DUNN, TIMOTHY HIBBARD, homme d’affaires, né le 22 ou le 23 mai 1816 à Maskinongé (Sainte-Ursule, Québec), fils de Charles Dunn et de Mary Hibbard ; le 14 mai 1845, il épousa à William Henry (Sorel, Québec) Margaret Turner, et ils eurent neuf enfants ; décédé le 2 juillet 1898 à Sainte-Pétronille, île d’Orléans, Québec.
Timothy Hibbard Dunn grandit dans la propriété familiale du rang Crête-de-Coq, le long de la rivière Maskinongé, donc sur la rive nord du Saint-Laurent à l’ouest de Trois-Rivières. Ses grands-parents Charles Dunn et Rébecca Logie, loyalistes, avaient quitté le Vermont en 1778–1779 pour s’installer dans la province de Québec. Ils aménagèrent une ferme au bord de la rivière et construisirent aux chutes de Sainte-Ursule ce qui était, dit-on, le premier moulin à farine du district, auquel ils joignirent une scierie. En 1811, la propriété passa à leur fils le plus jeune, Charles, qui acquit une certaine notoriété à Sainte-Ursule et à Maskinongé. Il éleva une famille de 14 enfants dont Timothy Hibbard, Charles Edward, l’aîné, et William Oscar, qui allait être le père de l’écrivain et journaliste Oscar Dunn*. En 1831, le moulin familial, deuxième en importance dans la région du Saint-Maurice, employait 24 hommes dans les mois d’été et rapportait annuellement £200 de recettes. En 1853, l’affaire avait pris de l’expansion et on y retrouvait une forge, une boulangerie, quatre maisons, des écuries, un magasin et d’autres bâtiments ; on en estimait la valeur à £2 750.
En mai 1841, Timothy Hibbard Dunn devint commis à la D. D. Calvin and Company, firme fondée à Québec cette année-là par Dileno Dexter Calvin*, Hiram Cook et John Counter*. Depuis 1836, ces trois hommes exploitaient une entreprise qui expédiait du bois équarri et des douves à Québec à partir de l’île Garden, près de. Kingston dans le Haut-Canada. Charles Edward Dunn prit une demi-part dans la nouvelle firme de Québec. À la fin de 1843, Counter quitta ses associés ; la Calvin, Cook and Company prit la relève à Kingston, et la Dunn, Calvin and Company à Québec. En janvier 1844, les associés fondèrent, à Hamilton, une troisième société, la Hiram Cook and Company, qui allait s’occuper de leurs relations avec les producteurs de bois du Haut-Canada. Le 2 décembre de cette année-là, Calvin, Cook et Charles Edward Dunn admirent Timothy Hibbard comme associé dans les trois compagnies ; chacun des frères Dunn détenait une part d’un sixième, Calvin et Cook d’un tiers chacun. Au début de 1846, Charles Edward se retira, et sa part fut divisée entre Calvin et Cook.
Dans les années 1840, la maison de Québec s’occupa surtout de l’aspect commercial des affaires du groupe. Celle de l’île Garden veillait à acheminer le bois des Grands Lacs à Québec, tout en exploitant un chantier naval. En 1844, celle de Hamilton prit en main l’aspect financier et administratif des relations du groupe avec les manufacturiers de bois équarri et de douves. Les compagnies elles-mêmes ne produisaient qu’une petite partie du bois qu’elles vendaient ; elles se regroupaient pour acheter le bois ou traiter avec les producteurs. La compagnie de Québec dispensait les services essentiels d’une agence commerciale. Elle s’occupait de rédiger les contrats de vente pour son propre bois et celui des clients qu’elle représentait, d’obtenir des avances sur le bois expédié en Grande-Bretagne, d’escompter les billets à ordre, d’organiser l’embauche de bûcherons qualifiés pour les chantiers, de trier, mesurer et charger le bois qui arrivait dans le port de Québec en provenance de l’île Garden, et d’informer les deux autres compagnies et les clients sur la situation du commerce du bois à Québec et l’état du marché britannique. Toutes les trois avançaient des fonds à des manufacturiers pour la production. En général, le bois équarri ou les douves servaient de garantie ; l’intérêt et les commissions sur les ventes, les frais d’escompte des billets à ordre et les frais d’acheminement du bois à Québec étaient portés au débit du compte. En outre, les avances étaient souvent garanties par une hypothèque sur la ferme, la scierie ou quelque autre propriété du manufacturier. Bien que la compagnie de Québec ait surtout négocié du bois, il lui arrivait d’ouvrir des comptes pour du porc, des pois, du sel ou du fromage. En 1849, elle en ouvrit même un, avec avances et commission sur les ventes, pour l’expédition d’une cargaison de fer de Québec à Cleveland, dans l’Ohio.
La plupart des transactions se faisaient par des contrats qui montrent à quel point les services offerts par chacune des trois sociétés du groupe Dunn, Calvin et Cook se complétaient. Les avances et les services commerciaux relevaient des compagnies de Hamilton et de Québec ; le bois était confié à celle de l’île Garden pour être acheminé à Québec. Cette intégration donnait un pouvoir considérable aux associés dans leurs négociations avec les producteurs, et ils savaient en user. Elle permettait, temporairement du moins, de régulariser l’offre dans un secteur réputé pour ses hauts et ses bas. Par exemple, après la désastreuse saison de 1847, la Dunn, Calvin and Company participa à la formation d’un cartel parmi les producteurs de chêne afin de « garantir la quantité de bois que le marché p[ouvait] demander (à des prix modérés et rémunérateurs) », et pas plus.
Au fil des années 1840, Timothy Hibbard Dunn avait appris à connaître dans tous ses détails le commerce du bois. Au début, il passait beaucoup de temps avec les clients établis le long du Saint-Laurent, avec Calvin à l’île Garden ou à la Hiram Cook à Hamilton. Plus d’une fois, à cette époque, il supervisa le travail des chantiers durant tout l’hiver : il vérifiait la qualité du produit et sa quantité, ainsi que les comptes des manufacturiers auxquels lui-même et ses associés avaient consenti des avances. Une fois que son frère eut quitté l’entreprise, en 1846, il se fixa à Québec pour diriger la Dunn, Calvin and Company. Sa participation aux débats publics le fit connaître parmi les hommes d’affaires anglophones de la ville. Pendant cette décennie particulièrement éprouvante, on craignait, en divers milieux, que Québec cesse d’être un haut lieu du commerce. L’insuffisance du réseau de transport qui desservait la ville à l’époque du rail et de la vapeur était particulièrement menaçante. En 1845, Dunn fut parmi les commerçants qui exercèrent des pressions pour que l’on améliore le service de traversiers entre Pointe-Lévy (Lauzon et Lévis) et Québec. Plus tard dans l’année, il s’associa à plus de 100 hommes d’affaires qui convoquèrent, par l’entremise du Quebec Mercury, une assemblée publique où l’on « prendr[ait] en considération les mesures nécessaires pour faire avancer le projet de chemin de fer entre Halifax et Québec ». Grâce à cette ligne, Québec aurait accès toute l’année aux navires qui traversaient l’Atlantique. Par ailleurs, dans le but de doter la ville de meilleurs services financiers, Dunn signa avec d’autres, en 1847, la demande de constitution de la Banque de district de Québec, qui ne vit jamais le jour. Une fois élu au conseil du Bureau de commerce de Québec, en 1850, il continua de faire pression pour l’achèvement de la ligne de chemin de fer jusqu’à Halifax.
Toutefois, les problèmes intérieurs de transport n’étaient pas les seules menaces qui pesaient sur l’avenir commercial du port de Québec. Avec la réduction des droits protecteurs sur le bois en 1842 et l’abrogation des Corn Laws en 1846, la Grande-Bretagne était en train de démanteler son système mercantiliste, qui accordait un traitement préférentiel aux colonies, pour se tourner résolument vers le libre-échange. Au Canada, ce revirement donna naissance à un mouvement favorable à l’annexion aux États-Unis et mena au Manifeste annexionniste, qui fut publié à Montréal [V. David Kinnear*] et signé par des membres influents du milieu des affaires et de la politique, entre autres Alexander Tilloch Galt, Luther Hamilton Holton* et John Rose*. Un même sentiment se fit jour à Québec, où Dunn fut l’un de ceux qui, en octobre 1849, convoquèrent une assemblée de « personnes qui [étaient] en faveur d’une séparation pacifique du Canada de la Grande-Bretagne en vue d’une annexion aux États-Unis ». Cependant, comme le commerce du bois dépendait du lien impérial, la plupart des personnages clés de ce secteur, dont Peter Patterson*, James Bell Forsyth*, Charles Sharples et George Burns Symes*, signèrent une contre-pétition. Si l’on en croit le Morning Chronicle de Québec, l’assemblée ne fut pas une réussite.
Vers la fin de la décennie, plusieurs facteurs poussaient Dunn, Calvin et Cook à se dissocier. La répartition de leurs responsabilités et de celles de leurs trois sociétés devint quasi exclusive. Dunn s’occupait de tout à Québec ; Hiram Cook dirigeait la compagnie de Hamilton et devenait peu à peu producteur indépendant ; Calvin concentrait ses efforts sur les activités de l’île Garden. En outre, tout le commerce du bois connaissait une période difficile, et les pertes occasionnées par les faillites des clients de Québec nuisaient beaucoup aux associés. Le 1er juin 1850, Dunn, Calvin et Cook mirent fin à leur association, et Dunn annonça dans le Chronicle l’ouverture de sa propre firme, la Dunn and Company, avec un associé du nom-de Willis A. Benson. Dès décembre 1851, cette société était dissoute. Dunn continua seul jusqu’au 1er janvier 1853, date à laquelle il s’associa à son frère Charles Edward.
À la fin de 1857, Timothy Hibbard Dunn redevint seul propriétaire de l’entreprise, qu’il rebaptisa T. H. Dunn and Company. En décembre 1859, il prit pour associé son commis William Home. Cette collaboration allait s’avérer durable : en effet, la Dunn and Home existerait jusqu’en 1872. Elle s’occupait principalement de la vaste clientèle que Dunn s’était constituée à titre de commissionnaire dans le secteur du bois, mais elle avait aussi d’autres activités. En 1860, le correspondant de la R. G. Dun and Company, agence new-yorkaise qui recueillait et diffusait des renseignements sur le crédit commercial, parla d’elle en termes favorables : « Timothy Hibbard Dunn [est] reconnu dans notre milieu d’affaires comme un homme de caractère et de quelques moyens. « Home » est un jeune homme et jouit d’une bonne [réputation]. Cette entreprise a de bonnes chances de bien aller. » En 1861 et 1862, le rapport disait que leur capital n’était pas imposant mais qu’ils faisaient des « affaires régulières » en tant que courtiers. Quelquefois, les commentaires débordaient les strictes questions de capital et de crédit. À propos de la personnalité et de l’expérience des associés, on notait que leurs aptitudes étaient « bonnes » et que dans l’ensemble, ils se montraient « méticuleux ». En lisant qu’ils étaient « rangés », il faut comprendre que leur vie privée n’était entachée d’aucun excès. En 1863, l’informateur disait que l’affaire était « importante » et que les deux hommes étaient « considérés comme à l’aise – [leur] crédit [était] bon pour leurs besoins en affaires ».
Dunn fit entrer dans l’entreprise ses deux fils, Logie Henry et Stuart Hunter. Ils en devinrent propriétaires à la suite d’une réorganisation en 1872, mais leur père continua de « les aider et [de] les assister ». Il s’intéressa au commerce du bois de cette manière indirecte jusqu’à sa mort en 1898.
Dunn et ses différents associés étaient principalement des marchands commissionnaires. Ils consentaient des avances à des producteurs de bois établis dans l’Ouest, et ils se spécialisaient dans le bois franc (surtout le chêne et l’orme) qui, dans les années 1870, dominait dans leurs livres. L’entreprise des Dunn avait des clients au Québec, en Ontario, au Michigan, dans l’Ohio, au Wisconsin, et par la suite elle en eut même dans l’Arkansas, au Kentucky et en Virginie-Occidentale. Elle était le principal fournisseur de chêne du marché québécois, et avec le temps elle négocia bien au delà de la moitié des cargaisons qui passaient par le port. Comme le commerce du bois équarri, et du chêne en particulier, déclina dans les deux dernières décennies du xixe siècle, Dunn et sa compagnie négocièrent aussi, à la commission, du bois en grumes et du bois d’œuvre expédiés de différents ports du sud des États-Unis par des marchands canadiens. À l’occasion, l’entreprise agissait pour son propre compte, et parfois en participation avec des manufacturiers de bois ou des marchands de Québec. Pour Dunn, le plus rentable était de vendre par contrat son bois ou celui d’un de ses clients à un expéditeur de Québec avant qu’il soit coupé par les bûcherons. On fixait les prix, on convenait des dates de livraison en prévision de la prochaine saison d’expédition, on estimait la quantité totale, on précisait la qualité et la taille moyenne du bois, et on déterminait la date du versement des avances avant même qu’un seul arbre n’ait été abattu. À cause des coûts, des délais inévitables avant les ventes finales – quelquefois plusieurs années – et des risques, ce n’est qu’en dernier ressort que la firme se chargeait d’acheminer des cargaisons en consignation vers Glasgow, Liverpool ou Londres pour les écouler sur le marché britannique si du bois invendu arrivait à Québec à un moment où le marché était défavorable. Des années 1850 à la fin des années 1880, le chiffre d’affaires de l’entreprise excédait souvent 250 000 $ par an. À la fin des années 1870, soit au moment où le commerce du chêne était le plus florissant à Québec, ses comptes annuels dépassaient les 350 400 $ et son capital avoisinait les 175 000 $.
Dunn possédait des intérêts ailleurs que dans le commerce du bois, soit seul, avec ses associés ou avec d’autres capitalistes. À compter des années 1850, il se passionna pour la promotion ferroviaire à titre de membre du conseil du Bureau de commerce de Québec, qui en 1852 appuya la construction du « chemin de fer de Halifax », y voyant un « complément [des] canaux ». Une fois cette ligne construite, le commerce de l’Ouest transiterait par Québec, ce qui n’était pas à négliger. L’année précédente, à Boston, Dunn avait assisté à un congrès international sur les chemins de fer en qualité de délégué du conseil. Quand la construction du chemin de fer Intercolonial devint partie intégrante de l’entente sur la Confédération de 1867, Dunn et son associé William Home furent parmi les hommes d’affaires de Québec qui s’intéressèrent aux travaux. Ils s’associèrent, en tant que bailleurs de fonds et garants financiers, à François-Xavier Berlinguet* et à Jean-Baptiste Bertrand, pour la construction de quatre sections (nos 3, 6, 9 et 15) entre les rivières Restigouche et Miramichi. On disait que, de tous les tronçons de la ligne de Fraserville (Rivière-du-Loup, Québec) à Truro, en Nouvelle-Écosse, ce serait l’un des plus difficiles à construire. En vertu des marchés conclus le 25 mai 1870, Dunn et Home garantirent par des obligations le double du prix convenu pour les sections 3 et 6, qui devaient être construites respectivement pour 924 888 $ et 913 892 $ avant le 1er juillet 1871.
L’affaire ne tarda pas à tourner mal. Bientôt, les coûts excédèrent les paiements. Pour se faire adjuger les marchés, les associés avaient présenté des soumissions trop basses, établies à partir de rapports techniques incomplets. Or, en vertu du système de marchés à prix fixe adopté par le Conseil des commissaires des chemins de fer et le gouvernement fédéral, à l’encontre de la recommandation de l’ingénieur en chef, Sandford Fleming*, les prix n’étaient pas sujets à révision. En outre, des difficultés continuelles avec l’ingénieur de district Marcus Smith retardaient les travaux. En février 1871, dans une lettre à Hector-Louis Langevin*, commissaire des Travaux publics, Dunn attribua l’attitude de Smith au fait qu’il avait été associé à des Britanniques dont les soumissions sur les mêmes sections avaient été rejetées et à son antipathie pour les associés canadiens-français. Une fois rassurés par Langevin, Dunn et les autres bailleurs de fonds auxquels il avait fait appel, Thomas Glover, John S. Fry et John Ross, poursuivirent les travaux. Les contrats furent modifiés, et l’échéance assouplie. Néanmoins, les sections n’étaient toujours pas terminées quand les ouvriers déclenchèrent une grève en mai 1873 parce qu’ils n’avaient pas été payés depuis trois mois. Les commissaires reprirent les contrats et terminèrent les travaux – à un coût supplémentaire de 244 472 $, selon le commissaire Charles John Brydges*. Dunn et ses associés réclamèrent au gouvernement 523 000 $ en frais de travail, de main-d’œuvre, de matériaux et d’intérêt, et en 1875 ils intentèrent des poursuites contre la couronne, qu’ils perdirent. En 1878, Dunn se retira de cette mauvaise affaire en transférant sa réclamation à John Ross et à John Theodore Ross*. Ceux-ci firent appel à la Cour suprême du Canada et perdirent leur cause en 1896.
Les hypothèques, l’immobilier et les actions bancaires constituaient un secteur important des affaires de Dunn ; il avait commencé à y investir dans les années 1850. Entre ce moment et les années 1890, il se constitua un portefeuille où les hypothèques, à elles seules, dépassaient 200 000 $. Il était créancier hypothécaire pour des anses à bois de Québec, des propriétés résidentielles à Toronto, des fermes situées aussi loin que le Colorado, des établissements d’enseignement et des propriétés de toutes sortes. Un de ses derniers investissements fut, en 1895, une hypothèque sur le cimetière catholique de Denver, au Colorado, qu’il prit par l’entremise de son représentant là-bas. En 1869, il commença à acquérir des propriétés sur la pointe sud de l’île d’Orléans, près de Québec. Avec son fils Logie Henry et ses associés Home et François Gourdeau, il en vint à posséder presque tout ce qui deviendrait la paroisse Sainte-Pétronille. Il y fit construire le domaine familial, Homestead, et, sur le même terrain, il érigea une chapelle anglicane et aménagea un petit terrain de golf.
Parmi les hypothèques que Dunn consentit au cours des années suivantes, il faut signaler celles qui étaient rattachées à des biens-fonds de Winnipeg. À compter de 1881, il avança de fortes sommes sur hypothèques à Andrew Graham Ballenden Bannatyne*, homme d’affaires éminent de cette ville. Avec Evan John Price, il prêta en 1882 au lieutenant-gouverneur du Manitoba, Joseph-Édouard Cauchon*, 100 000 $ sur des propriétés urbaines situées à Winnipeg et sur des terrains de Saint-Boniface, et, l’année suivante, encore 23 000 $. Il avança aussi au moins 50 000 $ en son propre nom sur d’autres propriétés du centre de Winnipeg, dont le Grand Union Hotel. Le boom foncier qui avait entraîné ces investissements prit fin dans les années 1880. Dunn et Price saisirent alors la plupart des propriétés de Winnipeg dont ils étaient les créanciers hypothécaires y compris celles de Cauchon.
Dunn avait consenti une partie de ses hypothèques sur des propriétés industrielles ; c’était notamment le cas des sommes avancées à un manufacturier de chaussures de Québec et au propriétaire d’une petite fabrique de vinaigre. Garantis par des biens immobilisés, ces investissements présentaient peu de risques. Il participa de plus près à l’activité industrielle qui se déroulait dans la vaste propriété qui bordait la chute Montmorency. Sur ce terrain, acquis en 1890 avec Andrew Thomson*, Peter Patterson Hall et Herbert Molesworth Price, s’élevaient les Hall-Price Mills. De plus, moyennant loyer, la Compagnie d’éclairage électrique de Québec et Lévis (rebaptisée Compagnie de pouvoir électrique de Montmorency en 1893), la Compagnie des filatures de coton de Montmorency et la Riverside Manufacturing Company s’alimentaient au potentiel hydro-électrique de la chute. Durai possédait bon nombre d’actions de toutes ces entreprises industrielles et, au début des années 1890, il fit partie du conseil d’administration de la Compagnie de pouvoir électrique de Montmorency.
Toutefois, ce fut à la Standard Drain Pipe Company de Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu), dont il fut l’un des administrateurs et des principaux actionnaires, que Dunn s’engagea le plus à fond dans l’industrie. Cette société fondée en 1885 était le principal producteur de tuyaux d’écoulement de la province. Elle avait un capital permanent de 200 000 $ dès 1894, employait environ 150 hommes et produisait annuellement environ 700 wagons de tuyaux, ce qui représentait une valeur supérieure à 100 000 $. En cette époque où les centres urbains de tout le Canada étaient en train de se doter de services, elle avait des clients à Montréal, Toronto, Québec, Sherbrooke, New Glasgow en Nouvelle-Écosse, Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, Ottawa et bien d’autres endroits encore. Elle consolida certainement sa position en fixant les prix de concert avec sa principale concurrente canadienne, la Hamilton and Toronto Sewer Pipe Company, et les importateurs de tuyaux d’Écosse. Les seuls secteurs du marché canadien qui échappaient à l’emprise de ce cartel, étaient les municipalités du sud de l’Ontario, situées près de la frontière américaine, car elles pouvaient obtenir de meilleurs prix des manufacturiers de l’Ohio.
Timothy Hibbard Dunn mourut le 2 juillet 1898 dans son domaine de l’île d’Orléans, après trois semaines de maladie. Les journaux de Québec imprimèrent la nouvelle à la une et déplorèrent la disparition de ce membre « grandement respecté et estimé » de la communauté. Le Montreal Daily Star déclara que Québec perdait en lui « un de ses citoyens les plus âgés et illustres, artisan de sa très grande fortune et l’un des plus patriotes d’entre les Québécois ». Ses biens personnels, estimés à plus de un million de dollars, assurèrent un avenir confortable à sa famille, et son fils Stuart Hunter Dunn exploiterait son entreprise de bois jusque dans les années 1920. Investisseur fondamentalement prudent, Dunn avait protégé sa fortune de plus en plus grande contre les aléas des affaires en achetant la plupart de ses hypothèques et actions à l’aide d’un fonds de fiducie créé pour ses enfants. Les actions bancaires, l’immobilier et les prêts hypothécaires étaient des moyens sûrs de faire fructifier ce capital. Néanmoins, il participa à certaines des tentatives de développement industriel qui se firent à Québec dans les dernières années du commerce du bois. Sans nécessairement prendre une part active à la création et à l’administration de sociétés telles la Drum Cabinet Manufacturing Company, la Canada Worsted Company, la Compagnie des filatures de coton de Montmorency, la Riverside Manufacturing Company et la Quickcure Company, il y investit de bon gré. Toutes ces entreprises furent lancées par des capitalistes de Québec en une période difficile, la fin du xixe siècle, pour exploiter le potentiel industriel de la ville.
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John Keyes, « DUNN, TIMOTHY HIBBARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/dunn_timothy_hibbard_12F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/dunn_timothy_hibbard_12F.html |
Auteur de l'article: | John Keyes |
Titre de l'article: | DUNN, TIMOTHY HIBBARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 16 nov. 2024 |