PANET, JACQUES, prêtre catholique, né le 14 février 1754 à Québec, fils de Jean-Claude Panet*, notaire, et de Marie-Louise Barolet ; décédé le 23 mai 1834 à L’Islet, Bas-Canada, et inhumé sous la marche du maître-autel de l’église paroissiale.
À l’instar de son frère Bernard-Claude, Jacques Panet choisit la prêtrise ; il est ordonné par Mgr Jean-Olivier Briand* le 29 mai 1779. Il fut nommé, en octobre de la même année, curé de la paroisse Notre-Dame-de-Bon-Secours, à L’Islet. Il desservit cette communauté jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite le 7 octobre 1829. À la tête d’une même paroisse pendant 50 ans, voilà qui pourrait faire croire à une carrière ecclésiastique hors du commun. Ce curé inamovible avait en fait refusé une nouvelle affectation à la paroisse Saint-Thomas (à Montmagny) en 1798. Vingt ans plus tard, ses paroissiens s’adressèrent à l’évêque pour exiger son déplacement. Ils soutenaient que Panet n’était plus en mesure de s’acquitter de ses tâches. Mgr Joseph-Octave Plessis accorda alors un vicaire au curé contesté qui se brouilla presque aussitôt avec son adjoint ; ce dernier fut congédié. En dépit des offres de l’évêque et de la grogne des paroissiens, Panet resta en poste.
Panet possédait sûrement une culture livresque supérieure à celle de la moyenne des gens. En 1810, sa bibliothèque comptait 150 volumes. Ses sermons, de même que sa correspondance, témoignent de connaissances théologiques, morales et juridiques exceptionnelles. La contrepartie caractérielle de ce personnage original n’est pas aussi engageante. Non seulement Panet ne réussit-il pas à s’entendre avec son vicaire, mais encore était-il souvent en brouille avec ses ouailles quand il n’avait pas maille à partir avec son supérieur hiérarchique. Ce dernier lui reprocha un jour de n’avoir pas toujours scrupuleusement respecté les exigences du droit civil touchant le consentement des parents ou des tuteurs pour le mariage des mineurs. Une autre fois, une interprétation rigoriste de la condamnation canonique du prêt à intérêt incita le curé à mettre la loi en cause. Il écrivit à propos de l’usure autorisée par le droit civil : « quant aux lois évidemment injustes, il n’y a aucune puissance capable de me les faire observer, dut-elle me faire bruler ou hacher tout vivant comme chair à pâté ». Les fondements juridiques de ses opinions sont illustrés à merveille par une discussion qu’il tint avec Plessis au sujet de la dîme.
À la tête d’une paroisse populeuse, Panet percevait de gros revenus. Chaque année, il louait un voilier pour se rendre à Québec où il vendait le produit de sa dîme. Au moment où s’accrut la production de la pomme de terre et où déclina celle du blé, le curé adressa à Plessis deux longues dissertations pour le convaincre que, dans sa paroisse, la dîme de « patates » était exigible. Il était prêt à affirmer sous serment que Mgr Briand en avait ainsi décidé en sa faveur. Et si ses paroissiens plantaient des pommes de terre comme mesure d’évasion fiscale ! Un refus d’appuyer les prétentions du curé obligerait ce dernier à intenter des poursuites. Plessis rappela à son correspondant que les tribunaux avaient débouté le curé de Saint-Philippe-de-Laprairie pour la même réclamation en 1809. D’origine populaire, la contestation antifiscale de 1817 obtint l’appui de l’évêque ; le 27 janvier 1818, Plessis écrivit au curé : « Votre marguillier en charge m’a demandé s’il devait la dîme de patates ; je lui ai répondu que non. »
Extase mystique ou lubie, quelques jours après cette réponse de Plessis, Panet lui annonça qu’il était « électrisé depuis bien des années » par la Sainte-Trinité. Dans une lettre du 8 janvier 1825, Panet précisa qu’il était « électrisé depuis dix-huit ans neuf mois et deux jours ». Dans son journal, il s’estimait « épuisé par les travaux du St. Ministère et encore bien plus par les adorations [qu’il était] même obligé de rendre souvent dans chaque jour et même dans chaque nuit [...] à l’éternelle Trinité ». Il y a tout lieu de croire qu’il s’agissait d’un fantasme, né de la volonté d’échapper aux contraintes traumatisantes de la réalité. Panet livra ses secrets surnaturels après les querelles antifiscales survenues en même temps que la demande de rappel qu’avaient faite ses paroissiens. Il soulignait ses extases mystiques dans son journal au milieu d’une argumentation visant à réfuter ceux qui l’avaient accusé de s’enrichir. Il expliquait qu’il s’était privé sa vie durant pour distribuer son avoir aux pauvres, à des parents et à la fabrique. Il précisait avoir donné à celle-ci quelque 3 000# pendant qu’il était curé, sans compter les vases sacrés en or légués à la paroisse : un calice, un ciboire et un ostensoir exécutés par François Ranvoyzé* et payés de ses propres deniers entre 1810 et 1812. Le vieux prêtre à la retraite se désola de sa réputation de radin et se scandalisa que « des prêtres riches et catholiques achètent des montres d’or, des tabatières d’or », mais pas de vases sacrés ciselés dans le précieux métal.
Émergeant du Saint-Laurent, à la hauteur de L’Islet, le rocher Panet rappelle le nom de Jacques Panet parce que le curé y aurait exorcisé une jeune fille coupable d’avoir vendu son âme au diable.
AAQ, 210 A.— ANQ-Q, CE2-3, 26 mai 1834 ; P-197.— Arch. de l’évêché de Sainte-Anne-de-la-Pocatière (La Pocatière, Québec), L’Islet, I.— Allaire, Dictionnaire, 1.— P.-G. Roy, Fils de Québec, 2 : 112–114.— Léon Bélanger, L’Islet, 1677–1977 (s.l., 1977).— Fernand Ouellet, Éléments d’histoire sociale du Bas-Canada (Montréal, 1972).— P.-G. Roy, la Famille Panet (Lévis, Québec, 1906), 30–31.— Léon Trépanier, On veut savoir (4 vol., Montréal, 1960–1962), 1 : 92–94.
Serge Gagnon, « PANET, JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/panet_jacques_6F.html.
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Auteur de l'article: | Serge Gagnon |
Titre de l'article: | PANET, JACQUES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |