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FitzGERALD, JOHN GERALD, pathologiste, bactériologiste, réformateur de la santé publique, enseignant et auteur, né le 9 décembre 1882 à Drayton, Ontario, aîné des quatre enfants de William Fitzgerald, pharmacien, et d’Alice Ann Woollatt ; le 9 avril 1910, il épousa à London, Ontario, Edna Ella Mary Leonard, et ils eurent une fille et un garçon ; décédé le 20 juin 1940 à Toronto.
L’arrière-grand-père paternel de John Gerald FitzGerald avait émigré au Haut-Canada de Clones, dans le comté de Monaghan (république d’Irlande), en 1824. Sa mère était née en Angleterre. Gerry, comme on l’appelait enfant, quitta Drayton avec sa famille pour s’installer dans la ville voisine de Harriston en 1891. Il fréquenta l’école secondaire du coin tout en travaillant à temps partiel comme apprenti dans la boutique d’apothicaire de son père et en prenant soin de sa mère invalide. Après avoir reçu son diplôme en 1899, il s’inscrivit à la faculté de médecine de la University of Toronto ; âgé de 16 ans, il était le plus jeune de sa classe.
Peut-être inspiré par l’histoire de sa propre famille, marquée par l’instabilité mentale, FitzGerald se passionna pour la recherche des origines biologiques de l’aliénation mentale. Il fut d’abord interne au Neurological Hospital, établissement privé de Donald Campbell Meyers à Toronto, puis à l’asile d’État pour aliénés de Buffalo, dans l’État de New York, où il subit l’influence de l’éminent psychiatre Adolf Meyer, l’un des fondateurs du mouvement en faveur de l’hygiène mentale. Au Johns Hopkins Hospital de Baltimore, au Maryland, il fut inspiré par William Henry Welch, figure dominante en matière de santé publique aux États-Unis ; au Sheppard and Enoch Pratt Hospital, en périphérie de la ville, il se lia d’amitié pour la vie avec Clarence Byrnold Farrar*, qui deviendrait directeur du Toronto Psychiatric Hospital.
En 1907, FitzGerald fut nommé premier pathologiste et directeur clinique du Toronto Hospital for the Insane par son surintendant, Charles Kirk Clarke*, et devint moniteur en psychiatrie à la University of Toronto. Mais ses intérêts commençaient à changer. L’année suivante, il quitta l’asile, et, après avoir fait de la recherche à la Harvard Medical School et à l’hôpital d’État pour aliénés à Danvers, au Massachusetts, il retourna à la University of Toronto en 1909, où il enseigna la bactériologie. Un an plus tard, il épousa Edna May Leonard, comme on l’appelait à l’époque, petite-fille et héritière du fondeur de fer Elijah Leonard*. Le couple s’installa à Berkeley, en Californie, en 1911, quand FitzGerald fut nommé professeur adjoint à l’université de cette ville.
Pendant une période intensive de trois ans, de 1910 à 1913, où il renonça même à prendre des vacances d’été, FitzGerald approfondit sa formation en pathologie et en bactériologie, et élargit ses liens avec la communauté scientifique internationale. Chercheur à l’Institut Pasteur du Brabant à Bruxelles, il fit la connaissance de son fondateur, le biologiste Jules Bordet, et d’Ilia Ilitch (Élie) Metchnikov (Metchnikoff), le père de l’immunologie. À Paris, il noua une amitié durable avec Émile Roux, principal collaborateur de Louis Pasteur. Il apprit également à préparer le traitement de Pasteur contre la rage, l’antitoxine diphtérique et le vaccin contre la variole. Des séjours à l’université de Fribourg, en Allemagne, au Lister Institute of Preventive Medicine à Londres et au département de santé publique de la ville de New York achevèrent la décennie de formation spécialisée, au rythme très soutenu, subséquente à sa licence de médecine.
FitzGerald revint à Toronto en 1913. Nommé professeur adjoint du nouveau département d’hygiène de l’université, il était impatient de réaliser son projet de réforme de la santé publique au Canada. Parce qu’il n’existait pas de programmes efficaces, des milliers de personnes mouraient chaque année d’une variété de maladies infectieuses. La diphtérie était une des principales causes de décès des enfants de moins de 14 ans. À cause du coût prohibitif des antitoxines, des sérums et des vaccins importés des États-Unis, seuls les nantis y avaient accès. FitzGerald travailla d’abord au laboratoire du Bureau de santé provincial, où il produisit le traitement contre la rage comme il l’avait appris à Paris. Plus tard dans la même année, il proposa au conseil d’administration de la University of Toronto de mettre en place un laboratoire au département d’hygiène, où une variété de médicaments préventifs de haute qualité pourraient être fabriqués à un coût suffisamment bas pour les rendre universellement accessibles – « à la portée de chacun », comme le dit l’un de ses contemporains.
Mais avant même d’avoir obtenu l’accord de l’université, le passionné professeur de 30 ans se lança de son propre chef. À l’aide d’un emprunt sur l’héritage de sa femme, FitzGerald acheta quelques chevaux destinés à l’usine de colle et les logea dans une petite étable qu’il avait construite sur l’avenue Barton. Puis, après leur avoir injecté les toxines cultivées à partir du bacille de la diphtérie, il utilisa les anticorps dans leur sang pour produire la première antitoxine au Canada pour cette maladie. Cette démonstration énergique du potentiel de son idée convainquit l’université de créer l’Antitoxin Laboratory, qui fut inauguré le 1er mai 1914 dans le sous-sol de l’école de médecine. Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, quelques mois plus tard seulement, surgit un besoin urgent d’immuniser les troupes canadiennes contre le tétanos. Impressionné par la détermination et l’engagement de FitzGerald, le philanthrope Albert Edward Gooderham donna des terres, des édifices et des fonds pour permettre d’accroître considérablement la capacité du laboratoire. Les Connaught Antitoxin Laboratories and University Farm, nommés d’après le duc de Connaught [Arthur*], récent gouverneur général, furent officiellement inaugurés le 25 octobre 1917, sur un terrain de 58 acres au nord-ouest de la ville.
En février de l’année précédente, le Bureau de santé provincial avait commencé à distribuer gratuitement des antitoxines, des sérums et des vaccins en Ontario, ce qui propulsa la province à l’avant-garde de la santé publique au Canada. D’autres provinces suivraient. Pendant que les laboratoires produisaient en masse des médicaments préventifs à usage civil et militaire, FitzGerald, devenu major, servit d’abord au sein du Corps de santé de l’armée canadienne, fournissant des services de santé aux soldats avant qu’ils se rendent outre-mer. En 1918, il se joignit au Royal Army Medical Corps en tant que commandant d’un laboratoire de pathologie mobile sur le front de l’Ouest. L’année suivante, il fut nommé au premier poste à temps plein de professeur d’hygiène et de médecine préventive à la University of Toronto et, en 1920, il devint membre du Conseil fédéral d’hygiène, organisme consultatif rattaché au ministère de la Santé qui venait d’être créé. Il se trouvait alors au centre d’un mouvement de réforme naissant dans la santé publique.
Après la découverte de l’insuline en 1921–1922 par Frederick Grant Banting* et Charles Herbert Best*, avec l’aide de John James Rickard Macleod et James Bertram Collip*, les Connaught Laboratories s’empressèrent de relever le défi de raffiner et produire l’hormone. Impressionné par cette percée canadienne dans le traitement du diabète et par les avances obtenues à Toronto sous la gouverne du médecin-hygiéniste de la ville, Charles John Colwell Orr Hastings, la Rockefeller Foundation de New York fit un don de 1,25 million de dollars pour créer l’école d’hygiène de la University of Toronto et pour la doter de nouveaux départements en épidémiologie et en hygiène physiologique. L’édifice de quatre étages, ouvert le 9 juin 1927 dans la rue College, fut conçu pour accueillir la branche universitaire des Connaught Laboratories. FitzGerald, directeur fondateur de l’établissement, réalisait enfin son vieux rêve de réunir sous un même toit l’enseignement, la recherche et la production de vaccins et de sérums. Pendant les années 1920 et 1930, ce modèle canadien particulier de services publics établit un nouveau standard d’excellence international, qui conduisit au contrôle ou à l’éradication systématiques d’un ensemble de maladies incluant, en plus du diabète, la rage, la diphtérie, la fièvre typhoïde, la petite vérole, le tétanos, la pneumonie, la méningite, la coqueluche et la scarlatine. Dans les années 1920, les Connaught Laboratories mirent au point avec succès une anatoxine diphtérique, ce qui contribua à faire avancer la carrière de FitzGerald à l’échelle internationale et permit de déclarer Toronto et Hamilton libres de la maladie avant son décès en 1940 ; elles furent les premières villes au monde à obtenir ce statut. Le manuel de FitzGerald, An introduction to the practice of preventive medicine, publié à Saint Louis, au Missouri, en 1922, rédigé en collaboration avec plusieurs de ses collègues, servit abondamment partout en Amérique du Nord ; une deuxième édition parut en 1926.
Membre du bureau international de santé de la Rockefeller Foundation depuis 1923, FitzGerald devint le premier Canadien nommé au poste de directeur scientifique de son successeur, la division de la santé internationale. Simultanément, de 1930 à 1936, il fut membre du Comité de la santé de la Société des nations, précurseur de l’Organisation mondiale de la santé. En 1932, il entama un mandat de trois ans, prolongé ensuite d’un an, en qualité de doyen de la faculté de médecine de la University of Toronto, au cours duquel il renouvela le curriculum afin de mettre davantage l’accent sur des mesures de prévention comme la nutrition, l’hygiène, la santé mentale et l’éducation publique.
FitzGerald participa à deux missions internationales pour la Rockefeller Foundation. La première, en 1934, consistait à étudier les conditions sanitaires au Ceylan (Sri Lanka), en Inde et en Égypte, et la deuxième, qui se déroula sur une période de 12 mois en 1936 et 1937, avait pour but d’évaluer l’enseignement supérieur de premier cycle en santé publique et en médecine préventive dans 26 pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Ce dernier mandat, qui arrivait après des décennies de surmenage, eut des conséquences néfastes sur la santé de FitzGerald. Depuis longtemps, il souffrait d’épisodes dépressifs qu’il avait essayé de combattre en travaillant sans relâche. Il en résulta des migraines, un ulcère hémorragique et de l’insomnie. À la fin de 1938, il fit une tentative de suicide à la suite d’une dépression nerveuse. Au mois de mai suivant, il fut admis au Neuropsychiatric Institute of the Hartford Retreat, au Connecticut, où il reçut 57 traitements de choc à l’insuline, nouvelle thérapie controversée contre la dépression. Après un retour au travail au printemps de 1940, il rechuta et s’enleva la vie au Toronto General Hospital en juin, à l’âge de 57 ans.
John Gerald FitzGerald était un homme complexe et plein de contradictions. Farrar se souvenait de lui comme d’une personne « calme, parlant doucement, bienveillante, d’un bon jugement et tolérante », de quelqu’un d’attachant qui se souciait des autres et pouvait déléguer des responsabilités. Un autre collègue louait son imagination et son côté visionnaire, qui, selon lui, coexistaient avec « la douceur, la modestie et une personnalité charmante ». Mais sous cette apparence placide, il y avait un être fort, parfois impitoyable, obsédé par la réalisation de ses objectifs. Après sa mort, sa femme se plaignit à un journaliste d’avoir été « mariée à une idée, pas à un homme ». Au fil d’une carrière aux multiples facettes, il conçut une vision globale de la santé publique qui non seulement établit les bases de programmes sociaux provinciaux et fédéraux dans l’ensemble du Canada, mais influença la recherche et l’enseignement médicaux à l’échelle internationale. En grande partie grâce à sa prévoyance, le pays passa, en l’espace d’une seule génération, entre les deux guerres mondiales, du statut de colonie reculée à celui de chef de file mondial reconnu en matière de médecine préventive. Parmi les honneurs que FitzGerald reçut, on compte des fellowships de la Société royale du Canada (1920) et du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (1931), ainsi qu’un doctorat honorifique en droit de la Queen’s University à Kingston, en Ontario (1925). La FitzGerald Academy pour les études médicales de premier cycle fut établie en 1994 au Wellesley Hospital et au St Michael’s Hospital, tous deux à Toronto. Il fut intronisé au Temple de la renommée médicale canadienne dix ans plus tard.
Outre le manuel mentionné dans sa biographie, John Gerald FitzGerald a rédigé, seul ou en collaboration, près de 90 articles, brochures et articles scientifiques. En 1907–1908, il a été corédacteur en chef du Bull. of the Toronto Hospital for the Insane, qui serait renommé Bull. of the Ontario Hospitals for the Insane (Toronto). Une bibliographie de ses ouvrages publiés (s.l.n.d.) est déposée aux University of Toronto Libraries. Petit-fils de John Gerald, nous avons eu accès aux dossiers de la famille et écrit un livre qui fournit des renseignements contextuels sur sa vie et sa carrière : What disturbs our blood : a son’s quest to redeem the past (Toronto, 2010). On peut consulter en ligne une vidéo (http://www.cdnmedhall.org/inductees/dr-john-fitzgerald) sur la contribution de FitzGerald en matière de santé publique au Canada, réalisée dans la foulée de son intronisation au Temple de la renommée médicale canadienne.
AO, RG 22-305, no 91642 ; RG 80-2-0-189, no 36744 ; RG 80-5-0-416, no 15506.— UTARMS, B1999-0011/025(05) ; B2000-0005.— « The antitoxin laboratory of the University of Toronto », Canadian Medical Assoc., Journal (Toronto), 7 (1917) : 255–260.— Gordon Bates, « Lowering the cost of life-saving », Maclean’s, 28 (1915), août : 14–16, 103–104.— P. A. Bator, « Saving lives on the wholesale plan : public health reform in the city of Toronto, 1900 to 1930 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1979).— P. A. Bator et A. J. Rhodes, Within reach of everyone : a history of the University of Toronto School of Hygiene and the Connaught Laboratories (2 vol., Ottawa, 1990–1995).— Michael Bliss, The discovery of insulin (Toronto, 1982).— R. D. Defries, The first forty years, 1914–1955 : Connaught Medical Research Laboratories, University of Toronto (Toronto, 1968).— C. B. F[arrar], « I remember J. G. FitzGerald », American Journal of Psychiatry (Baltimore, Md), 120 (1963–1964) : 49–52.— D. T. Fraser, « John Gerald FitzGerald (1882–1940) », SRC, Mémoires, 3e sér., 35 (1941), proc., app. B : 113–115.— M. L. Friedland, The University of Toronto : a history (Toronto, 2002).— Jennifer Lem, « Dr. John G. FitzGerald : Canada’s public health care visionary » (document de recherche préparé pour le Museum of Health Care, Kingston, Ontario, 2006).— Univ. of Toronto, President’s report (Toronto, 1914–1940 ; rapports annuels du directeur des Connaught Laboratories ; exemplaires aux UTARMS).
James FitzGerald, « FITZGERALD, JOHN GERALD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fitzgerald_john_gerald_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/fitzgerald_john_gerald_16F.html |
Auteur de l'article: | James FitzGerald |
Titre de l'article: | FITZGERALD, JOHN GERALD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2018 |
Année de la révision: | 2018 |
Date de consultation: | 21 nov. 2024 |