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MONDELET, DOMINIQUE, avocat, homme politique, juge et seigneur, né le 23 janvier 1799 dans la paroisse de Saint-Marc sur la rivière Richelieu, Bas-Canada, fils de Jean-Marie Mondelet*, notaire, membre de l’Assemblée législative de 1804 à 1809 et coroner de Montréal, et de Charlotte Boucher de Grosbois, décédé le 19 février 1863 à Trois-Rivières, Bas-Canada.
Dominique Mondelet fit ses études au collège de Montréal et son stage de clerc chez l’éminent avocat Michael O’Sullivan*. Il fut reçu au Barreau du Bas-Canada le 18 août 1820, et sa compétence professionnelle ne tarda pas à être reconnue. Il siégea aux comités de l’Advocates Library and Law Institute of Montréal dont il fut élu président en 1834 ; en novembre 1832 on l’avait nommé conseiller du roi. Il trouva aussi du temps pour traduire en français le Canadian Boat Song de Thomas Moore. Le 18 février 1822, il avait épousé à Montréal Harriet Munro dont il eut huit enfants.
Le 20 novembre 1820, Mondelet fut nommé major de milice dans la division de Pointe-Claire mais, sept ans plus tard, il fut relevé de sa commission pour s’être opposé à la politique du gouverneur Dalhousie [Ramsay*] vis-à-vis de la milice. En 1828, il participa aux travaux du Montréal Committee of correspondence, mis sur pied par un certain nombre d’hommes politiques en vue, afin de recueillir la documentation nécessaire pour appuyer en Angleterre les plaintes canadiennes contre le gouvernement. Il fut coauteur des résolutions du 17 avril dans lesquelles Dalhousie était accusé de persécuter les magistrats et les officiers de la milice et que John Neilson*, Denis-Benjamin Viger et Augustin Cuvillier* présentèrent à la chambre des Communes sous forme de pétition.
En 1831, aidé par son frère cadet le radical Charles-Elzéar*, qui s’était joint à son étude d’avocat, et avec l’approbation du parti patriote, Dominique, réformiste modéré faisant confiance à la nouvelle politique de conciliation de l’Angleterre, brigua avec succès le siège du comté de Montréal à l’Assemblée. Il insistait sur les droits du Bas-Canada à un gouvernement autonome pour régir ses affaires intérieures, tout en soulignant que les revendications vis-à-vis de la Grande-Bretagne devraient être formulées « énergiquement mais avec respect et modération ». Il plaida aussi en faveur de réformes scolaires et agraires, de l’amendement des lois sur les routes, de la nomination d’un agent en Angleterre, de la surveillance de la profession notariale et d’une meilleure administration de la justice, plus expéditive et moins onéreuse. Une fois élu, Mondelet s’attela tout de suite à la tâche. Il servit dans 27 comités spéciaux et appuya le plan de Frédéric-Auguste Quesnel concernant la réforme du système judiciaire.
La première scission entre Mondelet et l’aile radicale du parti patriote survint en 1832, lorsque Dominique et Charles-Elzéar s’opposèrent au docteur Daniel Tracey*, à l’occasion de la célèbre élection partielle, appelée par la suite le « massacre de Montréal », au cours de laquelle trois partisans de Tracey furent tués. Quand, en novembre 1832, Dominique accepta un poste honoraire de conseiller exécutif, les radicaux réagirent violemment, affirmant qu’à l’instar de Philippe Panet*, un autre député nommé au Conseil exécutif, il allait se faire le porte-parole et l’espion du gouvernement. Le réformiste modéré John Neilson défendit l’entrée de Mondelet au conseil comme une tentative d’introduire un élément de responsabilité ministérielle au Bas-Canada ; ce point de vue devait être épousé plus tard par George-Étienne Cartier*, lieutenant de Louis-Hippolyte La Fontaine. Les radicaux restèrent toutefois inflexibles et réussirent à faire expulser Mondelet de l’Assemblée par 32 voix contre 27. Pour justifier leur action, ils invoquèrent comme précédent l’expulsion de Robert Christie*, mais le gouverneur ne fut pas convaincu et demanda un avis juridique sur la légalité de ce geste.
Dominique Mondelet demeura au Conseil exécutif et sa circonscription continua de ne pas être représentée à l’Assemblée jusqu’en 1834, alors que son expulsion fut déclarée illégale. Ses démêlés avec les radicaux s’aggravèrent lorsque Charles-Elzéar Mondelet s’opposa publiquement aux Quatre-vingt-douze Résolutions et atteignirent leur point culminant quand La Fontaine publia les Deux Girouettes, ou l’hypocrisie démasquée. Ce pamphlet acerbe, publié à la veille des élections générales de 1834, contribua à priver Mondelet de l’appui dont il avait besoin pour se présenter comme candidat.
En 1835, sous le pseudonyme « Un avocat », Dominique Mondelet prit sa propre défense et celle de Charles-Elzéar dans son Traité sur la politique coloniale du Bas-Canada [...], s’en prenant davantage à Louis-Joseph Papineau* qu’à son disciple La Fontaine, impressionnable et manquant de maturité. Le pamphlet de Mondelet était une mise en garde contre l’organisation de groupes de Patriotes et contre les articles incendiaires et anticléricaux des journaux populaires. Il soutint que les conseils législatifs étaient des institutions monarchiques nécessaires pour faire contrepoids à l’irréflexion des assemblées populaires ; d’après lui, si ces conseils devenaient électifs, ils représenteraient les mêmes intérêts que l’Assemblée. Il avait modifié son point de vue sur la manière de choisir les membres de ces conseils mais non sur leurs fonctions car, déjà comme jeune radical, il avait appuyé ces conseils quoiqu’il eût préconisé que leur base électorale fût entièrement différente de celle des assemblées.
Entre deux polémiques, Mondelet et Neilson trouvaient le temps de coopérer. On les nomma commissaires pour étudier le système pénitentiaire américain de façon à ce qu’un tel système puisse être établi au Bas-Canada. En janvier 1835, dans un imposant rapport rédigé en anglais, les deux commissaires dressèrent une liste des publications et des documents pertinents, des plans, des estimations de coût de construction et d’entretien, et résumèrent les informations qu’ils avaient recueillies dans le Maine, le Massachusetts, le Connecticut, dans l’état de New York, en Pennsylvanie et dans le New Jersey. Rien ne laisse supposer cependant que ce rapport ait influencé la réforme pénitentiaire après la rébellion.
Sur le plan politique, Mondelet ne se réconcilia jamais avec les Patriotes. Le 21 décembre 1837, il fut nommé commissaire chargé de recevoir le serment d’allégeance ; c’était une fonction très impopulaire. Moins d’un an après, on le nomma au Conseil spécial, particulièrement détesté, mais il n’assista à aucune réunion et ne participa à aucune de ses activités. En sa qualité de juge-avocat suppléant dans les cours militaires, il engagea au nom de la couronne, à partir du 10 mai 1839, des poursuites contre les prisonniers rebelles, traitant durement les étrangers dont il déplorait l’immixtion dans les affaires du Bas-Canada. Sur le plan professionnel, il entra directement en opposition avec son frère Charles-Elzéar et ses confrères en engageant des poursuites contre les prisonniers dont ceux-ci avaient assuré la défense lors d’un procès antérieur. Cette fois-ci, ils furent condamnés à la pendaison. En dépit de ce fait, les deux frères continuèrent à pratiquer ensemble, nullement affectés en apparence par cet affrontement.
Le 15 juin 1839, Mondelet remplaça temporairement, à la Cour du banc de la reine de Trois-Rivières, le juge Joseph-Rémi Vallières* de Saint-Réal, suspendu pour sa sympathie avec la cause des Patriotes. En 1842, après la réhabilitation et la promotion de Vallières de Saint-Réal, Mondelet le remplaça de façon définitive. Avant de quitter Montréal, il avait surveillé la distribution d’une somme de £2000 votée par l’Assemblée pour le logement temporaire des malades mentaux.
Mondelet passa le reste de sa vie à Trois-Rivières. Sa première femme était décédée en couches pendant l’année tourmentée de 1837. Une année plus tard, Mondelet épousait en secondes noces Mary Woolrich. À son arrivée à Trois-Rivières, six seulement de ses onze enfants étaient encore vivants. Pendant quelque temps cependant, la mort devait épargner la famille. En 1850, Mondelet fut promu à la Cour supérieure de Trois-Rivières tandis que son fils aîné était reçu au barreau. Il perdit deux ans plus tard un fils encore dans l’adolescence. Après des années de « santé précaire », Mondelet, frappé d’apoplexie, décéda le 19 février 1863 et fut inhumé dans la cathédrale. Consciencieux et dévoué, il avait siégé à la cour jusqu’à la dernière minute bien que le 18 « son esprit n’eût pas été aussi clair et aussi précis que d’ordinaire ». Mondelet laissa de vastes et riches terres seigneuriales à Saint-Michel-d’Yamaska (Yamaska) et à Boucherville, d’une valeur de plus de $55 000.
Dominique Mondelet se distingua par son indépendance d’esprit, son attitude réformiste circonspecte à l’endroit du gouvernement et son attachement à l’orthodoxie sur le plan religieux. Amis et ennemis étaient d’accord pour reconnaître sa grande compétence professionnelle car sa maîtrise du droit, son érudition et sa remarquable facilité de parole étaient fort prisées même dans une ville comme Montréal où la concurrence était grande. Son ardeur au travail et ses opinions politiques modérées lui valurent l’appui d’autres modérés importants comme Frédéric-Auguste Quesnel et John Neilson au moment même où ses adversaires politiques l’accusaient de quémander les postes et interprétaient à tort sa répugnance pour la violence comme un acte de trahison contre la nation. L’exclusion de Mondelet de l’Assemblée constitua une grande perte pour les Canadiens français, d’autant plus regrettable que dans les fonctions qu’il devait remplir par la suite, il se distingua au plus haut point par son intégrité et son sens du devoir, malgré les tragédies personnelles et les déceptions qu’il avait subies sa vie durant.
Les meilleures sources pour l’étude de la vie de Dominique Mondelet sont les papiers Audet, 21, pp.740–808, aux APC, MG 30 et les Députés de Montréal, de F.-J. Audet, pp.370–410. Les papiers Audet cités contiennent toutes les notes que l’auteur a utilisées pour rédiger la biographie de Mondelet dans les Députés de Montréal : correspondance avec les archives, les bibliothèques et les particuliers tels que Charles-Dominique Gaudet, petit-fils de Mondelet ; extraits des registres paroissiaux, des archives judiciaires, de livres, d’articles de même que l’ébauche de son étude finale. Historien très méthodique et consciencieux, Audet a pratiquement épuisé toutes les sources disponibles sur Dominique Mondelet. Le produit final, son essai dans les Députés, traite du personnage de façon aussi approfondie et sympathique que le laissaient présager ses notes. Les penchants d’Audet et ses points de vue sur les événements des années 1830 ressortent aussi de ses lettres à Charles-Dominique Gaudet.
Les Deux Girouettes, ou l’hypocrisie démasquée (Montréal, 1834), de La Fontaine, constitue aussi une excellente source de renseignements, le pamphlet étant exclusivement une critique des frères Mondelet et de leur comportement politique jusqu’en 1834.
Le propre pamphlet de Dominique Mondelet, publié sous le pseudonyme d’ « Un avocat », Traité sur la politique coloniale du Bas-Canada, dii,isé en deux parties : opposition dans le gouvernement, licence de la presse, Conseil législatif par voie d’élection ; réflexions sur l’état actuel du pays (Montréal, 1835), contient également des renseignements utiles. Ses 67 pages sont consacrées à l’attaque de la politique de Papineau et de celle des Patriotes ainsi qu’à l’exposé des points de vue personnels de l’auteur sur la situation politique qui prévalait juste avant la rébellion. [e. g.]
Archives paroissiales, Notre-Dame (Montréal), Registres des baptêmes, mariages et sépultures, 18 févr. 1822, 12 févr. 1838 ; Saint-Marc (Saint-Marc, Québec), Registres des baptêmes, mariages et sépultures, 23 janv. 1799.— Documents relating to constitutional history, 1819–1828 (Doughty et Story), 506–519.— Report of the state trials before a general court martial held at Montreal in 1838–9 : exhibiting a complete history of the late rebellion in Lower Canada (2 vol., Montréal, 1839).— Le Franco-Canadien (Saint-Jean, Québec), 3 mars 1863.— La Minerve, 21 févr. 1863.— Quebec Daily Mercury, 23 févr. 1863.— F.-J. Audet, Commissions d’avocats de la province de Québec, 1765 à 1849, BRH, XXXIX (1933) :582.— P.-G. Roy, Les juges de la prov. de Québec, 377.— Norah Story, The Oxford companion to Canadian history and literature (Toronto et Londres, 1967), 531.-G. Turcotte, Cons. législatif de Québec, 9.— Chapais, Hist. du Canada, III : 251 ; IV : 8s.— Christie, History of L.C., III, IV, V.— A.-D. De Celles, Lafontaine et son temps (Montréal, 1907), 12s.— Maurice Grenier, La chambre d’Assemblée du Bas-Canada, 1815–1837 (thèse de
Elizabeth Gibbs, « MONDELET, DOMINIQUE (1799-1863) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mondelet_dominique_1799_1863_9F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/mondelet_dominique_1799_1863_9F.html |
Auteur de l'article: | Elizabeth Gibbs |
Titre de l'article: | MONDELET, DOMINIQUE (1799-1863) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |