MEYERS (Mayers, Mires, Myres), JOHN WALDEN (Walten, Walter) (baptisé Johannes Waltermyer et parfois appelé Hans Waltermeyer), officier dans l’armée et dans la milice, homme d’affaires, juge de paix et fonctionnaire, né le 22 janvier 1745/1746 dans le comté d’Albany, New York ; vers 1765, il y épousa Polly Kruger (Cruger), et ils eurent sept enfants, puis vers 1817, probablement à Belleville, Haut-Canada, Sophia Davy ; décédé le 22 novembre 1821 à Belleville.
John Walden Meyers était probablement d’origine allemande. Lorsque la Révolution américaine éclata, il n’était qu’un modeste fermier vivant avec sa famille près d’Albany. Alors que son père décida de se ranger du côté des rebelles, Meyers partit en juillet 1777 pour aller rejoindre à pied l’armée du major général John Burgoyne*, qui avançait alors dans le nord de l’état de New York. Selon la tradition, Meyers était accompagné du frère de sa femme et d’un chien fidèle qui devint si épuisé qu’il dut le porter. Son beau-frère ayant fait une observation sur cette marque de dévouement envers la bête, Meyers lui répliqua, avec l’accent allemand qu’il ne perdit jamais : « Peut-être serons-nous obligés de le manger. » Cette anecdote est la plus ancienne qui ait circulé sur Meyers, lequel devint aussi bien une figure légendaire qu’un personnage historique.
Quand il eut rejoint l’armée de Burgoyne, Meyers s’enrôla dans les King’s Loyal Americans. Comme il se trouvait en mission de recrutement, il manqua les batailles qui menèrent à la reddition de Burgoyne à Saratoga (Schuylerville, New York) en octobre 1777. Après cet événement funeste pour la cause britannique, Meyers se rendit à New York. Pendant quelques années, il continua à servir comme agent de recrutement, d’abord pour le colonel Gabriel George Ludlow*, puis pour le lieutenant-colonel Robert Rogers*. Toutefois, ce fut en recueillant des renseignements et en traversant le territoire ennemi pour livrer des dépêches qu’il contribua le plus à l’effort de guerre des Britanniques.
Meyers accomplit de dangereuses missions sans jamais se faire prendre par les troupes rebelles ; presque invariablement, il ramenait au fort Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu) des prisonniers et de nouvelles recrues. On dit qu’il suscitait tellement la crainte comme agent ennemi que, dans l’état de New York, les mères racontaient à leurs enfants que s’ils n’étaient pas sages Hans Waltermeyer viendrait les dévorer. En août 1781, il fut choisi pour diriger l’attaque décisive contre la maison du célèbre rebelle Philip John Schuyler ; ce fut le plus mémorable de ses exploits, mais l’espoir qu’entretenait le gouverneur Frederick Haldimand* de voir les soldats « amasser des renseignements et [...] mener certains des chefs les plus acharnés et actifs de la rébellion » fut déçu. La carrière militaire de Meyers ne souffrit cependant pas de l’échec de ce raid. En juin 1781, Haldimand l’avait autorisé à lever une compagnie indépendante. Incapable de recruter assez d’hommes, Meyers reçut une commission de capitaine dans les Loyal Rangers d’Edward Jessup* le 13 mai 1782. Il demeura au sein de cette unité jusqu’à la fin de la guerre. En 1782 et 1783, lui et sa compagnie tinrent garnison dans la province de Québec, au fort Saint-Jean, à l’île aux Noix et à Rivière-aux-Chiens. Il fut mis à la demi-solde lorsqu’on licencia les Loyal Rangers en décembre 1783.
Une fois la guerre terminée en 1783, la famille Meyers dut réorganiser sa vie. Meyers s’établit d’abord à la baie Missisquoi, à l’extrémité nord du lac Champlain, avec d’autres officiers et soldats loyalistes. Sa famille le rejoignit bientôt dans la province de Québec et séjourna à Yamachiche pendant qu’il préparait une installation plus permanente à la baie. Cependant, il s’avéra que les projets de Meyers allaient à l’encontre des vues du gouvernement. Craignant les incidents de frontière, les autorités ne voulaient pas que les loyalistes s’installent trop près des États-Unis. De leur côté, Meyers et ses camarades étaient consternés à l’idée de s’établir dans la région sauvage qui avait été réservée aux unités loyalistes à l’ouest de la rivière des Outaouais. Les colons affirmaient que « rien, sinon une force supérieure », ne les ferait quitter leur terre, mais les autorités l’emportèrent contre eux en 1784. Ayant reçu l’autorisation de passer l’hiver à la baie Missisquoi, Meyers déménagea en 1785 pour aller s’établir près de Cataraqui (Kingston, Ontario). Au printemps suivant, il s’installa dans ce qui allait devenir le canton de Sidney puis, en 1790, dans un canton voisin, celui de Thurlow, où il devait passer le reste de son existence.
Profitant de ce que, à la fin des années 1780, le gouvernement encourageait la construction de moulins, Meyers demanda en janvier 1788 un lot à cette fin dans le canton de Sidney ; il espérait ajouter un moulin à farine et une scierie à sa ferme déjà florissante. Sa demande fut repoussée, mais il semble qu’il acheta un autre lot dans le canton de Thurlow. Dès 1790, il avait terminé la construction du premier barrage et du premier moulin du district, près de l’embouchure du ruisseau Meyers (rivière Moira). C’est autour de cette industrie naissante que se développa le village de Meyers ; la localité allait porter ce nom jusqu’à ce qu’on adopte finalement en 1816 celui de Bellville (Belleville). Meyers se lança aussi dans la traite des fourrures et ajouta à son moulin à farine et à sa scierie une distillerie, une auberge et plusieurs bateaux, dont un petit schooner qui transportait des marchandises à Montréal ; il commerçait notamment avec Richard Cartwright* et David McGregor Rogers. Moins de dix ans après son arrivée dans la région de la baie de Quinte, la famille Meyers emménageait dans l’une des premières maisons de briques du Haut-Canada (les briques avaient été fabriquées dans l’une des fermes de Meyers). Il devait sa réussite à son énergie et à l’emploi judicieux du capital qu’il s’était constitué grâce à sa demi-solde et à l’argent reçu en compensation des pertes qu’il avait subies pendant la guerre. Quand Meyers mourut, il possédait au delà de 3 000 acres de terre et sa succession fut évaluée à plus de £12 000. Il mérite d’autant plus d’être classé en bonne place parmi les premiers colons du Haut-Canada qu’il fut juge de paix de 1788 jusqu’à sa mort et capitaine de la milice du comté de Hastings de 1798 à 1812. En 1800, il fut nommé commissaire chargé de faire prêter le serment d’allégeance aux nouveaux colons du district de Midland ; en 1802, il devint premier maître de la loge maçonnique de sa localité et, en 1820, il fut élu vice-président de la Midland District Agricultural Society. Enfin, il siégea au conseil d’administration qui fit construire en 1820 l’église St Thomas, première église anglicane de Belleville.
Pendant la Révolution américaine, John Walden Meyers avait sacrifié son intérêt personnel à la cause loyaliste. Ainsi il demanda un jour à ses supérieurs de lui donner de l’argent, juste « assez pour assurer [sa] subsistance [...] pendant [son] voyage » ; une autre fois encore, il déclara que sa seule « ambition [était] d’être utile ». Malgré son profond attachement à l’Empire britannique, il ne fut jamais d’une loyauté aveugle. Toujours prêt à combattre l’injustice, il se battit vaillamment pour obtenir la terre fertile à laquelle il estimait avoir droit et, des années plus tard, il alla même jusqu’à s’associer, quoique brièvement, au mouvement réformiste de Robert Gourlay*. Il participa à la rédaction du rapport produit sur le canton de Thurlow en réponse au questionnaire de Gourlay, et son fils Jacob fut délégué du canton de Sidney à la convention tenue à York par Gourlay en 1818. Comme tout homme, Meyers avait ses faiblesses ; il se querellait sans cesse avec James McNabb*, son concurrent en affaires, mais dans l’ensemble ses actes révèlent une personnalité admirable. Il affranchit ses quelques esclaves bien avant que la loi ne l’y oblige et sut gagner la confiance des Mississagués, avec qui il faisait du commerce. Sa maison de briques, perchée sur une colline, était reconnue pour son hospitalité. D’ailleurs, plus que toute autre chose, un simple fait confirme la stature de Meyers : on parlait tellement de lui de son vivant que, même avant qu’il ne s’éteigne, il était entré dans la légende où il vit encore aujourd’hui.
AO, Hist. plaque descriptions, « Capt. John Walden Meyers, 1745–1821, founder of Belleville », 14 août 1959 ; MS 768, G-5, William Canniff, notes sur les débuts de la colonisation du Haut-Canada ; MU 1368.— APC, RG 1, L1, 22 : 293 ; 26 : 141 ; 28 : 390, 551 ; 29 : 28 ; L3, 338 : M11/276 ; 376 : M misc., part.
Robert J. M. Shipley, « MEYERS (Mayers, Mires, Myres), JOHN WALDEN (Walten, Walter) (baptisé Johannes Waltermyer) (Hans Waltermeyer) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/meyers_john_walden_6F.html.
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Auteur de l'article: | Robert J. M. Shipley |
Titre de l'article: | MEYERS (Mayers, Mires, Myres), JOHN WALDEN (Walten, Walter) (baptisé Johannes Waltermyer) (Hans Waltermeyer) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |