SMYTH, WYLLYS, éditeur et rédacteur en chef ; circa 1832–1833.

On connaît peu la vie de Wyllys Smyth, qui apporta son humble contribution à la littérature canadienne naissante. Au début des années 1830, il semble avoir répondu aux besoins et aux désirs culturels de bon nombre de ses contemporains, en particulier ceux de la région de Hamilton. Le Canadian Garland, qu’il publia du 15 septembre 1832 au 31 août 1833, fut le troisième journal exclusivement littéraire à être lancé à Hamilton au cours de cette décennie « afin de promouvoir les lettres canadiennes », selon les termes mêmes du périodique. Le premier du genre à paraître dans cette ville fut le Canadian Casket, publié par A. Crosman entre octobre 1831 et septembre 1832. Dans son numéro du 3 décembre 1831, ce journal signale l’existence d’un concurrent, le Voyageur. La ville d’York (Toronto) comptait alors deux périodiques littéraires : le Canadian Magazine et le Canadian Literary Magazine, qui parurent tous deux en 1833. Le premier, dont l’éditeur était Robert Stanton* et le rédacteur en chef William Sibbald, publia quatre numéros, et le second, avec George Gurnett* comme éditeur et John Kent comme rédacteur en chef, en publia trois. On constate avec surprise que même si la population de Hamilton était plus faible, les périodiques publiés dans cette ville connurent plus de succès que ceux d’York. Ce succès, tout relatif, s’explique probablement par le grand nombre d’articles originaux que sollicitèrent et obtinrent Crosman et Smyth. Les journaux littéraires d’York reproduisaient, pour une large part, des articles parus ailleurs.

Pour le Canadian Garland, dont il était à la fois éditeur et rédacteur en chef, Smyth privilégia un contenu canadien. Dès le premier numéro, il fit part de cette politique à ses lecteurs. Faisant appel à la collaboration de ses concitoyens, il déclara : « nous sommes maintenant parvenus à une étape de [notre] société où [les] facultés de l’esprit humain qui s’intéressent à la beauté et à l’élégance commencent à se manifester ». Smyth était décidé à encourager « les talents originaux de [son] pays », et il favorisa d’autres périodiques en annonçant leur parution dans le Canadian Garland. De plus, dans le but de faire la promotion de son journal, il engagea des représentants dans les communautés avoisinantes, tels John Carey* à Springfield on the Credit (Erindale), et James Scott Howard* à York.

Smyth réussit de manière remarquable à attirer des collaborateurs ; presque tous les longs textes et les poèmes publiés dans le Canadian Garland ont été rédigés par ses concitoyens. Une grande partie des poèmes sont empreints de sentimentalisme, tandis que d’autres ont trait à l’actualité politique ou portent sur le journal lui-même. La plupart ressemblent aux œuvres de poètes populaires à l’époque, tels Thomas Moore, Thomas Campbell et Felicia Dorothea Hemans. Quant à la prose, en dépit de son style didactique et de son ton excessivement émotif, elle est beaucoup plus intéressante parce que plus près de la réalité. Elle emprunte ses sujets à l’histoire régionale, et l’action tourne autour de la vie des immigrants et des pionniers, des événements de la guerre de 1812, des légendes indiennes et des phénomènes naturels.

Le collaborateur le plus prolifique et le plus intéressant du Canadian Garland et du Canadian Casket fut de loin Charles Morrison Durand, fils de James Durand, qui habita la région de Dundas, s’installa plus tard à Toronto et pratiqua le droit pendant longtemps. Durand, qui signait ses articles C. M. D. et utilisait le nom de plume de Briton, écrivit de la prose et des vers. Sa prose est plus variée et intéressante ; on y retrouve des contes exotiques de nature didactique, des textes portant sur l’histoire de la région et sur ses traditions, des aventures personnelles et de courts exposés de sciences naturelles. L’un de ses meilleurs articles, daté du 2 février 1833 et intitulé « A sketch », compte parmi les premiers écrits à défendre une vision canadienne et à prévoir une littérature proprement canadienne. Pensant à ceux qui puisent leur inspiration dans la culture écossaise, Durand écrit : « Je ressentirai une telle joie lorsque les lettres canadiennes seront sur le point d’acquérir la notoriété : je ne demanderai pas davantage que de célébrer I ce] bon Canada ! II possède ses propres charmes. » Durand vante les paysages et les beautés naturelles de son pays natal et prévoit que celui-ci connaîtra un bel avenir lorsque « les sources d’Europe [seront] taries ».

Ce fut une chance pour Smyth que d’avoir un tel collaborateur, dont il partageait les vues sur l’avenir du Canada. Dans les derniers numéros du Canadian Garland et dans l’annonce publicitaire qu’il rédigea pour vendre son journal, Smyth établit un parallèle entre le passage d’une Grande-Bretagne sauvage à une civilisation évoluée et la transformation rapide de son propre pays, l’Amérique, terre des Indiens, en un monde où la culture littéraire s’épanouira. « Nous pouvons maintenant atteindre la célébrité et la renommée littéraire, écrit-il. Qui pourrait présager le contraire ? Appliquons-nous donc à développer le goût pour notre pays. Ainsi Smyth fut un catalyseur de l’effort littéraire dans la région de Hamilton même si, pour pouvoir remplir les pages de son journal, il empruntait aux journaux américains et à l’occasion à l’un de ses concurrents canadiens des articles remarquables par leur esprit et leur sagesse.

La première série du Canadian Garland, qui comptait huit pages par numéro, semble avoir remporté un tel succès que Smyth songea à en préparer une deuxième, qui serait le double de la première. Elle ne vit cependant jamais le jour. À partir d’octobre 1833, Smyth essaya plutôt de vendre son journal, parce qu’il devait « s’occuper d’autres affaires ». Pendant huit mois, il fit paraître une annonce publicitaire dans le Western Mercury, sans toutefois trouver d’acheteur. Dans cette réclame, il disait détenir une liste de 400 abonnés, laquelle pourrait passer à 1 000 noms selon lui.

On ignore si Wyllys Smyth demeura à Hamilton, mais en octobre 1833 il était le défendeur dans une poursuite pour loyer impayé. Il s’agissait probablement du loyer de l’imprimerie, qui était située sur la place du palais de justice. Le demandeur dans cette affaire craignait que Smyth ne quitte la province, mais on peut penser qu’il ne le fit pas, puisque l’annonce publicitaire pour vendre son journal continua de paraître par la suite.

Carl P. A. Ballstadt

AO, RG 22, Hamilton (Wentworth), district court filings, 1831–1833.— Canadian Casket (Hamilton, Ontario), 15 oct. 1831–29 sept. 1832.— Canadian Garland (Hamilton), 15 sept. 1832–31 août 1833 (journal publié sous le titre de Garland jusqu’en févr. 1833).— Western Mercury (Hamilton), oct. 1833–mai 1834.— W. S. Wallace, « The periodical literature of Upper Canada », CHR, 12 (1931) : 4–22.

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Carl P. A. Ballstadt, « SMYTH, WYLLYS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/smyth_wyllys_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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