CHABERT, JOSEPH, ecclésiastique catholique et professeur d’art, né le 3 juin 1831 à Lauris, France, fils de François Chabert et de Marguerite Thomassin ; décédé le 29 mars 1894 à Longue-Pointe (Montréal).
Fils de fermier, Joseph Chabert aurait étudié pendant trois ans à l’École impériale des beaux-arts à Paris avant de s’orienter vers l’état ecclésiastique. En 1861, il entra dans la Congrégation de Sainte-Croix au Mans. Il fut tonsuré l’année suivante, mais quitta la communauté en 1864.
Attiré par les œuvres d’évangélisation, Chabert, qui avait accédé au sous-diaconat, se joignit au printemps de 1865 à un groupe de missionnaires que Mgr Henri Faraud* avait recrutés pour son vicariat apostolique d’Athabasca-Mackenzie dans Rupert’s Land. Malade, Chabert dut cependant renoncer à ce projet et se rendit plutôt au petit séminaire de Sainte-Thérèse, au Bas-Canada, où il restructura le cours de dessin. Il aurait fait de même au collège Masson à Terrebonne. En 1865–1866, il aurait été chargé de l’enseignement du dessin au collège d’Ottawa, et il fonda en 1866 sa propre école de dessin dans cette ville. Accusé d’entretenir des visées trop élitistes, il se ravisa pour se consacrer dès lors à un enseignement pratique du dessin et à l’avancement de la classe ouvrière.
Dans sa nouvelle orientation, Chabert a pu être influencé par Napoléon Bourassa* qui réclamait un enseignement pratique des beaux-arts dans la ville de Montréal, alors en pleine expansion sur les plans démographique et industriel. Or, l’industrialisation croissante exigeait une main-d’œuvre qui possédait une connaissance des arts et des sciences appliqués à l’industrie. Ces conditions étaient favorables à la poursuite de l’œuvre éducatrice de Chabert. Aussi s’installa-t-il à Montréal dès la fin de 1870. En janvier de l’année suivante, grâce à l’aide de bienfaiteurs, dont l’industriel Jean-Baptiste Prat*, il put ouvrir gratuitement aux ouvriers les portes de l’Institut national des beaux-arts, sciences, arts et métiers et industrie. L’institut fut ouvert de 1871 à 1877 environ, puis durant le premier semestre de 1883 ; de nombreux professeurs y enseignèrent, dont le graveur Rodolphe Bresdin. Il rouvrit de 1885 à 1887 et Chabert reprit alors un enseignement purement artistique. En 1886, ses efforts furent couronnés de succès lorsque ses élèves se regroupèrent en une association professionnelle dans le but de prolonger auprès du public le rôle éducatif de l’école. De plus, cette année-là, Chabert remporta une médaille et un diplôme à la Colonial and Indian Exhibition à Londres.
Bien que Chabert ait affiché une neutralité politique, l’extrême diversité de ses sympathisants laisse entrevoir la possibilité qu’il ait été victime de ses propres jeux de pouvoir. Sa position marginale dans l’Église en tant que perpétuel sous-diacre a sans doute aggravé son isolement. Scandée par des moments de gloire et des fermetures précipitées, l’histoire de l’Institut national suivit en cela les péripéties de la vie personnelle de son fondateur. Une accusation d’assaut sur une jeune fille portée contre lui en 1886 assombrit la fin de sa carrière. Il souffrait d’aliénation mentale, et le 7 janvier 1888 on l’interna à l’asile de Longue-Pointe ; il y mourut le 29 mars 1894.
Joseph Chabert fut un animateur convaincant et dévoué qui s’attira de nombreux élèves. Un journaliste de la Minerve le qualifia de « maître capable, versé dans toutes les difficultés du dessin, et initié aux meilleures méthodes ». D’un tempérament impressionnable, il fut, selon Napoléon Bourassa, « une tête incontrolable » et un irréaliste qui compromit toutes ses entreprises même les plus louables. Mais, à l’instar des historiens qui se sont intéressés à Chabert, il faut reconnaître qu’il a joué un rôle de premier ordre dans l’enseignement des arts dans la province de Québec durant le dernier quart du xixe siècle. Parmi les artistes qui ont fréquenté son école figurent Edmond Dyonnet, Henri Beau*, Ludger Larose et Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté*.
Joseph Chabert est l’auteur de : Programme de l’Institution nationale, école spéciale des beaux-arts, sciences, arts et métiers et industries (Montréal, 1874) ; le Premier Canadien nommé à l’éminente charge de paléontologiste de la Commission géologique du Canada [...] (Montréal, 1877) ; et la Guerre au Canada [...] (Montréal, 1881). Il a aussi fondé le journal le Propriétaire et l’Ouvrier (Montréal) dont l’unique numéro parut le 1er nov. 1875.
De toute la production de Chabert n’existent encore qu’une aquarelle représentant une nature morte au lapin blanc (1865 ou 1874 ; musée du séminaire de Québec) et une lithographie d’un portrait de Louis Riel*, œuvre publiée dans la Presse d’après un dessin de Chabert (1885 ; AN et musée McCord). On connaît aussi de Chabert des modèles pour l’enseignement du dessin (1865) et un dessin au crayon montrant une tête de lionne ou de tigre (1875). En argile, il façonna un buste de vieillard (1871) et deux sangliers qu’il présenta à l’exposition provinciale de Montréal en 1882. Il conçut les catafalques de sir George-Étienne Cartier* (1873) et de Jean-Baptiste Prat (1876), ainsi que les décorations de la salle mortuaire de ce dernier. [b. m.]
ACAM, 451.734, 875-1–3, 876–1.— AD, Vaucluse (Avignon), État civil, Lauris, 5 juin 1831.— ANQ-M, CE1-160, 31 mars 1894.— Arch. de l’hôpital Louis-H. La Fontaine (Montréal), Dossier 3148.— Arch. des Pères de Sainte-Croix (Montréal), CB 19, X-1861–X-1862 : 305–306 ; Matricule générale, matricule de la congrégation de Sainte-Croix : 37, no 1464.— Arch. privées, Bernard Mulaire (Montréal), Entrevue avec le père Roger Bessette, archiviste des Pères de Sainte-Croix, 13 mai 1987.— ASQ, Fonds C.-H. Laverdière, no 169 ; Fonds Viger-Verreau, carton 23, no 383 ; 33, no 60.— Bibliothèque de la ville de Montréal, Salle Gagnon, Env. 5449.— Le Bien public (Montréal), 19–20 juill. 1875.— La Minerve, 9 févr. 1867, 5 janv. 1871, 18 sept. 1882, 4 janv. 1883, 20 mai 1886.— L’Opinion publique, 3 août 1876.— La Patrie, 10 nov. 1886.— La Presse, 25 sept., 23 nov. 1885, 28 avril, 1er mai 1886, 23 avril 1887, 30 mars 1894.— Montreal directory, 1875–1876.— Rodrigue Bédard, « Napoléon Bourassa et l’Enseignement des arts au xix siècle » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1979).— Émile Falardeau, Artistes et Artisans du Canada (5 sér., Montréal, 1940–1946), 3.— Romain Gour, Maurice Cullen, un maître de l’art au Canada ([Montréal, 1952]).— Gérard Morisset, la Peinture traditionnelle au Canada français (Ottawa, 1960).— J.-R. Ostiguy, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté : paysage d’hiver (Ottawa, 1978).— « Funérailles de sir G. E. Cartier, baronet, 13 juin 1873 », l’Écho du Cabinet de lecture paroissial (Montréal), 15 (1873) : 436–439.— Céline Larivière-Derome, « Un professeur d’art au Canada au xixe siècle : l’abbé Joseph Chabert », RHAF, 28 (1974–1975) : 347–366.
Bernard Mulaire, « CHABERT, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/chabert_joseph_12F.html.
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Auteur de l'article: | Bernard Mulaire |
Titre de l'article: | CHABERT, JOSEPH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |