Premier ministre libéral du Québec (1960–1966), Jean Lesage (1912–1980) incarne la Révolution tranquille. L’État, à la place du clergé dans plusieurs domaines, sert alors de levier dans la modernisation de l’éducation, la santé, les services sociaux, la culture, la condition féminine, le développement économique et les relations internationales. Lesage s’entoure d’une « équipe du tonnerre », de conseillers et de fonctionnaires extraordinaires. Il leur donne la liberté et les moyens d’innover. Et, le moment venu, il défend leurs mesures. Lesage, un des géants de l’histoire du Québec, est « le chef d’orchestre exceptionnellement brillant et magistral d’un ensemble de transformations [...] comme jamais le Québec n’en avait connues ».
Titre original :  Jean Lesage et son épouse Corinne Lagarde, 1961, BAnQ Vieux-Montréal, Fonds Harvey Majo, (06M,P243,S1,D1004), Majo, Harvey.

Provenance : Lien

LESAGE, JEAN (baptisé Joseph-Hertel-Jean), avocat, homme politique et homme d’affaires, né le 10 juin 1912 dans la paroisse Saint-Enfant-Jésus, Montréal, fils aîné de Xavéri Lesage, gérant d’une compagnie d’assurance, et de Cécile Côté ; le 2 juillet 1938, il épousa à Saint-Raymond, Québec, Corinne Lagarde, et ils eurent trois garçons et une fille ; décédé le 12 décembre 1980 à Sillery (Québec) et inhumé le 22 au cimetière Notre-Dame de Belmont à Sainte-Foy (Québec).

Origines et études

Les origines de la famille Lesage remontent au xviie siècle. Vers 1675, Jean Lesage et sa femme, Marguerite Roussel, venus de Beaumont-le-Roger, en France, arrivent en Nouvelle-France avec leur fils Jean-Baptiste. Ils s’installent dans la seigneurie de la Rivière-du-Loup, près de Trois-Rivières. Jean-Baptiste se marie en 1709 à Trois-Rivières à Marie-Joseph Gerlaisse. Neuf générations plus tard naît Jean Lesage, futur premier ministre de la province de Québec. Son ancêtre maternel, Jean Côté, a épousé en 1635 Anne Martin, proche parente d’Abraham Martin*.

Issu d’une famille modeste qui comptera huit enfants, Jean entre vers l’âge de cinq ans au Jardin de l’enfance Saint-Enfant-Jésus à Montréal, dirigé par les Sœurs de la charité de la Providence. Cet établissement d’enseignement a la réputation de bien préparer, en cinq années, les élèves aux études classiques. En 1921, les Lesage emménagent à Québec, à la suite de la nomination de Xavéri au poste de gérant adjoint de la compagnie d’assurance les Prévoyants du Canada. Ils s’installent dans le quartier Montcalm, secteur de la haute ville de Québec qui commence à se développer et qui attire la petite bourgeoisie francophone de cols blancs. Ils habiteront successivement les avenues Holland, Bourlamaque (De Bourlamaque), Cartier et Brown. Jean poursuit ses études primaires au pensionnat Saint-Louis-de-Gonzague des Sœurs de la Charité de Québec.

En 1923, Lesage entre au séminaire de Québec. Il a d’abord plus de facilité pour les matières faisant appel à la mémoire que pour celles nécessitant du raisonnement. Après quelques difficultés, il développe un talent pour les mathématiques au point d’obtenir, en 1930, le prix décerné aux meilleurs élèves dans cette discipline. De manière générale, il ne figure pas parmi les premiers de classe, même si ses résultats scolaires sont bons et en constante progression.

Durant ses études, Jean, robuste, pratique quelques sports comme le tennis, le hockey et le baseball, sans vraiment y exceller. Avec des amis, il joue aux cartes, prend goût à la cigarette et à l’alcool. Ses extraordinaires talents d’orateur se révèlent dès cette époque. Sa voix forte et grasseyante est exceptionnelle et sa diction, impeccable. La qualité de la langue parlée a toujours été une priorité pour ses parents. Jean gagne des concours d’éloquence à l’échelle régionale et provinciale.

Lesage est reçu bachelier en 1931, avec distinction. Après avoir songé à devenir comptable, il entre à la faculté de droit de l’université Laval à l’automne. Durant ses études, il se rend parfois rue Saint-Pierre, où son oncle Joseph-Arthur Lesage, organisateur libéral, et Charles Gavan Power*, homme politique libéral, ont leurs bureaux, pour discuter politique. L’engagement précoce de Lesage envers le Parti libéral lui vient de son père, car sa mère a grandi dans une famille conservatrice. À Laval, Jean fait également du théâtre – il aime les auteurs classiques, tels que Pierre Corneille, Jean Racine et Molière – et rencontre René Arthur, qui sera son chef de cabinet adjoint (1960–1966). La troupe dont ils font partie donne des représentations à Québec et ailleurs dans la province. Vers 1933, Lesage passe une audition comme annonceur pour une station de radio de Québec, mais sa candidature n’est pas retenue.

Lesage doit se procurer un revenu. Son père a perdu son emploi au cours de la crise économique et sa famille éprouve des difficultés financières. Pour ce faire, Lesage met fréquemment ses aptitudes à profit dans des assemblées électorales libérales. Son oncle Joseph-Arthur ayant la main haute sur le choix des jeunes orateurs, Jean participe dès 1930 à la campagne fédérale pour appuyer un candidat de l’équipe libérale de William Lyon Mackenzie King*. Pour ce genre d’intervention, il reçoit entre 5 $ et 10 $. En 1933, il s’engage dans le corps-école des officiers canadiens, où il suit une formation en artillerie. Jusqu’en 1945, il consacrera ses soirées, ses fins de semaine et ses vacances d’été à l’armée canadienne de réserve, qui lui verse une solde.

Avocat

Lesage obtient sa licence en droit en 1934, avec la mention cum laude. Après avoir réussi les examens du Barreau de la province de Québec, il est admis à la pratique du droit le 10 juillet. Il doit emprunter 150 $ à une amie pour payer les droits d’inscription au barreau. À titre de conseiller juridique puis d’avocat de l’Union des bûcherons, fondée en 1934, il défend les travailleurs forestiers vers le milieu des années 1930. Il tente notamment d’obtenir un premier contrat collectif qui améliorerait les conditions de travail de ces ouvriers.

Lesage exerce son métier avec un cousin, Paul Lesage, dès 1935. En 1940, les deux avocats s’associent avec Raymond, frère de Jean. Power et Valmore Bienvenue se joignent au cabinet trois ans plus tard ; le premier est ministre de la Défense nationale pour l’air et ministre associé de la Défense nationale dans le gouvernement King, et le second est ministre de la Chasse et de la Pêche dans le cabinet provincial libéral d’Adélard Godbout*. Leur arrivée garantit au bureau Power, Bienvenue, Lesage et Turgeon ses entrées aux deux ordres de gouvernement et assure sa notoriété. Jean Turgeon, qui fait également partie du groupe, est un ami d’école. Jean Bienvenue, fils de Valmore, deviendra un partenaire en 1952. Jean Lesage atteint donc, en quelques années, le statut d’avocat bien en vue de Québec.

Aux élections du 14 octobre 1935, Lesage, engagé par le médecin Jules Desrochers, député libéral fédéral sortant de Portneuf, a prononcé des discours en faveur du candidat libéral Lucien Cannon. Il fait alors la connaissance de la belle-fille de Desrochers, Corinne Lagarde, cantatrice, qu’il épouse en 1938. Après la victoire de Godbout aux élections provinciales du 25 octobre 1939, Lesage obtient, grâce à son oncle et à sa participation comme orateur à la campagne électorale, le poste de procureur de la couronne. Il est également nommé conseiller juridique de la Commission des prix et du commerce en temps de guerre établie par le gouvernement King en septembre. Il occupe ces deux fonctions jusqu’en 1944. Lors du plébiscite de 1942, il a fait campagne contre la conscription.

Sur la scène politique fédérale (1945–1958)

Élections

En 1945, avec l’assentiment de son oncle et de Power, Lesage se présente pour le Parti libéral aux élections fédérales dans une circonscription semi-rurale, Montmagny-L’Islet. Il connaît bien ce territoire puisqu’il a participé aux élections provinciales de 1939 et de 1944 pour Godbout dans L’Islet. Le 11 juin, il est élu à la Chambre des communes, au sein du gouvernement King, avec 60,67 % des voix. Selon l’historien Conrad Black, pendant la campagne provinciale de 1948, Lesage conclut une entente à l’amiable avec Antoine Rivard*, candidat de l’Union nationale, pour faciliter leurs élections respectives : ce dernier remporte la circonscription de Montmagny et Lesage en profitera aux élections fédérales de l’année suivante. Lesage sera par ailleurs réélu au fédéral en 1953, en 1957 et en 1958. Rivard racontera dans Si l’Union nationale m’était contée... qu’il avait d’excellentes relations avec Lesage : « Certains de mes organisateurs étaient également ceux de Jean Lesage. Et, ce n’est pas pour me vanter que je vous rapporte ça, leur mot d’ordre était : “On a deux bons hommes ; on en a besoin et on les garde.” » Lesage a donc noué, comme d’autres libéraux fédéraux de la province de Québec, une forme de collaboration avec des unionistes.

Idées politiques et interventions en Chambre

Homme d’action plutôt qu’idéologue, Lesage est cependant un adepte du libéralisme économique et un défenseur des libertés individuelles. Son héros politique est sir Wilfrid Laurier* [V. Sir Wilfrid Laurier]. À son premier discours comme député à la Chambre des communes, prononcé le 24 septembre 1945, Lesage plaide pour un « État bilingue » et une unité canadienne dans la diversité. Il souligne aussi l’importance d’avoir un drapeau, une citoyenneté et un hymne national canadiens. Ses sujets de prédilection concernent les questions constitutionnelles, financières et économiques. Le député prône le rapatriement des domaines qui relèvent toujours de la compétence britannique, l’indépendance économique du Canada par rapport au Royaume-Uni et la stabilité économique grâce au maintien du plein emploi par l’accroissement de l’exportation. Il préconise le libre-échange et l’intervention de l’État, qui doit imposer des règles à l’économie et guider la production canadienne. L’État a aussi, selon lui, la responsabilité d’assurer à chaque citoyen un niveau de vie décent.

Le 22 mai 1950, respectueux du partage des compétences entre Québec et Ottawa, Lesage déclare en Chambre : « [J]amais je ne permettrais que le gouvernement fédéral ait droit de vue sur l’éducation », ce qui « entraînerait la perte des droits sacrés qui servent de base à notre survivance même ». Lors de la création de l’impôt provincial en 1954 [V. Maurice Le Noblet Duplessis*], Lesage se prononce contre une diminution de l’impôt fédéral et contre la double imposition ; selon lui, la priorité provinciale en matière d’imposition directe est une prétention erronée. À la séance du 14 avril, il dit : « La double taxation est due uniquement à la décision du gouvernement du Québec, qui voudrait bien, cependant, en faire porter l’odieux au gouvernement canadien. Cela me fait penser à ce petit garçon qui tirait la queue du chat et qui répondit à son père, qui lui disait de cesser : “Ce n’est pas moi qui tire papa, c’est le chat.” » Cette prise de position, exprimée dans un « discours malencontreux », comme l’écrira dans ses Mémoires Georges-Émile Lapalme*, chef du Parti libéral au Québec (1950–1958), lui attirera les reproches de l’Union nationale et d’autres libéraux de sa province d’origine.

Lesage est le plus méthodique et le plus travailleur d’un groupe de députés francophones turbulents, plutôt indociles, appelé le « petit Chicago », dont l’un des faits d’armes a été l’opposition vigoureuse à l’adoption du Red Ensign comme drapeau du Canada en 1946. Le jeune député de Montmagny-L’Islet intervient fréquemment en Chambre. Il s’y exprime régulièrement en anglais, qu’il a notamment appris de sa mère, qui avait vécu plusieurs années aux États-Unis dans sa jeunesse, et pendant ses entraînements avec l’armée canadienne de réserve. Comme plusieurs autres francophones, il utilise la langue de la majorité pour s’assurer que les députés unilingues anglophones le comprennent bien.

Différentes fonctions

En 1949, Lesage devient vice-président du comité permanent de la banque et du commerce de la Chambre des communes. Il copréside aussi un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes sur les pensions de vieillesse, créé le 30 mars 1950. Le travail de ce comité, où il assume son rôle avec compétence grâce à ses connaissances administratives et juridiques et à son doigté, fait l’objet de commentaires élogieux en Chambre. À l’automne, Lesage se joint à la délégation canadienne à la cinquième Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU), à New York.

Lesage gravit ensuite un autre échelon. Du 24 janvier 1951 au 31 décembre 1952, il est adjoint parlementaire du secrétaire d’État aux Affaires extérieures, Lester Bowles Pearson. En cette qualité, il fait partie de plusieurs délégations à l’étranger. Ainsi, il dirige la délégation canadienne pendant la treizième session du Conseil économique et social de l’ONU, à Genève, en Suisse, à la fin de l’été de 1951, puis à l’occasion de la quatorzième session, à New York, qui commence en mai 1952. En janvier, il a agi comme vice-président de la délégation canadienne à la seconde partie de la sixième Assemblée générale à Paris et, en février, comme président élu de la seconde Conférence des Nations unies sur l’assistance technique, tenue au même endroit. Ces expériences dans la diplomatie canadienne lui ouvrent une perspective et lui serviront à assurer la présence de la province de Québec sur la scène internationale.

Lesage passe ensuite au ministère des Finances, du 1er janvier au 13 juin 1953, comme adjoint parlementaire du ministre Douglas Charles Abbott*. À ce titre, il assiste aux réunions du ministère et à celles de la Banque du Canada, participe à la préparation du budget, présente et défend des projets de loi, comme celui tendant à modifier la loi de 1944 sur les prêts destinés aux améliorations agricoles.

Ministre (1953–1957)

À la suite des élections de 1953, Lesage devient ministre des Ressources et du Développement économique dans le cabinet de Louis-Stephen St-Laurent pour quelques mois, soit du 17 septembre au 15 décembre. Il est alors le plus jeune membre du conseil des ministres et quitte son bureau d’avocat. Le 16 décembre, il prend la tête du nouveau ministère du Nord canadien et des Ressources nationales. Il assume cette fonction jusqu’au 21 juin 1957. À ce titre, il préside à l’administration des Territoires du Nord-Ouest. Il met en place une structure administrative, établit une politique de mise en valeur économique et instaure un régime scolaire pour cet immense territoire auparavant délaissé par l’administration fédérale. C’est sa principale réalisation comme ministre.

Dans l’opposition (1957–1958)

La défaite libérale de 1957 l’envoie, pour la première fois, sur les banquettes de l’opposition. Au scrutin de 1958, Lesage fait partie des 25 députés libéraux qui résistent au cyclone conservateur qui secoue la province de Québec [V. John George Diefenbaker]. Pour un temps, ses ambitions politiques sont freinées sur la scène fédérale ; il vit péniblement ce passage dans l’opposition. Lesage doit reprendre son salaire de député ; sa famille, qui l’a suivi à Ottawa quand il est devenu ministre, est forcée de retourner à Québec. Il songe alors à abandonner la politique pour gagner davantage d’argent, notamment en travaillant comme avocat.

Premières années sur la scène provinciale (1958–1960)

Contexte favorable

En plus de la défaite des libéraux fédéraux aux élections de 1958, quatre autres événements majeurs contribuent à l’ascension de Lesage à la tête de la province de Québec : le retrait de Lapalme de la direction du Parti libéral, le scandale du gaz naturel qui atteint l’Union nationale, et les morts successives des premiers ministres unionistes Maurice Le Noblet Duplessis et Paul Sauvé*. Dans son ouvrage Ne bougez plus !, le politologue Gérard Bergeron* qualifiera ces événements de « [c]ascade de chances ».

Au Québec, depuis 1950, les libéraux provinciaux étaient dirigés par Lapalme et faisaient face à un gouvernement duplessiste apparemment invincible. À l’approche des années 1960, le leadership de Lapalme devient de plus en plus contesté. L’avocat Paul Gérin-Lajoie* et le député provincial de Saint-Maurice, René Hamel, ne cachent pas leur intérêt pour le remplacer. À l’insu de Lapalme, plusieurs libéraux font la cour à Lesage pour qu’il lui succède, même s’il est stigmatisé par sa position controversée sur la création de l’impôt provincial en 1954. Finalement, Lapalme accepte, à contrecœur, de se retirer en faveur de Lesage. Un congrès à la direction a lieu à Québec les 30 et 31 mai 1958 ; il se clôt par la victoire de Lesage, qui l’emporte facilement contre Gérin-Lajoie, Hamel et Aimé Fauteux, chirurgien-dentiste aussi dans la course. Lesage démissionne de son poste de député fédéral le 13 juin. Le nouveau chef, qui n’a alors pas de siège à l’Assemblée législative, recevra du parti un montant annuel de 25 000 $ jusqu’à son élection comme député. Son expérience de 13 ans en politique fédérale lui a permis d’acquérir une solide connaissance du fonctionnement de l’administration publique : il saura la mettre à profit pour moderniser celle de la province de Québec.

À peine à la tête des libéraux provinciaux, Lesage voit « le scandale longtemps recherché lui tomber tout cuit dans les mains », comme l’écrira Lapalme dans ses Mémoires : le scandale du gaz naturel dévoilé par le Devoir en juin 1958, qui impliquerait plusieurs ministres unionistes coupables de délit d’initié [V. Maurice Le Noblet Duplessis]. Duplessis, secoué, vieilli et malade, demeure tout de même un adversaire redoutable. Il ne craint pas Lesage. Il considère que le chef libéral a été parachuté d’Ottawa à Québec, comme Lapalme. Il ne le tient d’ailleurs pas en très grande estime : il le trouve faible de caractère, gauche, hautain et pompeux. Coup de théâtre : Duplessis meurt à Schefferville le 7 septembre 1959. La chance semble sourire à Lesage, qui doit toutefois affronter le successeur de Duplessis, Sauvé, tout aussi menaçant. Le nouveau premier ministre lance un train de réformes qui en fera l’un des précurseurs de la Révolution tranquille. Il accentue la cadence à tel point que les libéraux, dans une situation fort inconfortable, l’accusent de reprendre leurs idées. Il est persuadé que le chef libéral ne peut pas le vaincre. Le matin du 2 janvier 1960, c’est la consternation au Québec : Sauvé est mort. Lapalme écrira dans ses Mémoires : « Dans la politique, j’avais toujours été obligé de me dynamiter des voies : devant Jean Lesage, les obstacles disparaissaient d’eux-mêmes. » L’avenir devient prometteur pour les libéraux. Le remplaçant de Sauvé, Antonio Barrette*, convoque les électeurs pour le 22 juin 1960.

Constitution de l’équipe et du programme libéral (1960)

Même avec un nouveau chef, le Parti libéral ne constitue pas une formation crédible. Il a des idées, mais pas encore de programme. Pour composer son équipe, Lesage peut compter sur plusieurs personnes : d’ex-collègues d’Ottawa un peu en peine à la suite de l’arrivée au pouvoir des conservateurs, soit Bona Arsenault*, Lionel Bertrand et George Carlyle Marler* ; de jeunes députés provinciaux comme Gérard D.-Levesque [Dea-Levesque*] et Oswald Parent ; Gérin-Lajoie, défait à deux reprises et qui tente de nouveau sa chance en 1960 ; l’ancien chef Lapalme, aigri et déçu, qui accepte néanmoins de continuer ; et quelques antiduplessistes, tels les députés libéraux provinciaux Alcide Courcy, Hamel, René Saint-Pierre et Émilien Lafrance, ainsi que l’avocat Bernard Pinard. L’équipe Lesage manque toutefois de vedettes. Les intellectuels Pierre Elliott Trudeau* et Gérard Pelletier* refusent de s’y joindre ; le nom de l’avocat Robert Cliche circule. Jean Marchand* est tenté, mais il préfère attendre la présidence de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada. René Lévesque*, animateur populaire à la télévision de Radio-Canada, entre finalement dans la course.

La plate-forme libérale de 1960 est l’œuvre de Lapalme, qui l’a mûrie pendant ses années dans l’opposition. Écrite à l’été de 1959, elle s’est d’abord concrétisée dans un volumineux manuscrit (publié en 1988 à Montréal sous le titre Pour une politique : le programme de la Révolution tranquille), auquel s’ajoutent un ensemble plutôt hétéroclite de résolutions du parti votées dans les congrès régionaux et provinciaux entre 1950 et 1959, et les propositions de conseillers experts de l’université Laval, comme Maurice Lamontagne*, aussi conseiller de Pearson, devenu chef du Parti libéral fédéral. Lesage demande à Lapalme de la condenser pour les élections. Cette plate-forme officielle, parue en 1960 à Montréal sous le titre 1960, le programme politique du Parti libéral du Québec, est assez exceptionnelle ; le Devoir du 7 mai 1960 la trouve « neu[ve] et dynamique ». Elle comprend 54 articles, dont le premier annonce la création d’un ministère des Affaires culturelles. Elle traite notamment du fait français, d’éducation et d’expansion économique, envisage la formation d’un ministère des Richesses naturelles, promet l’instauration d’un système gouvernemental d’assurance-hospitalisation et la mise en place d’un statut juridique pour la femme mariée égal à celui de l’homme. Sur la question constitutionnelle, le programme prévoit l’organisation d’un ministère des Affaires fédérales-provinciales. Sur le plan de l’administration publique, il souhaite la transformation du fonctionnarisme, une réforme électorale et un meilleur contrôle des finances publiques.

Élections de 1960

Les libéraux font dès lors campagne avec un chef, une « équipe du tonnerre » et un programme. Ils se battent contre un parti unioniste sans véritable projet et divisé, qui, malgré ses initiatives relevant d’un certain marketing politique, continue d’user de ses vieilles tactiques électorales [V. Maurice Le Noblet Duplessis]. Prenant le contrepied, les organisateurs libéraux élèvent à un autre niveau les façons de faire en matière de publicité électorale, s’inspirant de la manière américaine employée par les présidents Franklin Delano Roosevelt, Harry S. Truman et Dwight David Eisenhower, qui ont notamment recours aux études de marché, aux slogans et à la télévision. Ils utilisent les sondages d’opinion pour orienter leur stratégie publicitaire et la télévision pour mettre en vedette leurs candidats. La campagne électorale de 1960 devient l’une des plus médiatisées de l’histoire de la province de Québec. La performance de Lesage est excellente. Sa prestance, son éloquence et sa voix forte conviennent merveilleusement à des slogans bien choisis, comme C’est l’temps qu’ça change ! Dans Souvenirs et Confidences, Arsenault écrira que Lesage est « l’un des plus grands charmeurs de foule de sa génération ». La victoire n’est pas acquise pour autant.

Le taux de participation aux élections du 22 juin, 81,66 %, est alors le plus élevé de l’histoire de la province. Le résultat est serré : les libéraux l’emportent avec 51,4 % des voix et une différence d’un peu moins de 100 000 votes sépare les deux partis. Dans plusieurs circonscriptions, les majorités libérales sont minces ; un déplacement de quelques centaines de voix aurait assuré le retour des unionistes au pouvoir. Lesage est pour sa part élu député dans la circonscription de Québec-Ouest. La position des libéraux paraît néanmoins solide : le Parti libéral fait élire 51 députés et l’Union nationale, 43. Les libéraux reçoivent les appuis des électeurs de Montréal et de Québec, alors que les unionistes demeurent forts en région. Le soir des élections, au Colisée de Québec, sur les ondes de Radio-Canada, Lesage dit : « C’est une victoire pour l’ensemble de la population [...] Je suis tellement confiant […] que nous puissions donner à notre province le gouvernement honnête, avec une saine administration et un progrès assuré. » Il termine en affirmant que la peur a « changé de camp ».

Premier ministre (1960–1966)

Origines de la Révolution tranquille

Les élections de 1960 marquent le commencement d’une période importante de l’histoire québécoise : la Révolution tranquille. L’expression proviendrait d’un échange entre Lesage et Brian Felix Upton, du Montreal Star. Au début de 1961, lors d’une conférence de presse, Upton aurait posé, en anglais, la question suivante à Lesage : « This is a revolution, Mister Premier... ? » (C’est une révolution, Monsieur le Premier Ministre ?) Ce dernier aurait répondu dans la même langue : « If it is a revolution, it is a quiet revolution » (Si c’est une révolution, c’est une révolution tranquille). Les deux mots qualifieront la période de 1960 à 1970, pendant laquelle le Québec connaîtra une vague de réformes sans précédent. L’État, à la place du clergé dans plusieurs domaines, sert de levier dans la modernisation de l’éducation, la santé, les services sociaux, la culture, la condition féminine, le développement économique et les relations internationales. Lesage, qui serait à l’origine de l’expression, demeure aussi en grande partie responsable de ce progrès immense.

Équipe

La tâche initiale de Lesage consiste à former son cabinet. Pendant ses deux mandats (1960–1962 et 1962–1966), le premier ministre sait bien s’entourer ; il ne craint pas les fortes personnalités, tant de ministres que de conseillers. L’« équipe du tonnerre » comprend, entre autres : Lapalme, Marler, Gérin-Lajoie, Lévesque, Hamel, Saint-Pierre, Pinard, Lafrance, Arsenault et Bertrand. S’y joindront en 1961 le journaliste Pierre Laporte* et l’avocate Claire Kirkland-Casgrain [Kirkland*] (première députée à l’Assemblée législative), en 1963 le président de la Bourse de commerce de Montréal Eric William Kierans*, et en 1964 le juge à la Cour des sessions de la paix Claude Wagner. Lesage se réserve le ministère des Finances pour avoir la main haute sur le financement des réformes proposées. Il est également le premier titulaire du ministère des Affaires fédérales-provinciales en 1961 et ministre du Revenu en 1963. Outre Lesage, le cabinet repose en réalité sur quatre piliers : Gérin-Lajoie, Lapalme, Lévesque et Kierans. Ces quatre ministres, qui ont leur réseau parmi les progressistes et leurs entrées auprès des médias, donneront cependant du fil à retordre à Lesage.

Une équipe de sous-ministres et de conseillers, tout aussi exceptionnelle, seconde ce cabinet. Elle comprend notamment Claude Morin aux affaires fédérales-provinciales, Claude Castonguay* au bien-être social et à la santé, Guy Frégault à la culture, Arthur Tremblay à l’éducation, Roch Bolduc à la fonction publique, Jean Deschamps à l’industrie et au commerce, Louis-Philippe Pigeon à la législation, Michel Bélanger* et Bernard Landry* aux ressources naturelles, et plusieurs autres conseillers comme Jacques Parizeau*, Guy Rocher, André Patry et André Marier.

Premier mandat (1960–1962)

Pour réaliser son programme, Lesage bénéficie d’abord, ironiquement, de l’impôt provincial de Duplessis instauré en 1954, qu’il a dénoncé. Il profite de plus du bon état des finances publiques, légué par le conservatisme économique des gouvernements précédents. S’inspirant des pratiques outaouaises, Lesage instaure un contrôle des dépenses publiques et augmente les revenus de l’État pour financer des réformes nécessaires, mais coûteuses. Il ne craint pas d’emprunter sur les marchés étrangers, hausse impôts et taxes. Il bénéficie d’une plus grande contribution du gouvernement fédéral. Les dépenses grimpent toutefois à la mesure des besoins immenses liés à la poussée démographique, et, aussi, de l’inertie de l’ancien gouvernement unioniste dans plusieurs domaines. Entre 1960 et 1966, les dépenses quadrupleront, entraînant l’augmentation du produit intérieur brut de plus de la moitié ; les investissements publics favorisant la croissance de l’économie, le revenu personnel par habitant s’accroîtra de 38 %.

L’implication massive de l’État dans le développement économique a pour but de donner aux francophones de la province la maîtrise de leur économie. Pour favoriser l’exploitation des ressources naturelles au profit de la province, le gouvernement Lesage constitue en 1961 le ministère des Richesses naturelles, placé sous la responsabilité de Lévesque. S’inspirant du Conseil d’orientation économique instauré en 1943 par Godbout et mis en veilleuse l’année suivante par Duplessis, il crée, toujours en 1961, le nouveau Conseil d’orientation économique du Québec. La Société générale de financement du Québec naît en 1962 pour appuyer l’établissement et le développement d’entreprises industrielles et commerciales à l’aide de fonds publics et privés. L’historien Lionel Groulx* a alors de bons mots pour Lesage, comme le rapporte la Presse le 15 septembre 1962 : « Je ne peux m’empêcher d’admirer le courage de M. Lesage, quand il dit : “L’ère du colonialisme économique est fini, dans le Québec”. C’est la première fois qu’un premier ministre tient pareil langage, dans le Québec. »

Grâce à ses talents de juriste, Lesage revoit les projets de loi. À titre de ministre des Finances, il surveille les dépenses avec son homme de confiance, André-J. Dolbec, contrôleur de la Trésorerie qu’il réorganise : en 1961, le bureau de la Trésorerie est devenu le conseil de la Trésorerie. Lesage préside ce conseil, chargé d’instaurer une meilleure gestion des recettes et des dépenses et responsable de tout ce qui concerne la fonction publique. Fort de son expérience à Ottawa, il met en place une administration non partisane, sélectionnée par concours, avec de nouvelles descriptions de tâches, et des conditions de travail et des salaires bonifiés. Le recrutement se fait dans le domaine privé, dans les universités ou dans la fonction publique fédérale. Le nombre de fonctionnaires passera, entre 1960 et 1965, de 36 766 à 56 258. L’influence de Lesage dans cette réforme marque la première génération de fonctionnaires, rouage essentiel de la Révolution tranquille.

Sur le plan de la santé, la province de Québec devient un État-providence. On instaure un système gouvernemental d’assurance-hospitalisation en 1961 [V. Alphonse Couturier*], qui permet un accès gratuit aux soins hospitaliers à l’ensemble de la population.

Créé en 1961, le ministère des Affaires culturelles incarne, comme le dit Lesage à l’Assemblée législative le 2 mars, « l’âme de notre peuple ». Il a pour but d’assurer l’épanouissement et le rayonnement des arts et des lettres, tant dans la province qu’à l’extérieur. Il a notamment sous sa juridiction l’Office de la langue française, le Département du Canada français d’outre-frontières, le Conseil provincial des arts et la Commission des monuments historiques. Grâce à la ténacité des ministres Lapalme et Laporte ainsi que du sous-ministre Frégault – et parfois malgré Lesage et certains de ses autres ministres –, la culture demeure une grande réalisation du gouvernement Lesage.

Dans le domaine de l’éducation, le gouvernement Lesage fait sanctionner, au printemps de 1961, un ensemble de 12 lois, connu sous le nom de Grande Charte de l’éducation, garantissant à chaque enfant le droit à l’éducation. Ces mesures portent entre autres sur la gratuité de l’éducation, la fréquentation scolaire obligatoire jusqu’à l’âge de 15 ans, les bourses d’études, le perfectionnement des enseignants et l’institution de la commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, aussi connue sous le nom de commission Parent [V. Alphonse-Marie Parent*].

L’équipe libérale s’occupe aussi de la position du Québec sur la scène internationale. Des liens privilégiés se tissent avec la France et la francophonie, encouragés par Lapalme, le président français Charles de Gaulle et le ministre français des Affaires culturelles André Malraux. Le 5 octobre 1961, à l’occasion d’un voyage en France où il est reçu avec les égards dus à un chef d’État, Lesage inaugure la Maison du Québec à Paris (qui deviendra trois ans plus tard la Délégation générale du Québec). Dans son édition du jour suivant, le Devoir rapporte : « M. Lesage a déclaré que le peuple du Canada français est conscient de ses possibilités et de sa place dans le monde. C’est pour remplir cette place [...] que Québec établit une légation à Paris. » La délégation a comme mission de développer des relations et des échanges dans les domaines de l’économie, de la culture, du tourisme, de l’immigration et de la francophonie. La France reconnaîtra officiellement la Délégation générale du Québec en 1965 et lui accordera les privilèges d’une ambassade. Le gouvernement remplace, en 1961, l’agence commerciale de New York par une délégation générale. On ouvre une délégation à Londres en 1962 et un bureau économique à Milan, en Italie, trois années plus tard. Dans ses relations internationales, Lesage se comporte comme un véritable chef d’État.

Élections de 1962 et nationalisation de l’électricité

Un tel rythme de changement ne pouvait cependant plaire à tous. Maurice Lamontagne, candidat libéral battu par le créditiste Jean-Robert Beaulé dans la circonscription de Québec-Est aux élections fédérales du mois de juin, écrit son analyse de la situation en septembre dans « Plaidoyer en faveur d’une politique humaine » (document dont le Devoir diffusera quelques extraits le 18 décembre 2003). Du programme libéral de 1960, les gens ont surtout retenu, selon lui, les promesses à l’égard des chômeurs et des cultivateurs, et sur la sécurité sociale, qui tardent à se concrétiser. « La politique de grandeur, affirme-t-il, a voulu atteindre l’objectif trop vite et elle a laissé le peuple en chemin. » À la veille des élections, les grandes mesures ne font effectivement pas l’unanimité, notamment dans les régions qui subissent un taux de chômage élevé, et auprès des agriculteurs et des petits travailleurs. Elles dépassent leurs préoccupations et suscitent de l’incompréhension. Le mouvement majeur de sécularisation des hôpitaux, qui peut heurter les catholiques, s’attire des critiques : l’assurance-hospitalisation, dit-on, ne profiterait, par exemple, qu’aux hôpitaux et aux médecins. Le fardeau fiscal représente aussi un facteur d’insatisfaction. Le gouvernement Lesage a promis d’instaurer des réformes sans pour autant augmenter les impôts et les taxes ; or, le contraire se produit, notamment avec la généralisation de la taxe de vente pour fins scolaires.

Les membres du Parti libéral ont leurs propres griefs. Plusieurs militants ne comprennent pas l’absence de favoritisme à leur égard et le maintien en poste des fonctionnaires unionistes. Pourtant, conformément à son programme, le gouvernement Lesage a pris des mesures pour abolir le favoritisme, comme l’attribution de contrats à la suite d’appels d’offres publics et l’établissement d’une fonction publique non partisane. Certains libéraux, qui ont en vain attendu leur tour pour profiter du favoritisme, croient que leur parti les a oubliés. La division se fait également sentir au conseil des ministres. Maintenir la cohésion entre des gens de grand talent, mais avec beaucoup de caractère, s’avère difficile. Pour d’aucuns, Lévesque est indiscipliné : il arrive en retard aux séances et ne respecte pas la solidarité ministérielle.

Les 4 et 5 septembre 1962, une réunion au lac à l’Épaule refait l’unité du parti. Après une longue discussion, suivie des explications de Lévesque sur les raisons et la manière de nationaliser l’électricité, Lesage, constatant un consensus au sein de son équipe, propose d’en appeler au peuple. La campagne électorale de 1962 s’apparente à une campagne référendaire : Lesage demande aux citoyens de valider la nationalisation de l’électricité et Lévesque tente de convaincre la population des bienfaits de son projet. Magistralement menée par ce duo et portée par un slogan puissant (Maîtres chez nous), elle donne lieu au premier débat des chefs télévisé, pendant lequel Lesage et Daniel Johnson*, de l’Union nationale, s’affrontent sur les ondes de Radio-Canada le 11 novembre. Trois jours plus tard, les libéraux obtiennent 56,4 % des voix, appui populaire incontestable, et Lesage est réélu dans sa circonscription. L’année suivante, les derniers producteurs privés d’électricité sont nationalisés. Hydro-Québec, créée en 1944 [V. Adélard Godbout], devient, pour l’essentiel, la seule firme de distribution d’électricité au Québec.

En 1964, le sociologue Maurice Pinard et le Groupe de recherche sociale montreront le rôle primordial de Lesage dans la campagne électorale de 1962, et affirmeront la satisfaction de la majorité des Québécois face aux réalisations libérales des deux années précédentes.

Second mandat (1962–1966)

À l’instar des deux précédentes, les deux premières années du second mandat du gouvernement Lesage sont particulièrement intenses. Avec son équipe, le premier ministre achève des mesures déjà lancées et en propose des nouvelles.

En 1963, avec la formation du ministère de l’Éducation, le gouvernement donne suite au premier tome du Rapport de la commission Parent. Lesage s’y rallie, malgré ses déclarations passées, notamment celle du 15 novembre 1960 à l’Assemblée législative : « Il n’est pas question et il ne sera jamais question sous mon administration de créer un ministère de l’Instruction publique. » L’établissement du Conseil supérieur de la famille et la reconnaissance du statut juridique de la femme mariée s’ajoutent aux réalisations importantes l’année suivante.

D’autres grandes sociétés d’État voient le jour afin de renforcer le contrôle des citoyens sur le développement de la province. Sidbec, fondée en 1964, vise à faire naître une sidérurgie intégrée pour organiser l’industrie lourde. La SOQUEM, en 1965, entend encourager l’exploration du sous-sol québécois et l’exploitation de ses richesses. La même année, on met sur pied la Caisse de dépôt et placement du Québec pour gérer les fonds des régimes de retraite et d’assurances, dont, en premier lieu, le Régime de rentes du Québec (RRQ), et les investir dans des entreprises publiques ou privées. La Caisse de dépôt et placement du Québec représente une mesure autonomiste aussi importante que l’impôt provincial puisqu’elle aide à accroître l’indépendance financière provinciale.

L’instauration du RRQ en 1965 oblige chaque travailleur âgé de 18 ans et plus à contribuer, au moyen d’une cotisation retenue sur son salaire et d’une somme prélevée auprès de son employeur, à un fonds de retraite public auquel il a accès à la fin de sa vie active. Pendant qu’il négocie sa mise sur pied, Lesage trouve de l’argent en forçant le gouvernement Pearson à accepter que sa province ne participe pas à 29 programmes conjoints en échange de compensations fiscales pour administrer le RRQ et, par exemple, les prêts aux étudiants, l’assurance-hospitalisation, le développement agricole et l’aménagement rural. Pour lutter contre les tentatives d’empiétement du gouvernement fédéral et défendre les droits constitutionnels de la province de Québec, Lesage compte sur ses talents et la qualité de ses dossiers, ainsi que sur le savoir-faire de son entourage immédiat, en particulier de son conseiller expert, Morin. Les premiers chèques du RRQ seront versés le 30 janvier 1967.

Au milieu de son second mandat, le gouvernement Lesage s’essouffle. La belle solidarité de 1962 s’effrite. Lévesque, encore aussi indiscipliné, écrase les autres avec sa popularité. Les dissensions au cabinet se manifestent au cours des discussions sur le partage de l’argent. Lapalme est aigri par le sous-financement de la culture et finit par démissionner en 1964. Gérin-Lajoie, qui en veut toujours plus, réussit généralement à obtenir ce dont il a besoin, ce qui ulcère ses collègues. On commence à contester le leadership du chef. Au dire de Gérard Brady, l’un des plus fidèles collaborateurs de Lapalme, le Parti libéral se divise en deux clans : celui de Québec, centré sur le chef, et celui de Montréal, qui met l’accent sur l’équipe. Ce cabinet ne fonctionne pas dans l’harmonie : des ministres mènent leurs dossiers seuls, ont peine à respecter la discipline de parti ou n’hésitent pas à laisser filtrer l’information dans les médias pour forcer la main au premier ministre ou à leurs collègues. L’« équipe du tonnerre » commence à se lézarder. Les médias parlent d’un ralentissement des réformes et l’on accuse Lesage de freiner ses ministres les plus progressistes.

Au même moment, le climat social se détériore au Québec. Sur le front syndical, entre autres, les employés du milieu hospitalier, pris en charge par le gouvernement depuis l’institution de l’assurance-hospitalisation en 1961, constatent notamment la faiblesse de leurs conditions par rapport à celles dans les autres provinces. Des travailleurs font des grèves illégales et la situation est tendue.

Lesage envenime le tout avec des expressions malheureuses. Citées hors contexte et montées en épingle, celles-ci illustrent son arrogance et son mépris, et minent sa crédibilité. Le 16 mars 1965, par exemple – comme le rapporte le Devoir le lendemain –, pour justifier son refus de soumettre à un référendum la formule Fulton-Favreau (projet de loi fédéral qui vise à modifier l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et à rapatrier la constitution canadienne), Lesage demande aux membres de la presse parlementaire, en leur présentant le livre blanc sur le sujet déposé aux Communes : « Comment voulez-vous que j’aille expliquer cela à des non-instruits. » À l’Assemblée législative, des unionistes, tels Johnson et le député Maurice Bellemare, citent ensuite les deux derniers mots à tout propos. Lesage précise, à la séance du 1er avril, qu’il désignait par là les « [n]on-instruits de la constitution ». Il devient de plus en plus insupportable en Chambre. On le tient pour hautain et emprunté. Les députés de l’Union nationale, dont Bellemare, profitent de ses accès de colère. Johnson trouve souvent le moyen de faire sortir de ses gonds le premier ministre, dont les colères du vendredi sont notoires, font les manchettes dans les médias du samedi et contribuent à le faire mal paraître.

De plus, la question nationale crée des soucis à Lesage. En 1963 ont éclaté les premières bombes du Front de libération du Québec, qui veut faire triompher la cause de l’indépendance en se tournant vers la violence politique. Le Rassemblement pour l’indépendance nationale, constitué en parti politique en 1963, prône l’indépendance (le Ralliement national suivra en 1966). Le débat sur le statut politique de la province bat son plein au sein du Parti libéral. Celui-ci n’a pas de position claire sur cette question fondamentale, de sorte que Lesage, englué dans la formule Fulton-Favreau (qu’il a acceptée en 1964 et qu’il rejettera en 1966), ne contrôle le débat constitutionnel ni face aux indépendantistes ni dans ses troupes.

À l’occasion d’une rencontre avec des membres de la Chambre de commerce de Sainte-Foy, Lesage définit sa position, en quelque sorte pour répondre à son homologue ontarien, le conservateur John Parmenter Robarts*, selon lequel il ne faut pas modifier la constitution canadienne pour satisfaire les exigences d’une minorité pendant une situation passagère. Le Soleil du 15 décembre 1965 rapporte les propos de Lesage à ce sujet : « Il est inutile de penser que l’on réussira à contenir le Québec moderne à l’intérieur d’un cadre administratif, politique ou constitutionnel où il se sentirait freiné dans son effort d’affirmation et d’épanouissement […] L’avènement d’un statut particulier devrait, si tel est le cas, […] se produire sans déséquilibre regrettable. Je dirais même davantage : ce pourrait être grâce à l’obtention par le Québec d’un statut particulier que le Canada survivra réellement. » Selon le statut particulier que souhaite Lesage, le Québec administrerait tous les programmes de sécurité sociale, procéderait à la mise en valeur de ses ressources, obtiendrait des pouvoirs plus étendus dans de nombreux domaines, dont les relations internationales, serait à l’origine de modifications à certaines institutions fédérales, comme la Cour suprême du Canada, et assurerait le bilinguisme de l’administration et du gouvernement fédéral. De plus, il nommerait le lieutenant-gouverneur, choisirait les sénateurs et créerait une cour constitutionnelle.

Dès 1962, des rumeurs ont commencé à circuler dans les médias francophones et anglophones au sujet d’un retour de Lesage à Ottawa pour remplacer Pearson à la tête du Parti libéral fédéral. Pearson racontera dans ses mémoires que, lors d’une rencontre en Floride en janvier 1965, il propose à Lesage de venir le rejoindre à Ottawa d’abord pour devenir ministre, puis pour prendre sa succession. Selon lui, Lesage a « semblé très surpris, mais content ». Il n’écarte pas cette idée et répond qu’il ne peut quitter Québec avant les prochaines élections provinciales. Une tournée dans l’Ouest canadien, de la fin du mois de septembre au début du mois d’octobre, aurait pu lui offrir un beau tremplin. Toutefois, le public reçoit froidement ses discours, mal adaptés à leur auditoire. Lesage revient avec l’impression que le reste du Canada n’est pas prêt à accepter sa province telle quelle. La même année, l’arrivée à Ottawa des députés libéraux Trudeau, Pelletier et Marchand ne lui facilite pas les choses non plus. Trudeau croit que les succès obtenus par Lesage aux conférences fédérales-provinciales ont affaibli le pouvoir fédéral et a des mots durs sur le statut particulier. D’après son témoignage paru dans Jean Lesage et l’éveil d’une nation, André Patry, alors conseiller technique de la Commission interministérielle des relations extérieures du Québec, aurait su de Lesage, son ami, « qu’il ferait l’impossible pour […] écarter [Trudeau] de la course au leadership libéral ». Finalement, Lesage ne reconsidérera pas vraiment l’idée de retourner sur la scène fédérale.

Élections de 1966

En 1966, un sondage préélectoral se montre très favorable aux libéraux, pour qui 63 % des gens comptent voter. Pourtant, les reproches s’accentuent dans l’opinion publique. Certaines raisons du mécontentement exprimé en 1962 demeurent : fardeau fiscal trop élevé et lutte contre le favoritisme. Les libéraux des circonscriptions rurales ne décolèrent pas.

D’autres motifs de critiques surgissent au fur et à mesure de la progression des réformes scolaires. On reproche au gouvernement Lesage de chasser la religion des écoles. Le premier ministre reçoit des lettres, parfois même de membres du clergé, pour dénoncer ce qu’on perçoit comme des attaques contre la religion. Dans son édition du 4 juin, à la veille des élections, le Devoir rapporte son affirmation de ses convictions religieuses : « Moi, Jean Lesage, ami intime de Son Eminence, qui envoie mes enfants dans une école confessionnelle, on m’accuse de vouloir enlever les crucifix des écoles. C’est de la chimère ! »

La centralisation des écoles élémentaires et la régionalisation de l’enseignement secondaire suscitent également la critique : elles déshumaniseraient l’éducation. Pour Johnson, le développement du transport scolaire des élèves par autobus, qui oblige les enfants à apporter leur boîte à lunch, constitue une malédiction. Dans son entrevue pour « Mémoires de députés », Gérin-Lajoie racontera que les rentiers sans enfants, en particulier dans les milieux ruraux, acceptent très mal les taxes scolaires, autre sujet récurrent de doléances.

Pendant la campagne, Lesage veut affirmer son statut de vedette de son parti et ainsi raffermir son leadership. Il jalouse parfois quelque peu les succès de foule de ses collaborateurs, dont Lévesque. Ainsi centrée sur Lesage, la campagne entend projeter l’image d’un homme fort. Or, pour les unionistes, le chef constitue justement le point faible de l’équipe libérale. Lesage ne ménage pas ses efforts : il parcourt le territoire, accompagné de sa conjointe, pendant que ses ministres restent à l’écart. Par rapport à ses campagnes antérieures, sa performance est très mauvaise. Le Montréal-Matin du 26 mai rapporte, par exemple, une altercation survenue la veille, en face de l’Hôtel du Parlement. Lesage a alors passé près de professionnels de la fonction publique, en grève depuis quelques semaines, qui faisaient du piquetage. L’un d’eux tient une pancarte avec la mention : « Qui s’instruit s’appauvrit. » Lesage s’écrie : « Qu’est-ce que ça veut dire, ça ? » Il lui arrache furieusement l’affiche des mains, puis la détruit. « C’est honteux ce que vous faites-là ! [...] Ce n’est pas professionnel... Je ne suis pas fier de “mes” professionnels », dit Lesage. Les piqueteurs lui répondent : « [N]ous ne sommes pas fiers de vous. » Lesage s’en va « en claquant les talons ». Le Montréal-Matin conclut que Lesage, « maintenant dans un état constant de tension », « a perdu, hier, [...] le contrôle de ses nerfs ». Cet incident, relayé par les grands journaux, et d’autres événements similaires nuisent à la campagne électorale de Lesage et à son parti.

Le soir des élections, le 5 juin, même s’il récolte la majorité des voix, le Parti libéral est relégué dans l’opposition. L’Union nationale recueille 40,8 % du vote et 56 sièges, alors que le Parti libéral reçoit l’appui de 47,3 % des électeurs et 50 sièges. Le Rassemblement pour l’indépendance nationale et le Ralliement national obtiennent respectivement 5,6 % et 3,2 % du vote sans faire élire de députés. Une partie des votes libéraux de 1960 et de 1962 s’est visiblement transformée en votes rinistes. Dans plusieurs circonscriptions, l’Union nationale profite de cette division et se faufile entre les tiers partis et les libéraux. Lesage, élu dans la nouvelle circonscription de Louis-Hébert, n’accepte pas cette analyse. Dans une entrevue qu’il accordera en 1980 à Jean Larin, journaliste de Radio-Canada, il affirmera que sa défaite n’avait rien à voir avec l’arrivée des indépendantistes. Selon lui, deux raisons expliquent son échec dans les milieux ruraux : les premières cotisations au RRQ (considérées comme des taxes, celles-ci figurent sur les chèques de paye dès janvier 1966) et la centralisation des écoles, qui se manifeste notamment par le transport des élèves en autobus. Paul-Marie Lapointe, rédacteur en chef du Magazine Maclean, écrit en juillet 1966 : « Les agriculteurs, les travailleurs et les jeunes ont été les principales victimes de ce pourrissement de la révolution tranquille. Ce sont eux qui ont provoqué la défaite du gouvernement. »

Lesage a hésité avant d’accepter le verdict de la démocratie. Morin raconte que le lendemain des élections, à son retour au bureau, il dit à ses collaborateurs : « [J]e n’ai pas été battu [...] On ne part pas quand la population veut vous garder. Johnson a encore moins de votes qu’en 1962 et moi, j’ai six points de pourcentage de plus que lui. » Quelques options s’offrent à lui : refuser de démissionner et attendre un renversement en Chambre ; demander des recomptages judiciaires (des rumeurs de fraudes électorales couraient) ; suggérer à son ami le lieutenant-gouverneur Hugues Lapointe*, ancien collègue à Ottawa, de déclencher de nouvelles élections. Après plusieurs jours de réflexion et une consultation avec Louis-Philippe Pigeon, il se rend à l’évidence. Le 16 juin, il remet sa démission au lieutenant-gouverneur. Il affirme, comme le rapporte l’Action le même jour, qu’il « verr[a] à ce que la révolution tranquille continue dans la position qu[’il] occuper[a] ». Le lendemain, il est victime d’une crise cardiaque. Après un mois de repos, il reprend le travail avec détermination.

Chef de l’opposition (1966–1970)

Démocrate, Lesage remplit le rôle de chef de l’opposition et de député. Il fait alors un virage majeur en rompant avec l’aile la plus autonomiste de son parti, comme l’illustre son attitude après la retentissante visite du président de Gaulle en 1967. Après un long caucus de son parti, Lesage rend le gouvernement Johnson responsable du célèbre « Vive le Québec libre ! » du président français. Le 29 juillet, l’Action rapporte ses propos : « Ce qui aurait dû être un important pas en avant pour le Québec s’est soldé par un vif mécontentement de la majorité des citoyens, par une inquiétude grandissante de ceux qui devraient normalement investir dans l’avenir du Québec, et par la naissance d’un regrettable sentiment anti-québécois dans le reste du Canada. » Cette prise de position coûte aux libéraux l’un de leurs plus brillants députés, François Aquin, qui siège par la suite comme indépendant. Lesage s’attire beaucoup de critiques. Le courrier qu’il reçoit à cette occasion, bien qu’il contienne quelques appuis (souvent de la part d’anglophones), est très dur : des citoyens l’accusent de mesquinerie, d’hypocrisie, de mensonge et d’opportunisme. Lesage a, écrit-on, trahi son Maîtres chez nous.

Le Parti libéral, qui a été porteur de changement, qui a prôné et réalisé des réformes audacieuses, ne peut redéfinir le statut de la province de Québec à l’intérieur de la fédération canadienne. Il s’aliène, notamment, une bonne partie des forces vives de la nation, en particulier les jeunes. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé. Dans son entretien avec Larin, Lesage explique sereinement qu’à l’automne de 1966, Lévesque et lui ont discuté de leurs positions respectives sur le statut de la province pour tenter de se convaincre l’un l’autre. Ils conviennent alors dans le calme, toujours selon Lesage, que leurs points de vue sont irréconciliables et s’entendent pour les soumettre à un congrès plénier du parti. Lesage approuve l’idée de la souveraineté, mais dans l’interdépendance, ce qui correspond au statut particulier et non à la souveraineté-association.

Durant ses dernières années à la tête du Parti libéral, Lesage perd un à un ses collaborateurs les plus progressistes. Au congrès du Parti libéral d’octobre 1967, Lévesque est contraint de retirer sa résolution sur un Québec souverain au sein d’une union économique canadienne. Il rompt avec le parti et siège comme indépendant. Le 16 octobre, le journaliste du Devoir Michel Roy écrit que, le soir du départ de Lévesque, le chef de l’opposition arbore « l’un des sourires les plus triomphants de toute l’histoire politique du Québec », probablement content et soulagé de voir un encombrant rival quitter la scène. Cela marque, au Québec, le début de la fracture entre souverainistes et fédéralistes, laquelle perdurera encore au commencement du xxie siècle. Ces deux grands personnages de l’histoire québécoise ont en commun une intelligence extraordinaire, une grande éloquence et une capacité de travail hors du commun. De plus, ils perçoivent le Québec comme une province riche, éduquée, fière de sa culture, maître de son économie et ouverte sur le monde. Leurs origines sociales, leurs méthodes de travail et, surtout, leurs idées politiques, les divisent cependant. Ce tandem a représenté une force de mobilisation et de changement rarement vue au Québec.

La direction de Lesage est progressivement contestée et son autorité, minée. Plusieurs prétendent à son poste : son rival de toujours, Gérin-Lajoie, les députés Laporte, Wagner et Robert Bourassa*, et le ministre libéral fédéral Marchand. Le plus populaire, Wagner, s’avère le plus menaçant. La lente agonie de Lesage à la tête du Parti libéral se terminera en 1969. Mettant de côté la discipline de parti, le député Jean-Paul Lefebvre mène la charge. Il remet en cause la direction de Lesage et propose la candidature de Marchand. Le frondeur reproche à Lesage d’avoir laissé partir Lévesque en 1967, Kierans en 1968 et Gérin-Lajoie en 1969. Le 27 août, dans une déclaration publiée dans le Devoir, il le décrit comme « l’homme d’un milieu […] marqué par la mentalité d’une certaine bourgeoisie régionale » – allusion à la bourgeoisie de la capitale du Québec et au pouvoir de la rue Grande Allée –, qui « ne saurait à lui seul incarner la conscience collective du Québec d’aujourd’hui ». L’assaut, féroce, blesse et atterre Lesage. L’éditorialiste Claude Ryan* résume bien la situation dans le Devoir du 28 août : après avoir condamné les actions cavalières de Lefebvre, puis vanté les qualités de Lesage, son intelligence, son honnêteté et sa vigueur, il remet en question la capacité du chef libéral à travailler en équipe et ses talents d’animateur intellectuel. Il juge qu’il n’a pas toujours la sensibilité nécessaire pour saisir les mentalités et les attentes d’une époque nouvelle. Si Lesage partait, conclut-il, ce serait « un soulagement assez général ». Lesage n’a plus le choix : le même jour, il annonce sa décision de laisser le poste de chef du Parti libéral. Il demeure en fonction jusqu’au congrès à la direction, en janvier 1970. Sans prendre position publiquement, il donne son appui à Bourassa, ce qui entraîne le désistement de Gérin-Lajoie. Bourassa l’emporte au premier tour de scrutin contre Wagner et Laporte. Lesage conserve son siège de Louis-Hébert jusqu’à la fin de son mandat de député, le 12 mars.

Avocat et administrateur

Après sa carrière politique, Lesage revient à l’exercice du droit. À titre de conseiller juridique, il devient membre du Comité de législation. Cet organisme du Conseil exécutif, créé l’année précédente pour remplir l’une des fonctions du Conseil législatif à la suite de son abolition, a pour mandat de préparer, de rédiger et de revoir les projets de loi. De plus, Lesage conseille le gouvernement québécois en matière de relations avec le monde de la finance internationale. Il s’associe en outre à deux cabinets juridiques, Lesage, Coote et Lesage, de Québec, et Laidley, Howard, Lesage, McDougall, L’Écuyer, Graham et Stocks, de Montréal, où il s’occupe principalement du droit des entreprises et du droit fiscal. Il représente plusieurs compagnies à titre d’avocat, dont l’Iron Ore Company of Canada et la Quebec Iron and Titanium Corporation.

Lesage siège aussi à plusieurs conseils d’administration de firmes dans les secteurs de l’actuariat, de l’assurance, des transports, des biens de consommation et de la construction, telles que Soletanche et Rodio du Canada limitée, Lever Brothers Limited, Montreal Trust Company, Mondev International Limited, Campbell Chibougamau Mines Limited, J. J. Baker Limited et la Société canadienne de métaux Reynolds limitée. Il préside le conseil d’administration du club de hockey des Nordiques de Québec de juin 1972 à 1980. Celui que la politique n’a pas enrichi devient ainsi membre de plusieurs organisations, et peut enfin assurer sa sécurité financière et celle de sa famille.

Honneurs

Lesage a obtenu un nombre impressionnant de distinctions. Il reçoit la médaille Gloire de l’escolle des Anciens de Laval en 1961. L’Académie française lui décerne la médaille du prix de la langue française en 1962. Plusieurs universités lui confèrent un doctorat honoris causa (université Laval, Bishop’s University, Mount Allison University, université de Montréal, université de Sherbrooke, McGill University, université d’Ottawa, University of Toronto, University of Western Ontario, University of New Brunswick, université de Moncton, Dartmouth College, Panteios School of Economic and Political Sciences, Sir George Williams University). Lesage est lieutenant-colonel honoraire du 6th Field Artillery Regiment, RCA (connu en français sous le nom de 6e régiment d’artillerie de campagne, RCA, à partir de 1970), de 1963 à 1965, puis colonel honoraire de 1965 à 1971. Il est fait chevalier de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem en Angleterre (1966) et de l’ordre de Saint-Lazare de Jérusalem (1967), et reçoit l’investiture de compagnon de l’ordre du Canada (1971). L’ordre de la Pléiade l’honorera du grade de grand officier le 14 février 1991, à titre posthume.

Mort et funérailles

Le vendredi 12 décembre 1980, Lesage meurt dans son sommeil à sa résidence de Sillery, à la suite d’un arrêt cardiaque. Âgé de 68 ans et demi, il était encore actif et se rendait quotidiennement à son bureau. En mai, atteint d’un cancer de la gorge, il a participé à la campagne référendaire en faveur du Non, aux côtés de ses successeurs à la tête du Parti libéral, Bourassa et Ryan : cela constitue son ultime geste politique et sa dernière apparition publique. Au moment où l’on divulgue la nouvelle de sa mort, l’Assemblée nationale est en séance. En l’annonçant, le chef du Parti libéral et de l’opposition officielle, Ryan, le qualifie de « père de l’affirmation positive du Québec à la fois sur le plan fédéral et sur le plan international ». Parizeau, ministre des Finances du gouvernement péquiste de Lévesque, dit : « M. Lesage nous a appris à travailler. » Le leader parlementaire du gouvernement, Claude Charron, le considère comme « le chef du gouvernement qui nous a permis d’être la première génération instruite de Québécois ».

Le gouvernement Lévesque décrète un deuil de trois jours et organise des obsèques officielles. Il crée un précédent en offrant à un ancien premier ministre des funérailles officielles, qui comprennent notamment l’exposition de sa dépouille mortelle au Salon rouge. Lesage se trouve ainsi à l’origine d’une longue tradition. Le défunt repose en chapelle ardente, où près de 5 000 personnes lui rendent hommage et présentent leurs condoléances à la famille. Présidée par le cardinal Maurice Roy*, archevêque de Québec, la cérémonie religieuse a lieu à la basilique Notre-Dame de Québec. De nombreuses personnalités du Québec et du Canada, ainsi que plusieurs citoyens, y assistent. Le vice-premier ministre Jacques-Yvan Morin remplace le premier ministre Lévesque, en voyage officiel en France.

Le souvenir de Lesage est très présent dans la toponymie québécoise, d’abord au sein de la capitale : un boulevard dans la basse ville est désigné en son honneur en 1982, tout comme l’aéroport international en 1993, un édifice en 1999 et une circonscription électorale provinciale en 2003. Ailleurs dans la province, de nombreuses rues portent son nom, ainsi qu’une vaste portion de l’autoroute 20, sur la rive sud du Saint-Laurent, depuis 1988, une centrale électrique (centrale Manic-2) au nord-ouest de Baie-Comeau depuis 2010, et le siège social d’Hydro-Québec, à Montréal, depuis 2017. En 1998, la Société canadienne des postes a émis un timbre à son effigie et, en 2000, une statue de lui, en bronze, a été inaugurée sur les terrains de l’Hôtel du Parlement à Québec.

L’homme

Lesage avait de nombreuses qualités, la plus grande étant sa capacité de travail, selon l’avis unanime de ses collègues et des commentateurs. Sa journée au bureau commence à huit heures du matin et se termine vers sept heures trente du soir, et se poursuit à la maison jusqu’à tard dans la nuit. Lesage abat donc une quantité colossale de tâches à l’Hôtel du Parlement, mais aussi à sa résidence de l’avenue De Bougainville, où il reçoit ses collaborateurs, lit ses documents et fait ses appels téléphoniques nocturnes. René Arthur écrit en 1970 dans Perspectives qu’il y a chez lui « une gloutonnerie pour le travail ». Énergique, il accomplit rapidement son ouvrage. Doté d’une mémoire prodigieuse, il possède une étonnante capacité d’absorption des dossiers les plus complexes. D’une « ponctualité culpabilisante », comme le raconte Morin dans Mes premiers ministres, il arrive toujours le premier, que ce soit au bureau, aux caucus des députés, aux conseils des ministres ou aux séances de l’Assemblée législative, et déteste les gens en retard.

Même s’il a contribué à la sécularisation du milieu hospitalier et de l’enseignement, Lesage, catholique pratiquant et convaincu, assiste quotidiennement à la messe à l’église de la paroisse Saint-Cœur-de-Marie, rue Grande Allée, avant de se rendre au bureau. En 1961, à l’Assemblée législative, Johnson, alors député, déclare à ce sujet que Lesage manifeste « une attitude exemplaire ». Le cardinal Roy souligne, dans son oraison funèbre, que Lesage était un chrétien sincère et généreux.

Lesage a belle apparence. René Chaloult, député de l’Union nationale, du Parti libéral, puis indépendant entre 1936 et 1952, le décrit ainsi dans ses Mémoires politiques : « De taille au-dessus de la moyenne, élégant, les cheveux blonds devenus grisonnants, il a les traits harmonieux et délicats, les yeux vifs et volontiers rieurs. Un sourire captivant, parfois un peu factice, épanouit son visage. Il a la voix sonore. Il respire la force, l’équilibre et la santé. » Il plaît, paraît-il, beaucoup aux femmes. En 1966, il reçoit le trophée du plus bel homme du Canada à l’émission Place aux femmes, radiodiffusée par Radio-Canada. Collègues de l’Assemblée législative, adversaires et caricaturistes s’en donnent alors à cœur joie pour se moquer du « plus bel homme ».

Dans Ne bougez plus !, Gérard Bergeron écrit que la « révolution tranquille [a été] une évolution tapageuse et surtout... bavarde. Lesage, qui l’[a] incarn[ée], l[’a] parl[ée] plus que quiconque. Il en était naturellement le héraut. » Orateur traditionnel un peu grandiloquent, habitué aux campagnes électorales, à l’expression et au geste parfois théâtraux, Lesage excelle à l’Assemblée législative et a de la facilité à parler, même en l’absence de microphones et de haut-parleurs. Son port est altier. Selon le journaliste du Maclean’s Peter Charles Newman, à l’image de John Fitzgerald Kennedy, Lesage met ses mains dans ses poches de veston quand il répond à des questions à l’Assemblée législative. Comme Lévesque, il passe bien au petit écran et à la radio ; contrairement à Duplessis, il utilise la télévision à son avantage. Lévesque et lui sont les meilleurs porte-parole de la Révolution tranquille.

Comme gestionnaire des fonds publics, Lesage permet la réalisation d’une réforme, malgré, parfois, son opposition initiale, et réussit généralement à faire accepter des bouleversements même si certains ministres s’y montrent défavorables. Il prend également des risques courageux en instaurant des mesures d’avant-garde susceptibles de déplaire et de nuire à son parti.

Lesage avait aussi ses défauts. Il a la réputation d’être colérique. Selon ce que rapporte Pierre Godin dans le premier volume de sa biographie sur Johnson, ce dernier l’a un jour décrit comme « un bœuf qui charge. Il est incapable de stratégie compliquée. Avec lui, tu dois utiliser la technique du taureau enragé ! Tu lui mets une guenille rouge devant les yeux et il fonce ! » Comme le dit Morin dans Mes premiers ministres, Lesage explose facilement et fréquemment, mais ses éclats sont brefs et sans conséquence. Il lui arrive aussi de cultiver la rancune et de vouloir écraser l’adversaire.

Les connaissances de Lesage et la plupart de ses biographes mentionnent sa relation avec l’alcool, qu’il entretient depuis ses études universitaires. Comme bien des politiciens de son époque, Lesage aime l’alcool. Pour obtenir une décision favorable, certains de ses ministres le font boire en partageant avec lui une bouteille de gin. Morin raconte que, pendant les déplacements à l’extérieur, il doit prendre des précautions pour limiter l’accès de Lesage à des bouteilles ; selon lui, ce penchant de Lesage n’a cependant jamais eu « [d’]effets déplorables sur [s]a conduite des affaires publiques ». Sous l’effet de l’alcool, Lesage devient parfois agressif. Les députés unionistes font souvent des allusions malveillantes sur sa consommation à l’Assemblée. En février 1965, pendant une réunion du cabinet, Lesage s’engage à cesser de boire et tient parole pendant quelque temps. Après les élections de 1966, au moment où on commence à contester son leadership, Lesage boit plus qu’à son habitude.

La vie familiale, surtout avec de jeunes enfants, s’accorde parfois mal avec la politique ; la famille Lesage n’y fait pas exception. Corinne Lesage a sacrifié son rêve de faire une carrière de chanteuse classique. Durant les absences de son mari, elle tient maison et s’occupe, seule, de leurs quatre enfants : Jules, René, Marie et Raymond. Elle doit aussi jouer son rôle de première dame dans les cérémonies et les rencontres officielles. Pour elle, la vie politique, « [c]’était une vie de famille brisée », selon ses confidences parues dans le Soleil du 23 mars 2013. Heureusement, entre 1947 et 1959, la famille passe ses étés dans un chalet de Berthier-sur-Mer. Elle se rend de plus régulièrement en Floride pour s’y reposer. Homme d’un seul amour, Lesage n’a cependant pu empêcher la circulation de rumeurs au sujet d’une liaison extraconjugale.

Lesage est resté fidèle à ses camarades de l’université. Des liens très forts l’unissent par exemple à René Arthur. Du côté politique, il semble entretenir une amitié avec Pearson, Arsenault, confrère d’Ottawa, et Jacques Miquelon, député et ministre unioniste. Beaucoup de ses amis proviennent du monde juridique, notamment Ross Goodwin et René Paquet.

Pendant ses loisirs, Lesage aime surtout jouer au golf. Fanatique, mais médiocre, il pratique souvent ce sport à l’occasion de ses séjours annuels à Miami, en Floride, et des conférences interprovinciales. Il fait partie, avec un groupe d’hommes d’affaires de la région de Québec, des fondateurs du Club de golf du lac Beauport incorporé, ouvert en 1962. Il s’adonne aussi à la pêche. Chaque année, par exemple, il pêche la truite dans le parc des Laurentides avec des membres de la Tribune de la presse parlementaire de Québec.

Bilan

Quel jugement porter sur Lesage ? L’incapacité à clarifier le statut constitutionnel du Québec à l’intérieur du Canada, celui de ces Canadiens français devenus Québécois, constitue certainement l’un de ses plus cuisants échecs. Pourtant, l’ancien ministre fédéral, réputé centralisateur, s’est plutôt montré nationaliste. Il a traité le nationalisme de la même façon que la plupart des autres questions qu’il a négociées, soit graduellement et avec pragmatisme. À la conférence fédérale-provinciale de 1960, il a ainsi défini sa pensée sur la « pleine souveraineté » de sa province : celle-ci devrait s’appliquer « dans les domaines qui relèvent de sa compétence sans toutefois ignorer que tous les gouvernements [du Canada] sont soumis à une interdépendance inéluctable ». Profondément attaché à un Canada bilingue et binational, Lesage appartient aux fédéralistes qui ont en vain souhaité, espéré et longtemps attendu la reconnaissance entière du Québec à l’intérieur de la fédération canadienne sous la forme d’un statut particulier. Sur cette épineuse question, Lesage a dû naviguer entre les propositions de ses ministres, celles du mouvement souverainiste et celles de l’Union nationale qui s’éloignaient trop de ses propres convictions. Il s’est en outre heurté au gouvernement fédéral qui ne pouvait accepter ce statut spécial.

La période du gouvernement Lesage a ses détracteurs. La Révolution tranquille suscite de nombreuses critiques. Au xxie siècle, elle est encore d’actualité et soulève même les passions. On lui reproche d’avoir endetté le Québec, d’avoir faussé les lois du libre marché, d’avoir cédé le pouvoir à des technocrates ou d’avoir détruit l’esprit d’entraide traditionnel des Québécois. D’autres accusent les acteurs de la Révolution tranquille d’être allés trop loin et d’avoir bouleversé tout le Québec sans toujours avoir expliqué leurs réformes.

Lesage a été un grand premier ministre, l’un des plus grands de la province de Québec. Castonguay écrit dans ses Mémoires d’un révolutionnaire tranquille : « Lesage était à mes yeux un véritable leader, capable, au besoin [...], de faire preuve d’une grande fermeté, et il avait redonné à la fonction de premier ministre un prestige qu’elle avait depuis longtemps perdu. » Dans Lesage s’engage, le premier ministre a défendu « une politique de grandeur nationale ». Pour son intelligence, son ardeur au travail et, surtout, les réalisations de son gouvernement, on lui décerne souvent le titre de père de la Révolution tranquille. Certains l’attribuent plutôt à ses collègues Lapalme, Lévesque ou Gérin-Lajoie. Très certainement, il a été « le chef d’orchestre exceptionnellement brillant et magistral d’un ensemble de transformations politiques, administratives et sociales comme jamais le Québec n’en avait connues », tel qu’en témoigne Gérin-Lajoie dans Jean Lesage et l’éveil d’une nation.

Jean Lesage incarne la Révolution tranquille, dont il a été l’âme. Né pour commander, il a constitué des équipes de ministres et de fonctionnaires extraordinaires. Son cabinet ressemblait souvent plus à une coalition qu’à un gouvernement uni ; son mérite n’en est que plus grand. Ce « rassembleur démocrate », pour reprendre les mots de François Aquin dans Jean Lesage et l’éveil d’une nation, a recruté des personnes compétentes capables de travailler ensemble, malgré leurs différences. Il leur a donné la liberté et les moyens d’innover. Et, le moment venu, il a défendu leurs mesures. En dépit des limites de son œuvre, il demeure l’un des géants de l’histoire du Québec.

Jocelyn Saint-Pierre

Jean Lesage est l’auteur de l’article « Education of Eskimos », Canadian Education (Toronto), 12 (1956–1957), no 3 : 44–48. En 1959, à Montréal, il fait paraître Lesage s’engage : libéralisme québécois d’aujourd’hui : jalon de doctrine, qui rassemble ses principales déclarations sur cinq aspects du programme du Parti libéral de la province de Québec. Le recueil Un Québec fort dans une nouvelle Confédération, paru en 1965 à Québec, réunit ses principaux discours.

Le fonds Dale Cairns Thomson (MG 2040), conservé aux McGill Univ. Arch. à Montréal, constitue une source importante de renseignements sur Lesage. Nous y avons notamment puisé de nombreuses entrevues avec des membres de sa famille, ses proches, ses collaborateurs, des hommes politiques et des journalistes. À Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Québec, nous avons consulté le fonds Jean Lesage (P688), où nous avons trouvé ses discours et sa correspondance. À Bibliothèque et Arch. Canada (Ottawa), le dossier de service militaire de Lesage nous a été utile.

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Jocelyn Saint-Pierre, « LESAGE, JEAN (baptisé Joseph-Hertel-Jean) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 20, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lesage_jean_20F.html.

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Auteur de l'article:    Jocelyn Saint-Pierre
Titre de l'article:    LESAGE, JEAN (baptisé Joseph-Hertel-Jean)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 20
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2024
Année de la révision:    2024
Date de consultation:    21 nov. 2024