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DAVIES, THOMAS, officier et aquarelliste, né vers 1737, probablement à Shooter’s Hill (maintenant partie de Londres), fils de David Davies ; il épousa une prénommée Mary, et ils eurent deux enfants ; décédé le 16 mars 1812 à Blackheath (maintenant partie de Londres).
Le 1er mars 1755, Thomas Davies fut admis à titre de cadet à la Royal Military Academy de Woolwich (maintenant partie de Londres). Comme d’autres officiers d’artillerie de son temps, il suivit des cours de dessin, probablement sous la direction de l’obscur Gamaliel Massiot, maître de dessin à Woolwich de 1744 à 1768. À l’époque, le dessin topographique était le seul moyen d’obtenir rapidement un relevé précis utile à l’armée ; comme tel, il exigeait la plus grande minutie et une extrême fidélité, sans laisser place à l’imagination. Par conséquent, la plupart des peintres soldats ne dépassaient jamais le niveau artisanal. Et pourtant, la topographie était devenue, au xviiie siècle, un art à la mode, car la noblesse avait entrepris de conserver, sous forme de tableaux, l’image de ses domaines ainsi que des scènes du Nouveau Monde qui était en plein développement. Le croquis ou le dessin à l’aquarelle, peu coûteux et de maniement aisé, répondait parfaitement à cette demande. Dans ce domaine, un des premiers artistes anglais fut Paul Sandby qui s’affirma bientôt comme l’un des meilleurs aquarellistes de son temps et l’un des plus influents.
En 1756, Davies fut nommé lieutenant-artificier du Royal Regiment of Artillery ; l’année suivante, il était promu lieutenant en second. Il fit partie de l’expédition avortée contre Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), en 1757 ; cette année-là, Davies exécuta un dessin à l’aquarelle de Halifax, sa première œuvre datée. Marquée par la sécheresse de la ligne et l’absence de couleurs, deux traits propres à l’artiste militaire, cette aquarelle combine cependant la netteté schématique avec un souci du pittoresque qui allait devenir le trait caractéristique de Davies. Plusieurs vols d’oiseaux révèlent le chasseur et l’ornithologiste en herbe. Il est resté, datant de 1758, un schéma du siège de Louisbourg par Amherst* ainsi que deux panoramas que Davies exécuta lors de son affectation dans la troupe du colonel Robert Monckton*, laquelle dévasta les établissements acadiens de la vallée de la Saint-Jean (Nouveau-Brunswick).
En 1759, Davies fut promu lieutenant en premier et se joignit à l’expédition d’Amherst au lac Champlain. Il dessina le fort Ticonderoga (près de Ticonderoga, New York) et le nouveau fort britannique à Crown Point, puis servit comme « maître de bateaux » de l’artillerie. Après avoir passé l’hiver à New York, il participa en 1760 à la campagne d’Amherst contre Montréal. En s’y rendant par le Saint-Laurent, il peignit une vue pittoresque du fort La Galette (près d’Ogdensburg, New York) ; il était lui-même responsable de l’une des grandes galères qui, sur le tableau, attaquent un navire à voile français. Il reproduisit également la descente houleuse des rapides, dernier obstacle avant Montréal, où il fut le premier à hisser le drapeau britannique sur la ville. Pendant les quelques années suivantes, il fit des levés hydrographiques du Saint-Laurent ainsi que de la rive méridionale du lac Ontario jusqu’au Niagara, y compris les cours d’eau qui s’y jettent. De ce travail, subsistent encore une carte, datée de 1760, des chenaux de la rivière Genesee et une vue des chutes de cette rivière, situées aujourd’hui à Rochester, dans l’état de New York, exécutée l’année suivante, de même qu’un schéma des chutes du Niagara, daté de 1762. La même année, Davies exécuta une aquarelle de Montréal vu de l’île Sainte-Hélène. Parfait exemple du style pittoresque, cette aquarelle représente la ville avec, au premier plan, un couple élégant allongé langoureusement sous des arbres couverts de vignes, tourmentées à la manière du xviiie siècle. Dans ces tableaux, l’attention apportée à la flore et à la faune dénote un intérêt croissant pour l’histoire naturelle. Pour ses deux panoramas de la Martinique et son plan de La Havane, à Cuba, tous trois de 1762 également, Davies s’inspira probablement de l’œuvre d’un autre artiste car en 1761 et 1762 il se trouvait, semble-t-il, en Amérique du Nord.
En 1763, à la fin de la guerre de Sept Ans, Davies retourna en Angleterre, mais il était de retour à New York l’année suivante. Il est possible qu’il ait rencontré Paul Sandby en Angleterre ; en effet, une vue de Flushing à l’île Long, datée de 1765, et une autre de Greenbush sur le fleuve Hudson, de 1766, révèlent l’influence de Sandby, avec ses grands plans de composition horizontaux et ses lavis de couleurs transparents. Une série de chutes d’eau américaines exécutée en 1766, surtout celles de la Genesee et du Niagara, marque les débuts d’une facture personnelle que caractérisent de vigoureuses compositions et des couleurs resplendissantes. En 1767, la compagnie de Davies fit de nouveau voile vers l’Angleterre où il passa six ans. Il exposa des vues américaines et des études de fleurs à la Royal Academy de Londres et, en 1768, publia six estampes de ses chutes, dédiées à Amherst. En 1771, il fut promu capitaine et placé à la tête d’une compagnie d’artillerie nouvellement formée, à Woolwich, où Sandby était maître de dessin depuis 1768.
En 1773, à la veille de la Révolution américaine, Davies retourna en Amérique et débarqua à Halifax. Sa compagnie alla s’installer à Boston l’année suivante et combattit sans aucun doute à Bunker Hill en juin 1775. Après que William Howe eut évacué Boston en mars 1776, elle se retrancha sur Halifax, mais réapparut bientôt à l’île Long pour prendre part à la descente sur New York. Davies dessina les combats qui se déroulèrent à White Plains en octobre 1776 et au fort Washington (maintenant partie de New York) en novembre, de même que la poursuite, par le lieutenant général Charles Cornwallis, du général George Washington au New Jersey. En 1777, il prit le commandement de l’artillerie au fort Knyphausen, l’ancien fort Washington, et, de ses hauteurs, peignit plus tard deux beaux paysages de l’Hudson.
Au milieu de 1779, Davies était de retour à Woolwich et, en 1780, en tant qu’aide de camp d’Amherst, il réalisa de charmants dessins de dames et de messieurs flânant parmi les troupes en garnison dans les parcs de Londres lors des émeutes suscitées par lord George Gordon. Au cours des années, il s’était intéressé aux oiseaux ; il commença alors de s’imposer grâce à son œuvre de naturaliste. Plusieurs de ses dessins d’oiseaux exotiques parurent dans la General synopsis of birds du docteur John Latham publiée en trois volumes, à Londres, de 1781 à 1785. En 1781, Davies fut élu fellow de la Royal Society de Londres. Promu major honoraire l’année suivante, il devint lieutenant-colonel en 1783 ; il prit alors, semble-t-il, le commandement de l’artillerie à Gibraltar dont il peignit un certain nombre de vues.
En 1786, Davies retourna en Amérique en passant par l’île Madère et les Antilles où il peignit des paysages qu’il enrichit de personnages et de détails tirés de la nature et, à l’automne, il assuma le commandement de l’artillerie à Québec. Ce fut pendant cette affectation, en temps de paix, qu’il exécuta ses plus belles aquarelles, de Québec et de la région pour la plupart, et qu’il améliora sa facture jusqu’à son plus haut niveau de perfection. Après une première manière valable encore que strictement topographique, dans les années 1750, et une technique plus poussée du pittoresque, durant les années 1770, il arrivait alors à un style, toujours fouillé, mais dont la composition était imposante et le trait délicat, l’interprétation simple, stylisée et riche en couleurs. Aux yeux d’un amateur d’art du xxe siècle, il donne l’impression d’allier les vertus de l’aquarelliste anglais à celles d’un primitif accompli et des enlumineurs de manuscrits orientaux.
Davies revint en Angleterre en 1790, s’éleva aux grades de colonel en 1794, de major général en 1796 et de lieutenant général en 1803. Il entra dans la Linnean Society de Londres, fit paraître deux articles dans les Transactions de cette société et continua de peindre des vues en s’inspirant de ses propres esquisses ou de celles d’autres artistes. Sa dernière œuvre, et la plus réussie probablement, fut une vue magistrale de Montréal, datée de 1812, année de sa mort.
De tous les premiers peintres topographiques du Canada, Thomas Davies fut le plus doué ; il surpassa son prédécesseur Richard Short*, ses contemporains Hervey Smythe et James Peachey*, et ceux qui vinrent après lui, George Heriot* et James Pattison Cockburn*. Rompant avec la tradition du dessin teinté, il peignait directement sur du papier blanc et employait une gamme complète de couleurs pures et riches ; dans son moyen d’expression qu’était l’aquarelle, la plénitude de sa technique fut presque sans égale. Le fait qu’il n’avait pas reçu de formation artistique classique lui donna une vision personnelle dont il usa pour reproduire avec intensité l’image du pays. Ses représentations, qui abondent en détails authentiques concernant les lieux, les maisons, l’habillement et les métiers des gens, correspondent remarquablement aux descriptions qu’ont laissées des observateurs comme Pehr Kalm*, Isaac Weld*, Frederick George Heriot*, Frances Moore* et Joseph Bouchette*. Quoique Davies n’eût pas d’influence directe sur les artistes canadiens ultérieurs, parce que ses œuvres restèrent enfouies dans des collections privées, sa perception de la nature le situe au centre de la tradition artistique canadienne. Il faudra attendre la venue du groupe des Sept pour retrouver l’éclat de ses paysages, leur largeur d’exécution et leur clarté.
Cinq des six gravures représentant des chutes d’Amérique du Nord publiées par Davies en 1768 ont également fait partie d’un exemplaire apparemment unique de Scenographia Americana ; recueil de vues de l’Amérique septentrionale et des Indes occidentales [...] (Londres, 1768). Par la suite, ces mêmes sujets ont été gravés à plusieurs reprises et ont servi à illustrer les Travels through the middle settlements in North America, in the years 1759 and 1760 ; with observations upon the state of the colonies (3e éd., Londres, 1798) d’Andrew Burnaby, ainsi que d’autres ouvrages.
Davies a publié plusieurs articles de zoologie et particulièrement d’ornithologie. Une lettre du 12 mars 1770, expédiée à John Ellis de la Royal Society, traitant du mode de préparation des oiseaux morts en vue de leur conservation, parut avec quelques modifications dans les Philosophical trans. de la Royal Soc. of London, 60 (1770) : 184–187. Par la suite, Davies publia dans les Trans. de la Linnean Soc. (Londres) « An account of the jumping mouse of Canada, dipus canadensis [...] », 4 (1798) : 155–157, avec une gravure hors texte en couleurs à la page 85 ; « Account of a new species of muscicapa, from New South Wales [...] » : 240–242, avec une gravure hors texte en couleurs à la page 242 ; et « Description of menura superba, a bird of New South Wales», 6 (1802) : 207–210, avec une gravure hors texte en couleurs à la page 207.
En 1954, la Galerie nationale du Canada acquit de la bibliothèque du comte de Derby la plupart des aquarelles de Thomas Davies représentant des sujets canadiens. Cette acquisition stimula l’intérêt au Canada pour Davies et, en 1956, Kathleen M. Fenwick et Charles Perry Stacey publièrent « Thomas Davies, soldier and painter of eighteenth-century Canada », Canadian Art (Ottawa), 13 (1956) : 270–276, 300. En 1972, la préparation d’une exposition majeure de cette collection de la Galerie nationale donna lieu à une série de publications sur Davies : Robert Hamilton Hubbard, « Thomas Davies, gunner and artist », SRC Mémoires, 4e sér., 9 (1971), sect. ii : 327–349 ; Thomas Davies in early Canada (s.l., 1972) ; et Thomas Davies, vers 1737–1812 : une exposition organisée par la Galerie nationale du Canada, avec un avant-propos de Stacey (Ottawa, 1972). D’autres aquarelles de Davies, cataloguées et reproduites dans ce volume, se trouvent à la Royal Artillery Institution, à la BL et au Natural Hist. Museum de Londres, à la New York Hist. Soc. et à la New York Public Library ; au Henry Francis du Pont Winterthur Museum (Winterthur, Delaware) ; au Detroit Institute of Arts ; au Royal Ontario Museum de Toronto ; aux APC et dans plusieurs collections privées. Les œuvres de Davies appartenant aux APC ont été reproduites sur microfiches dans « T. Davies – C. Williams – G. R. Dartnell – D. Lysons – F. H. Varley », Bruce G. Wilson, compil., Arch. Canada microfiches (Ottawa), 10 (1978). [r. h. h.]
R. H. Hubbard, « DAVIES, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/davies_thomas_5F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/davies_thomas_5F.html |
Auteur de l'article: | R. H. Hubbard |
Titre de l'article: | DAVIES, THOMAS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |