159–171.— J. C. Hamilton, Osgoode Hall : reminiscences of the bench and bar (Toronto, 1904).— Natasha Henry-Dixon, « One too many : the enslavement of Black people in Upper Canada, 1760–1834 » (thèse de ph.d., York Univ., Toronto, 2023).— J. E. Middleton et Fred Landon, The province of Ontario : a history, 1615–1927 (5 vol., Toronto, 1927–[1928]), 2 : 1250–1322.— J. [C.] Nickerson, Crime and punishment in Upper Canada : a researcher’s guide (Toronto, 2010).— Records of the Society for the Relief of the Sick and Destitute, 1817–1847 : a genealogical reference listing, Michael Harrison et Dorothy Martin, transcript. (Toronto, 2002).— Adrienne Shadd et al., The Underground Railroad : next stop, Toronto ! (Toronto, 2009).— Upper Canadian justice : early assize court records (Court of Oyer & Terminer) of Ontario, Linda Corupe et Gary Corupe, transcript. (6 vol. parus, Bolton, Ontario, 2004–    ), 1 (1792–1809).— Margaret Williamson, « Slave names and naming in the anglophone Atlantic », dans Oxford bibliographies in Atlantic history, Trevor Burnard, édit. (Oxford, Angleterre, 2018).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Natasha Henry-Dixon, « PEGGY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 25 mars 2025, https://www.biographi.ca/fr/bio/peggy_6F.html.

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Auteur de l'article:    Natasha Henry-Dixon
Titre de l'article:    PEGGY
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2025
Année de la révision:    2025
Date de consultation:    25 mars 2025