GLACKEMEYER, FREDERICK (baptisé Johann Friedrich Conrad), musicien, marchand, professeur de musique et compositeur, né le 10 août 1759 à Hanovre (République fédérale d’Allemagne), fils de Johann Wilhelm Glackemeyer et d’Anna Sabina Queren ; le 25 septembre 1784, il épousa à Québec Marie-Anne O’Neil, et ils eurent 16 enfants, dont Louis-Édouard* et Henriette, qui épousa Théodore-Frédéric Molt*, puis le 2 septembre 1813, dans la même ville, Josephte Just, et de ce mariage naquirent un fils et une fille ; décédé le 13 janvier 1836 à Québec.
Comme en font foi divers documents et des informations transmises par Pierre-Georges Roy*, la vie de Frederick Glackemeyer avant 1784 est peu connue. Enrôlé en 1777, il sert comme chef de musique d’un détachement de troupes allemandes placé sous les ordres du lieutenant-colonel Johann Gustav von Ehrenkrock. On ne peut cependant établir avec exactitude la date de son arrivée dans la province de Québec. Lorsqu’il obtient son congé de l’armée en 1783, le major général Friedrich Adolph Riedesel, commandant des troupes allemandes présentes dans la province, lui offre un poste d’organiste à Lauterbach (République fédérale d’Allemagne), mais Glackemeyer décide de s’établir définitivement à Québec.
De juin 1784 à septembre 1832, les activités de Glackemeyer se regroupent sous trois chefs, selon qu’elles ont rapport aux « amateurs de musique », à certains personnages officiels ou à des figures et établissements de l’Église catholique de Québec. Tout d’abord, au milieu de l’année 1784, il entreprend la première partie de sa longue carrière consacrée aux amateurs de musique et au soutien de certaines activités musicales, plutôt précaires, dans la ville de Québec. De 1784 à 1825, sa résidence constitue le point de vente d’instruments de musique importés d’Angleterre et le lieu où il enseigne le jeu de divers instruments notamment, en 1784, le piano-forte, la guitare, le violon et la flûte, auxquels il ajoute, en 1825, l’alto et le violoncelle. L’ouverture de nombreux établissements commerciaux dès 1785 a pu contraindre Glackemeyer à accepter certaines tâches connexes (copie de musique, réparation et accord de divers instruments), à augmenter sensiblement en nombre et en diversité les accessoires et les instruments de musique qu’il offrait, ainsi qu’à mettre en vente, à compter de 1788, des partitions musicales. Comme ses rivaux, il tire dès lors profit des ressources que lui offre la presse en faisant paraître à intervalles assez réguliers, entre novembre 1788 et novembre 1796, puis de janvier 1808 à avril 1826, des offres de service et des annonces dans la Gazette de Québec, le Quebec Mercury, le Quebec Herald, Miscellany and Advertiser et, après avoir souscrit à sa fondation en 1794, dans le Cours du temps. D’autre part, en 1792 et en 1831, Glackemeyer participe à des manifestations musicales en qualité de chanteur ; il tient aussi la partie de ténor principal dans une pièce concertante d’Ignaz Pleyel jouée le 30 janvier 1822 à l’occasion d’un concert de la Société harmonique de Québec. De plus, il est probable que les £10 que lui verse, à la fin de 1790, l’Assemblée de Québec, association qui organise des soirées de danse, rendent compte d’activités professionnelles d’instrumentiste.
La fréquence élevée des déménagements de l’entreprise de Glackemeyer (en octobre 1790, il habite au 25, côte de la Montagne ; en octobre 1792, rue Buade ; en 1795, au 5, rue Sainte-Famille ; en 1798, au 19 de cette même rue ; et de février 1814 jusqu’en 1826 au moins, rue Saint-Joseph (rue Garneau)) correspond peut-être à un succès commercial plutôt mitigé, aggravé par des difficultés financières, une santé chancelante et des problèmes familiaux qui viennent assombrir sa vie vers 1822. Glackemeyer est témoin, à cette époque, de la disparition provisoire de la Société harmonique de Québec, fondée en décembre 1819 et dont on l’avait fait vice-président à l’assemblée générale tenue à Québec le 14 novembre 1820.
Le nom de Glackemeyer est également mis en lumière dans les périodiques de Montréal et de Québec à deux reprises au moins, en décembre 1785 et en août 1791, lorsqu’il signe des adresses avec d’autres citoyens de Québec. Un deuxième moyen choisi par Glackemeyer pour célébrer certains dignitaires est la composition d’œuvres musicales aux titres caractéristiques : General Craigs March (œuvre signée, dont la composition remonte au gouvernement de sir James Henry Craig*, soit entre 1807 et 1811) et The Chateauguay March (arrangement pour orchestre joué à un dîner offert en l’honneur du lieutenant-colonel Charles-Michel d’Irumberry* de Salaberry, le 24 septembre 1818). Le musicien et journaliste Nazaire Levasseur* affirme d’autre part que Glackemeyer se serait lié d’amitié avec le prince Edward* Augustus, au cours de son séjour à Québec ; celui-ci l’aurait alors nommé chef de la musique d’un régiment de Brandebourg-Schwerin en garnison à Québec par ordre de George III. À ce titre, il aurait donné deux fois par semaine des auditions en plein air sur l’Esplanade. Ce témoignage est toutefois sujet à caution.
Enfin, un dénombrement de la paroisse Notre-Dame de Québec, qu’avait établi à l’automne de 1792 le curé Joseph-Octave Plessis*, précise que Glackemeyer habite la rue Buade, qu’il est musicien, allemand et protestant, et que sa maison loge quatre paroissiens dont deux communiants. Bien que, selon Pierre-Georges Roy, il ne se soit converti à la religion catholique qu’à la fin de sa vie, ses enfants, tout comme ses deux épouses, étaient catholiques pratiquants. Cette situation permet de comprendre pourquoi, entre 1802 et 1824, la fabrique engage Glackemeyer pour régler, accorder et réparer l’orgue, mais non pour en jouer. Par contre, celui-ci se fait fort d’écrire March compôsée pour le Revd. Monr. Tabeau [...], vraisemblablement pour marquer l’arrivée à la tribune de l’orgue du jeune vicaire de la paroisse, Pierre-Antoine Tabeau*, à la fin de juin ou au tout début de juillet 1807. Par ailleurs, les ursulines de Québec saluent en Glackemeyer le plus ancien maître de musique dont il soit fait mention au monastère.
L’état actuel des connaissances sur cette tranche de l’histoire musicale canadienne pendant laquelle Glackemeyer fut actif à Québec ne permet guère de modifier l’appréciation générale laissée à ce jour par ses biographes, appréciation fondée sur les mérites de l’homme plutôt que sur sa prééminence ou l’importance de son apport à la vie culturelle de Québec. En revanche, il paraît justifié de remettre partiellement en question la compétence de Glackemeyer comme professeur des divers instruments qu’il se déclare prêt à enseigner. En effet, il est raisonnable de penser que John Lambert*, qui séjourna à Québec dans la première décennie du xixe siècle, avait Glackemeyer à l’esprit quand il écrivit : « Il y a seulement deux maîtres de musique à Québec, dont l’un est un bon violoniste. » Or Lambert poursuivait : « mais de tous les autres instruments, ils sont tous deux professeurs médiocres ». Sa pièce March compôsée pour le Revd. Monr. Tabeau confirme ces propos : les doigtés qui parsèment la partition révèlent un manque évident d’adresse au clavier. Toutefois, cette remise en question de sa compétence ne s’étend pas à l’écriture et à la technique de composition des œuvres de belle facture qu’on a conservées.
Frederick Glackemeyer a-t-il poursuivi à Québec, comme d’ailleurs après lui Marie-Hippolyte-Antoine Dessane*, un idéal quelconque sur le plan musical ? On ne peut le nier, mais si on se fie à un passage d’une lettre adressée à l’avocat Louis Moquin, de Québec, le 22 juillet 1824, il se révèle plutôt un commerçant soucieux d’améliorer sa petite fortune pour assurer à ses nombreux enfants une bonne éducation et une situation honorable dans la société.
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Lucien Poirier, « GLACKEMEYER, FREDERICK (baptisé Johann Friedrich Conrad) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/glackemeyer_frederick_7F.html.
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Auteur de l'article: | Lucien Poirier |
Titre de l'article: | GLACKEMEYER, FREDERICK (baptisé Johann Friedrich Conrad) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |