GIBBONS, RICHARD, avocat, fonctionnaire et juge en chef, né vers 1734 à Londres, fils de Richard et de Susannah Gibbons ; il épousa le 10 mai 1783, à Halifax, Susanna Sheperd, et ils eurent un fils et une fille ; décédé le 3 août 1794 à Nantes, France.

Le père de Richard Gibbons, arrivé à Halifax en provenance de la Virginie, en mai 1750, fut l’un des premiers colons de cette ville. Gibbons étudia le droit en Angleterre et, en mai 1765, il devint solicitor à la Cour de la chancellerie de Halifax et, au mois d’octobre suivant, greffier de la Cour inférieure des plaids communs. En 1771, il commença de siéger à la chambre d’Assemblée à titre de député du canton de Barrington, mais son élection fut invalidée quand une enquête, menée à sa demande, révéla des irrégularités pendant la campagne électorale. Appuyant la tentative du gouverneur Francis Legge de réformer le gouvernement de la province, Gibbons prépara des mémoires sur le système judiciaire et la dette de la province, dans lesquels il critiqua Michael Francklin et d’autres hauts fonctionnaires opposés à Legge. Gibbons, toutefois, n’était pas intéressé qu’à la réforme. Ambitieux, il souhaitait que ses liens avec Legge lui vaudraient un poste au sein du gouvernement, advenant le congédiement de l’un ou l’autre fonctionnaire par le gouverneur.

Malgré le rappel de Legge en 1776, Gibbons parvint à de hautes fonctions ; nommé solliciteur général en janvier 1777, il devenait procureur général quatre ans plus tard. Il était, cependant, impopulaire auprès du gouverneur John Parr et d’autres membres de son gouvernement. En 1784, une querelle s’éleva entre Gibbons et Parr au sujet de l’octroi des concessions de terres aux Loyalistes. La signature de Gibbons devant obligatoirement apparaître sur chaque titre de concession, il réclama qu’on lui reconnût le droit à une rémunération pour chaque nom porté sur le titre, même quand il y en avait des centaines. À la suite de plaintes des Loyalistes, Parr permit l’émission de concessions sans la signature de Gibbons.

À cause du pauvre état de ses relations avec Parr, Gibbons accepta probablement avec plaisir l’offre de Joseph Frederick Wallet DesBarres*, le nouveau lieutenant-gouverneur de l’île du Cap-Breton et un ami intime, de le nommer juge en chef de cette colonie naissante. Nommé à ce poste, comportant la présidence ex officio du Conseil exécutif, le 25 juillet 1785, Gibbons commença peu après à mettre sur pied le système judiciaire de l’île.

DesBarres fut un administrateur enclin aux disputes et, pendant son mandat, des différends divisèrent fréquemment le conseil. Dans ces querelles, Gibbons se rangeait du côté du lieutenant-gouverneur contre ses principaux adversaires, le procureur général David Mathews, le greffier Abraham Cuyler* et le colonel John Yorke, commandant de la garnison. Pendant l’hiver de 1785–1786, DesBarres se querella avec Yorke sur le droit de distribuer des fournitures militaires à quelques habitants ; Gibbons recourut à des procédures judiciaires pour forcer Yorke à permettre cette distribution par DesBarres. Les adversaires de ce dernier réussirent à le faire rappeler par le gouvernement britannique en novembre 1786, mais, avant de quitter l’île du Cap-Breton, DesBarres envoya Gibbons plaider en Angleterre en faveur de sa remise de poste. Quand Parr, qui s’était aussi querellé avec DesBarres, apprit cela, il écrivit à lord Sydney, ministre de l’Intérieur (responsable aussi des colonies), et qualifia Gibbons de « la pire personnalité [qui soit] ». Gibbons ne réussit pas à faire réinstaller DesBarres.

William Macarmick* devint lieutenant-gouverneur en 1787 et, dans un geste de conciliation, il maintint Gibbons dans ses fonctions. Cependant, le juge en chef souffrait de l’influence croissante, selon les apparences, de Mathews et de Cuyler, et il décida de regagner la puissance dont il jouissait avant le déplacement de DesBarres. Il créa, sur la base d’une milice formée de volontaires, partisans de DesBarres, la Friendly Society, une organisation quasi militaire qu’il conçut comme une protection contre toute tyrannie éventuelle exercée par Macarmick, Mathews ou Cuyler. Quand cette société tenta de former une compagnie choisie de miliciens, Macarmick essaya, pour lui faire échec, de mettre sur pied une milice régulière composée de tous les groupes, car il craignait que Gibbons ne prît encore de l’importance et que la violence n’éclatât entre la Friendly Society et les partisans de Mathews et de Cuyler. En sa qualité déjuge en chef, Gibbons rejeta le projet et Macarmick mit la Friendly Society hors la loi comme étant peut-être une « graine de rébellion ».

Cet échec n’ébranla nullement Gibbons. Au début de 1788, il prit la tête d’un mouvement qui réclamait une chambre d’Assemblée pour l’île du Cap-Breton et, en février, il prit la parole devant le grand jury comme étant « le seul corps représentatif du peuple », lui proposant d’agir en tant qu’Assemblée législative. Macarmick refusa de reconnaître dans le grand jury « un [organisme de] surveillance du gouverneur et du conseil » et, sous l’influence de Mathews, qui voyait dans cet incident un autre défi au pouvoir du lieutenant-gouverneur, il révoqua Gibbons en mars. Cette révocation souleva une tempête de protestations de la part des partisans de Gibbons, et le juge en chef démis se rendit à Québec, à Halifax et finalement à Londres, dans un effort pour se justifier, même s’il dut vendre sa ferme et ses propriétés de Sydney pour payer le coût de ses voyages. Après avoir plaidé sa cause pendant trois ans, il fut réinstallé en mars 1791, à cause de sa personnalité généralement estimable. Il s’abstint, cependant, de retourner à l’île du Cap-Breton pendant trois autres années. Quand il fit enfin le voyage, lui, sa femme et leur fils furent pris et emprisonnés en France. On relâcha sa famille après 22 mois de réclusion, mais Gibbons était mort depuis le 3 août 1794.

Le fils de Gibbons, Richard Collier Bernard DesBarres Marshall, fut procureur général de l’île du Cap-Breton pendant un certain temps et participa au mouvement en faveur d’une chambre d’Assemblée qui, avant 1820, provoqua des remous dans l’île. Après la réannexion de l’île du Cap-Breton à la Nouvelle-Écosse, cette même année, il devint l’un des chefs du mouvement séparatiste de l’île, dont l’activité dura jusqu’en 1846. Il mourut en 1863.

R. J. Morgan

APC, MG 11, [CO 217] Cape Breton A, 2, pp.39–41, 141–144 ; 3, pp.1–9, 84–93 ; 5, pp.68–70, 83, 86, 93 ; 7, pp.125s. ; 8, pp.85, 125s., 152s., 158s., 163, 167 ; Nova Scotia A, 90, p.218 : 91, p.208 ; 98, p.4 ; 99, pp.156–159 ; MG 23, F1, sér. 5.— PANS, MG 1, 262B (doc. de la famille Dodd, 1788) ; RG 1, 53, pp.440s.— PRO, CO 217/112, ff.138–139.— John Doull, Sketches of attorney generals of Nova Scotia (Halifax, 1964), 9–18.— G. N. D. Evans. Uncommon obdurate : the several public careers of JFWDesBarres (Toronto et Salem. Mass., 1969).— R. J. Morgan, Orphan outpost : Cape Breton colony, 1784–1820 (thèse de ph.d., université d’Ottawa, 1972) ; Joseph Frederick Wallet DesBarres and the founding of Cape Breton colony, Revue de l’universtié d’Ottawa, XXXIX (1969) :212–227.

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R. J. Morgan, « GIBBONS, RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gibbons_richard_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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