GRAY, EDWARD WILLIAM, marchand, notaire, avocat, fonctionnaire et officier de milice, né le 4 décembre 1742 à Londres, fils de John Gray ; décédé le 22 décembre 1810 à Montréal.

Edward William Gray arriva à Montréal en mai 1760, à bord du navire de guerre britannique Vanguard. Il s’y fixa et s’adonna pendant quelques années au commerce général de la colonie. En 1764, il fut greffier adjoint, grand prévôt intérimaire et sous-commissaire du district de Montréal ; au mois de décembre de la même année, en sa qualité de grand prévôt, il arrêta les soldats soupçonnés d’agression sur la personne du marchand Thomas Walker* et les conduisit à Québec. Le 12 juin 1765, on le nommait officiellement adjoint, dans le district de Montréal, du grand prévôt absentéiste, Nicholas Turner. Il obtint une commission de notaire le 7 octobre 1765, et, trois ans plus tard, une commission d’avocat. Le 13 janvier 1767, Gray épousait Margaret Oakes ; par ce mariage, il devenait apparenté aux trafiquants de fourrures Forrest Oakes* et Lawrence Ermatinger*. Vers la même époque, il mit sur pied une entreprise d’encanteur et de commissionnaire : il importait des marchandises de Londres, en annonçait l’arrivée dans la presse locale et les offrait aux enchères ; il vendait aussi à commission.

En 1775, au début de la Révolution américaine, Gray fut nommé major d’un corps de volontaires qu’il avait recrutés parmi les marchands de Montréal. Pendant l’occupation de la ville par les Américains, au cours de l’hiver, le général de brigade David Wooster, administrateur civil et militaire de Montréal et du district, eut des soupçons à son endroit. Quand on apprit la défaite du major général Richard Montgomery*, à Québec, dans la nuit du 30 au 31 décembre, Wooster donna l’ordre d’arrêter Gray, Ermatinger et dix autres citoyens en vue, mais il dut les relâcher à la suite de pressions publiques. Le 16 janvier 1776, Wooster exigea qu’on désarmât trois faubourgs de Montréal, considérés comme loyaux aux Britanniques. Pour s’assurer la collaboration des citoyens, il fit prendre Gray et René-Ovide Hertel* de Rouville comme otages ; mais, une fois de plus, l’opinion publique le força à relâcher ses prisonniers. Finalement, il décida de débarrasser la ville de ses Loyalistes les plus éminents, et, le 6 février, quand Gray et trois Canadiens, dont Georges-Hippolyte Le Comte* Dupré et Thomas-Ignace Trottier* Dufy Desauniers, refusèrent de remettre leurs commissions britanniques d’officiers de milice, il les arrêta et les fit emprisonner au fort Chambly.

Le 1er mai 1776, avant même, peut-être, que Gray fût libéré, le gouverneur Guy Carleton le nomma maître de poste à Montréal. Il devait conserver cette charge jusqu’en 1786, année où il fut remplacé par Edward Edwards. Gray fut aussi désigné, le 1er mai 1776, pour succéder au grand prévôt Turner, mais avec le titre de shérif. En cette qualité., Gray assignait les témoins et les défendeurs dans les causes judiciaires, exécutait les ordres de saisie pour dettes, de même que les peines imposées par les tribunaux : arrestation des coupables, garde des prisonniers et vente aux enchères en remboursement de dettes. Il était aussi chargé de la perception des loyers pour les emplacements des terres de la couronne qu’on avait louées ou qui faisaient partie des « réserves du clergé ». Une ordonnance de 1787 confia également au shérif le soin de convoquer les membres du jury d’accusation pour entendre les causes criminelles à la Cour du banc du roi. La compilation des listes de jurés n’était pas toujours une mince tâche, et Gray garda à jour une liste « des personnes qui [... lui] tinrent un langage méprisant ». Son revenu annuel moyen comme shérif, de 1777 à 1786, fut de £471, soit environ £100 à titre de salaire, le reste provenant de ses vacations.

Gray obtint un certain nombre d’autres commissions, après le retrait des troupes américaines du Canada, en 1776. Le 25 juin, Carleton le nommait au sein d’une commission de trois membres chargée d’enquêter, dans le district de Montréal sur la nature et l’étendue de la collaboration des Canadiens avec l’ennemi au cours de l’invasion américaine ; et, au mois d’août de la même année, il devint juge de paix. Il reçut, le 23 août 1781, une commission de notaire lui donnant juridiction dans toute la province, mais, à cause du nombre de ses fonctions officielles, il n’exerça guère à ce titre. En avril 1783, on le nomma gestionnaire, chargé de la vente des billets d’une loterie organisée en vue de la construction d’une nouvelle prison à Montréal ; apparemment, la loterie fut un échec, car on continua de se servir de l’ancienne prison, qui remontait au Régime français.

Shérif à plein temps, Gray n’en poursuivit pas moins son activité commerciale. En novembre 1785, il acquit à une vente aux enchères l’équipement technique de l’imprimeur Fleury Mesplet*, mais il dut le lui rétrocéder en location, Mesplet étant, à Montréal, la seule personne capable de s’en servir ; Gray vendit finalement la presse à Edwards, vers 1794. En août 1787, son frère Jonathan Abraham annonçait l’ouverture d’une entreprise d’encanteur et de commissionnaire à Montréal. Le même mois, Gray annonçait qu’en dépit des rumeurs contraires il maintenait son entreprise d’encan, située rue Saint-Vincent ; peut-être les rumeurs furent-elles provoquées par la négligence de ses affaires, conséquence de la maladie et des exigences de ses fonctions de shérif. Au demeurant, il crut pouvoir donner de l’expansion à ses affaires, même si la conjoncture était loin d’être favorable. La North West Company attirait beaucoup de petits marchands, et d’autres jugeaient plus économique et plus pratique à la fois de passer leurs commandes par l’intermédiaire des grandes maisons d’importation de la ville. Le 1er mai 1792, en vue d’assurer le maintien de son entreprise, Gray y associa son neveu par alliance, Frederick William Ermatinger*, à qui il donna le tiers des actions de la firme, dès lors connue sous le nom de Gray and Ermatinger. Gray s’en retira en octobre 1795 parce que ses fonctions de shérif prenaient presque tout son temps. Il avait déjà abandonné son poste de juge de paix en 1791, et, en 1798, il rompit entièrement avec l’exercice du notariat. Jonathan Abraham, qui avait reçu une commission de notaire dans le district de Montréal le 31 mars 1796, et qui avait obtenu juridiction dans tout le Bas-Canada en 1798, devint l’un des notaires les plus éminents de Montréal. Comme membre de la communauté commerciale, Gray avait pris une part active aux tentatives des marchands d’influencer la direction politique et économique de la colonie [V. George Allsopp]. Quand, en 1784, par exemple, Lawrence Ermatinger éprouva des difficultés financières, Gray se plaignit qu’il n’y eût point, dans la colonie, de loi permettant à un créancier de recouvrer son argent auprès d’un débiteur en faillite ou de poursuivre en justice les débiteurs d’une personne en faillite. En 1790 et en 1791, il fit partie du conseil d’administration de la succursale montréalaise de la Société d’agriculture, qui cherchait à stimuler l’agriculture commerciale dans la colonie.

Gray resta actif dans la milice. Le 16 juillet 1787, lord Dorchester [Carleton] le nommait colonel commandant de la British Militia of the Town and Banlieu of Montreal ; par la suite, on l’appelait communément, dans la ville, « le colonel ». La même année, Jonathan Abraham devenait enseigne dans le même régiment ; lieutenant en 1790, il fut promu capitaine en 1803. Au début des années 1790, les habitants britanniques du Bas-Canada avaient commencé à craindre que la Révolution française, en influençant les Canadiens, pût renverser la domination britannique dans la colonie. Quand, en juillet 1794, suivant l’exemple de Québec, quelques citoyens de Montréal fondèrent, sous la présidence de James McGill, un organisme pour appuyer le Régime anglais – qu’on appela simplement l’Association – Gray devint membre de son comité de direction. En octobre 1796, un certain nombre de Canadiens, influencés par les idées révolutionnaires et par la nouvelle d’une invasion imminente du Canada par les Français, se « saisirent brutalement » de lui et l’empêchèrent d’arrêter un Canadien accusé d’avoir désobéi à une loi controversée relative à la voirie. Trois ans plus tard, il fut membre d’un comité, dont faisaient partie McGill, Simon McTavtsh et John Richardson*, qui percevait et remettait des sommes volontairement souscrites pour aider la Grande-Bretagne à poursuivre la guerre en Europe.

Au cours des années 1790 et au début des années 1800, Gray continua de cumuler des fonctions gouvernementales. Il fut scrutateur à Montréal, lors des élections de la chambre d’Assemblée, en 1792, 1796 et 1801. Le 29 mai 1805, il était nommé commissaire à la construction des églises et des presbytères, et, le 22 juillet, commissaire à leur réparation. Shérif, il était responsable de la prison de Montréal, et, en mars 1804, à la demande du lieutenant-gouverneur, sir Robert Shore Milnes*, il fit un rapport sur les raisons pour lesquelles elle était tout à fait impropre à loger ses occupants. Le débat sur le financement d’une nouvelle prison devint l’un des plus virulents de l’histoire politique du Bas-Canada.

Toutes ces occupations publiques et commerciales n’empêchèrent pas Gray d’être actif sur le plan social. Il était devenu franc-maçon le 16 octobre 1760, à bord du Vanguard, et, le 12 mars 1762, il était secrétaire d’une réunion tenue à Montréal pour fonder la première loge de la ville, qu’on appela plus tard la St Peter’s Lodge No. 4. Il fut, en 1779, un des instigateurs du mouvement créé en vue de l’établissement, à Montréal, d’une succursale de la bibliothèque de Québec, qu’avait fondée, la même année, le gouverneur Haldimand. Bien que d’origine quaker, Edward William et Jonathan Abraham Gray furent membres de la congrégation protestante, un organisme anglican ; en 1789, le premier était membre du conseil d’administration, et le second en était le trésorier ; en 1805, tous deux faisaient partie du comité chargé de la construction de la Christ Church [V. Jehosaphat Mountain].

Edward William Gray mourut en 1810, après une maladie de huit jours, ayant exercé les fonctions de shérif, selon la notice nécrologique, « d’une façon honorable, pour lui-même et à la satisfaction du public ». À sa demande, il fut enseveli sans pompe dans le cimetière protestant (à l’emplacement actuel du square Dufferin), mais un grand nombre de ses amis et de ses concitoyens assistèrent aux funérailles. Sa femme lui survécut (ils n’eurent point d’enfants), et Frederick William Ermatinger lui succéda comme shérif. Son frère Jonathan Abraham mourut le 31 juillet 1812 ; un autre de ses frères, John*, fut le premier président de la Banque de Montréal.

Myron Momryk

ANQ-M, CE1-63, 13 janv. 1767, 24 déc. 1811.— APC, MG 11, [CO 42] Q, 85 : 321 ; MG 19, A2, sér. 3 ; MG 23, GII, sér. 3, 3 ; 5 ; 6 ; MG 24, 120 ; RG 68, General index, 1651–1841 : ff.7, 223, 305, 323–324, 531, 572–573, 654, 666.— « First masonic initiation in Quebec », APC Report, 1944 : xxxii.— « The Walker outrage, 1764 », APC Report, 1888 : 5.— La Gazette de Montréal, 19 nov. 1789, 19 oct. 1790, 23 juin 1808, 21 janv. 1811.— La Gazette de Québec, 8 août 1765, 23 juill. 1772, 11 mars 1779, 8, 15 mai 1783, 9 sept. 1784, 16 juill. 1785, 29 juin 1786, 6 sept. 1787, 16 juill. 1789, 28 oct. 1790, 24 mai 1794, 10 janv. 1811.— Almanach de Québec, 1780 : 33 ; 1782 : 24 ; 1791 : 84 ; 1800 : 88.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Denaut », ANQ Rapport, 1931–1932 : 133.— « List of members and first meeting of the Montreal Grand Lodge », APC Report, 1944 : xxxiis.— W. H. Atherton, Montreal, 1535–1914 (3 vol., Montréal et Vancouver, 1914), 2 : 55.— Hochelaga depicta [...], Newton Bosworth, édit. (Montréal, 1939 ; réimpr., Toronto, 1974), 103.— Neatby, Administration of justice under Quebec Act, 41, 52s., 100, 334–336, 342s.— S. M. Scott, « Chapters in the history of the law of Quebec, 1764–1775 » (thèse de ph.d., Univ. of Michigan, Ann Arbor, 1933), 149.— Stanley, Canada invaded, 110s.— « Edward William Gray », BRH, 20 (1914) : 220.— Ægidius Fauteux, « Les bibliothèques canadiennes et leur histoire », Rev. canadienne, nouv. sér., 17 (janv.–juin 1916) : 195.— « Les maîtres de poste de Montréal depuis la cession », BRH, 8 (1902) : 16s.— É.-Z. Massicotte, «Les shériffs de Montréal », BRH, 29 (1923) : 107–109.— J.-P. Wallot, « La querelle des prisons (Bas-Canada, 1805–1807) », RHAF, 14 (1960–1961) : 67.

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Myron Momryk, « GRAY, EDWARD WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gray_edward_william_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    16 nov. 2024