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BABY, LOUIS-FRANÇOIS-GEORGES, fonctionnaire, avocat, homme politique, juge et collectionneur, né le 26 août 1832 à Montréal, fils de Joseph Baby, notaire, et de Caroline Guy ; le 22 juillet 1873, il épousa à Joliette, Québec, sa cousine Marie-Hélène-Adélaïde Berthelet, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 13 mai 1906 à Montréal et inhumé le 17 à Joliette.
Louis-François-Georges Baby était apparenté à des notabilités du pays. Son ancêtre paternel, Jacques Babie*, arrivé avec le régiment de Carignan-Salières, avait eu une descendance prolifique qui avait fait carrière dans les armes, la fonction publique, le commerce, le droit, et contracté d’heureuses alliances avec les grandes familles du temps. Son grand-père, François*, avait participé en 1760 et 1775 aux sièges de Québec, fait partie des conseils législatif et exécutif, et commandé la milice en tant qu’adjudant général. Du côté maternel, il était le petit-fils de Louis Guy*, notaire royal, colonel de milice, conseiller législatif, et dont l’ancêtre avait été grand chambellan sous Louis XIV. On comprend dès lors que chez Baby, ses « grandes manières », empreintes d’une exquise courtoisie et d’une urbanité affable, son tact, son art de vivre perpétuaient les traditions et l’esprit d’un temps révolu.
Aîné d’une famille de 14 enfants, Baby passe son enfance dans la paroisse Saint-Vincent-de-Paul (Laval, Québec). Il commence ses études secondaires au petit séminaire de Montréal, puis, en 1847, les poursuit au collège Joliette, à Industrie (Joliette), où son père, cousin de l’épouse de Barthélemy Joliette*, a une résidence d’été. Il n’est donc pas surprenant qu’au terme de sa rhétorique il publie dans les Mélanges religieux de Montréal un panégyrique du fondateur du village d’Industrie, qui lui avait donné si souvent l’hospitalité. C’est durant ses années de collège qu’il choisit la devise qui allait l’inspirer toute sa vie : Mon Dieu, ma patrie et mon devoir.
À la fin de ses études classiques en 1851, Baby fait son stage de clerc dans le bureau des avocats Lewis Thomas Drummond* et Thomas-Jean-Jacques Loranger*. C’est à cette époque aussi qu’il devient commis dans le bureau du procureur général, nul autre que Drummond, et se lie d’amitié avec le futur juge en chef de la Cour du banc de la reine de l’Ontario, Robert Alexander Harrison*. Admis au barreau le 5 janvier 1857, Baby exerce sa profession dans le cabinet de Drummond, mais des ennuis de santé l’amènent à s’installer vers 1860 à Industrie, où l’air est pur et la vie, moins trépidante. Il s’associera avec Louis-Auguste Olivier, sénateur, dans la pratique du droit jusqu’en 1873, puis avec Lewis Arthur McConville. La localité d’Industrie est en pleine expansion et son élite, qui se rassemble périodiquement à l’Institut d’artisans et association de bibliothèque du village d’Industrie, souhaite qu’elle soit érigée en ville. Le 15 octobre 1863, une loi du Parlement crée la ville de Joliette et prévoit la formation d’un conseil composé de sept échevins élus et présidé par un maire nommé par ces derniers. En janvier, le conseil nomme Gaspard de Lanaudière, neveu de Barthélemy Joliette, maire de la ville et Baby, le petit-cousin de Lanaudière, pro-maire. Le conseil siège dans la salle du marché. Baby participe activement à la révision des anciens règlements municipaux et au développement de la ville à titre de pro-maire jusqu’en 1872.
Depuis sa sortie du collège, Baby évolue dans les cercles politiques proches de George-Étienne Cartier*, dont il épouse les vues politiques. Ce dernier l’aurait convaincu de briguer les suffrages aux élections de 1867 pour représenter Joliette aux Communes. Battu, Baby est élu sans opposition en 1872. Cette entrée en politique coïncide avec des événements décisifs : son père meurt en 1871 ; il est maire de Joliette en 1872 et 1873 ; il se marie en 1873. Six ans durant (car il remporte trois autres élections consécutives), il migre entre Joliette et Ottawa. Attaché à la constitution de 1867 dont il admire l’équilibre des pouvoirs, il tient des propos modérés, qui écartent les préjugés de race et de religion et qui sont, dans les moments de crise, des appels à l’équité et au fair-play. Il réclame pour les catholiques du Nouveau-Brunswick les mêmes droits scolaires que ceux dont jouissent les protestants au Québec et en Ontario. Il s’oppose au projet d’une Cour suprême dont la juridiction empiéterait sur les droits des provinces et dont les juges, moins par malveillance que par ignorance, pourraient mal interpréter tant le droit civil français que les us et coutumes propres à chaque province. Le ton et le contenu des propos de Baby plaisent à sir John Alexander Macdonald* qui, de retour au pouvoir, le nomme le 26 octobre 1878 ministre du Revenu de l’intérieur et membre du Conseil privé. Les problèmes de nature plus technique et administrative que politique qui relèvent de ce département ne suscitent guère l’enthousiasme de Baby. Il se contente de mener à terme les dossiers en cours, tels que la réduction du nombre d’inspecteurs des poids et mesures, et de modifier la loi sur l’inspection du pétrole.
De fait, même s’il est un lieutenant respecté par les troupes conservatrices et un administrateur efficace, Baby ne semble pas se complaire dans les jeux de la politique. Il se retire de son département le 28 octobre 1880, peu après son ami Louis-Rodrigue Masson, ce qui permet à Macdonald de faire entrer dans son cabinet Joseph-Alfred Mousseau* et Adolphe-Philippe Caron. Dès le lendemain, Baby est nommé juge puîné de la Cour supérieure, district de Trois-Rivières. Il ne siégera pas à cette cour, car il devient aussi juge suppléant de la Cour du banc de la reine, où il sera nommé officiellement le 29 avril 1881. Ses nouvelles occupations l’amènent à se fixer avec son épouse à Montréal, où il vit sur le pied d’un aristocrate. Les gourmets apprécient ses « dîners fins » au cours desquels il charme ses hôtes par ses anecdotes et ses connaissances en histoire. Tant à cause de son titre que de sa vaste culture, le premier ministre Honoré Mercier* a recours à lui pour régler la question des biens des jésuites. Baby se rend à Rome en 1888 négocier cette question et discuter de la succursale de l’université Laval à Montréal. L’année suivante, Léon XIII le fait grand-croix de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand. En 1891, il est un des membres de la commission royale d’enquête sur le scandale du chemin de fer de la baie des Chaleurs (V. Ernest Pacaud].
Le mauvais état de sa santé amène Baby à prendre sa retraite le 16 mai 1896. Il ne peut supporter d’être à la charge de ses collègues. Commence alors une vie repliée sur les êtres chers, égayée par la présence des neveux et nièces, les vacances à Joliette, mais assombrie par les épreuves inhérentes à la vieillesse. Le juge Baby ressent fortement la solitude : « Comme nous commençons à être étrangers les uns aux autres », confie-t-il en juillet 1900 à son cousin et ami Siméon Le Sage en parlant des intimes de jadis. Son épouse s’éteint en 1904. Il lui survit à peine deux ans.
Tout au long de sa vie, Louis-François-Georges Baby a donné libre cours à son goût pour l’histoire et à sa passion de collectionneur. Un des fondateurs de la Société historique de Montréal en 1857, il est aussi membre de la Société de numismatique et d’archéologie de Montréal, qu’il préside de 1884 à sa mort. En contact dès l’âge de 25 ans avec Jacques Viger*, Raphaël Bellemare, Hospice-Anthelme-Jean-Baptiste Verreau, Joseph-Ubalde Beaudry* et tous ces érudits qui recherchaient dans les vieux papiers « les détails qui font l’ornementation de l’histoire », il constitue l’une des plus belles collections de médailles et de monnaies au Canada qu’il lègue au collège Joliette ; il ramasse aussi des centaines d’ouvrages sur l’histoire du Canada et plus de 20 000 documents d’archives dont hérite la succursale de l’université Laval à Montréal (aujourd’hui l’université de Montréal). Cette documentation variée traite tout particulièrement des xviiie et xixe siècles et consiste principalement en lettres provenant des familles Guy, Baby, Lanaudière, La Corne, Salaberry, Le Sage, Saint-Georges Dupré. Baby a dû pour la rassembler entretenir une correspondance considérable avec des antiquaires et des personnages célèbres, dont le prince Roland-Napoléon Bonaparte, avec des amis et des membres de sa famille qui se tenaient à l’affût des raretés et des publications récentes, et avec les Joliettains qui s’amenaient par beau dimanche « avec toutes espèces de vieilles choses ».
Parmi les différents articles qu’a publiés Louis-François-Georges Baby, deux, parus dans le Canadian Antiquarian and Numismatic Journal (Montréal), 3e sér., 2 (1899) respectivement aux pages 70 à 88 et 97 à 141, ont fait l’objet de tirés à part : Châteauguay : qui est « témoin oculaire », et sa description de la bataille est-elle correcte ? (Montréal, 1900) ; l’Exode des classes dirigeantes à la cession du Canada (Montréal, 1899).
AC, Joliette, Québec, État civil, Catholiques, Saint-Charles-Borromée (Joliette), 17 mai 1906.— ANQ-M, CE1-33, 22 juill. 1873 ; CE1-51, 28 août 1832 ; P1000-1-15.— ANQ-Q, P-149/1.— Arch. de l’univ. de Montréal, P 58 (coll. Baby), A4/98 ; H2/53.— Soc. d’archéologie et de numismatique de Montréal, Papiers Baby.— L’Étoile du Nord, 25 mai 1906.— La Gazette de Joliette, 17 mars 1873, 12 mars 1874.— La Presse, 14 mai 1906.— Les Anciens du séminaire ; écrivains et artistes, [J.-A. Charlebois, compil.] (Joliette, 1927), 23–29.— Camille Bertrand, Catalogue de la collection François-Louis-Georges Baby, introd. de Lucien Campeau (2 vol., Montréal, 1971) ; la Collection d’archives Baby (Montréal, 1975).— Michel Brunet, « les Canadiens après la Conquête ; les débuts de la résistance passive », RHAF, 12 (1958–1959) : 201–203.— Canada, Chambre des communes, Débats, 1875–1880.— P.-B. Casgrain, Mémorial des familles Casgrain, Baby et Perrault du Canada (Québec, 1898).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2 : 192s.— M.-C. Daveluy, « Un Canadien éminent : Raphaël Bellemare (1821–1906) », RHAF, 12 : 545–573.— A.-C. Dugas, Gerbes de souvenirs ou mémoires, épisodes, anecdotes et réminiscences du collège Joliette (2 vol., Montréal, 1914).— Joliette, 1864–1964 (Joliette, 1964).— Joliette illustré, numéro souvenir de ses noces d’or, 1843–1893 (Joliette, 1893).— P.-G. Roy, la Famille Tarieu de Lanaudière (Lévis, Québec, 1922) ; les Juges de la prov. de Québec.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 1 ; 2 ; 5 ; Hist. de Montréal, 3.— Joseph Tassé, le 38me Fauteuil ou Souvenirs parlementaires (Montréal, 1891), 26s., 59–61.
Michèle Brassard et Jean Hamelin, « BABY, LOUIS-FRANÇOIS-GEORGES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/baby_louis_francois_georges_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/baby_louis_francois_georges_13F.html |
Auteur de l'article: | Michèle Brassard et Jean Hamelin |
Titre de l'article: | BABY, LOUIS-FRANÇOIS-GEORGES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |