LEMOINE, MARIE-LOUISE-THÉRÈSE, dite Marie-Joseph de Jésus, fondatrice et abbesse du premier monastère de Pauvres Clarisses au Canada, née le 25 août 1858 à Daon, France, fille de Stanislas Lemoine et de Colette Lemoine ; décédée le 8 juillet 1925 à Salaberry-de-Valleyfield, Québec.

Marie-Louise-Thérèse Lemoine fréquente le pensionnat des Sœurs de la charité de Notre-Dame d’Évron de 6 à 14 ans ; elle s’y fait remarquer pour sa facilité à apprendre et sa piété. Après une adolescence protégée par le milieu familial – sa mère, veuve, fabrique des fleurs et des décorations liturgiques –, elle devient dame de compagnie à 19 ans. En 1884, elle demande son admission au monastère des Pauvres Clarisses de Lourdes et prononce ses vœux perpétuels le 16 septembre 1886. Devenue maîtresse des novices en 1897, après divers emplois dans le monastère, elle se trouve associée aux décisions qui entourent la fondation d’un monastère de Pauvres Clarisses au Canada.

À cette époque, mère Marie des Anges, abbesse de Lourdes, est sollicitée par plusieurs personnes pour fonder un monastère à Montréal, notamment par les franciscains, établis à Montréal à partir de 1890 et dont les Pauvres Clarisses forment la branche contemplative de l’ordre. Les franciscains ont suscité plusieurs vocations au Canada et de nombreuses jeunes filles se sont présentées au noviciat de Lourdes. Toutefois, trois seulement devaient persévérer dans leur vocation. Devant le refus de Mgr Édouard-Charles Fabre*, puis de Mgr Paul Bruchési*, d’accueillir une nouvelle congrégation contemplative à Montréal – les carmélites de Reims, en France, s’y étaient installées en 1875 [V. Antoine-Nicolas Braun*] –, on se tourne vers l’évêque du diocèse de Valleyfield, Mgr Joseph-Médard Emard, qui accepte de recevoir les Pauvres Clarisses. Dès 1899, sœur Marie-Joseph de Jésus est désignée pour diriger l’entreprise de fondation : « elle me paraît digne à tous les points de vue par son expérience, son grand esprit de foi, sa bonté », précise mère Marie des Anges. Toutefois, le projet exige des fonds, difficiles à trouver. Les menaces qui pèsent sur les congrégations religieuses en France, en 1902 [V. Gustave Blanche*], précipitent alors la décision, et un groupe de cinq religieuses, dont les trois Canadiennes, sous la direction de sœur Marie-Joseph de Jésus, part pour Salaberry-de-Valleyfield en avril 1902. À leur arrivée, les Pauvres Clarisses sont hébergées par les Petites Sœurs de la Sainte-Famille en attendant que leur monastère soit prêt. Le 10 août, au cours d’une cérémonie spectaculaire, les Pauvres Clarisses sont conduites en procession dans des voitures à cheval à leur monastère, de l’autre côté de la baie qui divise la ville. Plus de 5 000 personnes se pressent pour assister au renouvellement des vœux des cinq recluses, au pied d’un autel dressé en plein air. La population de Salaberry-de-Valleyfield devait vouer à « ses » Pauvres Clarisses une affection constante. « Bien loin d’avoir à souffrir d’une excessive pauvreté », comme le craignait l’abbesse de Lourdes, « les chères enfants ont eu plutôt à combattre la surabondance de la charité canadienne ».

La nouvelle abbesse entreprend alors d’implanter la règle de sainte Claire et les Constitutions de sainte Colette en terre canadienne, « conditions qui ne sont pas incompatibles avec l’âpre climat du Canada ». L’observance de la règle est dure : « abstinence continuelle, jeûne toute l’année, nudité des pieds, lever de la nuit, privation du linge ». Les aspirantes sont nombreuses et l’abbesse doit exercer une grande vigilance pour s’assurer du sérieux des vocations. Elle trouve appui auprès de l’abbé Joseph-Charles Allard, vicaire général du diocèse avec qui elle échange une correspondance assidue. En 1906, elle lui demande l’autorisation de tenir des élections régulières afin d’ordonner la répartition des offices parmi les sœurs : « Il existe dans les offices une différence ou hiérarchie, précise-t-elle [...] Sans cela, tout tend à devenir de petites républiques où tout le monde commande et personne ne sait plus obéir ! » Elle se plaint d’être « toujours enfoncée dans les questions matérielles » : construction d’un plus grand monastère en 1907, de la chapelle en 1912, du mur de clôture en 1921. Elle supervise la fabrication et l’ornement des vêtements sacerdotaux, artisanat qui assure la subsistance des moniales. Frappée d’un glaucome qui l’empêche de lire et d’écrire, elle est guérie miraculeusement en 1917, selon ses dires, par l’intervention du regretté père Frédéric Janssoone*, franciscain célèbre qui avait quêté dans toutes les paroisses du diocèse pour les Pauvres Clarisses.

Malade à compter de 1922, mère Marie-Joseph de Jésus n’en continue pas moins à exercer sa charge. La publication en 1924 à Rome de Nuper Edito, document qui permet aux moniales françaises de prononcer des vœux solennels, interdits depuis la Révolution française, l’incite à adresser une supplique à Rome. Le rescrit d’autorisation lui parvient le 8 mai 1925. Mère Marie-Joseph de Jésus prononce le 30 mai ses vœux solennels en compagnie des 30 religieuses du monastère. Elle meurt moins de deux mois plus tard, laissant une œuvre bien implantée aux mains de la nouvelle abbesse, Marie Hurtibise, dite Marie Saint-Paul de Jésus, l’une des Canadiennes associées à la fondation, en poste jusqu’en 1956.

Micheline Dumont

Les Arch. des Clarisses de Valleyfield (Salaberry-de-Valleyfield, Québec) constituent la source la plus riche pour étudier la vie de mère Marie-Joseph de Jésus. On y trouve, notamment : « Préliminaires de la fondation de Valleyfield », document manuscrit de 190 pages rédigé par mère Marie des Anges vers 1905 et qui contient toutes les pièces essentielles à la fondation ; la correspondance de Marie-Joseph de Jésus ; un « Journal de voyage », dont elle est l’auteure, ainsi que des documents personnels et son « Autobiographie », rédigée à la demande de son directeur spirituel et qui couvre de sa naissance à l’âge de 19 ans. On consultera aussi : Premier Registre ; Chroniques.

Arch. départementales, Mayenne (Laval, France), État civil, Daon, 25 août 1858.— Bulletin paroissial de Valleyfield, août 1925 : 227.— Almanach de saint François d’Assise (Québec), 1927 : 16–19.— Guy Laperrière, les Congrégations religieuses : de la France au Québec, 1880–1914 (2 vol. parus, Sainte-Foy, Québec, 1996– ), 2.— Marie-Cécile de Jésus [Mlle Mongeau], « la Très Révérende Mère Marie-Joseph-de-Jésus, fondatrice et 1ère abbesse des Pauvres Clarisses de Valleyfield », la Rev. franciscaine (Montréal), 41 (1925), no 9 : 338–341 ; no 10 : [3]81–[3]83 ; no 11 : [5]94–[5]97.

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Micheline Dumont, « LEMOINE, MARIE-LOUISE-THÉRÈSE, dite Marie-Joseph de Jésus », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lemoine_marie_louise_therese_15F.html.

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Auteur de l'article:    Micheline Dumont
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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