MOFFATT, LEWIS, homme d’affaires et homme politique, né en 1809 ou 1810, probablement dans Rupert’s Land, fils de George Moffatt* ; le 17 janvier 1842, il épousa à Cobourg, Haut-Canada, Caroline Covert, fille de John Covert*, et ils eurent au moins deux fils et trois filles ; décédé le 7 octobre 1892 à Toronto.
Selon un document de 1885, Lewis Moffatt est « né à Montréal en 1810, de parents anglais », mais le fait que son père, associé hivernant dans la traite des fourrures, se soit marié à la façon du pays en 1809 permet de supposer qu’il naquit dans le Nord-Ouest. Après avoir vécu quelques années à Cobourg, le jeune Moffatt entra en 1837 dans l’entreprise paternelle, la Gillespie, Moffatt and Company, alors chef de file du milieu des affaires montréalais [V. Robert Gillespie*]. La compagnie avait eu une filiale à Toronto et approvisionnait une société de cette ville, la Murray, Newbigging and Company. En mai 1842, avec Alexander Murray, qui avait continué d’exploiter cette société après la mort de James Newbigging* en 1838, Lewis Moffatt ouvrit une nouvelle filiale de la Gillespie, Moffatt and Company à Toronto. Cette entreprise de gros, d’abord appelée Moffatts, Murray and Company, puis Moffatt, Murray, and Company, vendait divers articles d’importation, soit des marchandises sèches, de la quincaillerie et des produits d’épicerie. C’était l’une des trois ou quatre principales maisons de gros de Toronto, et elle y représentait la Phoenix Assurance Company de Londres, dont la maison montréalaise était l’agent au Canada.
Moffatt accéda tout de suite à une position de premier plan à Toronto, et ce, non seulement dans les cercles d’affaires. Par l’intermédiaire des Gillespie, il devint l’un des deux administrateurs locaux de la succursale torontoise de la Banque de l’Amérique septentrionale britannique. En 1844, il participa à la fondation du Board of Trade de Toronto ; de 1846 à 1852, il fit partie du conseil d’administration de la première société de construction de la ville, la Toronto Building Society, et en 1855–1856 de celui de la Toronto Exchange. Actionnaire des principales compagnies de chemin de fer de la ville, soit la Toronto and Guelph Railway Company et l’Ontario, Simcoe and Huron Union Rail-Road (plus tard appelée la Northern Railway Company of Canada), il fut membre du conseil d’administration de la première jusqu’à ce qu’elle soit absorbée par le Grand Tronc en 1853 [V. sir Casimir Stanislaus Gzowski], puis du conseil de la seconde pendant la plus grande partie des années 1860 [V. Frederic William Cumberland*]. En outre, de 1871 à 1876, il fut l’un des administrateurs de la Compagnie de télégraphe de la Puissance.
Tout comme son père, Moffatt tenta, à la fin des années 1840, de convaincre les conservateurs canadiens d’abandonner leur torysme rigide pour un gouvernement responsable de tendance modérée. En 1849, il fonda la British Constitutional Society de Toronto, dont il devint président du conseil. Toute son action politique semble indiquer qu’il était sincère lorsqu’il déclarait, en 1855, être « fier de se sentir britannique, sujet de l’Empire sur lequel le soleil ne se couch[ait] jamais ». Bien sûr, pareil sentiment était courant à Toronto, mais qu’il ait été l’une des rares personnes à l’exprimer à l’occasion de la grande fête locale qui marqua la victoire des Britanniques à Sébastopol (U.R.S.S.) est un indice de la position qu’il occupait. Il posa une seule fois sa candidature à une charge publique, celle d’échevin du quartier St George, qu’il occupa en 1871 et 1872. Parmi toutes ses activités, c’est son affiliation à l’Église d’Angleterre qui dura le plus longtemps. Il fut vérificateur puis trésorier de la Church Society du diocèse de Toronto, marguillier de la cathédrale St James et, durant les 41 dernières années de sa vie, membre du conseil du Trinity College.
La fin des années 1850 amena une grave dépression : à Toronto et dans les environs, le crédit se fit rare et les faillites, nombreuses. Moffatt joua un rôle de premier plan parmi les citoyens qui s’employèrent à faire sortir la ville du marasme. Président fondateur d’une société d’hypothèques, la Canada Landed Credit Company, formée en 1858 « pour attirer des capitaux vers le sol de la province », il exerça cette fonction pendant plus de dix ans ; durant cette période, l’entreprise se tailla peu à peu une place sur le marché des capitaux, du placement et du prêt. En 1858, Moffatt devint le vice-président fondateur de la Compagnie de transport, de navigation et de chemin de fer du Nord-Ouest, qui visait à faciliter l’accès au Nord-Ouest [V. Allan Macdonell*]. Il la présiderait quelque temps en 1860 avant qu’un nouveau groupe, officiellement dirigé par sir Allan Napier MacNab*, ne la prenne en main. En 1858, il entra au conseil d’administration de la Provincial Mutual Insurance Company, qui se trouvait alors dans une situation financière difficile et que l’on envisageait de liquider ; il en serait vice-président au milieu et à la fin des années 1860. En 1859, il devint vice-président du conseil d’une société apparemment éphémère, la Canada Trade Protection Society, spécialisée dans l’établissement de rapports de solvabilité et la perception des comptes.
Après 1857, tous les importants grossistes ontariens à vocation générale se trouvèrent gênés par les lourdes créances qu’ils devaient soutenir et durent se retirer des affaires ou se spécialiser davantage. L’entreprise de Lewis Moffatt abandonna d’abord la quincaillerie puis, vers 1865, l’épicerie. En 1868, un marchand de London, John Beattie, investit des capitaux dans l’entreprise, qui devint la Moffatt, Murray, and Beattie. Murray mourut en 1870 et, après le départ de Beattie en janvier 1871, la firme prit le nom de Moffatt Brothers and Company. En fait, le nouvel associé était le demi-frère de Moffatt, Kenneth Mackenzie Moffatt, ancien officier de l’armée, qui représenta d’abord la compagnie à Montréal puis s’installa à Toronto. Finalement, en 1875, l’entreprise fit faillite. Lewis Moffatt demeura, avec son fils Lewis Henry, agent torontois de la Phoenix Assurance Company. Malgré le revenu confortable que ce travail lui assurait, il fut loin, dans les 15 dernières années de sa vie, de jouir d’une fortune et d’une notoriété aussi considérables que celles qu’il avait connues antérieurement. Sous certains aspects importants, sa carrière apparaît comme le prolongement de celle de son père, quoiqu’elle se soit déroulée sur la scène torontoise plutôt que montréalaise.
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Douglas McCalla, « MOFFATT, LEWIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/moffatt_lewis_12F.html.
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Auteur de l'article: | Douglas McCalla |
Titre de l'article: | MOFFATT, LEWIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |