BRADFORD, RICHARD, ministre de l’Église d’Angleterre, né le 2 avril 1752 à Rotherhithe (maintenant partie de Londres), fils de Richard Bradford, fermier, et de Susanna Cole ; décédé le 12 mai 1817 à Montréal.

On connaît peu de chose des premières années et de l’éducation de Richard Bradford, sinon qu’il perdit ses parents encore jeune. En 1783, il épousa Sarah Jefferey, fille du révérend John Jefferey, vicar de Ludham et de Potter Heigham, dans le Norfolk ; il est probable qu’il se prépara au ministère sous la direction de Jefferey, diplômé de Cambridge. Bradford fut ordonné au diaconat à Norwich en 1785 et à la prêtrise en 1788. Après avoir servi, à partir de 1788, comme vicaire dans diverses églises de la région de Ludham, il émigra dans l’état de New York en 1793 avec sa femme et ses huit enfants. Puis on perd sa trace jusqu’en 1800, année où on retrouve les Bradford dans le comté d’Ulster ; Richard était alors directeur d’un collège privé situé tout près, à Catskill. En 1802, l’Église épiscopale protestante le nomma ministre de la congrégation toute récente de Catskill. Pendant les quelque deux ans et demi qu’il détint cette charge, il joua un rôle déterminant dans la construction de l’église St Luke. En 1804, Charles Caleb Cotton* et lui furent chaudement recommandés à l’évêque Jacob Mountain*, de Québec, par le consul général de Grande-Bretagne à New York, Thomas Barclay*. Avec l’agrément de Mountain et de la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts, Bradford inaugura une mission dans le canton de Chatham, au Bas-Canada, en octobre 1805.

Les circonstances entourant les débuts de cette mission sont mal connues. Dès 1798, une demande avait été faite dans le but d’obtenir un ministre du culte, mais celle-ci n’eut pas de suite, puisque la population locale ne pouvait garantir que le titulaire du poste jouirait d’un soutien financier. Six ans plus tard, l’évêque donnait au lieutenant-gouverneur, sir Robert Shore Milnes*, l’assurance qu’un missionnaire, à Chatham, recevrait £100 du gouvernement, £50 de la Society for the Propagation of the Gospel et, vraisemblablement, quelque £30 de la population. C’est apparemment sur l’assurance de ce revenu que le poste fut offert à Bradford et que celui-ci l’accepta. C’est ainsi qu’il devint le fondateur de l’Église d’Angleterre dans la vallée de l’Outaouais. Pendant près de trois ans, il travailla non seulement dans le canton de Chatham, mais également dans la seigneurie adjacente d’Argenteuil, et même au delà. La population, largement non conformiste, était composée d’immigrants écossais, de Loyalistes, de colons « loyalistes » de la Nouvelle-Angleterre, de bûcherons, de soldats licenciés et de trafiquants de fourrures à la retraite. Bradford lui-même établit une ferme sur une terre de 96 acres que lui donna en 1806 un propriétaire de l’endroit, le colonel Daniel Robertson, et, en 1808, il acheta 1 000 acres, au prix de £125, de Pierre-Louis Panet, seigneur d’Argenteuil.

La même année, Jehosaphat Mountain, vicaire général du Bas-Canada, demanda à Bradford de remplacer le révérend James Sutherland Rudd à William Henry (Sorel). Arrivé à cet endroit le 1er juin 1808, Bradford y resta jusqu’en septembre 1811 ; les registres de la paroisse témoignent de ses fidèles services, tant à la population civile, apparemment composée de soldats licenciés ou à la retraite, de Loyalistes et de commerçants, qu’au 49e d’infanterie, dont il fut nommé aumônier en 1810. En 1809, il avait présenté à l’évêque Mountain un groupe de 32 personnes pour la confirmation. La même année, sollicitant de la Society for the Propagation of the Gospel une augmentation de salaire pour Bradford, l’évêque l’avait désigné comme « un homme d’une conduite fort respectable et exemplaire ».

Au mois d’août 1810, Bradford renforça ses liens dans le canton de Chatham en achetant du marchand Daniel Sutherland* et de la succession du colonel Robertson une propriété de 5 000 acres, au coût de £2 500. Il possédait dès lors plus de 6 000 acres et percevait des rentes sur la petite partie de ces terres qui était exploitée par des colons. Quant au reste, il le gardait en partie pour le léguer à ses fils, et, sans doute, en partie pour spéculer, d’autant que Chatham et Vaudreuil se peuplaient de plus en plus. Peut-être est-ce l’intérêt qu’il portait à l’avenir économique de cette région qui l’incita, en 1810, à accompagner le capitaine John By* dans son voyage dont l’objectif était d’étudier les ressources hydrauliques de Lachute. À l’automne de 1811, après qu’on eut pourvu à son remplacement à William Henry, Bradford retourna avec grand soulagement à Chatham, où une partie de sa famille était restée. Il s’installa dans la grande et élégante résidence du colonel Robertson, qu’il avait acquise, et reprit son ministère dans son ancienne mission. En octobre 1813, lorsque l’évêque Mountain fit sa seule et unique visite dans cette mission, Bradford était absent et il fut sévèrement réprimandé. Cette absence eut pour résultat qu’aucune confirmation ne fut conférée pendant son ministère à Chatham. En 1816, la maladie l’avait forcé à ralentir son activité ; il mourut à Montréal le 12 mai 1817.

Son appartenance à la classe moyenne anglaise et ses origines rurales, son instruction modeste, son expérience de la société coloniale, acquise dans l’état de New York de 1793 à 1804, tout préparait Richard Bradford à bien se tirer d’affaire dans cette société de la « frontière » au sein de laquelle il œuvra, tant à William Henry qu’à Chatham, mais tout spécialement en ce dernier endroit. Seul ministre anglican établi dans cette vaste mission de l’Outaouais, favorisé au surplus par sa largeur de vues à l’égard des non-conformistes, comme aussi, sans doute, par le droit exclusif de l’Église d’Angleterre de tenir les registres de l’état civil, Bradford servit ses ouailles sans établir de distinction entre les dénominations religieuses. Propriétaire foncier et fermier, assumant de lourdes responsabilités familiales (il eut 11 enfants), il vivait la vie de beaucoup de ses ouailles et comprenait leurs problèmes. S’il ne réussit pas à faire construire une église, ce fut sans doute en grande partie à cause de son séjour à William Henry, du climat d’incertitude des années de guerre et de la diversité des dénominations religieuses chez ceux qu’il desservait. Son successeur, le révérend Joseph Abbott*, qui arriva en 1818 pour occuper un poste à St Andrews (Saint-André-Est) et qui épousa deux ans plus tard la fille de Bradford, Harriet, fut déçu de la résistance qu’opposèrent les habitants à la discipline ecclésiastique, mais il reconnut la richesse de la moisson qu’il récolta, grâce au bon grain semé par son prédécesseur.

Thomas R. Millman

Charles Frederick Pascoe dans Classified digest of the records of the Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts, 1701–1892 (5e éd., Londres, 1895), 868, affirme que, d’après une tradition, Richard Bradford a servi en tant qu’aspirant de marine sous les ordres du capitaine James Cook* ; des recherches récentes n’ont pu le confirmer.  [t. r. m.]

ANQ-M, CM1, 1er mai 1817.— QDA, 332, H. C. Stuart, « The episcopate of Jacob Mountain ».— St Luke’s Church (Catskill, N.Y.), Vestry minutes, 24 août 1801–23 avril 1805.— USPG, Journal of SPG, 29 : 68–74 ; 30 : 16s.— Montreal Herald, 17 mai 1817.— Christie, Hist. of L.C., 6 : 69.— G. D. McGibbon, Glimpses of the life and work of the Reverend Richard Bradford as scholar, school principal, chaplain, priest of the Church of England and S.P.G. missionary (Calgary, 1970), 8, 31, 74, 88, 118.— Millman, Jacob Mountain, 106, 138, 140, 195, 212s.— E. C. Royle, An historical study of the Anglican parish of Vaudreuil (Hudson Heights, Québec, 1952), I–8s.— Cyrus Thomas, History of the counties of Argenteuil, Que., and Prescott, Ont., from the earliest seulement to the present (Montréal, 1896), 294.— M. E. S. Abbott, « Social history of the parish of Christ Church, St Andrews, Que., from 1818 to 1875 », Montreal Churchman (Montréal), 22 (1934), no 6 : 8 ; no 7 : 12 ; no 12 : 8s.— J.-J. Lefebvre, « Louise Réaume-Fournerie-Robertson (1742–1773) et son petit-fils le colonel Daniel de Hertel (1797–1866) », RHAF, 12 (1958–1959):329.

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Thomas R. Millman, « BRADFORD, RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bradford_richard_5F.html.

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Année de la publication:    1983
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