AINSE (Hands), SARAH (Montour ; Maxwell ; Willson), commerçante, née peut-être dès 1728 dans les Treize Colonies ou plus à l’ouest sur le territoire indien ; décédée vers 1823 à Amherstburg, Haut-Canada.

Sarah Ainse fit du commerce, joua le rôle de messager diplomatique et défendit éloquemment ses droits. Elle était donc bien connue dans la région de Detroit (Michigan) et dans tout le district de Western, au Haut-Canada, à la fin du xviiie siècle et au début du xixe. Probablement originaire de la tribu des Onneiouts, bien qu’elle ait affirmé un jour appartenir à celle des Chaouanons, elle avait été élevée sur les rives de la rivière Susquehanna. Son nom exact n’est pas connu, mais on suppose qu’il a pu être Hance, nom courant chez les Six-Nations ; elle utilisait parfois le surnom de Sally. À l’âge de 17 ans, elle devint la deuxième femme d’Andrew (Henry) Montour, agent des Affaires indiennes et interprète, et vécut avec lui dans ce qui est maintenant l’Ohio, la Pennsylvanie et l’état de New York. Montour s’endetta, peut-être à la suite de la prodigalité de sa femme, et, au début des années 1750, il faillit aller en prison. En 1755 ou 1756, la famille se divisa. La plupart des enfants furent confiés à des gens de Philadelphie. Montour laissa Sarah et leur fils Nicholas*, baptisé le 31 octobre 1756 à Albany, dans la colonie de New York, avec ses parents de la tribu des Onneiouts, près de la rivière Mohawk. Peu après, ceux-ci donnèrent à Sarah une terre près du fort Stanwix (Rome) où, dès 1759, elle était devenue commerçante. En sept ans, elle étendit son activité plus à l’ouest, jusqu’à la rive nord du lac Érié, et il semble qu’elle pratiqua le commerce à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan) dès 1767. À cause de la ressemblance des noms, on a souvent pensé qu’elle était mariée à Joseph-Louis Ainsse*, interprète à Michillimakinac, mais lorsqu’elle s’y trouvait elle aurait apparemment vécu au moins quelque temps avec le commerçant William Maxwell. Pendant la Révolution américaine, elle s’installa dans la région de Detroit. Par la suite, on l’appela rarement Montour, mais on la connaissait surtout sous le nom d’Ainse.

De 1775 à 1785, Sarah Ainse se livra au commerce dans le district de Western. En 1780, une liste préparée par le commandant Arent Schuyler DePeyster indiquait que deux chargements de bateau, faisant partie de la marchandise commandée par les marchands de Detroit, lui appartenaient. Elle contracta des dettes importantes envers les marchands William Macomb, John Askin* et Montague Tremblay. En 1781, son compte chez Tremblay s’élevait à £2 620 ; en 1783, elle fit des affaires avec Askin pour près de £3 000 et, en 1787, elle devait £685 à Angus Mackintosh of Mackintosh. Elle avait des biens, étant propriétaire de deux maisons à Detroit, et elle possédait, selon le recensement de 1779, de la farine, du bétail, des chevaux et quatre esclaves. En mai 1787, Sarah Ainse s’installa sur les bords de la rivière La Tranche (rivière Thames) et fit construire une résidence sur la partie de sa propriété qui devint plus tard le lot 10 du rang 1, dans le canton de Dover East (canton de Dover). En 1788, avec des Indiens de la légion, elle régla définitivement l’achat d’une propriété de 150 milles carrés, qui s’étendait de l’embouchure de la rivière jusqu’aux embranchements où se trouve aujourd’hui la ville de Chatham. Durant les années 1780, elle semble avoir été la femme du commerçant John Willson. En 1783, ce dernier prit en charge son compte chez Askin.

En 1789, Sarah Ainse adressa une pétition au gouverneur lord Dorchester [Guy Carleton*], dans laquelle elle tentait d’obtenir le droit de propriété d’une partie de la terre qu’elle avait achetée aux Indiens. Elle réclamait un terrain de 300 acres de façade sur 33 acres de profondeur. Cette terre se trouvait sur le territoire acheté aux Indiens en 1790 par l’agent adjoint du département des Affaires indiennes. Alexander McKee*, pour le compte du gouvernement britannique. Mais Sarah Ainse soutint à maintes reprises que cette propriété n’était pas comprise dans le traité, et un certain nombre de chefs indiens, don Egushwa*, confirmèrent ses déclarations. Appuyé par Jean-Baptiste-Pierre Testard* Louvigny de Montigny, qui faisait partie du conseil des terres du district et qui était présent au moment des négociations McKee nia que cette exemption ait été intentionnelle McKee était lui-même un important propriétaire foncier de la région, comme l’étaient d’ailleurs plusieurs membres du conseil qui refusèrent d’accorder à Sarah son titre de propriété. En outre, on considérait que la terre de la Thames était la plus riche de tout le district. Les membres du conseil des terres étaient-ils tout simplement trop inflexibles pour accepter une vente réalisée par les Indiens, puisque les règles et les usages du gouvernement désapprouvaient ce genre de ventes à des particuliers ? Ou était-ce encore parce qu’une Indienne faisait obstacle aux tentatives de spéculation de l’élite régionale ? Et pourquoi la parole de 18 ou de 20 chefs n’avait-elle aucun poids ? Grâce à l’influence et aux pressions du surintendant général des Affaires indiennes, sir John Johnson, du chef agnier Joseph Brant [Thayendanegea*] et du lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe*, outré de cette injustice, on donna l’ordre, en juin 1794, de lui remettre 1 673 acres. Sarah Ainse obtenait ainsi un droit de propriété incontestable pour 1,7 % de la superficie qui avait à l’origine fait l’objet de sa pétition. Le Conseil exécutif refusa néanmoins sa réclamation en 1798. Elle ne reçut ni la terre ni aucune compensation.

Tout en continuant à réclamer sa terre, Sarah Ainse poursuivit son activité commerciale. En 1792, elle engagea avec succès des poursuites contre plusieurs personnes pour de petites créances. L’officier commandant à Detroit essaya d’empêcher la vente d’alcool à un groupe d’Indiens rassemblés à Glaize (Defiance, Ohio) et se plaignit alors que « Sally Ainse [...] profitait de la prohibition générale et qu’elle disposait personnellement d’une quantité suffisante [d’alcool] pour maintenir une bande entière en état d’ivresse ». Elle agit aussi à titre de messagère et d’informatrice pour Brant pendant les mois critiques qui suivirent la défaite des Indiens de l’Ouest, vaincus par les forces d’Anthony Wayne à la bataille de Fallen Timbers (près de Waterville) en août 1794 [V. Weyapiersenwah*]. Brant voulait conserver l’unité des Indiens contre les Américains et, par l’entremise de Sarah Ainse, il envoya des messages à Egushwa et à d’autres chefs des tribus de l’Ouest. « J’ai bien peur que votre wampum et vos discours n’aient que peu d’effet sur les Indiens, informa-t-elle Brant en février 1795, car ils passent furtivement au général Wayne tous les jours. » Son observation était entièrement juste : le même mois, un accord préliminaire avec les Américains fut signé.

On ne possède guère de documents sur la vie de Sarah Ainse après le début du siècle. Quand elle acheta une pinte de whisky de John Askin en septembre 1806, elle habitait toujours sa ferme de la rivière Thames. (« Je n’entends pas la faire payer », nota Askin sur son compte.) Femme d’une persévérance remarquable, elle envoya, en janvier 1809, une pétition au lieutenant-gouverneur Francis Gore* au sujet d’une compensation pour la terre qu’elle réclamait. À cette date, elle demeurait à Amherstburg. S’accrochant à la vie de façon aussi tenace qu’elle s’était accrochée à ses droits, elle vécut jusqu’en 1823 environ. Le 11 février 1824, les représentants des exécuteurs testamentaires de Richard Pattinson, à qui elle devait de l’argent, demandèrent l’autorisation de gérer sa succession.

Personne manifestement exceptionnelle, Sarah Ainse fut respectée par les Indiens, tout en pouvant vivre dans la société des Blancs. Elle eut des amis puissants et des adversaires qui ne l’étaient pas moins. Le nouveau régime ne l’aimait pas, ni ne l’intimidait.

John Clarke

AO, Hiram Walker Hist. Museum coll., 20–138 ; RG 1, A-I-6 : 303–304, 638–639.— APC, RG 1, L3, 3 : A4/45 ; 16 : A misc., 1788–1843/17–23 ; L4, 1.— DPL, Burton Hist. Coll., Detroit notarial papers, 1737–1795 (transcriptions aux APC).— « Board of land office, District of Hesse », AO Report, 1905.— Canada, Indian treaties and surrenders [...] [1680–1906] (3 vol., Ottawa, 1891–1912 ; réimpr., Toronto, 1971), 1 : 1–3.— Corr. of Hon. Peter Russell (Cruikshank et Hunter).— Corr. of LieutGovernor Simcoe (Cruikshank).— John Askin papers (Quaife).— Mich. Pioneer Coll., 10 (1886) ; 12 (1887) ; 19 (1891).— The papers of Sir William Johnson, James Sullivan et al., édit. (14 vol., Albany, N.Y., 1921–1965).— « U.C. land book C », AO Report, 1931 : 41–42.— « U.C. land book D », AO Report, 1931 : 147.— F. C. Hamil, The valley of the lower Thames, 1640 to 1850 (Toronto, 1951 ; réimpr., Toronto et Buffalo, N. Y., 1973).— Louis Goulet, « Phases of the Sally Ainse dispute », Kent Hist. Soc., Papers and Addresses (Chatham, Ontario), [5] (1921) : 92–95.— F. C. Hamil, « Sally Ainse, fur trader », Algonquin Club, Hist. Bull. (Detroit), no 3 (1939).

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John Clarke, « AINSE (Hands), SARAH (Montour ; Maxwell ; Willson) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ainse_sarah_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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