Provenance : Avec la permission de Wikimedia Commons
EATON, sir JOHN CRAIG, marchand et philanthrope, né le 28 avril 1876 à Toronto, troisième fils de Timothy Eaton* et de Margaret Wilson Beattie ; le 8 mai 1901, il épousa à Omemee, Ontario, Florence (Flora) McCrea, et ils eurent quatre fils et deux filles (dont une adoptive) ; décédé le 30 mars 1922 à Toronto.
Né en 1876, sept ans après l’inauguration du magasin de Timothy Eaton rue Yonge à Toronto, John Craig Eaton hérita du sens des affaires de son père et s’intéressa très jeune à l’entreprise de celui-ci. À peine avait-il six ans qu’on le vit faire des démonstrations avec des toupies au rayon des jouets. Peu après, posté à l’entrée principale du magasin, il invitait les passants à venir voir la marchandise. Il se joignit au personnel d’Eaton à l’âge de 16 ans, après avoir étudié à la Toronto Model School et à l’Upper Canada College, et fit son apprentissage en exerçant de multiples fonctions. Dès 1896, le magasin Eaton offrait toute une gamme de produits et avait des préposés aux achats qui se rendaient régulièrement aux États-Unis, en Europe, en Grande-Bretagne et au Japon. Alors âgé de 20 ans, John Craig Eaton poursuivit sa formation commerciale par un long voyage à l’étranger. En 1898, il entra au conseil d’administration de la compagnie.
À la suite de la mort de son frère Edward Young, le 3 octobre 1900, John Craig se trouva être le seul fils de Timothy Eaton à s’occuper de l’entreprise. Ses responsabilités s’accrurent. Sans tarder, il accéda à la vice-présidence et devint ainsi, à 24 ans, le bras droit de son père. Désormais, c’était lui qu’il consultait au sujet de la gestion de l’entreprise familiale. Quand son père lui demanda s’il pouvait dire oui ou non, il répondit que c’était facile. Mais, quand il lui demanda ensuite s’il savait donner la bonne réponse au bon moment, là, John Craig reconnut éprouver quelque difficulté. De toute façon, selon son père, dire oui ou non serait tout ce qu’il aurait à faire. Timothy Eaton avait la conviction que, s’il inculquait un solide esprit de coopération à tous les employés et membres de la famille qui faisaient partie de la compagnie, les cadres supérieurs assureraient une gestion rapide et efficace. À la mort de son père en 1907, John Craig lui succéderait à la présidence.
Conscient des possibilités d’expansion qui s’offraient dans l’Ouest canadien, John Craig Eaton contribua largement à l’ouverture de la première succursale de la compagnie, celle de Winnipeg en 1905, et au succès qu’elle connut dans la décennie suivante. En 1916, en s’appuyant sur le système de vente par correspondance mis sur pied par son père dans les années 1880, il fit bâtir dans cette ville un édifice pour recevoir les commandes postales, ce qui faciliterait la livraison des marchandises dans l’Ouest. Respectivement en 1917 et en 1918, Saskatoon et Regina eurent à leur tour un comptoir de vente par correspondance. Une étude attentive des statistiques sur les fermes de l’Ouest fit comprendre à la direction de l’entreprise que si ces chiffres augmentaient, elle pourrait accroître ses ventes au détail. Elle fit donc de la promotion pour atteindre cet objectif. Dès 1921, son chiffre d’affaires atteignait 125 millions de dollars alors qu’il était de 22,4 millions en 1907.
Pour favoriser l’essor de la vente par correspondance, l’entreprise ouvrit aussi des bureaux en Ontario, soit à Oakville en 1916 et à Guelph en 1920. Cette année-là, pour atténuer les problèmes de distribution dans les Maritimes, elle construisit à Moncton, au Nouveau-Brunswick, un édifice pour recevoir les commandes postales. Elle fit également des efforts pour augmenter ses ventes en pressant les clients d’utiliser le système téléphonique, alors en pleine expansion. Déjà dotée d’un bureau d’achats à Londres et à Paris, elle en ouvrit à Manchester (1911), à Leicester (1913) et à Belfast (1913), à New York (1911), à Zurich et à Berlin (tous deux en 1913) ; en 1920, elle en avait également à Tokyo, à Yokohama et à Kôbe. Ainsi, ses magasins recevaient régulièrement les produits demandés par les Canadiens. Sous la présidence de John Craig Eaton, des plans furent dessinés en vue de la construction d’un autre magasin à Toronto, à l’angle des rues Yonge et College, mais le projet ne se matérialiserait que dans les années 1930.
Depuis 1916, l’entreprise avait à Toronto un bureau de recherche sur les produits parce que Timothy Eaton tenait à ce que ses clients aient de la marchandise de qualité. La création de ce bureau, premier du genre à être constitué juridiquement par un détaillant canadien, avait sans doute été une conséquence de l’entrée de l’entreprise dans le secteur manufacturier. Dès 1922, elle produisait une vaste gamme de prêt-à-porter dans des usines de Montréal, de Toronto et de Hamilton, en Ontario. Ainsi, elle pouvait mieux ajuster le volume et le prix d’une partie des produits, mesure si nécessaire à ses magasins et points de vente.
John Craig Eaton continua d’améliorer les conditions de travail dans son entreprise. Dès 1919, l’ensemble de ses magasins, usines et comptoirs de vente par correspondance fermaient à cinq heures trente de l’après-midi et tout le personnel avait congé le samedi. En outre, pour éviter les griefs et écarter les critiques, il s’assurait régulièrement que les échelles de salaire correspondaient à celles des autres commerces. Vu que son intention première était de promouvoir la compagnie sur le plan national, il ne voulait pas que les syndicats ou le capital puissent influer sur ses décisions.
John Craig Eaton finançait plusieurs œuvres philanthropiques, dont l’Eaton Boys Club et l’Eaton Girls Club, qui, avec des bourses d’études à la Young Men’s Christian Association et à l’Ontario College of Art, assuraient de la formation et des loisirs à ses employés. Grâce à ses dons, le Toronto General Hospital et la University of Toronto pouvaient maintenir une aile de chirurgie et un département de médecine générale. Le Victoria College de Toronto et l’Hôpital général de Winnipeg figuraient aussi au nombre de ses bénéficiaires. Eaton reçut un titre de chevalier pour ces activités en 1915. Avec sa mère, il donna un terrain et des fonds pour la construction d’une grande église méthodiste dans l’avenue St Clair à Toronto. Ce fut peut-être sa contribution publique la plus généreuse. Nommée en l’honneur de Timothy Eaton, l’église fut bâtie de 1912 à 1914 ; très ornementée, elle témoignait de la haute opinion que la famille avait d’elle-même.
Durant toute la Première Guerre mondiale, les employés d’Eaton qui faisaient du service actif continuèrent de recevoir un salaire (entier ou réduit de moitié, selon leur état civil). Pendant cette période, environ 3 300 hommes inscrits dans l’armée reçurent plus de 2 millions de dollars. En outre, Eaton ordonna un boycott de toutes les compagnies allemandes. L’entreprise recommencerait à acheter dans ce pays seulement en 1924.
Adepte du Parti libéral depuis longtemps et membre du Reform Club de Toronto, Eaton s’éleva pourtant contre l’adoption d’une politique de réciprocité avec les États-Unis en 1911. Avec 17 autres éminents libéraux, il publia un manifeste contre cette décision [V. sir Byron Edmund Walker].
Sir John Craig Eaton mourut de la grippe en mars 1922 à l’âge de 45 ans. Comme ses fils n’avaient pas encore atteint leur majorité, la direction de l’entreprise passa aux mains de proches parents. Dans son testament, Eaton précisait que la présidence devrait incomber un jour à son fils le mieux qualifié (John David* prendrait la relève en 1942) et qu’il appartiendrait au conseil d’administration de le désigner. Lady Eaton, qui se dévoua pour les arts, pour des sociétés de bienfaisance et pour des œuvres bénévoles, survécut 48 ans à son mari.
Les archives de Timothy Eaton conservées aux AO, F 229, sont la principale source du texte qui précède.
AO, RG 80-3-2-12, nº 901317 ; RG 80-5-0-296, nº 16842.— Golden jubilee, 1869–1919 ; a book to commemorate the fiftieth anniversary of the T. Eaton Co. Limited, by the Scribe (Toronto et Winnipeg, 1919).— Ross Harkness, J. E. Atkinson of the « Star » (Toronto, 1963). J. L. Santink, Timothy Eaton and teh rise of his department store (Toronto, 1990).
Joy L. Santink, « EATON, sir JOHN CRAIG », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/eaton_john_craig_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/eaton_john_craig_15F.html |
Auteur de l'article: | Joy L. Santink |
Titre de l'article: | EATON, sir JOHN CRAIG |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |