BRASSARD DESCHENAUX, JOSEPH, secrétaire de l’intendant, écrivain de la Marine, seigneur et juge de paix, né à Québec le 1er août 1722, fils de Charles Brassard Deschenaux, cordonnier, et de Marie-Joseph Hébert, décédé au même endroit le 16 septembre 1793.
Issu d’une modeste famille, Joseph Brassard Deschenaux reçut son instruction d’un notaire qui logeait chez ses parents, rue Saint-Jean à Québec. Peut-être s’agit-il du praticien Christophe-Hilarion Du Laurent*, pensionnaire chez les Brassard Deschenaux lors du recensement de 1744. Joseph put ainsi entrer au bureau de la Marine, où il se fit remarquer par sa vive intelligence, sa capacité de travail et son ambition. Il devint secrétaire de Hocquart, qui le chargea, en février 1745, du recensement des paroisses et seigneuries de la rive sud du Saint-Laurent. Bien que l’intendant émit des restrictions concernant ce jeune homme avec qui, disait-il, « il fallait [...] aller toujours bride en main ; [...] si on la lui lâchait, on pourrait bien en ressentir des effets funestes », il le recommanda à son successeur, Bigot, qui, en 1750, lui confia la perception de l’impôt pour l’entretien des casernes de Québec. Quatre ans plus tard, lors d’un voyage en France de Jacques Imbert*, agent des trésoriers généraux de la Marine au Canada, Bigot nomma Brassard Deschenaux trésorier intérimaire. En 1752, celui-ci achetait, à l’encan, la maison de Nicolas Lanoullier* de Boisclerc, sise rue des Remparts, pour la somme de 14 500#. Il devait la louer à Montcalm* durant le séjour du général à Québec. C’était une bonne affaire car, le roi payant les loyers des officiers supérieurs français, il était assez facile d’exiger le prix fort. Brassard Deschenaux ne s’en priva pas si l’on en juge d’après les remarques de Montcalm dans son journal : « Prétexte pour enrichir le secrétaire [...] loyers chers, réparations enflées ou imaginaires ».
Le secrétaire de Bigot réussit à se rendre indispensable tant à son maître qu’à ceux qui, cherchant à s’enrichir à même les fonds publics, gravitaient autour de l’intendant. Ainsi, en 1755, il aida Joseph-Michel Cadet à rédiger un mémoire dans lequel l’ancien boucher offrait ses services au ministre de la Marine et des Colonies, Machault, pour fournir tous les vivres nécessaires aux magasins et aux postes du roi. Cadet avait fait une offre à peu près semblable l’année précédente, mais le ministre n’en avait pas tenu compte. Cette fois, grâce à l’intervention de Bigot, Machault répondit affirmativement et Brassard Deschenaux participa à la rédaction du « Marché pour la fourniture générale des vivres au Canada » qui allait faire de Cadet un riche munitionnaire et dont le secrétaire de l’intendant allait également profiter. En 1763, à Paris, lors du procès tenu au Châtelet relativement à l’Affaire du Canada, Brassard Deschenaux fut accusé d’avoir falsifié, cinq ans plus tôt, les états de comptes relatifs aux marchandises qu’il s’était engagé à fournir au poste de Miramichi (Nouveau-Brunswick), en société avec Cadet. Les prix ayant été gonflés de façon excessive, Bigot avait refusé de signer ces comptes ; le secrétaire avait alors réduit les prix de moitié mais augmenté d’autant la quantité de marchandises de sorte que « le Roi a[vait] souffert le même préjudice que si les premiers états eussent subsisté ». Il fut également accusé d’avoir distribué aux Acadiens, réfugiés à Québec, beaucoup moins de vivres que la quantité déclarée officiellement, ce qui permit à Cadet, fournisseur, de faire encore une fois un profit « au préjudice du Roi ». Cadet devait avouer devant le tribunal qu’il avait donné au secrétaire de l’intendant, pour services rendus, une pension de 40 000# et lui avait fourni toute la viande dont il avait besoin. Le 10 décembre 1763, Brassard Deschenaux fut condamné à cinq ans de bannissement de Paris, à une amende de 50# et à une restitution de 300 000#. Comme il était resté au Canada après la Conquête, ayant été nommé par le gouverneur Vaudreuil [Rigaud] et par Bigot « Écrivain de Roy pour avoir Soin des hopitaux, et Veiller à tout ce qui aura raport au Service de Sa Mté très Chrétienne », cette sentence ne l’affecta guère. Cependant, il semble s’être rendu en France en 1766 pour s’y faire réhabiliter. Un article de la Gazette de Québec du 14 mai 1767 annonce que « les différentes personnes qui ont été comprises dans l’affaire du Canada, et qui ont rappelé de leur sentence, ont obtenu une décision qui est en partie en leur faveur [...] M. Descheneaux, qui était aussi condamné à exil et à restitution de 300,000 livres, a eu ordre à présent de restituer 100,000 livres seulement, jusqu’à ce que la cour ait reçu d’autres informations. »
Selon l’auteur anonyme du « Mémoire du Canada », Brassard Deschenaux aurait fait partie de la Grande Société, formant avec Michel-Jean-Hugues Péan et Cadet « une espèce de triumvirat », et aurait amassé, sous le Régime français, une fortune que l’auteur estime à 2 000 000# », ce qui est sujet à caution. Quoi qu’il en soit, Brassard Deschenaux pouvait se permettre de profiter du départ définitif pour la France de quelques-uns de ses anciens amis, après la Conquête, pour acheter leurs seigneuries. Il acquit de Péan ses seigneuries de La Livaudière et de Saint-Michel, et, de Nicolas Renaud* d’Avène Des Méloizes, celle de Neuville, appelée également Pointe-aux-Trembles. En 1769 et 1770, il acheta plusieurs parties et droits de la seigneurie de Beaumont et, le 18 mars 1770, fit l’acquisition du quart de la seigneurie de Bélair, contiguë à celle de Neuville. Les nombreux contrats de concession passés entre le seigneur Brassard Deschenaux et de nouveaux censitaires prouvent qu’il voyait de près à la gestion de ses biens. À Québec, il avait acheté une magnifique maison avec cour et bâtiments de pierres, qu’il habitait, rue des Pauvres. Brassard Deschenaux semble avoir fait oublier à ses concitoyens ses malversations, puisque ceux-ci lui confièrent des charges requérant honnêteté et désintéressement ; on le nomma, en effet, marguillier de la paroisse Notre-Dame et caissier de la fabrique lors de la reconstruction de la cathédrale, de 1768 à 1771. Il comptait parmi les notables auxquels s’adressèrent, en 1773, les marchands anglais de Québec qui cherchaient à faire partager par les principaux citoyens canadiens de la ville leur désir d’obtenir une chambre d’Assemblée. Il fut également nommé juge de paix.
Brassard Deschenaux avait épousé à Québec, le 21 août 1747, Suzanne-Élisabeth Filion qui mourut l’année suivante, et en secondes noces, le 21 mai 1750, Madeleine Vallée. À son décès, il laissait quatre enfants dont deux fils : Charles-Joseph* qui allait devenir, en 1809, grand vicaire de l’évêque de Québec et Pierre-Louis*, notaire et avocat, qui sera nommé juge de la Cour du banc du roi de Trois-Rivières en 1794. Les funérailles de Brassard Deschenaux eurent lieu le 18 septembre 1793 dans la cathédrale de Québec, en présence de Mgr Charles-François Bailly de Messein, coadjuteur. L’honorable Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry, Nathaniel Taylor, Jean-Antoine Panet*, Michel-Amable Berthelot* d’Artigny et Thomas Scott* signèrent l’acte d’inhumation.
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Thérèse P. Lemay, « BRASSARD DESCHENAUX, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/brassard_deschenaux_joseph_4F.html.
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Auteur de l'article: | Thérèse P. Lemay |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |