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FLINT, BILLA, homme d’affaires, juge de paix, fonctionnaire, officier de milice, homme politique et philanthrope, né le 9 février 1805 près d’Elizabethtown (Brockville, Haut-Canada), fils de Billa Flint et de Phoebe Wells ; le 10 septembre 1827, il épousa à Brockville Phoebe Sawyer Clement, et ils adoptèrent un enfant, John James Bleecker ; décédé le 15 juin 1894 à Ottawa.
Billa Flint n’avait que six semaines de scolarité quand, à l’âge de 11 ans, il commença à travailler à titre de commis pour son père. Celui-ci, venu des États-Unis, était un marchand et hôtelier tapageur de Brockville. Déjà grand buveur, il s’adonna par la suite à l’opium. Billa, par contre, opta pour la tempérance. En 1827, deux ecclésiastiques montréalais, un certain M. Arble et Joseph Stibbs Christmas, de l’Église presbytérienne des États-Unis, visitèrent Brockville. Ils obtinrent de Flint et de quatre autres personnes, dont Adiel Sherwood*, l’engagement de fonder une société de tempérance dans cette ville, la première du Haut-Canada, affirmerait-il plus tard. En 1829, mécontent de ce que son père vende de l’alcool dans son magasin, il partit se lancer en affaires à Belleville, comté de Hastings, dans la baie de Quinte.
Flint fit ses débuts à titre de marchand général dans des locaux loués, mais dès 1837 il avait transformé l’entrée de la rivière Moira en y construisant de nouveaux quais, des entrepôts et l’une des premières scieries à vapeur de la province. En puisant dans les richesses agricoles et forestières de l’arrière-pays, il accéda rapidement aux marchés américains par Oswego, dans l’état de New York, et par le canal Érié. Sa nomination comme juge de paix et le fait qu’il devint président du bureau de police de Belleville en 1836 témoignent de la rapidité de sa réussite. Quand la rébellion éclata l’année suivante, il servit à titre de commissaire dans le 1st Regiment of Hastings cavalry ; par la suite, il réclama une indemnité pour les pertes subies pendant le soulèvement. Il avait, de toute évidence, représenté une cible pour Cornelius Parks, qui déclara, à son procès pour trahison, en 1839, que Flint figurait sur une liste noire.
Comme le sénateur Mackenzie Bowell* allait le dire dans un éloge funèbre, Flint était « un homme très énergique qui défendait ardemment ses positions politiques, sociales et religieuses, quel que fût le parti qu’il prit ». Il exerça une influence sur la vie sociale de Belleville dès son arrivée, en 1829, en créant une société de tempérance, et fut l’un des principaux fondateurs de la Canadian Temperance League en 1845. Pendant 21 ans, il fut surintendant de l’école du dimanche de l’église méthodiste Bridge Street. En 1834, avec d’autres administrateurs de cette congrégation méthodiste wesleyenne, il refusa d’admettre des membres de l’Église méthodiste épiscopale ; William Henry Draper* le défendit au cours du célèbre procès qui eut lieu à Kingston en 1837. Les wesleyens perdirent, mais ils gagnèrent en appel en 1840.
Flint poussa l’exploitation de l’arrière-pays vers le nord jusqu’à un affluent de la Moira, la Skootamatta, dans le canton d’Elzévir. En 1853, il entreprit d’aménager des emplacements de moulins dans ce canton, à Troy (rebaptisé par la suite Bridgewater et appelé aujourd’hui Actinolite). En 1860, il possédait des moulins à farine, à avoine et à orge, une scierie, une fabrique d’armoires et de chaises, un magasin général et un hôtel où la vente d’alcool était interdite. En amont, dans le canton de Kaladar, il fit tracer le plan d’un village avec un moulin à farine, une scierie et des ateliers de construction mécanique qui formèrent le noyau de Flint’s Mills (Flinton). D’autres propriétaires de vastes concessions, parmi lesquels se trouvaient Hugo Burghardt Rathbun et son fils Edward Wilkes*, de Deseronto, de même que la compagnie d’Allan Gilmour, sise à Trenton, exploitaient cette région forestière. Pour leur faire concurrence, Flint s’associa soit avec des parents, la famille Holden par exemple, soit avec d’autres hommes d’affaires, dont Horace Youmans (Yeomans). En 1866–1867, on découvrit de l’or dans le canton de Madoc ; Flint s’empressa de spéculer sur des entreprises minières dans le canton d’Elzevir, qui était voisin. Une carrière de marbre, près de Bridgewater, connut une certaine prospérité, mais des faillites (notamment celle d’un concasseur de quartz aurifère, au même endroit, et celle de la Flint and Merrill Bronze Mining Company) obligèrent Flint à se montrer prudent.
Flint ne cessait de faire de la promotion et de la spéculation dans le transport par eau, par route ou par rail. Pour les besoins de son commerce avec Oswego, il exploitait un vapeur, le Moira, et il investit dans d’autres compagnies de navires à vapeur installées le long de la rive nord du lac Ontario. Dans une requête, en 1837, il réclama qu’on entreprenne des travaux dans le Saint-Laurent. En 1868, il présida une délégation qui préconisait la construction d’un canal entre la baie de Quinte et la baie Wellers (le canal Murray). Il fit construire un chemin entre ses moulins de la Skootamatta et la route Addington. À compter de 1865, il fut l’un des principaux promoteurs de la construction d’un chemin de fer qui aurait relié Belleville à Marmora par Tweed et Bridgewater. Quand on construisit le Grand Junction Railway, dans les années 1870, il dut être déçu car le trajet choisi ne fut pas celui dont il avait rêvé. La faillite de la Toronto and Ottawa Railway, qui tenta au début des années 1880 de construire une ligne est-ouest parallèlement au trajet du chemin de fer d’Ontario et Québec, porta un dur coup à Flint. En effet, Bridgewater n’eut pour toute voie ferrée qu’un embranchement du chemin de fer Midland du Canada, et les piliers du pont qu’on avait construits dans la rivière s’avérèrent inutiles.
Flint dut mettre en vente son moulin et son magasin de Belleville en 1868 soit parce que ses capitaux n’étaient pas suffisants pour faire des investissements dans le nord du comté de Hastings, ou encore que la région ne recélait pas autant d’or qu’on avait espéré. Ces propriétés passèrent à son fils adoptif et à Charles P. Holton en 1873. Les intérêts de Flint s’étendaient jusqu’à la rivière York, dans la vallée de la Madawaska, par la route Hastings. En 1877, il se porta acquéreur des moulins de James Cleak à York Mills, et en 1879 il réussit à faire rebaptiser ce village Bancroft, en l’honneur de sa belle-mère, Elizabeth Ann Bancroft. Toutefois, incendies et faillites de chemins de fer poussèrent Flint (qui de toute façon prenait de l’âge) à vendre ses propriétés de la Skootamatta en 1883 et à se retirer presque complètement des affaires.
Au moment où Flint prit sa retraite, les tentatives des entrepreneurs pour franchir le bassin hydrographique de la Moira afin de rejoindre la Madawaska et d’autres rivières qui se jetaient dans la vallée de l’Outaouais s’avéraient fort coûteuses. Étant donné qu’il y avait peu de bois vendable dans les régions reculées du comté de Hastings, les villages de Flint se trouvèrent dépourvus de moyens de subsistance. Cette région devint une terre « que les jeunes s’empress[aient] de quitter », comme Al Purdy l’écrivait en 1965 dans un poème intitulé The country north of Belleville. L’assaut du bassin hydrographique avait été si intensif que dès 1869 Flint pouvait écrire : « Les pins et autres essences que l’on trouve sur la Moira et ses tributaires disparaissent rapidement et seront bientôt chose du passé. » Ainsi que le poète Stuart MacKinnon l’a écrit en 1980 dans Mazinaw : « Tout était à prendre / Et Billa savait le faire à pleines mains ».
Par ailleurs, Flint avait mené une carrière politique bien remplie. Préfet du canton d’Elzévir de 1858 à 1879, il fut préfet et maire de Belleville en 1866 et préfet du comté de Hastings en 1873. Élu en 1847 député de la circonscription de Hastings à l’Assemblée législative, il y connut la défaite en 1851 mais devint député de Hastings South en 1854. Il fut candidat au Conseil législatif dans la division de Trent en 1861 ; battu par Sidney Smith* cette année-là, il remporta la victoire deux ans plus tard. Il vota contre la Confédération en 1865, parce qu’il s’opposait aux écoles séparées, au financement gouvernemental du chemin de fer Intercolonial et à un sénat non électif. Néanmoins, en 1867, il entra au Sénat du Canada, où il siégea jusqu’à sa mort, plus d’un quart de siècle plus tard. En 1848, le British Whig de Kingston avait dit de lui qu’il n’était « ni chair ni poisson », ni réformiste ni conservateur. Pourtant, selon une notice biographique qui date de 1880, il était « depuis toujours un libéral inflexible ». En 1894, Mackenzie Bowell le décrivit comme un « réformiste à la manière de Baldwin » avant la Confédération, mais ensuite il était devenu l’un de ses partisans et soutenait le parti libéral-conservateur, sauf qu’« il se plaisait à se dire libéral en politique ».
Derrière la personnalité puissante de Flint, l’homme « au visage rubicond », se cachait un personnage plus doux, que les enfants prenaient souvent pour le Père Noël à cause de sa bonhomie et de sa longue barbe blanche. Selon le sénateur Richard William Scott*, il « envisageait toujours tout du point de vue de la morale et de la religion » et était soit un ami, soit un ennemi. Philanthrope, Flint donna des terrains pour construire des églises et des écoles et fut l’un des premiers à soutenir la travailleuse sociale Annie Macpherson, qui ouvrit en 1869 une maison de transition, Marchmont, pour les enfants immigrants originaires des villes britanniques. Il participa à de nombreuses initiatives commerciales ou sociales : en 1865, notamment avec Bowell et Henry Corby*, il fonda le Board of Trade de Belleville, et en 1869 il favorisa l’installation d’un haut fourneau dans cette ville.
Billa Flint mourut en 1894, à l’âge de 89 ans, pendant qu’il exerçait ses fonctions de sénateur à Ottawa. Le Weekly Intelligencer de Belleville résuma ainsi sa contribution à la vie publique : « Peu d’hommes ont été liés de façon aussi manifeste que M. Flint aux affaires publiques du district. Sa carrière fut orageuse [...] et il adorait la controverse, surtout politique ou religieuse. »
Billa Flirt fut lui-même un historien et un biographe actif. Sa série d’articles sur les débuts de Belleville, en Ontario, fut publiée sous le titre de « Forty years ago », Daily Intelligencer (Belleville), 20, 27 juill., 4, 10, 18, 24, 31 août, 7, 14, 21, 29 sept. 1869 ; la série a aussi paru dans le Globe, dans la Gazette (Montréal), et dans le Montreal Herald. D’autres souvenirs de Flirt se trouvent dans l’édition hebdomadaire de l’Intelligencer : « Forty-seven years a resident of Belleville » (21 juill. 1876) ; et « Fifty years ago today » (8 nov. 1872) ; un second article intitulé « Fifty years ago today » a paru dans le Daily Intelligencer, 19 juill. 1879.
AN, RG 5, A1 : 11758–11761 ; RG 68, General index, 1651–1841 : 496.— Belleville Public Library, Rebellion losses claims.— Lennox and Addington County Museum (Napanee, Ontario), Lennox and Addington Hist. Soc. Coll., Benson family papers : 2755–2758 ; T. W. Casey papers : 11271–11272.— QUA, 2056, box 107.— Canada, Sénat, Débats, 1894 : 563–564.— Methodist Episcopal Church in Canada, Report of the trial of an action brought by John Reynolds and others on the part of persons calling themselves the Methodist Episcopal Church in Canada, against Billa Flint and others, trustees of the Wesleyan Methodist Church in Belleville, to obtain a chapel in the possession of the latter in the town of Belleville, by Harvey Fowler, with brief notes and remarks by E. Ryerson (Toronto, 1837 ; copies à la Queen’s Univ. Library, Special Coll. Dept., Kingston, Ontario, et à la Victoria Univ. Library, Toronto).— British Whig (Kingston), 2 mai 1834, 18 mai, 10 nov. 1836, les, 9 janv. 1848.— Brockville Evening Recorder, 18 juin 1894.— Brockville Recorder, 7 oct. 1852.— Chronicle & Gazette (Kingston), 26 oct. 1834, 9 mars, 3 sept. 1836, 1er févr., 19 avril, 11 oct. 1837.— Daily British Whig, 18 juin 1894.— Daily Intelligencer, 1867–1879.— Hastings Chronicle (Belleville), 19 oct. 1859, 21 août 1861, 18 sept. 1865.— Intelligencer (éd. hebdomadaire), 28 déc. 1866, 26 juin, 28 août 1868, 13 sept. 1877, 14, 21 juin 1894.— Canadian biog. dict.— Canadian directory of parl. (Johnson).— Hastings County directory, 1860 ; 1868–1869.— G. E. Boyce, Historic Hastings (Belleville, 1967).— Jean Holmes, Times to remember in Elzevir Township (Madoc, Ontario, 1984).— W. L. Lessard, « The history of Kaladar and Anglesea townships » (copie dactylographiée, 1964 ; conservée au Lennox and Addington County Museum).— Nick et Helma Mika, The Grand Junction Railway (Belleville, 1985).— Nila Reynolds, Bancroft, a bonanza of memories (Bancroft, Ontario, 1979).— Merrill Denison, « The Hon. Billa Flint », Canadian Mining Journal (Gardenvale, Québec), 88 (1967) : 49–52.— J. H. Richards, « Population and the economic base in northern Hastings County, Ontario », Canadian Geographer (Ottawa), no 11 (1958) : 23–33.
Larry Turner, « FLINT, BILLA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/flint_billa_12F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/flint_billa_12F.html |
Auteur de l'article: | Larry Turner |
Titre de l'article: | FLINT, BILLA |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |