ABBOTT, JOSEPH, ministre de l’Église d’Angleterre, éducateur, écrivain, baptisé le 10 juin 1790 à Little Strickland, Westmorland, Angleterre, fils de Joseph et d’Isabella Abbott, décédé le 10 janvier 1862 à Montréal.

Issu d’une vieille famille du Yorkshire de modestes revenus, Joseph Abbott fréquenta tout d’abord la Bampton School, à Bampton, Westmorland, puis de 1808 à 1812, le Marischal College à Aberdeen, Écosse, collège destiné essentiellement aux fils de la haute société. Il obtint son diplôme de maîtrise ès arts, fut ordonné prêtre de l’Église d’Angleterre et accepta un vicariat à la grosse paroisse de Long Stratton, Norfolk, où il assuma tout de suite d’importantes responsabilités. Abbott « avait d’assez bonnes possibilités d’avancement dans son pays », mais son esprit aventureux et ambitieux, allié à un penchant romanesque pour l’Amérique du Nord, le poussa à demander un poste de missionnaire à la Society for the Propagation of the Gospel. En 1818, âgé alors de 28 ans, il quitta la Grande-Bretagne avec son jeune frère William pour aller occuper un poste à St Andrews (Saint-André-Est), seigneurie d’Argenteuil, Bas-Canada.

À la différence de son prédécesseur, le révérend Richard Bradford, partisan du latitudinarisme, Abbott, lui, était un partisan de la High Church et méprisait les dissidents, leurs assemblées en plein air et leurs évangélistes. C’était un homme plein de détermination, d’énergie et d’intelligence, doué pour l’administration, et il se mit tout de suite à organiser la communauté anglicane, à créer une structure paroissiale, à construire des églises, des écoles et un presbytère, et à faire l’acquisition d’une terre bénéficiale. Il ouvrit des missions anglicanes à Lachute, Hawkesbury et dans le canton de Gore et pourvut les troupes britanniques de Grenville Settlement des secours de la religion protestante, augmentant ainsi ses modestes appointements annuels de £200 qu’il recevait de la Society for the Propagation of the Gospel. En juin 1822, l’évêque Jacob Mountain* érigea la paroisse de St Andrews et fit de Joseph Abbott son premier rector. Trois ans plus tard, de guerre lasse et tracassé par une santé précaire, désireux d’aller « défricher » ailleurs, Abbott résolut de changer de paroisse avec son frère William et il alla s’installer à la mission anglicane récemment ouverte près du mont Yamaska. La mission fut appelée plus tard Abbottsford en souvenir des frères Abbott. En 1830, il retourna dans le comté d’Argenteuil pour diriger la nouvelle mission anglicane de Grenville. Il y resta jusqu’à ce qu’il soit mis à la retraite par la Society for the Propagation of the Gospel en 1847, mais en réalité il avait cessé d’être au service de la communauté en 1845. Abbott qui avait construit à ses propres frais l’église et le presbytère de Grenville les vendit en 1848 à la Society for the Propagation of the Gospel et à la Society for the Propagation of Christian Knowledge. Il mit sur pied l’Ottawa District Association de la Quebec Church Society, dont il devint le premier président en 1844.

À Grenville, Abbott porta un profond intérêt aux efforts de l’Institution royale pour l’avancement des sciences en vue de créer un réseau d’écoles paroissiales à travers le Bas-Canada, intérêt qui s’était éveillé chez lui pendant son séjour à St Andrews. Il fut commissaire pour le comté d’Argenteuil et inspecteur d’écoles à Chatham, Côte Saint-Charles, Rigaud, Gore, Grenville, et New Scotland ; ces tâches nécessitaient beaucoup de voyages et l’absorbaient énormément. Son frère et lui devinrent la véritable « cheville ouvrière » du travail accompli par l’institution pour développer l’éducation dans ces communautés.

Joseph Abbott s’intéressa également très vivement aux efforts de l’Institution royale pour fonder McGill University. Il assista à la première réunion du conseil d’administration en 1829 et accepta par la suite toute une série de fonctions : teneur des registres et trésorier de 1843 à 1852, bibliothécaire de 1845 à 1852, aumônier et vice-principal de 1845 à 1846, professeur d’histoire et de géographie de 1846 à 1852, secrétaire intérimaire du conseil d’administration de 1843 à 1852, toutes ces fonctions lui rapportant la somme annuelle de £100. Ses fonctions d’administrateur étaient plutôt une sinécure qu’il devait à son amitié avec le principal intérimaire, John Bethune*, et il employa comme suppléant son fils aîné, John Joseph Caldwell*. D’après le rapport d’un inspecteur pour l’année 1844, la tenue des livres de comptes était irrégulière et présentait des erreurs. Abbott, qui avait collaboré de près à la politique de Béthune pour transformer le collège en une institution anglicane, perdit beaucoup de son influence lorsque Béthune fut renvoyé en 1846.

Abbott acquit également une modeste réputation d’homme de lettres au Canada et en Grande-Bretagne. Ses deux principaux ouvrages, Memoranda of a settler in Lower Canada ; or, the emigrant to North America [...] et Philip Musgrave [...] reçurent un accueil favorable dès le début. The emigrant, publié pour la première fois par le Quebec Mercury en janvier 1842 sous forme d’une série d’articles, connut trois éditions au Canada et une en Grande-Bretagne, et le gouvernement canadien s’en servit en Grande-Bretagne comme moyen de propagande pour attirer de futurs immigrants. Annoncée comme un guide pratique contenant des conseils judicieux à l’adresse du futur immigrant désirant s’établir sur une ferme au Canada et s’appuyant sur 20 ans d’expérience, cette brochure offrait en fait un message plus subtil ; elle sous-entendait la supériorité du Canada sur les États-Unis, en comparant la moralité, la bonne conduite et les agréments offerts par les institutions de l’Église et de l’État avec la vie corrompue et agitée qu’on menait aux États-Unis, sur le front pionnier, cette « frontière » qui constituait un véritable « tombeau pour les Européens ». Abbott développe ce thème dans Philip Musgrave, compte rendu à peine romancé de la vie d’un missionnaire anglican, qu’il avait extrait de son journal et où il compare la prospérité de la « vraie religion » dans un système monarchique et le sort qui lui est réservé dans la « république voisine ». Publié pour la première fois en 1846 par un éditeur britannique, cet ouvrage fut édité au moins une fois encore et, comme The emigrant, il servit à promouvoir l’émigration des Anglais au Canada. Son troisième ouvrage majeur, « The halls of the north », un manuscrit de 400 pages, est censé avoir été égaré pendant le transport chez l’éditeur. En 1828, la Society for the Encouragement of Arts and Science in Canada, fondée l’année précédente, lui avait offert une médaille en argent en récompense de son essai intitulé « A brief view of the advantages and defects of the présent system of agriculture in Canada, and the means of improving it in all its departments ». Il collabora également au Literary Garland en écrivant de nombreuses nouvelles basées sur des aventures se déroulant à la frontière écossaise, sous le pseudonyme de « A Monk of G.[renville] Abbey » (nom de sa maison de campagne).

Le 10 août 1820, Joseph Abbott avait épousé Harriet, fille du révérend Richard Bradford. Ils eurent sept enfants, dont l’aîné, John Joseph Caldwell, devint premier ministre du Canada, et le cinquième, Harry Braithwaite, un ingénieur remarquable.

La carrière de Joseph Abbott, tory plein d’intelligence, de talent et d’éloquence, et missionnaire entièrement et énergiquement dévoué à la cause anglicane, convaincu de la nécessité de soutenir le trône et l’autel dans une société coloniale, évoque la nature du dessein des anglicans au début du xixe siècle au Canada.

Carman Miller

Outre les récits publiés dans The Literary Garland (Montréal) de 1839 à 1850, Abbott écrivit, comme nous l’avons souligné, les deux ouvrages suivants dont le premier sous le pseudonyme de An immigrant farmer : Memoranda of a settler in Lower Canada ; or, the emigrant to North America, being a compendium of useful practical hints to emigrants, [...], together with an account of every day’s doings upon a farm for a year (Montréal, 1842 ; 3e éd., Édimbourg et Londres, 1844) ; Philip Musgrave ; or memoirs of a Church of England missionary in the North American colonies (Londres, 1846).  [c. m.]

ANQ-M, État civil, Anglicans, Christ Church, 10 août 1820, 10 janv. 1862.— McGill University Archives (Montréal), Minutes of the Board of governors, 29 juin 1829, 14 juill. 1843.— Musée McCord, Library file, lettres de Joseph Abbott à Thomas Kains, 14 févr. 1853, 11 févr. 1855.— Canada, prov. du, Législative Assembly, Journals, 1849, 3, app.G.G.G.G.— Church of England, Church Soc. of the Diocese of Quebec, Annual report (Québec), 1844.— Montreal Gazette, 13 nov. 186130 avril 1862.— Montreal Transcript, 1er oct. 1844–1er mars 1845.— Pilot (Montréal), 15 août–15 nov. 1861.— La Gazette de Québec, 17 avril 1828.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose, 1888), 740.— A. R. Kelley, The Quebec Diocesan Archives ; a description of the collection of historical records of the Church of England in the Diocese of Quebec, ANQ Rapport, 1946–1947, 71, 189, 192.— L.-P. Audet, Le système scolaire, IV, passim.— R. G. Boulianne, The Royal Institution for the Advancement of Learning ; the correspondence, 1820–1829 ; a historical and analytical study (thèse de ph.d., McGill University, Montréal, 1970).— H. E. MacDermot, Maude Abbott ; a memoir (Toronto, 1941).— G. D. McGibbon, Glimpses of the life and work of the Reverend Richard Bradford as scholar, school principal, chaplain priest of the Church of England and S.P.G. missionary ([Calgary], 1970).— E. G. May, A hundred years of Christ Church, St. Andrews, P. Q., an historical sketch of the pioneer church of the Ottawa valley (Saint-Jean, Québec, 1919).— T. R. Millman, Jacob Mountain, first lord bishop of Quebec, a study in church and state, 1793–1825 (Toronto, 1947), 238 ; Life of Charles James Stewart, 186.— V. B. Rhodenizer, Canadian literature in English (Montréal, 1965).— Cyrus Thomas, History of the counties of Argenteuil, Que., and Prescott, Ont., from the earliest settlement to the present (Montréal, 1896).— B. N. Wales, Memories of old St Andrews and historical sketches of the seignory of Argenteuil ([Lachute, 1934]).— M. [E. S.] Abbott, A social history of the parish of Christ Church St Andrews, Que. from 1818 to 1875, Montreal Churchman, juin–déc. 1934, 8.

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Carman Miller, « ABBOTT, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 17 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/abbott_joseph_9F.html.

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Auteur de l'article:    Carman Miller
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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