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DÉCARY, ERNEST-RÉMI (baptisé Joseph-Rémi-Ernest), notaire, homme politique, fonctionnaire et homme d’affaires, né le 9 décembre 1877 à Montréal, fils d’Alphonse-Clovis Décary, notaire, et de Rose de Lima Serre, dit St-Jean ; le 16 avril 1901, il épousa à Montréal Éva Lallemand, et ils eurent trois fils ; ils se séparèrent légalement en 1923 et divorcèrent l’année suivante dans l’État de New York ; le 13 février 1934, il épousa à New York Marjorie Law Norris, ex-épouse de James Macdonald Eakins ; décédé le 23 février 1940 à Dorval, Québec, et inhumé le 26 au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Montréal.
Descendant de Jean Descaris, pionnier qui s’est établi à Ville-Marie (Montréal) vers le milieu du xviie siècle, Ernest-Rémi Décary étudie au collège Sainte-Marie à Montréal. Il entre ensuite à la faculté de droit de l’université Laval, dans la même ville, où il reçoit son baccalauréat en juin 1900. Le 14 septembre suivant, il obtient sa commission de notaire et, vers 1902, il prend la relève de son père comme associé du notaire Joseph-Alphonse Brunet.
Environ six années plus tard, Décary fait cavalier seul jusqu’à ce que, vraisemblablement en 1912, il forme la société Décary, Barlow et Joron avec les notaires Joseph Crossman Barlow et Lionel Joron. La firme se spécialise dans les domaines bancaire et ferroviaire. La Dominion Bank, la Trader’s Bank of Canada, la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique et la Canadian Northern Railway figurent parmi ses clients. Cette dernière entreprise projette de construire un tunnel ferroviaire de 3,25 milles sous le mont Royal (les travaux débutent en juillet 1912) et une gare au centre-ville de Montréal. En une seule journée, la Canadian Northern Railway achète 4 800 acres de terres agricoles sur le versant nord du mont Royal, au prix dérisoire de 120 000 $. Décary voit à l’acquisition des terrains qui mènent à la création de la ville de Mont-Royal, constituée juridiquement le 21 décembre 1912. De 1913 à 1918, il siège d’ailleurs au conseil de la nouvelle municipalité.
En 1918, en raison de déficits accumulés au cours des deux dernières années, la ville de Montréal connaît d’importants problèmes financiers. Les dettes de la vingtaine de municipalités annexées depuis les années 1880 sont, en partie, à l’origine de cette situation. Malgré la vive opposition du maire Médéric Martin*, Montréal se voit imposer une tutelle par le gouvernement provincial pour une durée initiale de quatre ans. Sanctionnée le 9 février 1918, la Loi amendant la charte de la cité de Montréal crée une commission administrative qui remplace le Bureau des commissaires [V. Lawrence John Cannon*]. La Commission administrative de la cité de Montréal a pour mandat de redresser les finances et de gérer l’ensemble des affaires municipales, ce qui a pour conséquence de limiter les pouvoirs du maire et du conseil municipal. Le 5 avril, le gouvernement de sir Lomer Gouin* en nomme les cinq membres pour un mandat de quatre ans : Décary, les députés libéraux fédéraux Alphonse Verville* et Charles Marcil, l’ingénieur Robert Alexander Ross et le trésorier de la ville Charles Arnoldi. Ce dernier sera bientôt remplacé, pour cause de départ à la retraite, par l’homme d’affaires Gaspard De Serres. Décary – partisan du Parti libéral et beau-frère de Jérémie-Louis Décarie, secrétaire de la province et lieutenant politique de Gouin à Montréal – est désigné président, avec un salaire annuel de 12 000 $. Les cinq commissaires prêtent serment le 9 avril et tiennent leur première séance le lendemain. Dès les jours suivants, pour combler un déficit appréhendé de près de quatre millions de dollars, ils imposent une augmentation de la taxe foncière, de la taxe sur le chiffre d’affaires, de la taxe d’eau et du prix des permis. La commission réorganise les services municipaux en les regroupant et congédie plus de 150 personnes.
Une importante grève des ouvriers de l’aqueduc et de l’incinération, des policiers et des pompiers éclate le 12 décembre 1918. Le conflit est de courte durée, mais tumultueux : les employés acceptent l’arbitrage au terme d’une grève de 33 heures marquée par les affrontements et les émeutes. Ils obtiennent de légères augmentations de salaire ; la ville refuse cependant de reconnaître les unions internationales auxquelles les syndicats des policiers et des pompiers veulent s’affilier (l’Union ouvrière fédérale de la police no 62 et l’Union locale 125 de l’Association internationale des pompiers). Les cols blancs revendiquent à leur tour une hausse salariale. La commission leur offre plutôt des primes. Elle adopte aussi un règlement sur l’assiduité des fonctionnaires, introduit la classification des emplois et instaure la Commission du service municipal (1919–1925), dont le mandat vise à veiller à ce que l’engagement et la nomination des employés municipaux soient équitables et exempts de favoritisme. Le 1er janvier 1920, les employés de l’aqueduc déclenchent une grève qui laisse sporadiquement les habitants de la ville sans eau. La commission administrative réussit à rétablir le service et congédie les grévistes. Devant l’impasse, Gouin constitue une commission d’enquête pour déterminer les responsables du conflit qui se termine le 4 février avec le retour des employés licenciés.
Déjà impopulaire auprès des salariés municipaux, la commission administrative le devient parmi la population. Le gouvernement de la province écourte son mandat d’un an et crée, le 14 février 1920, la Commission de la charte de Montréal. Présidée par sir Hormisdas Laporte, cette commission est chargée de suggérer un nouveau mode d’administration de la ville. La Loi concernant la charte de la cité de Montréal, sanctionnée le 19 mars 1921, présente deux formes de gouvernement. Par voie de référendum, les électeurs municipaux de Montréal ont à choisir entre la « cédule A » et la « cédule B ». La « cédule A » propose un conseil municipal restreint de 15 personnes élues par l’ensemble de la population pour un mandat de quatre ans, un maire nommé par le conseil et un gérant qui dirige l’administration municipale. La « cédule B » suggère un conseiller élu dans chacun des 35 quartiers de la ville pour un mandat de deux ans, un maire élu par les citoyens et un comité exécutif aux pouvoirs importants. Le 16 mai, les Montréalais optent pour le second choix dans une proportion de 62 %. Les élections municipales ont lieu le 18 octobre et le maire Martin est réélu. La Commission administrative de la cité de Montréal tient sa dernière séance le 31 octobre 1921 et, en vertu des dispositions de la charte, cesse ses activités au moment où débute l’assemblée du nouveau conseil ; c’est ainsi que Décary quitte la scène municipale. L’autonomie de la ville de Montréal, de son maire et de son conseil municipal est alors rétablie. Malgré son impopularité, la commission a réussi à juguler la dette, à assainir les finances municipales et, selon l’historienne Michèle Dagenais, « à mettre en place un cadre favorable à la formation d’une bureaucratie moderne ».
Tout au long des années 1920 et 1930, Décary travaille au sein de la Title Guarantee and Trust Corporation of Canada, société de fiducie et de prêts, à titre de directeur général, de vice-président, puis, à partir du 8 avril 1929, de président-directeur général. Ce même jour, il devient également président de la commission d’administration de l’université de Montréal, établissement qui lui décerne un doctorat honorifique en 1931. À cette époque, il occupe aussi la présidence de la Montreal Finance Corporation Limited et, depuis 1922, est l’un des directeurs du conseil d’administration de la Canadian National Railway Company.
Les années 1930 sont toutefois ponctuées de revers de fortune pour Décary. En octobre 1934, Éva Lallemand, qu’il a épousée en 1901, lui réclame des arrérages de pension alimentaire pour les deux dernières années à la Cour supérieure de la province de Québec. Le montant annuel que devait lui verser Décary s’élevait à 6 000 $, soit le tiers de son salaire. Le dossier de cour et les journaux révèlent que le couple a cessé la vie commune en 1917, qu’une séparation légale a été prononcée le 13 novembre 1923 et que Décary a obtenu le divorce devant la Cour suprême de l’État de New York le 19 décembre 1924. L’année suivante, son ex-femme s’est remariée à un avocat de New York, Edwin T. Murdoch. Quelques mois avant le procès, Décary épouse Marjorie Law Norris, originaire du Kansas. Le 27 novembre 1935, le juge Cecil Gordon Mackinnon rend son jugement en faveur de Décary, qui n’en est pas pour autant au bout de ses peines. Le 26 décembre 1938, le juge Louis Boyer de la Cour supérieure de la province de Québec nomme en effet un liquidateur pour la Title Guarantee and Trust Corporation of Canada. Décary demeure membre de la Chambre des notaires de la province de Québec jusqu’au 1er janvier 1939. Il est mis en faillite le 15 mars et, le 30 du même mois, le gouvernement de la province de Québec sanctionne la Loi autorisant une enquête sur les affaires de Title Guarantee and Trust Corporation of Canada. Cette commission d’enquête ne verra pas le jour.
Au moment de la mort et des funérailles d’Ernest-Rémi Décary, en 1940, alors que sont rassemblées de nombreuses personnalités tel l’ancien premier ministre Louis-Alexandre Taschereau*, les quotidiens montréalais évoquent principalement son passage à la tête de la ville. Le 16 novembre 1992, la ville de Mont-Royal honore la mémoire de celui qui a été l’un de ses premiers conseillers et qui a offert plusieurs de ses terrains pour aménager des parcs en donnant son nom au parc Dunrae.
BAnQ-CAM, CE601-S29, 9 déc. 1877 ; CE601-S51, 12 janv. 1869 ; TP11, S2, SS2, SSS1 ; SSS6 ; SS10, SSS4.— FD, Notre-Dame (Montréal), 26 févr. 1940 ; Saint-Henri (Montréal), 16 avril 1901.— Univ. de Montréal, Div. des arch., A 33, 88/10 ; A 59, 47/1 ; 55/2 ; A 60, 8/4/29.— VM-SA, VM6, B.855 ; D.001.2-7 ; VM18.— Le Canada (Montréal), 2–3, 5, 7–8, 10, 12, 17, 20, 22–24, 26–28 janv. 1920 ; 9 avril 1929 ; 24 févr. 1940.— Le Devoir, 27 déc. 1938 ; 1er–2 mars 1939 ; 26 févr. 1940.— Gazette (Montréal), 24 févr. 1940.— Monetary Times (Toronto), 13 oct. 1922.— Montreal Daily Star, 2 oct. 1934, 24 févr. 1940.— New York Times, 14 févr. 1934.— La Patrie, 6, 9–10 avril, 12–14 déc. 1918 ; 2 janv., 2 févr. 1920 ; 25–26 févr. 1940.— La Presse, 2 oct. 1934, 1er mars 1939, 24 févr. 1940.— BCF, 1920.— Canadian who’s who, 1936–1937.— Michèle Dagenais, Des pouvoirs et des hommes : l’administration municipale de Montréal, 1900–1950 (Montréal et Kingston, Ontario, 2000) ; « Dynamiques d’une bureaucratie : l’administration municipale de Montréal et ses fonctionnaires, 1900–1945 » (thèse de ph.d., univ. du Québec à Montréal, 1992).— William Gaudry, « la Commission administrative et la modernisation des structures politiques et administratives de Montréal, 1918–1921 » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 2014).— Linteau, Hist. de Montréal, 405–422.— É.-Z. Massicotte, les Familles Descary, Descarries, Décary et Décarie, 1650–1909 : histoire, généalogie, portraits (Montréal, 1910).— Montreal, pictorial and biographical : deluxe supplement (Winnipeg, 1914).— Prominent men of Canada, 1931–32, Ross Hamilton, édit. (Montréal, [1932 ?]).— Québec, Statuts, 1918, c.84 ; 1920, c.127 ; 1921, c.112 ; 1922, c.128 ; 1939, c.137.— Rumilly, Hist. de Montréal, vol. 4 : 7–10, 20–41.— Service du greffe de ville Mont-Royal et Mario Nadon, Ville Mont-Royal, patrimoine toponymique : rues et parcs publics ([Mont-Royal, Québec, 1995]).
Bibliographie de la version modifiée :
Gazette (Montréal), 1er juin 1950.
Mario Robert, « DÉCARY, ERNEST-RÉMI (baptisé Joseph-Rémi-Ernest) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/decary_ernest_remi_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/decary_ernest_remi_16F.html |
Auteur de l'article: | Mario Robert |
Titre de l'article: | DÉCARY, ERNEST-RÉMI (baptisé Joseph-Rémi-Ernest) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2019 |
Année de la révision: | 2021 |
Date de consultation: | 16 nov. 2024 |