Titre original :  Portrait of Philippe-Jacques Paradis from Who's Who in Canada, Volume 16, 1922, page 573

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PARADIS, PHILIPPE-JACQUES (baptisé Joseph-Jacques-Philippe), journaliste, homme d’affaires, organisateur et homme politique, et fonctionnaire, né le 4 août 1868 dans la paroisse Saint-Roch, à Québec, fils d’Euclide Paradis, comptable, et de Marie-Louise Jolicœur ; le 18 mai 1891, il épousa dans la paroisse Saint-Patrice-de-la-Rivière-du-Loup, à Fraserville (Rivière-du-Loup, Québec), Emma Fraser, et ils eurent trois filles, dont l’une décédée en bas âge, et un fils ; décédé le 20 juin 1933 à Québec et inhumé trois jours plus tard dans le cimetière Notre-Dame de Belmont, à Sainte-Foy (Québec).

Philippe-Jacques Paradis vient d’une famille apparemment modeste. Il n’a que sept ans lorsque son père meurt subitement. Il fréquente le petit séminaire de Québec de 1881 à 1888 où, selon l’Action catholique du 20 juin 1933, « il se f[ait] remarquer par sa belle intelligence et son esprit de travail ». Pendant ses études, il habite le quartier Saint-Roch, puis le quartier Saint-Jean, à Québec, avec sa mère qui occupe un emploi de commis aux ventes.

Après sa formation au séminaire, Paradis considère les professions libérales, mais choisit plutôt de s’investir dans le monde des affaires. Vers 1891, il travaille comme teneur de livres à Québec et comme correspondant du Prix courant, hebdomadaire montréalais destiné aux gens d’affaires. Environ deux ans plus tard, il est agent général de la Coopération commerciale, maison de publicité.

Vers 1895, Paradis devient voyageur de commerce. Il représente diverses sociétés, notamment la Bell’s Asbestos Company, et parcourt la province. Cet emploi lui permet de tisser des liens avec de nombreux marchands, et de développer une bonne connaissance de la population et de ses sentiments. En 1902, Paradis prend une part active à la fondation du Cercle des voyageurs de commerce de Québec, dont il est le premier secrétaire et où il établit l’œuvre de la guignolée.

Malgré une vie professionnelle occupée, Paradis porte un grand intérêt à la politique. Il fait partie de l’Union libérale. Ce club politique de Québec regroupe plusieurs jeunes libéraux, dont Louis-Alexandre Taschereau* et Adélard Turgeon*, et publie un hebdomadaire du même nom pour lequel Paradis agit à titre de gérant en 1893. Paradis est aussi un des organisateurs politiques de Simon-Napoléon Parent*, figure incontournable de la ville de Québec depuis son élection comme député provincial de Saint-Sauveur en 1890 et son accession à la mairie en 1894. En 1900, quand Parent devient premier ministre, Paradis participe à l’organisation du district de Québec, de l’Abitibi, du Lac-Saint-Jean, ainsi que d’une partie des Cantons-de-l’Est. En 1905, Lomer Gouin* prend la place de Parent à la tête de la province et des libéraux. Une chasse aux parentistes s’ensuit et, conséquemment, Paradis est momentanément laissé de côté. En 1906, Paradis contribue à la fondation, à Québec, de la Vigie, nouveau journal partisan dont il sera membre du bureau de direction et président de 1910 à 1912.

En raison de son talent, de sa connaissance des hommes, de sa loyauté et de ses amitiés, Paradis devient organisateur en chef du Parti libéral pour le district de Québec en 1908. Cette nomination prestigieuse signifie qu’il assume la responsabilité des affaires partisanes de sa région, et qu’il agit comme intermédiaire entre le chef du parti, son lieutenant et les organisateurs des circonscriptions. Paradis intercède également auprès des ministres en vue de l’obtention d’emplois et de contrats gouvernementaux. En période électorale, il devient le maître du champ de bataille. Il veille à l’organisation des circonscriptions, contribue à la sélection des candidats, coordonne la publicité, dépêche les orateurs dans les assemblées et assure les liens avec les journalistes. Jusqu’en 1931, Paradis prend ainsi part à toutes les luttes électorales fédérales et provinciales de son parti avec l’aide de ses principaux collaborateurs : Charles (Chubby) Gavan Power*, Lucien Cannon, Joseph-Arthur Lesage et Oscar-Alphonse Bériau.

Par la nature de ses fonctions, Paradis accède au cénacle du Parti libéral provincial et devient un ami proche des premiers ministres Gouin et Taschereau. Il participe plus particulièrement aux activités du Club de la garnison de Québec et du Club de réforme de Québec, ainsi qu’aux voyages de pêche et de chasse pendant lesquels on discute des orientations politiques. Il bénéficie aussi de nominations partisanes. En 1909, il est nommé secrétaire de la commission des chemins à barrières et des ponts à péage et, en 1914, commissaire des incendies pour la ville de Québec. Comme Power le rapportera dans ses mémoires, ces fonctions lui « fournissent un salaire et couvrent ses frais de déplacement pendant au moins dix ans ». Le 7 juin 1917, le gouvernement de Gouin le désigne conseiller législatif de la division de La Salle.

En même temps, Paradis poursuit une carrière fructueuse dans le domaine des affaires. Membre actif de la Chambre de commerce de Québec, il est devenu en 1910 l’agent exclusif pour l’Est canadien de l’Asbestos Manufacturing Company Limited, compagnie qui possède une usine à Lachine (Montréal) où l’on fabrique des produits en amiante. Il préside l’entreprise de 1913 à 1925. Il accède, en 1930, au bureau de direction de l’Asbestos Corporation Limited ; la firme contrôle alors environ le tiers de la production d’amiante de la province. Il siège également aux conseils d’administration de la Quebec Power Company et de la Quebec Saguenay and Chibougamau Railway Company.

Dans les années 1920, Paradis demeure à l’affût des occasions d’obtenir une nomination du gouvernement fédéral. À l’été de 1922, les libéraux de la ville de Québec le favorisent pour devenir l’un des directeurs du conseil d’administration de la Canadian National Railway Company. Toutefois, à la suite d’un article publié le 1er août dans le Globe, qui dénonce cette candidature partisane fondée sur l’allégeance politique plutôt que sur l’expérience dans le domaine des chemins de fer, le seul poste dévolu au Québec va, en octobre, au notaire montréalais Ernest-Rémi Décary, ce qui provoque la colère des supporteurs de Paradis. À l’occasion de la campagne électorale provinciale de 1923, Ernest Lapointe*, ministre fédéral de la Marine et des Pêcheries et lieutenant du premier ministre libéral fédéral William Lyon Mackenzie King* pour la province de Québec, s’engage à faire nommer un représentant du district de Québec au conseil. Bien que les amis de Paradis fassent de nouveau pression sur le premier ministre, c’est l’ancien député fédéral de Bellechasse, Onésiphore-Ernest Talbot, qui obtient la position convoitée en février.

En 1925, Paradis est pressenti pour une nomination au Sénat. Dans le contexte du scandale des Douanes, Jacques Bureau obtient toutefois le siège. Le 14 décembre 1927, le gouvernement fédéral appelle enfin Paradis à la Chambre haute pour représenter la division de Chaouinigane. Le nouveau sénateur, qui occupera cette fonction jusqu’à sa mort, est alors un homme fort influent. En 1929, par exemple, il amasse la rondelette somme de 125 000 $ auprès des bailleurs de fonds du parti pour l’offrir en cadeau à Lapointe, en remerciement de ses 25 ans de vie politique.

Paradis s’intéresse aussi à la protection du caractère historique du Vieux-Québec, où il possède sa résidence, au 33, rue Laporte (de la Porte). En 1928, il est nommé président de la nouvelle Commission d’urbanisme et de conservation de Québec. Sans véritables pouvoirs de coercition pour empêcher la démolition et la construction d’immeubles, celle-ci réussit néanmoins quelques bons coups. Elle obtient entre autres un crédit supplémentaire de 50 000 $ du ministère de la Défense nationale pour l’entretien des remparts de la ville de Québec.

En 1930, la carrière politique de Paradis connaît des soubresauts. Le 22 mai, Robert Gardiner, député des Fermiers unis de l’Alberta, propose à la Chambre des communes de tenir un débat d’urgence pour que le gouvernement du Canada annule la charte de la Beauharnois Power Corporation Limited. Selon lui, les actionnaires de l’entreprise auraient réalisé des profits faramineux en trompant le gouvernement [V. William Lyon Mackenzie King]. Il dévoile ainsi les premiers éléments de ce qui deviendra le scandale de Beauharnois, dans lequel seront mis en cause les sénateurs libéraux Donat Raymond*, Wilfrid Laurier McDougald*, Andrew Haydon et Paradis, qui est à la fois membre du conseil d’administration et propriétaire d’actions, achetées au prix courant, de la Beauharnois Power Corporation Limited.

Le 28 juillet, le gouvernement de King subit la défaite [V. Richard Bedford Bennett*]. Dans la province de Québec, les conservateurs enlèvent 20 sièges aux libéraux, dont plusieurs dans le district de Québec. L’organisateur en chef, diminué par des problèmes cardiaques, pourrait ne plus être l’homme de la situation. Le temps, pour lui, de laisser les clefs de la machine électorale arrive vraisemblablement. Le 24 février 1931, King écrit dans son journal intime : « Il est à peine croyable que, l’un après l’autre, [ils] aient pu se désintégrer de cette façon. Avec Haydon, Paradis & Raymond tous “hors de combat”, la “machine” de l’organisation est pratiquement chose du passé. » Le 11 juin, Paradis abandonne son poste d’organisateur en chef. Le gouvernement provincial le nomme alors vice-président de la Commission des liqueurs de Québec. Dans une déclaration publiée dans l’Action catholique le lendemain, le premier ministre Taschereau commente : « Je crois exprimer les sentiments du chagrin très vif que vont éprouver tous les libéraux en voyant M. Paradis quitter la direction de nos luttes électorales. Il a occupé ce poste de confiance avec un tact, une ardeur et une loyauté à ses amis qui ne se sont jamais démentis pendant le quart de siècle qu’il fut notre organisateur. » Power succède à Paradis le 26 juin. Les comités de la Chambre des communes et du Sénat chargés de faire enquête sur le scandale de Beauharnois n’interrogent pas Paradis ; leurs rapports, déposés respectivement en 1931 et en 1932, ne le blâment pas.

Dans la matinée du 20 juin 1933, Philippe-Jacques Paradis, alité depuis quelques jours en raison d’une grippe, meurt à l’âge de 64 ans dans sa résidence. Ce jour-là, le Soleil écrit : « Par sa mort, le parti libéral perd un de ses chefs les plus dévoués et les plus habiles, la Cité de Québec un de ses citoyens les plus distingués et le Canada un homme public estimé. » Ses funérailles sont célébrées dans la basilique Notre-Dame de Québec. Par son travail acharné et sa connaissance des hommes, Paradis a été l’un des artisans de la domination des libéraux dans la province de Québec pendant les premières décennies du xxe siècle et un concitoyen apprécié.

Jean-François Drapeau

Il n’existe pas de fonds d’archives consacré à Philippe-Jacques Paradis. Toutefois, à BAC, les fonds sir Wilfrid Laurier (R10811-0-X), William Lyon Mackenzie King (R10383-0-6) et sir Lomer Gouin (R7648-0-6) comprennent plusieurs lettres de Paradis, tandis que, à BAnQ-Q, le fonds Louis-Alexandre Taschereau (P350) contient une lettre de sa veuve. Aucune étude n’a été écrite sur Paradis, mais son nom revient dans plusieurs ouvrages.

Paradis est l’auteur de « Notre langage commercial », conférence publiée dans le Bull. de la Soc. du parler français au Canada (Québec) en 1906–1907, et d’« Une industrie qui nous manque », texte de deux pages paru dans la brochure l’Amiante : l’opinion d’un bon libéral et des officiers du gouvernement King, probablement en 1925. Il a également contribué à la rédaction de deux rapports de la commission des chemins à barrières et des ponts de péage publiés à Québec en 1910.

BAC, « Journal personnel de William Lyon Mackenzie King », 24 févr. 1931 : www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/politique-gouvernement/premier-ministres/william-lyon-mackenzie-king/Pages/journal-mackenzie-king.aspx (consulté le 12 août 2015).— BAnQ-BSLGIM, CE104-S8, 18 mai 1891.— BAnQ-Q, CE301-S1, 23 juin 1933 ; CE301-S22, 4 août 1868.— L’Action catholique (Québec), 20 juin 1933.— Border Cities Star (Windsor, Ontario), 14 juill. 1931.— Le Devoir, 5 oct. 1922 ; 19 janv., 12 févr. 1923 ; 11 juin 1931 ; 20, 23 juin 1933.— Globe, 1er août 1922, 21 juin 1933.— La Presse, 26 juin 1931.— Le Quotidien (Lévis, Québec), 21 juin 1933.— Le Soleil, 6–7 juin 1917 ; 15–16 déc. 1927 ; 12 oct. 1928 ; 20–21 juin 1933.— L’Union libérale (Québec), 8 mai 1888.— Annuaire, Québec, 1886–1889 ; Québec et Lévis, 1889–1894.— BCF, 1923, 1927, 1930, 1932.— Réal Bélanger, l’Impossible Défi : Albert Sévigny et les conservateurs fédéraux (1902–1918) (Québec, 1983).— Paul Bernier, Ernest Lapointe, député de Kamouraska, 1904–1919 (La Pocatière, Québec, 1979).— L.-R. Betcherman, Ernest Lapointe : Mackenzie King’s great Quebec lieutenant (Toronto, 2002).— J.-C. Bonenfant, « les Commissions d’enquête du Québec », Québec, Bureau de la statistique, Annuaire du Québec (Québec), 1972 : 36–76.— Canada, Chambre des communes, Comité spécial sur l’entreprise d’énergie électrique de Beauharnois, [Procès-verbaux et témoignages] (Ottawa, 1931) ; Sénat, Débats, 1928–1933 ; Comité spécial institué pour examiner le rapport d’un Comité spécial de la Chambre des communes [...] chargé de faire enquête sur l’entreprise hydroélectrique de Beauharnois [...], Rapport et procès-verbaux (Ottawa, 1932).— Canadian directory of parl. (Johnson).— The Canadian Patriotic Fund : a record of its activities from 1914 to 1919, P. H. Morris, compil. ([Ottawa ?, 1920 ?]).— J. Hamelin et al., la Presse québécoise, vol. 3–4.— Armand La Vergne, Trente ans de vie nationale (Montréal, 1934).— P.-A. Linteau et al., Histoire du Québec contemporain (2 vol., Montréal, 1979–1986), 2 (le Québec depuis 1930).— C. G. Power, A party politician : the memoirs of Chubby Power, Norman Ward, édit. (Toronto, 1966).— Québec, Assemblée nationale, « Dictionnaire des parlementaires du Québec de 1764 à nos jours » : www.assnat.qc.ca/fr/membres/notices/index.html (consulté le 9 avril 2013).— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, vol. 25–29, 32.— The storied province of Quebec : past and present, W. [C. H.] Wood et al., édit. (5 vol., Toronto, 1931–1932).— Gustave Turcotte, le Conseil législatif de Québec, 1774–1933 (Beauceville, Québec, 1933).— Univ. Laval, Annuaire, 1882–1889.— Marc Vallières, Des mines et des hommes : histoire de l’industrie minérale québécoise, des origines au début des années 1980 (Québec, 1989).— B. L. Vigod, Taschereau, Jude Des Chênes, trad. (Sillery [Québec], 1996).— Reginald Whitaker, The government party : organizing and financing the Liberal Party of Canada, 1930–58 (Toronto, 1977).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Jean-François Drapeau, « PARADIS, PHILIPPE-JACQUES (baptisé Joseph-Jacques-Philippe) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/paradis_philippe_jacques_16F.html.

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Auteur de l'article:    Jean-François Drapeau
Titre de l'article:    PARADIS, PHILIPPE-JACQUES (baptisé Joseph-Jacques-Philippe)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2022
Année de la révision:    2022
Date de consultation:    22 déc. 2024