ODELIN, JACQUES, prêtre catholique et polémiste, né le 5 août 1789 à Saint-Constant, Québec, fils de Jacques Odelin et de Marie-Angélique Lavigne ; décédé le 9 juin 1841 à Saint-Hilaire (Mont-Saint-Hilaire, Québec).

On sait peu de chose sur l’enfance et l’adolescence de Jacques Odelin avant son entrée au collège Saint-Raphaël, à Montréal, en 1801. Là, le sulpicien Antoine-Jacques Houdet* enseigne une philosophie où la recherche des critères de vérité occupe une place significative en logique. Houdet à Montréal et l’abbé Jérôme Demers* au séminaire de Québec sont à l’époque les grandes figures de la science et de la philosophie. Odelin quitte le collège en 1811 et, comme il avait opté pour la prêtrise, se rend faire sa théologie à Nicolet. Il y étudie sous la direction d’un professeur ou du supérieur de la maison, Jean Raimbault, et enseigne en même temps les belles-lettres (1811–1812), la philosophie (1812–1813), la rhétorique (1813–1814) et de nouveau la philosophie (1814–1816), en utilisant sans doute ses propres notes de cours prises à Montréal auprès de Houdet.

Ordonné par Mgr Joseph-Octave Plessis* le 4 février 1816, Odelin quitte l’enseignement pour assumer deux vicariats, à Sainte-Marguerite-de-Blairfindie (L’Acadie) du 17 février au 18 septembre 1816, puis à Montréal, dans la paroisse Saint-Laurent, de septembre 1816 à septembre 1817. On le nomme ensuite aumônier de l’Hôpital Général de Québec avec responsabilité de desserte à Notre-Dame de Québec et à Sainte-Foy de septembre 1817 à octobre 1819. Odelin obtient alors sa première cure à Saint-Grégoire (Bécancour) où il œuvrera jusqu’en septembre 1821 et où il fera l’expérience d’une certaine « indifférence » des paroissiens en matière de religion. Les « impertinences » de ces derniers et celles des marguilliers, la difficulté de percevoir la dîme, un procès intenté pour rétablir son autorité lui font écrire à son évêque, dans un esprit ménaisien, qu’il est « convaincu que le ministère intérieur est inséparablement lié au temporel ». Dans cette région où il a déjà séjourné durant cinq ans, Odelin retrouve cette « petite France » du pourtour du lac Saint-Pierre qu’animent des prêtres français « chassés par la Révolution ». L’un d’eux, l’abbé Jacques-Ladislas-Joseph de Calonne*, fait d’ailleurs découvrir aux Canadiens, précisément en 1819, Hugues-Félicité-Robert de La Mennais, auteur de Essai sur l’indifférence en matière de religion (Paris, 1817), qu’il introduit pour la première fois au Canada et qui intéresse vivement le sulpicien Jean-Jacques Lartigue.

Les déboires d’Odelin se poursuivent avec sa nomination en septembre 1821 à la cure de Saint-Ours-du-Saint-Esprit (Saint-Esprit) où il demeurera jusqu’en 1827. En septembre 1825 et encore en 1826, des notables de la paroisse adressent une requête à Mgr Lartigue au sujet du scandale que cause leur curé en s’approchant trop souvent de l’alcool et de « personnes du sexe ». « Grand chicanier », Odelin aborde ces accusations en chaire et pense même à « procéder civilement » contre ses accusateurs. Mgr Plessis songe à le maintenir dans sa cure, mais après une enquête du grand vicaire et curé de Varennes, François-Joseph Deguise, l’archevêque de Québec exige la démission d’Odelin et lui retire ses pouvoirs de curé pour une période de près de cinq ans, soit de février 1827 à octobre 1831. En février 1828, Odelin est toujours dans sa paroisse, « vivant en son particulier ». L’année suivante, il est « au Détroit », parti « sans permission ni exeat », et en revient en août 1830. Mgr Lartigue et Mgr Bernard-Claude Panet* s’entendent alors pour le placer en pénitence du mois d’août 1830 jusqu’en octobre 1831 chez le curé Jean-Baptiste Bélanger, de Belœil, et pour lui imposer un « règlement de vie » fait à la fois d’études de théologie dogmatique et morale, de lectures ecclésiastiques choisies avec circonspection et de vigilance à l’égard des liqueurs fortes et des « personnes d’un sexe différent ».

Absous, Odelin est nommé en octobre 1831 curé à Saint-Hilaire « en récompense » du zèle des paroissiens qui ont enfin consenti à « bâtir une belle église » et à assurer un supplément de dîme au curé. Odelin n’en continue pas moins de connaître d’autres vexations à cette époque d’ascension du libéralisme, d’indifférence religieuse, d’un certain prosélytisme protestant local, de crises agricoles et d’épidémies de choléra. Les paroissiens refusent la répartition de la dîme et négligent de la payer. Pour Odelin, le temporel n’est pas facile : en plus de voir à l’entretien et aux réparations de l’église, ainsi qu’au transfert du cimetière, il doit pour survivre cultiver et « enclore » son jardin, entretenir sans écurie ni étable quelques animaux, exploiter quelques ruches, vendre sur le marché local les pommes reçues parfois en guise de dîme.

C’est dans ce contexte qu’éclate une polémique, philosophique cette fois, dont l’issue devait mériter à Odelin le titre de « métaphysicien canadien ». Censuré par Mgr Lartigue sur le plan disciplinaire, Odelin a alors l’occasion de mettre en cause l’orthodoxie de son censeur, lui-même ménaisien. Les 12 et 13 août 1833, pendant les exercices de fin d’année du séminaire de Saint-Hyacinthe, les élèves défendent publiquement le « système fameux » de La Mennais sur le sens commun comme principe de la certitude. Présent à ces exercices, Odelin trouve la chose si « singulière » qu’il entreprend sur-le-champ de réfuter les élèves. Il discute avec tant de vigueur que leur professeur de philosophie, Joseph-Sabin Raymond*, doit venir à leur rescousse dans une longue joute oratoire qui force l’annulation d’autres exercices au programme.

Insatisfait des réponses apportées séance tenante, Odelin relance le débat dans les colonnes de l’Ami du peuple, de l’ordre et des lois, de Montréal, et de l’Écho du pays, de Saint-Charles (Saint-Charles-sur-Richelieu). En 1833 et 1834, il y signe une trentaine d’articles, d’abord sous l’anagramme de Dionel, puis de son nom. Du côté des ménaisiens, ce sont Jean-Charles Prince* et surtout Raymond qui lui répondent en publiant une cinquantaine de répliques.

Réprouvant que l’on adopte avec « trop de promptitude et sans examen préalable » une doctrine « aussi nouvelle qu’éblouissante, aussi peu solide qu’inadmissible dans ses conséquences », Odelin devient ainsi, selon un commentateur, le « premier au Canada à percevoir le poison subtil caché dans les écrits du trop fameux Lamennais ». Comme Léon XII avait approuvé la doctrine ménaisienne du sens commun et que Grégoire XVI avait rejeté les idées politiques de cette doctrine, on s’interrogeait au Bas-Canada sur la possibilité de souscrire à la philosophie d’un auteur et non à ses idées politiques. Odelin prétend à l’impossibilité dans ce cas, car il existe un lien entre la doctrine philosophique et les idées politiques.

Pour Odelin, les idées politiques erronées de La Mennais découlent d’une fausse conception du sens commun qu’il érige comme l’unique critère de la certitude, en allant jusqu’à reléguer au second plan l’autorité de la révélation. Il préfère de beaucoup la position de Descartes qui, en cette matière, garantit le privilège inviolable de l’autorité, tout en maintenant les droits sacrés de la raison.

Ce débat sur le sens commun constitue en réalité une interrogation sur ce qui, dans les systèmes philosophiques, peut être donné pour une doctrine orthodoxe. C’est sur cet enjeu que se termine la polémique, lorsque le 15 juillet 1834 Grégoire XVI dans Singulari nos condamne Paroles d’un croyant et par conséquent toute la philosophie de La Mennais. Même si la suite des événements ne confirmera pas la thèse d’Odelin sur l’orthodoxie du cartésianisme – en 1879, c’est la philosophie de Thomas d’Aquin qu’on proclamera philosophie officielle et universelle de l’Église –, la condamnation des idées philosophiques « en général » de La Mennais l’assure de la victoire contre les professeurs du séminaire de Saint-Hyacinthe. Ces derniers se soumettent, et l’abbé Prince publiquement, à l’interdiction de Mgr Lartigue de rien enseigner « des livres, des systèmes ou de la doctrine » de La Mennais ; l’évêque désirait même, outre le fait de proscrire le nom de La Mennais, que « son autorité ne soit mentionnée en aucune manière dans l’enseignement ».

Sur le plan politique, il semble bien qu’Odelin ait été un prêtre loyal au pouvoir établi. Au moment des insurrections de 1837–1838, il fait sienne la recommandation de Mgr Lartigue d’engager chacun à rentrer chez soi et à témoigner publiquement de sa fidélité au gouvernement. Nationaliste à sa façon, il signe le 25 février 1840 la requête du clergé du diocèse de Montréal contre l’union législative des deux Canadas.

Quelques mois avant de mourir, Jacques Odelin publie quatre nouveaux articles sous le titre général de « Pensées théologico-philosophiques ». Il y discute de l’authenticité des Saintes Écritures et esquisse une étude de l’homme moral, suivie d’une autre qui porte sur l’homme vu à travers ses facultés intellectuelles. Odelin associe la contemplation philosophique et théologique, la raison et la révélation, et montre que l’homme participe de la Trinité dans ses opérations sensorielles et intellectuelles. Car, dit-il, si on analyse « avec clarté et concision les propriétés de l’être incréé et créateur ainsi que les propriétés de l’homme, on apercevra partout trinité et génération dans l’unité ». C’est donc sur une note relativement sereine que ce « grand chicanier » termine sa vie. Son dernier article paraît à côté de « l’annonce funèbre de son prompt et très inattendu décès » survenu le 9 juin 1841. On enterrera le curé de Saint-Hilaire dans son église le 11 juin suivant.

Yvan Lamonde et Louise Marcil-Lacoste

La correspondance concernant Jacques Odelin se trouve dans les dépôts d’archives des différents diocèses où il a exercé son ministère : évêchés de Québec, Montréal, Joliette, Nicolet, Saint-Hyacinthe, soit au dossier de la paroisse ou d’Odelin même. On pourra retracer sa correspondance avec Mgr Plessis dans Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Plessis », ANQ Rapport, 1927–1928 ; 1928–1929 ; 1932–1933, avec Mgr Joseph Signay dans Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Signay », ANQ Rapport, 1936–1937 ; 1937–1938 ; 1938–1939, et enfin avec Mgr Lartigue dans Desrosiers, « Inv. de la corr. de Mgr Lartigue », ANQ Rapport, 1941–1942 ; 1942–1943 ; 1943–1944 ; 1944–1945 ; 1945–1946.

La polémique entre Odelin et des professeurs du séminaire de Saint-Hyacinthe se retrouve essentiellement dans l’Écho du pays (Saint-Charles[-sur-Richelieu], Québec) et l’Ami du peuple, de l’ordre et des lois, du 15 août 1833 au 25 septembre 1834. On connaît une seule autre publication d’Odelin. Il s’agit de «Pensées théologico-philosophiques », Mélanges religieux, 23 avril, 14 mai, 4, 11 juin 1841.

ANQ-M, CE1-18, 6 août 1789 ; CE2-16, 11 juin 1841.— Allaire, Dictionnaire.— F.-M. Bibaud, le Panthéon canadien (A. et V. Bibaud ; 1891).— Gilles Chaussé, « Un évêque menaisien au Canada : Monseigneur Jean-Jacques Lartigue », les Ultramontains canadiens français, sous la dir. de Nive Voisine et Jean Hamelin (Montréal, 1985), 105–120.— C.-P. Choquette, Histoire du séminaire de Saint-Hyacinthe depuis sa fondation jusqu’à nos jours (2 vol., Montréal, 1911–1912), 1 : 162–163.— Douville, Hist. du collège-séminaire de Nicolet.— Yvan Lamonde, la Philosophie et son enseignement au Québec (1665–1920) (Montréal, 1980), 83–89, 96–105.— Louise Marcil-Lacoste, « Sens commun et Philosophie québécoise : trois exemples », Philosophie au Québec, Claude Panaccio et P.-A. Quintin, édit. (Montréal, 1976), 73–112.— Maurault, le Collège de Montréal (Dansereau ; 1967).— Armand Cardinal, « Messire Jacques Odelin (1831–1841), premier curé résident à Saint-Hilaire », Soc. d’hist. de Belœil–Mont-Saint-Hilaire, Cahiers (Belœil, Québec), 5 (juin 1981) : 3–17.— Émile Chartier, « l’Abbé Jacques Odelin ou Audelin, dit Jolibois (5 août 1789–9 juin 1841) », Rev. canadienne (Montréal), 72 (janv.–juin 1917) : 27–37.— Yvan Lamonde, « Classes sociales, Classes scolaires : une polémique sur l’éducation en 1819–1820 », SCHEC Sessions d’études, 41 (1974) : 43–59.

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Yvan Lamonde et Louise Marcil-Lacoste, « ODELIN, JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/odelin_jacques_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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