CAREY, JOHN, fermier, journaliste, éditeur, imprimeur et brasseur, né en 1780 dans le comté de Westmeath (république d’Irlande) ; vers 1806, il épousa une prénommée Margaret, et ils eurent au moins deux fils et six filles ; décédé le 28 décembre 1851 à Springfield on the Credit (Erindale, Ontario).

On sait peu de chose sur l’enfance de John Carey. Il affirma un jour qu’on l’avait destiné à être avocat. Sur la recommandation de Samuel Whitbread, député à la chambre des Communes, il fut nommé commis au commissariat de l’armée britannique en 1813 et servit en Amérique du Nord britannique, en Angleterre et dans les Antilles. Il retourna en Angleterre après la démobilisation générale de 1816, mais il eut tôt fait d’immigrer à New York où il devint marchand de tabac pendant que sa famille dirigeait une école. En 1818, il se rendit dans le Haut-Canada avec une lettre d’introduction du secrétaire d’État aux Colonies, lord Bathurst, les titres de propriété de 500 acres dans l’établissement militaire de Perth – titres acquis d’un officier à New York – et une certaine quantité de graines de tabac. Les membres de sa famille arrivèrent l’année suivante après qu’une épidémie de fièvre jaune, à New York, les eut obligé à fermer leur école.

Carey ne tarda pas à découvrir que le terrain des environs de Perth avait été confisqué à son collègue de l’armée, mais on lui accorda 300 acres comme requérant militaire. Il en obtint également 300 autres sur la recommandation de lord Bathurst et on lui concéda finalement un terrain en remplacement de ceux qu’il avait achetés à New York. Il ne parvint pas, cependant, à obtenir les emplacements qu’il désirait. Il abandonna son projet de cultiver le tabac, mais il conserva peut-être quelques intérêts dans ce domaine : en 1826, Francis Collins* lui suggéra de « s’en tenir à la fabrication des cigares » et, trois ans plus tard, George Gurnett* fit mention de son « commerce lucratif de cigares de contrebande ».

Après avoir été fermier un certain temps près de Kingston et ensuite au ruisseau Sixteen Mile (Oakville), dans le canton de Trafalgar, Carey alla s’installer à York (Toronto) en 1820 et devint chroniqueur des débats de la chambre d’Assemblée à l’Upper Canada Gazette. Il acheta la presse et les caractères de l’Upper Canada Phoenix, qui avait été publié auparavant à Dundas, et, le 22 mai 1820, il fonda l’Observer, le premier journal d’York qui n’était pas un organe officiel du gouvernement. Gurnett affirma en 1829 que l’éditeur de l’Observer faisait tourner sa presse et distribuait ses journaux lui-même, mais à la vérité Carey employait au moins trois imprimeurs en 1826. Une grande partie de son revenu provenait de l’impression de travaux de ville, en particulier pour le gouvernement. William Lyon Mackenzie*, Collins et Carey ne purent jamais s’entendre sur le partage et la rétribution de ces travaux. Toutefois, le travail le plus important de Carey fut l’impression d’un ouvrage de Thomas Taylor, Reports of cases [...] in the Court of King’s Bench, publié en 1828, qui comptait près de 800 pages.

Carey fit paraître l’Observer jusqu’en 1831. En mai 1832, il devint rédacteur en chef d’un nouveau journal, le Sapper and Miner, publié par G. W. Thompson, mais son goût pour la culture de la terre se raviva lorsqu’il obtint enfin le terrain qu’il désirait sur la rivière Credit, dans la rue Dundas. Le Sapper and Miner cessa de paraître avant la fin de l’année, et Carey alla s’installer à Springfield on the Credit, où il exploita une ferme et une petite brasserie que le feu détruisit en 1835. Il passa le reste de sa vie à cet endroit, sauf une période d’environ un an, en 1840–1841, quand il retourna à Toronto pour publier un autre journal, le Globe, à compter du 28 mars 1840.

Bien que Carey ait fait paraître des journaux hebdomadaires durant près de 13 ans, peu de numéros ont été conservés, de sorte qu’il faut recourir à d’autres sources pour obtenir des renseignements à leur sujet. Henry Scadding* décrivit l’Observer comme « une feuille d’aspect peu raffiné et négligé, [avec] un papier, une typographie et un texte d’une qualité quelque peu inférieure ». En juillet 1820, le gouverneur, lord Dalhousie [Ramsay*], qualifia Carey de « vil scribouillard », « ne méritant aucune attention ». Vingt ans plus tard, le lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, sir George Arthur, le traita de « vagabond [...] qui mérit[ait] joliment d’être puni ». Les exemplaires qui ont été conservés sont inoffensifs, mais le journalisme de Carey était probablement caractérisé par les injures personnelles qui étaient de pratique courante à cette époque. Lui-même fut durement attaqué par Charles Fothergill* dans l’Upper Canada Gazette durant une grande partie de 1822 et par Gurnett dans la Gore Gazette, and Ancaster, Hamilton, Dundas and Flamborough Advertiser en 1829. Tous deux le qualifièrent de « prince des menteurs », comme le fit Samuel Peters Jarvis, et ils l’accusèrent particulièrement de fabriquer des discours lorsqu’il rapportait les débats de l’Assemblée.

Les idées politiques de Carey, dans une large mesure, étaient semblables à celles de Mackenzie et de Collins. Il se prononça contre l’union avec le Bas-Canada en 1822 et 1841 [V. John Beverley Robinson*], appuya Barnabas* et Marshall Spring* Bidwell sur la question des non-naturalisés, et soutint Collins dans son procès en diffamation ainsi que le juge John Walpole Willis* dans son conflit avec l’exécutif. Il fit partie du comité de Robert Baldwin lors d’une élection partielle tenue en 1829 ; il vota pour Baldwin en 1830 et pour Mackenzie en 1836. Il ne prit aucunement part à la rébellion de 1837–1838, mais il aida à défendre devant les tribunaux les gens qui furent emprisonnés et à préparer leurs pétitions. Il visita fidèlement les rebelles en prison, comme il l’avait fait pour Collins dix ans auparavant, et se rendit même à la prison de Rochester, dans l’état de New York, pour voir Mackenzie. Il s’opposa vivement au gouverneur, lord Sydenham [Thomson*], qui recourait, selon lui, à des principes corrompus et à des méthodes dictatoriales ; il s’en prit également à ceux qui collaboraient avec lui et traita Robert Baldwin d’« opportuniste de la pire espèce ».

À l’instar de Mackenzie et de Collins, Carey s’intéressa beaucoup à l’expansion du commerce dans la province et il écrivit de longues lettres en vue de suggérer des améliorations concernant l’agriculture, les moulins, les relations commerciales avec le Bas-Canada, les routes, les chemins de fer et les canaux. Sa brochure, Observations on the state of the colony, parue en 1821, renferme un grand nombre de ces suggestions. Elle montre également l’inconséquence typique de sa pensée et l’illogisme de ses arguments. Mais surtout, elle met en évidence les deux thèmes qui le préoccupèrent durant toute sa vie.

Le principal objet des critiques de Carey dans Observations était le système de concession des terres qu’il trouvait trompeur, dilatoire et onéreux – une source d’ennuis graves pour les pauvres immigrants. Carey se souciait véritablement des gens aux prises avec la pauvreté et la maladie. Un grand nombre des projets qu’il conçut pour assurer leur bien-être étaient évidemment trop coûteux pour la situation de la colonie, mais la plupart finirent par être mis en application. Carey avait une compassion profonde pour tous les déshérités du Haut-Canada et, à une époque de sectarisme, il ne tenait aucun compte des distinctions confessionnelles. Il fut catholique durant la plus grande partie de sa vie, mais il mourut dans la foi anglicane.

Contrairement à Mackenzie et à Collins, Carey attaqua rarement le lieutenant-gouverneur ou le gouverneur (à l’exception de Sydenham), ou encore leurs principaux conseillers. Il fallait plutôt s’en prendre, selon lui, à l’échelon inférieur du gouvernement : les juges de paix, officiers de milice, shérifs, maîtres de poste et autres, dont il ne pouvait supporter « l’ignorance et l’insolence ». Sa dispute la plus longue et la plus virulente l’opposa à la famille Magrath, de la rivière Credit, qui représentait tout ce qu’il détestait le plus dans le Haut-Canada. À cet égard, Carey différait de Mackenzie et de Collins qui se souciaient davantage des iniquités du gouvernement provincial et du ministère des Colonies.

Des trois journalistes imprévisibles, John Carey se montra le plus excentrique. Il eut probablement moins d’influence que les autres, mais comme il se préoccupait des pauvres et haïssait les petits despotes locaux, il exprimait les vues d’un grand nombre de citoyens du Haut-Canada.

Edith G. Firth

Au cours de ses recherches pour la préparation d’une bibliographie des imprimés du Haut-Canada, qui paraîtra bientôt, Patricia Lockhart Fleming a découvert parmi les brochures d’une collection considérable et non cataloguée, conservée dans une tourelle de la bibliothèque du Parlement (Ottawa), le seul exemplaire connu de la brochure de John Carey, Observations on the state of the colony (York [Toronto], 1821).  [e. g. f.]

AO, MS 78 ; MS 516 ; RG 1, A-I ; A-II.— APC, RG 1, L3 ; RG 5, A1 ; RG 31, A1, 1851.— MTL, Robert Baldwin papers ; W. W. Baldwin papers ; York, U.C., minutes of town meetings and lists of inhabitants, 1797–1822.— PRO, CO 42.— St Peter’s (Anglican) Church (Erindale, Ontario), Reg. of burials, 1851–1873 (mfm aux AO, MS 360).— Arthur papers (Sanderson), 3.— Canada, prov. du, Assemblée législative, Journals, 1841–1851.— J. K. Dean, The sayings and doings of the self-styled royal family, the Magraths of Mackenzie’s Castle, Springfield (Toronto, 1844).— H.-C., House of Assembly, Journal, 1825–1840 ; Legislative Council, Journal, 1828–1840.— Town of York, 1815–34 (Firth).— Canadian Freeman (Toronto), 1825–1834.— Colonial Advocate, 1824–1834.— Examiner (Toronto), 7 janv. 1852.— Globe (Toronto), 1840–1841 (ce journal n’a aucun rapport avec celui de George Brown* commencé le 5 mars 1844).— Gore Gazette, and Ancaster, Hamilton, Dundas and Flamborough Advertiser (Ancaster, Ontario), 14 févr. 1829.— Observer (York), 1820–1831.— Sapper and Miner (York), 1832.— Upper Canada Gazette, 1820–1841.— Dict. of Toronto printers (Hulse)— Early Toronto newspapers (Firth).— Patricia [Lockhart] Fleming, A bibliography of Upper Canada imprints, 1801–1841 (à paraître ; les notes de recherche et le travail en cours ont été consultés).— Charles Durand, Reminiscences of Charles Durand of Toronto, barrister (Toronto, 1897), 126.— Scadding, Toronto of old (1873), 269–270.

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Edith G. Firth, « CAREY, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/carey_john_8F.html.

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Année de la publication:    1985
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