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BEST, EDNA MAY WILLISTON (Sexton), féministe, agente de changements sociaux et participante à l’effort de guerre, née le 25 juin 1880 à Shediac, Nouveau-Brunswick, fille de James Edward Best et de Maria Porter ; le 25 juin 1904, elle épousa Frederic Henry Sexton, et ils eurent un fils et une fille ; décédée le 14 décembre 1923 à Halifax.
Le père d’Edna May Williston Best, marchand natif de Horton, en Nouvelle-Écosse, traversa une période difficile après la mort de sa première femme en 1864. Il s’installa à Shediac, où il se remaria, et devint instituteur puis fermier. Lui et sa seconde femme moururent prématurément. Edna May Williston fut alors élevée par de la famille à Boston. Dotée de « remarquables capacités intellectuelles », elle termina ses études secondaires à la Girls’ High School de cette ville, entra au Massachusetts Institute of Technology en 1898 et y obtint en 1902 une licence ès sciences avec grande distinction en chimie. Après avoir travaillé quelque temps dans le laboratoire de recherche de la General Electric Company à Schenectady, dans l’État de New York, elle épousa son collègue Frederic Henry Sexton, qui avait obtenu une licence ès sciences au Massachusetts Institute of Technology en 1901 et qui venait tout juste d’être embauché à la Dalhousie University de Halifax.
Mme Sexton remplissait avec plaisir son rôle d’épouse de professeur et de jeune mère, mais s’irritait de la résistance qu’opposait toujours la tranquille collectivité de Halifax à la pleine participation des femmes à la vie civique et intellectuelle. Peu intéressée aux voies traditionnelles qu’offraient les œuvres pieuses et charitables, elle chercha d’autres exutoires à sa formidable énergie. En 1905, elle devint membre du conseil du Ladies’ Musical Club of Halifax, fondé l’année même par Kate Mackintosh et d’autres, et se servit des relations ainsi nouées pour entrer au Local Council of Women. À ce conseil, elle se fit remarquer par son aptitude à travailler en comité ainsi que par ses talents d’oratrice et de journaliste ; elle participa à presque toutes les luttes menées par le conseil après 1906, y compris celles qui portaient sur la littérature choquante, la santé publique, le soin des faibles d’esprit, la prévention et le traitement de la tuberculose, le mouvement des terrains de jeu [V. Mabel Phoebe Peters*] et la protection des consommateurs. Certaines de ces causes étaient également chères à l’Imperial Order Daughters of the Empire, groupe dans lequel Mme Sexton fut active après 1909, notamment comme première présidente, pour un mandat, du conseil du chapitre de Halifax.
La nomination, en 1907, de Frederic Henry Sexton au poste de directeur fondateur du Nova Scotia Technical College permettrait au jeune couple de jouer un rôle de premier plan pour faire progresser l’éducation et les réformes sociales. En 1908–1909, par exemple, Mme Sexton mena une campagne vigoureuse mais infructueuse en faveur de la création d’une école professionnelle pour filles, soutenant qu’une telle formation les préparerait avantageusement aux métiers de domestique, de couturière et de modiste. Quand la question de l’émancipation des femmes refit surface dans la province quelques années avant la guerre, le couple se prononça publiquement en faveur de la nomination de femmes aux conseils scolaires, mesure maintes fois appuyée par le Local Council of Women et considérée comme étape préliminaire dans la campagne en faveur du droit de vote. En avril 1913, après le dépôt au Parlement d’un nouveau projet de loi habilitant les femmes à voter, Mme Sexton et deux de ses collègues se rendirent devant le Conseil législatif et, au nom du Local Council of Women, « présent[èrent] leurs arguments avec une clarté et un aplomb admirables », mais sans succès encore.
La déclaration de guerre, le 4 août 1914, allait transformer Halifax : du jour au lendemain, la petite ville assoupie aux confins de l’Empire devint une sorte de gare de triage des opérations canadiennes outre-mer. Plus que jamais auparavant, les citoyens devaient réagir rapidement et efficacement. Le secteur privé étant en général désorganisé, le Local Council of Women prit une bonne partie de la situation en main. Réuni le 5 août, il forma le « Central Red Cross and Relief Committee for the Women of the Province » qui, avec le soutien de l’armée, se chargea de coordonner la distribution de tout le matériel destiné aux hôpitaux à partir de la Nouvelle-Écosse, tant pour les besoins outre-mer que pour ceux de la défense intérieure. L’idée de donner à ce comité un mandat provincial était de Mme Sexton.
La production et l’emballage de ce matériel se fit d’abord au siège social du Local Council of Women puis, à compter de juin 1915, au Nova Scotia Technical College, que le directeur Sexton avait mis à la disposition du comité de travail dont sa femme était présidente. Dans l’atmosphère tendue de ces années difficiles, Mme Sexton fit la preuve de ses « exceptionnels talents de meneuse » et de sa « remarquable personnalité » : elle organisa, suivant le principe de la chaîne de montage, avec supervision des projets et inspection des produits, des groupes pouvant compter jusqu’à 100 femmes par jour. Chaque équipe produisait à tour de rôle un article particulier qui changeait toutes les semaines : uniformes pour le personnel hospitalier, peignoirs, chemises, pyjamas, chaussettes, vestes pour les patients souffrant de pneumonie, pansements et bandages, draps, taies d’oreiller, serviettes, vêtements et masques chirurgicaux. Ensemble, jusqu’à la fin de la guerre, ces femmes préparèrent aussi 10 635 bas de Noël ou à peu près. La Croix-Rouge était particulièrement fière du principe égalitaire qui régnait dans ces équipes composées de femmes de toutes origines ethniques, de tous âges et de toutes classes sociales.
Pour recueillir les sommes considérables que cette entreprise et d’autres de la Croix-Rouge exigeaient, Mme Sexton commença en 1915 une tournée de conférences patriotiques en Nouvelle-Écosse. Avec un « charme et une intelligence » qui réchauffaient l’auditoire, elle y présentait des diapositives de son mari sur la guerre, accompagnées d’un commentaire qui en « faisait saisir ici toute l’atrocité, lit-on dans un compte rendu d’un organisme, comme jamais les reportages détaillés des journaux ne pourraient le faire ». Un jour où elle s’adressait au Rotary Club de Halifax, elle réussit à obtenir de plus de 500 hommes d’affaires que chacun s’engage, et pour un temps indéterminé, à verser 2 $ par mois pour le matériel destiné aux hôpitaux. Elle persuada également des mineurs et des travailleurs de l’acier de New Glasgow, de Trenton et de Westville de consacrer à l’effort de guerre un montant total de 5 000 $ par mois, retenu à la source sur leur salaire. Mme Sexton n’était pas la seule collectrice de fonds pour la Croix-Rouge en Nouvelle-Écosse, mais son éloquence et sa détermination comptèrent beaucoup dans la phénoménale mobilisation de la province : en quatre ans, on estime que un million de dollars y furent recueillis pour les sociétés canadienne et britannique de la Croix-Rouge seulement.
Fondée en 1914, la section néo-écossaise de la Croix-Rouge prit rapidement de l’expansion sous la présidence d’Agnes Dennis [Miller*] et attira les meilleures femmes des cercles de Halifax. Elle devait surtout sa force à une structure administrative qui, malgré sa grande taille, n’en demeurait pas moins extrêmement efficace ; à son apogée, celle-ci comprenait 5 vice-présidentes, dont Mme Sexton, et un comité directeur de plus de 30 personnes. Ensemble, ces femmes pouvaient intervenir presque immédiatement dans n’importe quelle situation de crise. Entièrement dirigée par des femmes, la Croix-Rouge travaillait néanmoins de concert avec des hommes d’affaires de Halifax, en raison surtout de l’aide qu’ils pouvaient apporter sur le plan de la gestion financière ou des œuvres philanthropiques. D’autres organisations civiles, dont beaucoup de groupes féminins, participèrent à l’effort de guerre dans la province, mais aucune ne fut plus remarquée ni ne réalisa davantage que la Croix-Rouge.
Au fil des années, la section néo-écossaise de la Croix-Rouge diversifia ses activités et s’occupa des mouvements de troupes dans Halifax. Un sous-comité présidé par Mme Sexton réunit des bénévoles pour accueillir tous les vaisseaux hôpitaux qui entraient dans le port et aider au transfert des malades et blessés vers les trains sanitaires. En 1916, devant l’afflux de soldats invalides arrivant dans les installations militaires déjà bondées, l’organisation offrit de mettre sur pied et de financer une maison de convalescence de 25 lits ; elle avait pour objectif immédiat d’aider un groupe de soldats jamaïcains ayant souffert d’engelures et laissés sans soin en raison de disputes bureaucratiques à l’échelle internationale. Un comité coprésidé par Mme Sexton et Joseph Linton Hetherington négocia l’approbation du gouvernement, puis travailla en étroite collaboration avec l’Imperial Order Daughters of the Empire et un bienfaiteur de Halifax du nom de William James Clayton à la création de ce foyer, qui eut la particularité d’être la première maison de convalescence du Canada à offrir en temps de guerre des cours de formation professionnelle.
Après l’explosion de Halifax en 1917, on eut de nouveau recours aux formidables talents de Mme Sexton. Le jour même de la catastrophe, la Société canadienne de la Croix-Rouge mit sur pied un comité, coprésidé par Mme Sexton, chargé de coordonner le travail de 44 bénévoles pour l’achat et la livraison, deux fois par jour, de toutes les fournitures médicales requises dans chacun des 57 hôpitaux temporaires et postes de premiers soins dispersés dans Halifax et Dartmouth. Durant un certain temps, ce travail accapara les équipes qui préparaient habituellement du matériel pour les hôpitaux et épuisa tous leurs stocks. Le comité, d’abord à l’œuvre entre 12 et 15 heures par jour, fut maintenu pendant une bonne partie de 1918.
La fin de la guerre devenue imminente, l’attention se porta sur le retour des soldats au pays. Encore une fois, on fit appel à Mme Sexton. En 1918, elle devint convocatrice intérimaire du comité des hôpitaux de la Croix-Rouge. Elle en accrut aussitôt le nombre de membres et fit appliquer les critères britanniques les plus récents en matière de soins aux convalescents et d’aide bénévole. Des bibliothèques et des solariums furent aménagés au Camp Hill Military Hospital et une longue liste de personnes qui rendraient chaque semaine visite aux soldats fut dressée. Également en 1918, la cantine militaire de Halifax, fondée par l’American National Red Cross, fut pour une courte période confiée à la « brillante gestion » de Mme Sexton ; en un mois seulement, on y servit 3 000 repas à des soldats de passage.
Comme bien d’autres femmes de Halifax ayant participé à l’effort de guerre, Mme Sexton fut active dans divers groupes communautaires, notamment le Local Council of Women, l’Imperial Order Daughters of the Empire, la Halifax Playgrounds Commission et, en 1917–1918, l’éphémère Nova Scotia Equal Franchise League, dont elle fut la troisième vice-présidente et qui fut enfin témoin de l’accession des femmes au droit de vote en Nouvelle-Écosse [V. George Henry Murray]. Elle excellait non seulement pour plaider publiquement ses causes, mais pour coordonner, structurer diverses initiatives et assurer une liaison efficace avec d’autres leaders telles Edith Jessie Archibald*, Charlotte McInnes et Eliza Ritchie*. Mme Sexton fut sans doute la plus en vue des travailleurs et travailleuses de guerre de la province et, de sa génération, la Néo-Écossaise la plus engagée dans une vaste action sociale et la mieux outillée pour en définir les stratégies.
Edna May Williston Sexton paya de sa santé tout ce travail accompli. Tombée gravement malade à la fin de 1918, elle se retira de la vie publique et, bien qu’elle fit ensuite de nombreux voyages avec son mari, ne se rétablit jamais. On la voyait rarement en public, mais ceux qui partageaient ses convictions profondes venaient constamment la consulter. Sa mort en 1923, causée par une intoxication urémique, était prévisible, mais fut subite. Toute la Nouvelle-Écosse pleura cette femme dont le Halifax Herald avait, dans son éloge funèbre, vanté « les qualités innées de chef, le magnétisme et l’enthousiasme à [faire] le bien ».
AN, RG 31, C1, 1881, Shediac, N.B., div. 3 : 39 (mfm aux APNB).— NSARM, MG 20, 160 ; 183, nº 1 ; 204 ; 321 ; 535 ; 567, nº 1 (mfm) ; RG 32, M, Kings County, nº 64/1852.— St Andrew’s Anglican Church (Shediac), RBMS, 17[ ?] nov. 1868, 29 août 1880 (mfm aux APNB).— Christian Messenger (Halifax), 28 sept. 1864.— Halifax Herald, 15 déc. 1923.— Morning Chronicle (Halifax), 15, 17 déc. 1923.— Presbyterian Witness (Halifax), 17 juill. 1852.— Annuaire, Canada, 1871.— Soc. canadienne de la Croix-Rouge, Nova Scotia Div., Annual report ([Halifax]), 1918–1919 ; Nova Scotia Red Cross during the Great War, nineteen fourteen–eighteen (Halifax ?, 1919 ?).— C. L. Cleverdon, The woman suffrage movement in Canada, introd. par Ramsay Cook (2e éd., Toronto, 1974).— Massachusetts Institute of Technology, classe de 1901, Decennial record, 1901–1911 (Boston, [1911]) ; classe de 1902, First record book [...] (Brookline, Mass., 1904).— N. É., House of Assembly, Journal and proc. (Halifax), 1913.— Nova Scotia’s part in the Great War, M. S. Hunt, compil. et édit (Halifax, 1920).
Lois K. Yorke, « BEST, EDNA MAY WILLISTON (Sexton) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/best_edna_may_williston_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/best_edna_may_williston_15F.html |
Auteur de l'article: | Lois K. Yorke |
Titre de l'article: | BEST, EDNA MAY WILLISTON (Sexton) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 2 déc. 2024 |