McNABB, COLIN, officier dans l’armée et dans la milice, fonctionnaire, né vers 1764, peut-être en Virginie, fils de James McNabb ; il épousa une prénommée Elizabeth, « fille d’un vieux serviteur de la couronne », et ils eurent au moins six enfants ; décédé le 7 avril 1810 à Four Mile Creek, Haut-Canada.
On n’est guère renseigné sur les premières années de Colin McNabb. Quand éclata la Révolution américaine, sa famille – et en particulier son frère James – vivait en Virginie. Son père s’enrôla dans une unité loyaliste et servit pendant la campagne de John Burgoyne* en 1777. En 1780, James père, et probablement aussi sa famille, était dans la province de Québec. Quelque temps après, Colin s’enrôla dans les Loyal Nova Scotia Volunteers de Francis Legge* ; cette unité était utilisée principalement pour tenir garnison à Halifax. Au licenciement du régiment, le 20 octobre 1783, McNabb fut mis à la demi-solde, avec le grade d’enseigne. Il apparaît pour la première fois dans la région de Niagara, à l’ouest de la province de Québec, sur une liste de Loyalistes et de soldats licenciés dressée par Robert Hamilton en 1787. Il était marié et père d’une fille ; il avait défriché 60 acres de terre, dont 30 étaient en blé.
La carrière de 25 ans de McNabb à titre de petit fonctionnaire local est une conséquence de la décision que prit en 1787 le comité de commerce du Conseil privé de lever l’interdiction aux colonies de l’Amérique du Nord britannique de commercer avec les États-Unis. La juridiction en cette matière était dévolue aux colonies et, l’année suivante, une ordonnance fut publiée dans la province de Québec pour réglementer le commerce intérieur. La mise en vigueur de cette décision amena la nomination dans sept ports, de mai 1788 à janvier 1789, de surintendants de la navigation intérieure. Il est possible que sa situation d’officier loyaliste réformé lui ait valu le poste de Niagara (Niagara-on-the-Lake), qu’il obtint le 23 juin 1788. Il devait percevoir les droits de douane, prévenir la contrebande et enregistrer les navires.
La gestion du commerce intérieur fut modifiée par le traité Jay, qui, en 1794, inaugura le libre-échange avec les États-Unis. En 1796, le Bas-Canada adopta une loi qui mettait le traité en vigueur ; l’année suivante, le Haut-Canada, réticent, fit de même. La période de transition, qui s’étendit jusqu’en 1801, fut une source de confusion tant pour le gouvernement du Haut-Canada que pour les surintendants. Le 5 septembre 1797, l’administrateur Peter Russell proclama la suspension de certaines des ordonnances qui régissaient le commerce intérieur ; le 16 novembre, il annulait cette décision, sauf pour les ordonnances relatives à l’enregistrement des navires. McNabb fut dérouté. En 1798, il adressa une requête à Russell, se plaignant que, faute de nouvelles instructions, le bon fonctionnement de son bureau avait beaucoup souffert, avec le résultat que de « grandes quantités d’articles sujets à des droits de douane et même [d’articles] de contrebande » entraient dans la province. Ses efforts en vue de provoquer une intervention du Parlement ayant été vains, et hésitant à adopter des mesures de sa propre initiative, Russell, cette même année, recommanda au Conseil exécutif un expédient temporaire : l’adoption de la législation du Bas-Canada, dans la mesure où elle « s’appliquerait aux conditions de la province » du Haut-Canada.
Les problèmes furent en partie résolus par une loi adoptée par le Haut-Canada en 1801, qui réglementait de nouveau le commerce américain, fixait des droits douaniers et désignait 11 ports d’entrée. McNabb devint receveur des douanes à Niagara, le 6 août 1801. Aux fins d’augmenter ses revenus, car le lieutenant-gouverneur Peter Hunter pensait que la part des droits qui revenait aux receveurs pourrait « pendant un certain temps être bien peu élevée », McNabb avait obtenu, le 1er août, le poste d’inspecteur de farine, de potasse et de perlasse. Outre les tâches des anciens surintendants, les receveurs devaient soumettre trimestriellement leurs comptes à l’inspecteur général John McGill* et tenir à jour les listes des alambics, des boutiques et des tavernes de leur juridiction. McNabb avait sous sa surveillance un adjoint à Queenston (maintenant partie de Niagara-on-the-Lake), Samuel Street*.
Les receveurs étaient habituellement des marchands, tels John Warren ou John Askin, qui pouvaient, le cas échéant, faire en sorte que leurs fonctions officielles servissent de complément à leurs autres intérêts. McNabb fut le seul à tirer de son poste le gros de ses revenus ; aussi, les problèmes qui venaient entraver le cours normal de ses fonctions étaient-ils pour lui une source de constante irritation. Certains problèmes étaient personnels : « une grave maladie, qui dura deux mois », l’empêcha, en 1801, de remettre à temps ses recettes à McGill ; une querelle avec Street força McGill à intervenir pour appuyer l’autorité de McNabb. Il y avait aussi le problème constant d’avoir à mettre en vigueur de nouveaux droits, quand l’information gouvernementale relative aux nouvelles lois n’était pas transmise régulièrement. Enfin, les patrons de navires marchands du Haut-Canada refusaient souvent de faire leur déclaration aux receveurs. Si, dans les premières années, la part des droits que touchaient les receveurs était de peu d’importance, McNabb était néanmoins bien placé : il profitait d’un poste de transbordement provincial de première grandeur, tant par la proximité de sa région avec les États-Unis que par le volume des affaires que généraient des marchands de Niagara aussi en vue que l’étaient Robert Hamilton, Thomas Clark*, et les Dickson, William* et Thomas*. Du 1er juillet 1801 au 31 mars 1802, McNabb reçut £63 pour les droits perçus sur les alcools, la mélasse, le sucre, le café, le tabac et le tabac à priser de même que sur le sel ; son collègue Joseph Anderson, receveur à Kingston et à Cornwall, toucha moins de la moitié de cette somme, et William Allan*, à York (Toronto), £2 10 shillings 9 pence seulement.
Une initiative de McNabb, dans les premiers mois de l’année 1802, devait entraîner sa propre perte. Il avait décidé d’assujettir au tarif douanier près de 13 000 livres de tabac manufacturé, propriété de la McTavish, Frobisher and Company de Montréal, et destiné à la traite, à Detroit et à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan). Malgré qu’il contestât la légalité des droits dont le tabac était frappé, Hamilton, représentant à Niagara de la compagnie, fournit une garantie sous condition qui permit le passage de 7 000 livres de tabac. Le restant fut retenu, en attendant le règlement du litige. La compagnie et Hamilton soutenaient que les marchandises en transit, et qui étaient destinées à la consommation à l’extérieur de la province, n’étaient point assujetties aux droits de douane ; de son côté, McNabb se référait au précédent de la New North West Company (appelée parfois la XY Company), qui avait donné instructions à ses représentants à Niagara, la George Forsyth and Company, de payer des droits similaires. Entre-temps, les droits payables sur des expéditions subséquentes de tabac avaient porté à plus de £700 la somme due par la compagnie. Désirant fortement trouver un compromis qui eût évité une poursuite judiciaire et qui l’eût tiré d’affaire, McNabb tenta d’apaiser le puissant Hamilton et supplia McGill d’obtenir qu’intervînt le procureur général Thomas Scott*, de façon qu’une décision fût prise. Les comptes de McNabb pour la période du 1er avril au 31 décembre 1802 accusaient des arrérages supérieurs à £730.
Par son initiative, McNabb heurta de puissants intérêts commerciaux. Le 13 mars 1803, il écrivait à McGill qu’il avait vu une lettre « dans laquelle [celui-ci] laiss[ait] entrevoir [sa] crainte que [McNabb] ne [fût] un homme perdu ». Le 28 mars, son représentant à Queenston était remplacé par le cousin de Hamilton, Thomas Dickson, et le port était enlevé à la direction de McNabb. Le 6 avril, ce dernier était congédié par Hunter pour n’avoir pas fait ses paiements. McNabb et Street refusèrent de retourner leurs livres de comptes « pour cette raison qu’ils pourr[aient] peut-être, éventuellement, être nécessaires à leur justification ». Mais les autorités n’entreprirent aucune action judiciaire. Hamilton paya par la suite des droits sur le tabac importé pour consommation locale seulement, et la question des droits sur les marchandises en transit semble avoir été tranquillement oubliée. En mars 1810, le comité de l’Assemblée sur les comptes publics, sous la direction de David McGregor Rogers*, condamna McNabb pour les arriérés toujours existants de £87, résultat du refus des marchands de payer les droits.
On ne sait pas grand-chose de la vie de McNabb après qu’il eut perdu son poste de receveur. Il semble que sa demi-solde ait constitué son seul revenu. Un document indique qu’il fut commissaire adjoint au fort Niagara (près de Youngstown, New York) en 1796, mais on ignore s’il conserva cette fonction. Dans les années 1790, ses biens fonciers représentaient plus de 1 200 acres, sans compter des emplacements urbains à Newark, comme Niagara s’appelait alors, et à York, rien, au total, de très considérable. Dans une requête de 1796, en vue d’obtenir un emplacement à York, il affirmait son « désir de s’[y] construire », mais il se départit peu après de cette propriété. De 1796 à 1798, ses frères, Alexander, James et Simon, manifestèrent un désir semblable de s’installer ailleurs et, en 1799, tous avaient quitté Newark, à l’exception de Colin.
Membre de la congrégation presbytérienne, de la Société d’agriculture, de la Niagara Library, officier de la milice de Lincoln, Colin McNabb fut aussi propriétaire d’esclaves. Les récits de voyage de Patrick Campbell*, qui résida peu de temps à Niagara en 1791 et 1792, révèlent un aspect de la vie de McNabb. Chef de l’une des « bonnes familles » de la région, McNabb apparaît comme un bon vivant, amateur de bonne chère, qui n’aimait rien autant qu’un long voyage de chasse et qui saisissait le moindre prétexte à l’établissement de rapports sociaux. Une fois, Ralfe Clench* et lui guidèrent Campbell jusqu’à l’établissement de Joseph Brant (Thayendanegea), à la rivière Grand. La longue soirée fut tout en contrastes : dîner somptueux, conversation érudite, libations nombreuses, danses indiennes et reels écossais. Campbell en fut étonné : « Je ne me rappelle pas avoir passé, de toute ma vie, une nuit qui m’ait été plus agréable [...] mais les autres gentilshommes [McNabb et Clench], pour qui rien de tout cela n’était nouveau, regardaient et ne prenaient part que de-ci de-là aux reels. »
Certains chercheurs ont confondu la carrière de McNabb avec celle de son fils, Colin A. (décédé en 1820), qui servit dans les Nova Scotia Fencibles. [p. n. m.]
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Peter N. Moogk, « McNABB, COLIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mcnabb_colin_5F.html.
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Auteur de l'article: | Peter N. Moogk |
Titre de l'article: | McNABB, COLIN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 2 déc. 2024 |