Provenance : Lien
FISHER, WILLIAM SHIVES, marchand et manufacturier, né le 20 février 1854 à Fredericton, unique enfant survivant de William Fisher et de Catherine Amelia Clawson, née Valentine ; le 14 juin 1881, il épousa à Portland (Saint-Jean) Mabel Shaw (1860–1940), et ils eurent trois fils et une fille ; décédé le 15 octobre 1931 à Saint-Jean.
William Shives Fisher, loyaliste de la quatrième génération du côté de son père, reçut le nom du beau-frère de sa mère, William Shives (frère de Robert*), qui semble l’avoir élevé. Fisher venait d’une famille qui, par tradition, se consacrait aux affaires et à la fonction publique. Son père, commerçant et agent de transport maritime à Fredericton, fut aussi, de 1872 à 1884, l’un des deux surintendants des Affaires indiennes du Nouveau-Brunswick. Son oncle Charles Fisher* devint le premier des premiers ministres de la province sous le gouvernement responsable et l’un des Pères de la Confédération. Fisher ne connut jamais sa mère, Catherine Amelia, veuve remariée qui mourut à l’âge de 32 ans, quand il avait cinq mois. Il fit ses études à la vénérable Saint John Grammar School et passerait presque toute sa vie à Saint-Jean. En 1870, il commença à travailler comme teneur de livres pour le marchand Adam Young et, quatre ans plus tard, il reprit le commerce. En 1878, Robert Bickerdike Emerson et lui fondèrent une société par actions, l’Emerson and Fisher Company Limited, qui fabriquait et vendait de la quincaillerie, des poêles, des manteaux de cheminée, des foyers et, plus tard, du matériel automoteur. Fisher devint vice-président et secrétaire, puis succéderait à Emerson comme président à la mort de ce dernier, en 1921.
L’Emerson and Fisher Company Limited ne s’occupait pas seulement de production, mais aussi de vente en gros et de commercialisation au détail. En 1888, la société était si prospère que ses propriétaires décidèrent d’étendre leurs activités au moyen d’un projet ambitieux d’intégration horizontale. De l’E. Cogswell and Company, ils acquirent l’usine florissante de la Dominion Foundry Company, située à Sackville, ville universitaire dynamique du sud-est du Nouveau-Brunswick. Cette usine, établie en 1872, se trouvait près du quai public et de la gare du chemin de fer Intercolonial ; pour l’exploiter, ils créèrent l’Enterprise Foundry Company Limited, avec Fisher qui en assumerait la présidence pendant les 40 dernières années de sa vie. Sous la direction de Fisher et de ses trois fils, la société devint un employeur local, un manufacturier et un grossiste d’importance qui possédait sa propre organisation des ventes et son propre réseau national de distribution. Même si l’Enterprise Foundry Company Limited était en réalité une filiale indépendante de l’Emerson and Fisher Company Limited, elle en constituait la tête dirigeante. L’entreprise resterait dans la famille jusqu’à ce qu’un petit-fils de Fisher, Edward Meredith Shives Fisher, la vende en 1983. L’usine, complètement reconstruite en 1908 à la suite d’un incendie dévastateur, cesserait ses activités en janvier 2012, quand un autre incendie détruirait la plus grande partie de la structure de brique.
Fisher appartenait à des associations locales, régionales et nationales liées au commerce et à l’industrie. En 1896–1897, il dirigea le Bureau de commerce de Saint-Jean, se faisant le défenseur du port de la ville à un moment où, comme le rappellerait l’Evening Times-Globe en 1931, « les ports rivaux et les sociétés de transport qui les utilisaient disaient de la baie de Fundy qu’elle était une zone de brouillard, d’écueils et de courants, dangereuse pour la navigation ». En 1904, il devint vice-président de la section du Nouveau-Brunswick de l’Association des manufacturiers canadiens. Il fut élu vice-président du Bureau de commerce des provinces Maritimes un an plus tard, puis président en 1906. Pendant la Première Guerre mondiale, il présida la section des Maritimes de l’Association des manufacturiers canadiens ; il devint premier vice-président de la société en 1920 et président l’année suivante. La période où il dirigea une délégation chargée d’une mission d’enquête aux Caraïbes constitua un des temps forts du mandat de Fisher ; il s’opposait au libre-échange avec les États-Unis, mais rêverait toute sa vie d’une union politique et économique entre le Canada et les Antilles britanniques, que bien des hommes d’affaires du Canada atlantique appuyaient en tant que contrepoids possible à la richesse et à la puissance des États-Unis. Grâce à son succès exceptionnel comme industriel, Fisher gagna la reconnaissance de l’élite du monde des affaires. Par exemple, il siégea au comité consultatif de Saint-Jean pour l’Eastern Trust Company [V. John Fitzwilliam Stairs*] et fut nommé membre du conseil d’administration de la New Brunswick Power Company en 1923.
En mai 1914, Fisher se trouva au centre de la scandaleuse affaire de corruption qui éclaboussa James Kidd Flemming*, premier ministre conservateur du Nouveau-Brunswick, qui dut démissionner à la suite des rapports de deux commissions royales mises en place pour enquêter sur les accusations portées contre lui [V. Harrison Andrew McKeown]. Parmi les membres des deux commissions, Fisher, qui n’avait pas une réputation de partisan farouche, était le seul libéral et le seul à ne pas appartenir à la magistrature assise. Son impartialité et sa droiture absolue se manifestèrent dans sa détermination à ce que les commissions rendent des conclusions fondées sur les preuves. En grande partie grâce à sa vigilance, les rapports ne blanchirent pas Flemming, malgré les efforts déployés en ce sens par des conservateurs influents comme John Douglas Hazen.
Pour récompenser Fisher de ses services, on le nomma au conseil d’administration de la Saint John and Quebec Railway Company – objet d’enquête d’une des commissions –, lorsque la province reprit cette société en août 1915 [V. Irving Randall Todd]. Son rôle digne de mention dans l’affaire Flemming lui valut aussi le respect à Ottawa, où le Parti conservateur de sir Robert Laird Borden détenait le pouvoir. En 1915, Albert Edward Kemp*, président de la Commission de ravitaillement, demanda à Fisher d’équiper le No.1 Construction Battalion pour le service outre-mer. De plus, il fut nommé commissaire responsable de l’usine de Québec de la Ross Rifle Company, société nationalisée. Il occupa ce poste de 1917 à 1920.
Persuadé du lien entre l’expansion industrielle et le perfectionnement de la main-d’œuvre, Fisher encouragea la formation et l’éducation professionnelles et techniques dans les arts industriels. Il appuya en outre toute cause susceptible d’améliorer les services sociaux, et tout particulièrement la protection de l’enfance, grâce à un engagement évangélique qui provenait de sa ferveur d’anglican de la Basse Église. Il fut président du bureau de l’Associated Charities of Saint John et président fondateur de la New Brunswick Tourist Association ; en 1921, il finança en partie la réimpression du livre de son grand-père Peter Fisher*, publié en 1825 : Sketches of New-Brunswick. En 1927, il siégea, en compagnie de John Clarence Webster*, à un comité nommé par le cabinet pour étudier la mise en place d’archives provinciales (objectif atteint en 1967 seulement) et fit partie du conseil d’administration du Musée du Nouveau-Brunswick.
Le décès de William Shives Fisher, le 15 octobre 1931, fit la manchette à Saint-Jean. Il s’imposait comme un modèle de responsabilité sociale et de civisme, et on le considérait comme tel. Fisher laissa une succession de 500 000 $, somme énorme pour un homme d’affaires des Maritimes au point le plus bas de la grande dépression. Plusieurs organismes de bienfaisance profitèrent de la générosité de ses legs.
Les papiers de William Shives Fisher ont disparu. Ce que l’on sait sur lui se trouve principalement dans R. C. Fisher, « The Fishers of New Brunswick, 1783–1950 » (texte dactylographié, s.l., 1998 ; le DCB conserve une photocopie de la partie sur William Shives), et dans son message présidentiel à la cinquante et unième réunion annuelle de l’Assoc. des manufacturiers canadiens, en juin 1922, publié sous le titre « A great business organization : the Canadian Manufacturers’ Association ; address by President W. S. Fisher », Canadian annual rev. (Toronto), 1922 : 946–953.
APNB, RS71A (Saint John County Probate Court records), 1931, William Shives Fisher.— BAC, R3096-0-8.— Musée du N.-B. (Saint-Jean), Saint John Board of Trade fonds – 1887–1981.— Evening Times-Globe (Saint-Jean), 1927–1931.— Sackville Post (Sackville, N.-B.), 1905–1931.— Sackville Tribune, 1902–1931.— Saint John Globe, 1870–1927.— Telegraph-Journal (Saint-Jean), 1923–1931.— Annuaire, Saint-Jean, 1871–1931.— Assoc. des manufacturiers canadiens, Report of proceedings of […] annual meeting (Toronto), 1902–1932.— Canadian annual rev., 1904–1931.— T. A. Carmichael, Passport to the heart : reflections on Canada Caribbean relations (Kingston, Jamaïque, 2001).— William Christian, Parkin : Canada’s most famous forgotten man (Toronto, 2008).— S. D. Clark, The Canadian Manufacturers’ Association : a study in collective bargaining and political pressure (Toronto, 1939).— A. T. Doyle, Front benches & back rooms : a story of corruption, muckraking, raw partisanship and intrigue in New Brunswick (Toronto, 1976).— [Peter Fisher], Sketches of New-Brunswick […] by an inhabitant of the province (Saint-Jean, 1825 ; réimpr. sous le titre The first history of New Brunswick, 1921 ; réimpr., Woodstock, N.-B., 1980).— R. C. Fisher, « ‘‘The grandmother’s story’’ : oral tradition, family memory, and a mysterious manuscript », Archivaria (Ottawa), no 57 (printemps 2004) : 107–130.— W. B. Hamilton, At the crossroads : a history of Sackville, New Brunswick (Kentville, N.-É., 2004).— Industrial Canada (Toronto), 1905–1931.— E. W. McGahan, The port of Saint John […] (1 vol. paru, Saint-Jean, 1982– ).— N.-B., Royal commission concerning St. John and Quebec Railway Company charges, Report (Fredericton, 1915) ; Royal commission concerning timber limit charges, Report (Fredericton, 1915).— Michel Portes, « Du métier à l’institution ou les transformations de mentalités associées aux modifications des modes de gestion dans l’industrie manufacturière canadienne de 1900 à 1930 » (mémoire de m.a., univ. Laval, 2000).— R. A. Stoddart, « Paternalism to instrumentalism […] » (mémoire de m.a., Univ. of Toronto, 1981).
Barry Cahill, « FISHER, WILLIAM SHIVES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fisher_william_shives_16F.html.
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Auteur de l'article: | Barry Cahill |
Titre de l'article: | FISHER, WILLIAM SHIVES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2019 |
Année de la révision: | 2019 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |