ELLIOTT, ANDREW CHARLES, avocat, juge et homme politique, né vers 1828 en Irlande, fils de John Elliott, décédé le 9 avril 1889 à San Francisco.

Bien qu’il ait été élevé en Irlande, Andrew Charles Elliott entra à la Lincoln’s Inn, à Londres, le 11 novembre 1851 et fut admis au barreau en 1854. En 1858, il avait un cabinet de consultation à Inner Temple Lane mais, l’année suivante, il obtint de sir Edward Bulwer-Lytton une lettre d’introduction à l’adresse de James Douglas*, gouverneur de la Colombie-Britannique, et il quitta l’Angleterre pour aller pratiquer le droit dans la colonie de l’or. Il fut inscrit au Barreau de la Colombie-Britannique en juin 1859. Déçu de découvrir qu’on n’avait pas instauré de réseau de cours de comté, il envisagea de ne pas demeurer longtemps dans la colonie. En septembre, cependant, Douglas lui apprit qu’il avait l’intention de créer de telles cours, et Elliott accepta la nomination de juge à l’une d’entre elles, dans la région de Yale et de Hope, au salaire de £200, plus les honoraires. Il reçut sa commission datée du 10 janvier 1860, et il se montra courageux dans l’accomplissement de ses fonctions au milieu des mineurs turbulents de Yale. À la fin de la saison d’exploitation minière, il demanda un congé pour retourner en Angleterre. Lorsqu’il revint dans la colonie en juillet 1861, son épouse Mary et leur fille l’accompagnaient.

Douglas offrit à Elliott de le nommer commissaire de l’or et magistrat « stipendiaire » du district de Lillooet au salaire de £400. Elliott n’était « absolument pas enthousiasmé » à l’idée de déménager sa famille dans le minuscule établissement de Lillooet situé au bout de la route Harrison-Lillooet menant aux champs aurifères de la région de Cariboo. Toutefois, rendu à Lillooet, il se fit des camarades parmi les éleveurs de bétail dispersés et acquit une bonne opinion des gens originaires de la région qu’il trouvait laborieux et entreprenants. Quand il délimita les réserves des indiens, il veilla à ce que ceux-ci obtiennent de grandes terres à pâturage bien arrosées. Bien que de santé et de constitution délicates, Elliott fut, d’après Douglas, « un magistrat dynamique et populaire ». Le gouverneur Frederick Seymour*, successeur de Douglas, le nomma au Conseil législatif où il siégea en 1865 et 1866.

Après l’union de la Colombie-Britannique et de l’Île-de-Vancouver en novembre 1866, Elliott faisait partie des fonctionnaires surnuméraires à qui Seymour voulait trouver un emploi. Pendant cette période d’extrême resserrement financier, ce dernier lui demanda d’occuper le poste de shérif en chef et lui promit de le réintégrer dans ses fonctions de juge dès que la situation s’améliorerait. Elliott accepta en mars 1867 et s’établit bientôt à Victoria. À l’époque de l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération, en 1871, il était toujours shérif en chef. En 1872, il demanda à deux reprises au gouvernement canadien un poste de juge, mais sans obtenir gain de cause. En 1873, la législature provinciale abolit le poste de shérif en chef et, l’année suivante, Elliott devint magistrat de police de Victoria.

À l’automne de 1875, Elliott fut élu député de Victoria à l’Assemblée législative et il devint par la suite chef de l’opposition [V. William Smithe]. Après la défaite du gouvernement de George Anthony Walkem* le 25 janvier 1876, le lieutenant-gouverneur Joseph William Trutch* invita Elliott à former un ministère ; ce dernier entra en fonction le 4 février. À l’encontre de son prédécesseur, que le Daily British Colonist and Victoria Chronicle avait accusé d’« extravagance, de malhonnêteté, de tyrannie et d’arrogance », Elliott avait, au moment de devenir premier ministre, la réputation d’être honnête et de se conduire en gentilhomme. « Presque 20 ans de service et pas riche ! » s’exclama David William Higgins*, directeur du journal.

Plus tard, au cours de la campagne électorale qui suivit, Elliott promit d’obtenir l’application intégrale des clauses Carnarvon. En effet, après que le Canada eut failli à sa promesse, faite en 1871, de construire un chemin de fer, le ministre des Colonies, lord Carnarvon, avait proposé, en 1874, ces clauses qui constituaient un compromis entre les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada concernant les conditions pour faire l’union. Elles comprenaient l’offre du gouvernement fédéral d’un chemin de fer entre Esquimalt et Nanaimo, sur l’île de Vancouver, si, en retour, la province acceptait de différer l’échéance de dix ans fixée pour l’achèvement du chemin de fer transcontinental. Elliott remporta la victoire au scrutin du 21 février 1876, mais lorsque la session reprit à la législature, le 15 avril, les relations de la province avec le gouvernement fédéral avaient atteint un point critique. Au mois de janvier précédent, Walkem avait fait parvenir à la reine un mémoire, approuvé par la législature, qui traçait les grandes lignes des griefs de la province et laissait planer la menace de sa sécession du Canada. La pétition faisait écho à l’exaspération générale dans la province au sujet des projets du gouvernement d’Alexander Mackenzie* ; le projet de loi sur le chemin de fer de l’île proposé par lord Carnarvon avait été repoussé au sénat le 5 avril 1875 ; le 25 septembre de la même année, favorable à l’argument d’Edward Blake* selon lequel le chemin de fer de l’île n’était qu’une simple entreprise locale conçue dans le but de compenser pour le retard inévitable dans la construction du chemin de fer transcontinental, le Conseil privé avait suggéré de verser à la place une indemnité en espèces.

L’appel au gouvernement britannique étant entre les mains du ministère des Colonies, Elliott porta son attention sur les questions fiscales provinciales. Il découvrit que Walkem avait administré les finances avec une telle légèreté que la Bank of British Columbia avait suspendu son crédit au gouvernement, qu’on avait fait un emprunt temporaire à Douglas, et que les subsides fédéraux ainsi que les allocations fédérales, prévues pour le paiement des dettes pour l’année 1876, avaient été retirés et dépensés. Bien que le gouvernement fédéral se fût engagé, lors des négociations relatives à l’union, à subventionner la Colombie-Britannique, la cale sèche à Esquimalt, alors en construction, engouffrait tellement de fonds de la province qu’on dut faire des démarches à Ottawa pour obtenir plus d’aide et, en juillet 1877, Elliott invita le gouvernement britannique à prendre en main les travaux. Pour regarnir les coffres du trésor provincial et obtenir des fonds pour faire face aux coûts croissants des écoles, aux réparations de la route du Cariboo et aux frais de la commission des réserves indiennes, Elliott créa les impôts sur les biens immobiliers, sur le revenu et sur l’éducation, ainsi qu’une taxe sur les terres incultes, et rétablit le péage sur les routes aboli en 1871. Grâce à ces mesures, il réussit à remettre la province dans une situation financière plus solide, ce qui lui permit ensuite d’obtenir qu’on lui accorde les subsides fédéraux, totalisant à cette époque environ $213 000. Cependant, ses lourds impôts furent impopulaires ; ceux sur la propriété et le revenu engendrèrent un « grand mécontentement », et le ministre fédéral de la Justice, Blake, annula la loi qui rétablissait le péage sur la route du Cariboo, sous prétexte que celui-ci gênait le trafic et le commerce.

Dans la question du conflit avec le gouvernement fédéral concernant le chemin de fer, Elliott était un modéré qui accueillit avec plaisir, en juin 1876, la nouvelle de l’intention du gouverneur général Dufferin [Blackwood*] d’effectuer une visite de bonne entente dans la province. Malheureusement, lord Dufferin n’eut pas une impression favorable d’Elliott au début : il lui sembla être « un avocat de Dublin doué d’une compétence digne de respect, mais, à vrai dire, pas plus ». Au moment du départ de Dufferin, le premier ministre apparut sous un jour plus favorable : c’est « un homme très raisonnable » dont les ministres « ont résolu de ne plus revendiquer le chemin de fer entre Esquimalt et Nanaimo et, pour cette raison, le holà a été mis à la folie de sécession ». En mars 1877, quand Elliott accepta de retarder d’une saison le début de la construction du chemin de fer de l’île, le gouverneur général lui attribua le mérite d’avoir « calmé toute l’impatience des gens de la région » et d’avoir éteint « les brandons de discorde ». Il n’y eut pas de protestations énergiques à Victoria lorsque, en décembre 1877, Mackenzie annonça qu’on avait choisi la route le long du fleuve Fraser pour le chemin de fer canadien du Pacifique. Mais l’annonce en mai 1878 qu’Esquimalt ne serait certainement pas à l’extrémité de la ligne du chemin de fer transcontinental fit perdre à Elliott toute popularité dans sa circonscription de Victoria.

Bien qu’il ait été « brave à l’excès » en tant que magistrat et homme politique, Elliott se révéla très médiocre en matière de discipline. En 1876, il dut congédier Thomas Basil Humphreys, son ministre des Finances, parce qu’il s’était montré très peu coopératif, et Ebenezer Brown, président du Conseil exécutif, pour avoir prôné une politique du chemin de fer contraire à la sienne. Sous ce régime flexible d’alliances entre personnes, qui caractérisait la politique en Colombie-Britannique à cette époque, l’appui qu’on accordait à Elliott continua de décroître. Walkem lui avait laissé de nombreux problèmes et, sur le parquet de la chambre, Elliott n’était pas de taille à se mesurer à cet homme politique roublard qui lui attribua le rôle de traître à sa province. « Gentleman bienveillant et sincère, capable d’élans généreux », Elliott avait du mal à refuser des faveurs à des hommes en vue ou à de vieux amis. Ainsi, en 1876, il céda aux pressions et approuva une politique visant à refuser l’entrée des immigrants chinois. Lorsqu’un conflit de travail se déclara à la mine de charbon de Wellington, il fut d’accord avec le propriétaire, Robert Dunsmuir, pour faire venir la milice. Cependant, malgré des faiblesses de ce genre, Elliott apporta une contribution importante dans le domaine des relations entre le gouvernement fédéral et la province par sa prise de position modérée dans le conflit relatif au chemin de fer. De nouveau au pouvoir, Walkem incita la population à la sécession en 1879, mais il ne réussit pas.

Le gouvernement d’Elliott subit la défaite par suite de la présentation d’un projet de loi sur le remaniement de la carte électorale ; le parlement fut dissous le 12 avril 1878, et seulement huit des partisans d’Elliott furent réélus aux élections de mai. Elliott démissionna le 25 juin 1878 et quitta la vie politique. Il rendit un dernier service public à la province en tant qu’un des trois commissaires nommés, le 28 octobre 1884, pour enquêter sur les désordres parmi les Indiens à Metlakatla, à la suite du congédiement de William Duncan* [V. Alexander Edmund Batson Davie].

Après avoir pris sa retraite comme premier ministre, Elliott déploya tous ses efforts, y compris celui de rendre visite au premier ministre sir John Alexander Macdonald* à Ottawa en 1882, pour obtenir du gouvernement canadien la pension à laquelle il croyait avoir droit en qualité d’ancien fonctionnaire colonial. Ses démarches s’avérèrent inutiles. Elliott se trouvait à Londres en 1881, à recueillir de l’appui pour sa demande de pension, quand sa femme mourut subitement à Victoria. Deux ans plus tard, de retour à Victoria, il porta un cordon du poêle, le 14 novembre 1883, à l’enterrement de son gendre, James William Douglas, fils unique de son vieil ami sir James Douglas. Elliott continua d’avoir peu de santé et, lors d’un séjour à San Francisco, en mars 1886, trois médecins l’avertirent du danger de retourner vivre sous le climat côtier du nord. Il s’établit dans cette ville et y mourut en avril 1889. Sa fille ramena son corps à Victoria où il fut inhumé le 17 avril.

Margaret A. Ormsby

La Bancroft Library, Univ. of California (Berkeley), possède un manuscrit d’Andrew Charles Elliott, « British Columbia politics [...] information given at San Francisco 1880 », dont une copie est déposée aux PABC.

APC, MG 26, B.— PABC, B.C., Colonial Secretary, Corr. outward, 1859–1870 (copies) ; Colonial corr., A. C. Elliott corr. ; Crease coll., H. P. P. Crease, Corr. inward, 1868 ; A. C. Elliott papers ; GR 495.— Canada, Parl., Sessional papers, 1871, IV, n° 18 ; 1875, VII, n° 19 ; 1885, X, n° 34.— C.-B., Legislative Assembly, Journals, 1875–1878 ; Sessional papers, 1876–1877.— Dufferin-Carnarvon correspondence, 1874–1878, C. W. de Kiewiet et F. H. Underhill, édit. (Toronto, 1955).— Daily Colonist, 10, 13 févr. 1874, 27 janv., 22 févr., 2, 12 avril, 6 mai 1876, 15, 17 déc. 1881, 11, 18 avril 1889.— Mainland Guardian (New Westminster, C.-B.), 1877–1878.— Victoria Daily Standard, 1877–1878.— Thomson, Alexander Mackenzie.— Edith Dobie, « Some aspects of party history in British Columbia, 1871–1903 », Pacific Coast Hist. Rev. (Glendale, Calif.), 1 (1932) : 235–251.— R. E. Gosnell, « Prime ministers of British Columbia : Andrew Charles Elliott », Vancouver Daily Province, 23 mars 1921.— J. A. Maxwell, « Lord Dufferin and the difficulties with British Columbia, 1874–1877 », CHR, 12 (1931) : 364–389.— M. A. Ormsby, « Prime Minister Mackenzie, the Liberal Party, and the bargain with British Columbia », CHR, 26 (1945) : 148–173 ; « Some Irish figures in colonial days », BCHQ, 14 (1950) : 61–82.

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Margaret A. Ormsby, « ELLIOTT, ANDREW CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/elliott_andrew_charles_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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