BLAISE DES BERGÈRES DE RIGAUVILLE, RAYMOND (il signait des Bergères), capitaine, commandant des forts Niagara, Frontenac et Chambly, major de la ville de Trois-Rivières, né en 1655 à Saint-Pierre d’Orléans (Loiret, France), fils de Jean Blaise Des Bergères et de Marie Boucher, décédé le 21 juillet 1711 à Montréal.

Pendant sept ans, il aurait servi en France dans la seconde compagnie des mousquetaires du roi. Le 5 mars 1685, quelques mois avant son départ pour l’Amérique, on le promut capitaine dans les troupes de la marine. Il se joignit alors aux officiers et soldats qui accompagnaient le nouveau gouverneur, M. de Denonville [Brisay], dont la mission en Canada était d’enrayer la menace indienne et de contrecarrer les visées anglaises sur le territoire français. La guérilla iroquoise avait repris depuis trois ans environ, encouragée cette fois par le gouverneur Dongan de New York et les marchands d’Albany.

L’épouse de Des Bergères, Anne Richard de Goigni, était probablement déjà morte quand il arriva à Québec, le 29 juillet 1685, avec son fils Nicolas, âgé de six ans.

À l’arrivée de Denonville, la Nouvelle-France prit immédiatement l’offensive. En 1686, alors que le chevalier de Troyes* et les frères Le Moyne s’emparaient des forts anglais de la baie d’Hudson, le gouverneur préparait une grande expédition punitive contre les Tsonnontouans au sud du lac Ontario. L’expédition à laquelle participait Des Bergères, atteignit le lac en juillet 1687. Les Indiens ayant fui devant l’avance de l’armée, les Français prirent officiellement possession du territoire après avoir incendié les bourgades et détruit les récoltes. Denonville établit ensuite un fort de pieux à Niagara, afin de fermer la route du castor aux Anglais et d’assurer de futures communications avec l’Ouest. Le commandement du fort fut confié au chevalier de Troyes et celui de la garnison à Raymond Blaise Des Bergères.

L’hiver de 1687–1688 fut tragique à Niagara. Le scorbut s’étant déclaré parmi la garnison, presque tous les hommes y succombèrent, y compris le chevalier de Troyes le 8 mai 1688. Seuls 12 soldats et leur officier, Des Bergères, survécurent.

Le capitaine ne resta pas longtemps au commandement du fort, la destruction de ce dernier étant en effet une des conditions de paix imposées à Denonville par Dongan, lequel armait les Iroquois contre les Français. Or, devant la guérilla sanglante des Agniers le long du Richelieu à l’été de 1688, le gouverneur français ordonna l’évacuation de Niagara, comme il le fit dans les mêmes circonstances pour le fort Frontenac, l’année suivante. Des Bergères quitta ainsi le fort à la mi-septembre 1688 et rentra aussitôt à Montréal avec sa garnison.

Quelques mois après son retour de Niagara, M. Des Bergères succéda au capitaine François Lefebvre Duplessis Faber, au commandement du fort Saint-Louis de Chambly. Peut-être que le peu d’empressement de Duplessis Faber à abandonner le commandement de ce poste si important fut cause à’inimitié entre les deux hommes. Le 15 juillet 1689, en tout cas, après une altercation, les deux capitaines se battirent en duel et M. Des Bergères fut légèrement blessé. Les duellistes furent aussitôt arrêtés et emprisonnés, leur procès étant instruit à Montréal, le lendemain. Après une longue enquête, l’affaire vint finalement devant le Conseil souverain, le 16 novembre suivant. Ils furent tous deux « absous de l’accusation formée contre eux pour le duel ». Cependant, Duplessis Faber était condamné à verser 600# à Des Bergères et à payer les frais de cour.

Malgré cet incident, Des Bergères conserva son poste à Chambly. Il y resta jusqu’en 1696. Par sa situation géographique, Chambly revêtait une importance stratégique de premier plan, surtout en ces années difficiles où la colonie devait faire face aux attaques conjuguées des Indiens et des Anglais et prendre elle-même l’offensive.

Le 12 octobre 1691, l’intendant de Champigny [Bochart] se plaignait au ministre de M. Des Bergères qui, selon lui, consommait « une quantité considérable de vivres, munitions et ustensiles de magasin ». Au ministre qui lui faisait part de ces accusations, Frontenac [Buade*] répondit, le 15 septembre 1692, que ces dépenses « étaient effectives » et bien employées. En même temps, il exprimait sa satisfaction à l’égard de Des Bergères en ces termes : « Mais ce que je vous puis dire pour ne pas trahir la vérité, est qu’il n’y a point ici de commandant dans aucun fort, qui y tienne les choses en si bon état qu’il fait, qui soit plus vigilant et sur qui on doive plus s’assurer [...] son poste est le plus jalousé et le plus exposé de tous. C’est une clef du pays et les ennemis sont presque tous les jours au pied de ses palissades, de sorte qu’il faut être aussi alerte que je sais qu’il est pour diminuer les inquiétudes que j’en aurais, si un autre moins soigneux que lui était à sa place. » En 1693, Des Bergères aurait même contribué de sa propre bourse à la reconstruction du fort. Reconnaissant l’excellence de ses services, le gouverneur lui accorda l’année même une gratification de 500#.

Le 8 novembre 1694, à Montréal, Des Bergères épousait Jeanne-Cécile Closse, veuve de Jacques Bizard*, major de Montréal et seigneur de l’île Bizard, et fille de Lambert Closse*. Des personnalités aussi éminentes que M. de Callière assistèrent à ce mariage.

Deux ans après son mariage, M. Des Bergères quitta le commandement du fort Chambly. C’était au moment où Frontenac se préparait à conduire une importante expédition contre les Onontagués. Naturellement le gouverneur retint les services de l’homme dont il avait tant vanté les qualités quelques années auparavant. L’expédition quitta Montréal au début de juillet 1696 et, quelques jours plus tard, arrivait au fort Frontenac, rétabli l’été précédent par le chevalier Thomas Crisafy* (décédé à Montréal en février 1696). En août, le gouverneur poursuivait sa campagne, et confiait la garde du fort au marquis Antoine Crisafy, frère du chevalier, et à Raymond Blaise Des Bergères. L’expédition remporta un plein succès, et en septembre elle était de retour à Montréal.

Des Bergères revint probablement à Montréal lui aussi, y demeurant jusqu’en 1700 avec sa famille. Au cours de ces quelques années naquirent trois enfants dont une seule, Marie-Joseph, née le 3 mai 1698, survécut. Mme Des Bergères mourut à Montréal, le 4 février 1700.

Seul avec un bébé de deux ans et Nicolas, âgé de 21 ans, Des Bergères reprit sa carrière. Le commandement du fort Frontenac était libre à la suite de la destitution et de l’arrestation du sieur La Porte de Louvigny, qui avait fait illégalement le commerce des fourrures. Des Bergères y commanda jusqu’en 1704 ; son fils Nicolas était de la garnison. Encore ici M. Des Bergères mérita la confiance des autorités coloniales comme en fait foi la réaction de MM. Rigaud de Vaudreuil et François de Beauharnois* de La Chaussaye à la possibilité de sa nomination comme lieutenant de roi à Trois-Rivières : « Ce dernier [Bergères] est nécessaire pour le service du roi au fort Frontenac où il commande », écrivaient-ils au ministre, le 15 novembre 1703.

En 1707, Blaise Des Bergères fut appelé une seconde fois au commandement du fort Chambly. La gravité de la situation militaire nécessitait la présence d’un officier expérimenté à ce poste, car la rumeur d’une invasion des Anglais par le Richelieu persistait.

Il semble qu’à partir de ce moment M. Des Bergères aspira à la vie tranquille que lui procurerait un poste stable et bien rémunéré. Or le poste de major de Trois-Rivières était vacant depuis la mort de Michel Godefroy de Lintot, le 18 mai 1709. Raymond Blaise demanda la charge, et en mai 1710 on la lui accorda. Il avait peut être auparavant laissé le commandement du fort Chambly à son fils Nicolas, puis épousé, le 13 novembre 1709, à l’île Dupas, Marguerite Vauvril de Blason, veuve de Lambert Boucher*, sieur de Grandpré. Il mourut le 21 juillet 1711 à l’Hôtel-Dieu de Montréal.

Raymond Blaise Des Bergères vécut au Canada à l’époque des premières luttes ouvertes entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre. Commandant de forts situés à des endroits stratégiques, il fut l’un des artisans de la suprématie française en Amérique.

Marcel Bellavance

AJM, Greffe d’Antoine Adhémar, 8 nov. 1694 ; Registres d’état civil de Notre-Dame de Montréal, nov. 1694, janv. 1697, oct. 1699, févr. 1700, juill. 1711.— Correspondance de Frontenac (1689–1699), RAPQ, 1927–28 : 114–122, 123–128.— Jug. et délib., III : 364–367.— Lahontan, Nouveaux Voyages, I : 123s., 168s., 276s.— NYCD (O’Callaghan et Fernow), IX : 651s., 664s., 714.— Royal Fort Frontenac (Preston et Lamontagne), 391s., 397–401, 402.— P.-G. Roy, Les officiers détat-major.— Lanctot, Histoire du Canada, II.— G. F. G. Stanley, Canadas soldiers ; the military history of an unmilitary people (Toronto, 1960).— Sulte, Mélanges historiques (Malchelosse), IX.— Raymond Douville, Deux officiers indésirables des troupes de la marine, Cahiers des Dix, XIX (1954).— A. Fauteux, Raymond Blaise, BRH, XXXIII (1927) : 283s.— É.-Z. Massicotte, Duels et coups d’épée à Montréal sous le régime français, BRH, XXI (1915) : 356.— P.-G. Roy, Le duel sous le régime français, BRH, XIII (1907) : 132 ; Raymond-Blaise des Bergères, BRH, XXII (1916) : 227–235 ; Les commandants du fort Niagara, BRH, LIV (1948) : 133.— Benjamin Sulte, Raymond des Bergères, BRH, VIII (1902) : 212–215 ; Nicolas des Bergères de Rigauville, BRH, VIII (1902) : 249–251.

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Marcel Bellavance, « BLAISE DES BERGÈRES DE RIGAUVILLE (des Bergères), RAYMOND (baptisé Rémond) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/blaise_des_bergeres_de_rigauville_raymond_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
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