TOD, JAMES, marchand, homme politique, officier de milice et seigneur, né vers 1742, probablement en Écosse ; décédé le 16 octobre 1816 à Québec.

On ne connaît rien des premières années de James Tod ni de ses antécédents commerciaux. Même s’il se trouvait à Québec dès 1767, puisqu’il y confia un livre à Samuel Morin pour une vente aux enchères, il ne s’établit pas dans cette ville avant 1774 environ. À l’origine, son entreprise, spécialisée dans la vente de produits importés, était modeste. À l’automne de 1776, avant de partir pour la Grande-Bretagne, il fit vendre aux enchères un lot de livres « de choix » au café Simpson, lieu de multiples réunions et transactions commerciales. En novembre 1777, de retour à Québec, il acheta de Nicolas-Gaspard Boisseau, pour £750, une maison et des magasins situés dans la basse ville, entre la rue Saint-Pierre et le fleuve, « un bon [endroit] pour le commerce ». L’année suivante, il demanda sans succès au Conseil législatif de lui accorder un lot de grève adjacent à ses propriétés et de lui permettre de construire un quai pour consolider le mur arrière de sa maison, qui se détériorait. En 1779, il acheta au prix de £30 un esclave noir nommé Tom pour effectuer probablement les travaux domestiques chez lui.

En 1782, peut-être découragé de ne pas avoir obtenu le lot de grève maintes fois demandé, ou trouvant ses propriétés trop petites, il tenta de s’en débarrasser. Entre-temps, il avait commencé à diversifier ses activités commerciales. Dès 1781, il avait exporté – des fourrures avec Simon Fraser de Québec (peut-être Simon Fraser père). En 1785 et 1786, il acheta à lui seul deux lots de fourrures qui lui coûtèrent plus de £49 000. En 1785 également, tout comme William Grant (1744–1805), Peter Stuart ainsi que Mathew et Adam* Lymburner, il comptait parmi les principaux marchands de Québec engagés dans les entreprises de pêche du golfe du Saint-Laurent ; cette région était alors envahie par des pêcheurs intrus des États-Unis. Jusqu’à la fin des années 1780, Tod continua d’importer diverses marchandises – de l’alcool des Antilles et d’Europe, du sucre, du café, du tabac, du beurre d’Irlande, du savon et du vinaigre – et de les vendre, parfois en gros à d’autres marchands, dans son obscur établissement de pierre. Forcé à l’occasion de faire crédit, il perdit de l’argent, comme la plupart des marchands de l’époque, à la suite des faillites de ses clients. Même s’il avait subi sa première perte sérieuse dès 1777, le report de ses créances ne semble pas lui avoir posé de problèmes réels avant la fin des années 1780, au moment de la dépression qui suivit la guerre d’Indépendance américaine. En octobre 1785, la société Alexander Campbell and Company, de Québec, lui devait £2 000 (cours d’Angleterre) qu’il ne semblait pas pouvoir recouvrer facilement, ce qui ne pouvait pas manquer de l’inquiéter. En novembre 1788, Tod devait lui-même £636 à Peter Stuart. Sans doute pour rencontrer des fournisseurs et des créanciers, il passa quatre hivers en Grande-Bretagne entre 1783 et 1789 et y retourna plusieurs fois au cours des années suivantes, ce qui lui permit d’agir à titre de procureur pour d’autres marchands de Québec. En 1786, par exemple, il s’occupa comme syndic du paiement des dettes de John Jones à Londres. À l’époque, les faillites étaient nombreuses à Québec, et Tod y exerça la fonction de syndic, rôle souvent joué par un créancier.

Membre de la communauté homogène des marchands de la rue Saint-Pierre, où il était le voisin de Jones, de Robert Lester, de John Blackwood et de John Young, Tod suivit, sans y participer publiquement, les débats politiques qui mettaient en scène des marchands revendicateurs comme George Allsopp et William Grant. Pendant l’hiver de 1785–1786, Tod rencontra Grant et William Smith* en privé à Londres pour discuter des règlements commerciaux et du lobby des marchands qui voulaient s’assurer de la nomination de sir Guy Carleton au poste de gouverneur de Québec. Aux élections de 1792, il appuya la candidature de Lester dans la circonscription de la Basse-Ville et fut lui-même élu député de celle de Devon, dans le bas du fleuve, avec le marchand François Dambourgès. Au cours des quatre années où il siégea à la première chambre d’Assemblée du Bas-Canada, Tod vota une seule fois contre la minorité britannique dirigée par Young et John Richardson*. en décembre 1792, il se déclara favorable à ce que l’on consigne dans un registre la version française des questions soulevées en anglais. En outre, il participa modestement aux organismes communautaires dont les fondateurs étaient souvent des marchands britanniques. Il souscrivit à la Société d’agriculture, fondée en 1789 ; en 1790 et 1793, il fit partie du conseil d’administration de la Société du feu de Québec et, en 1792, il en fut trésorier. Lieutenant dans le Quebec Battalion of British Militia en 1790, il fut promu capitaine en 1804.

Même si nombre de marchands de Québec se trouvaient à la fin des années 1780 dans une situation financière précaire, Tod paraît avoir connu un succès relatif, en dépit de ses difficultés. Aidé par John Mure*, son secrétaire fraîchement débarqué, il parvint même à étendre ses biens fonciers, surtout dans la ville. En 1788, il entreprit enfin la construction du quai qu’il projetait de bâtir, même s’il n’avait pas encore obtenu le lot de grève. Deux ans plus tard, il demanda un lot de grève adjacent en vue de construire un plus grand quai « pourvu en son centre d’un bassin qui faciliterait le chargement et le déchargement » des navires. Les deux concessions lui furent finalement accordées en 1792. Au cours des cinq années suivantes, il acquit d’autres propriétés à Québec et en banlieue, notamment un entrepôt dans la basse ville qu’il acheta de Robert Grant, important marchand londonien.

À l’extérieur de Québec, Tod compta parmi les associés de Hugh Finlay qui demandèrent, en 1792, une concession de 1 200 acres de terre chacun au bord de la rivière Saint-François. La même année, il acheta de Simon Fraser père, pour £18, la seigneurie gaspésienne de Rivière-de-la-Madeleine, excellent lieu de pêche. En 1795, il loua ses droits de pêche au saumon à Joseph Freeman de Liverpool, en Nouvelle-Écosse. En mars 1796, avec Mure, Jacob Danford et Thomas Wilson, Tod acquit de la succession d’Edward Harrison* le fief de Grosse-Île, dans le bas du fleuve. En novembre de la même année, ils achetèrent ensemble, pour £50, le fief voisin de Grandville, qui comprenait l’île au Canot et l’île Patience, et qui était apprécié pour son foin, son bois et sa proximité des pêcheries. En 1799, Tod jura foi et hommage pour Grosse-Île et Grandville, qui étaient alors considérés comme des seigneuries. À compter de la fin des années 1780 environ, il administra aussi la seigneurie de Saint-Gilles, dans la région de Québec, pour l’avocat montréalais Arthur Davidson.

En 1794, probablement lors d’une visite en Angleterre, Tod obtint de jouer le rôle de représentant pour l’approvisionnement de la marine britannique à Québec, ce qui constituait un supplément appréciable à son activité normale d’importation et de vente en gros ou au détail. Il vendait entre autres du sel, de la mélasse, des briques, des « balles de marchandises » et de l’alcool, notamment du Old London Particular. Il faisait aussi le commerce des céréales : en juillet 1796, après que le gouvernement eut mis l’embargo sur l’exportation des produits agricoles pour compenser les mauvaises récoltes de l’année précédente, il demanda avec plusieurs autres marchands la permission d’approvisionner Terre-Neuve en farine et en biscuits. Il possédait au moins un schooner, le Charlotte, et, comme la plupart des marchands de la basse ville, il représentait de nombreux propriétaires de navires pendant la saison de navigation, qui était brève et mouvementée à Québec. Au cours de ces mois se trouvaient sans doute parmi les nombreux occupants de sa maison plusieurs commis et domestiques. En 1799, il avait entrepris de construire un nouveau quai, peut-être celui projeté en 1790.

La liste des marchands au détail qui devaient de l’argent à Tod s’allongea, à la suite de l’expansion de ses affaires pendant les années 1790. Le nombre de faillites parmi ces marchands devenait particulièrement problématique pour lui. En 1794, par exemple, le fils de Barthélemy Faribault, Barthélemy, qui lui devait £868, fit faillite. Entre 1795 et 1797, Tod dut emprunter £1 150 au chirurgien James Fisher*. Au cours des années 1800, il continua de faire crédit, au risque de faire faillite. En janvier 1803, le commerçant de Québec Pierre Dumas, qui lui devait £505, fit faillite lui aussi. L’année suivante, à la suite du décès d’un autre marchand insolvable, Tod put recouvrer seulement £67 sur une dette de près de £250. En décembre 1807, 192 personnes vivant entre Niagara (Niagara-on-the-Lake, Ontario) et Percé (mais surtout entre Chambly et Kamouraska) lui devaient près de £24 000, dont presque la moitié était considérée irrécouvrable ou tout comme. Même les créances qu’il croyait certaines lui causèrent des difficultés : ainsi, Pierre Bruneau, qui lui devait £6 351 et qui avait reconnu en février son incapacité à tout rembourser, obtint de Tod non seulement une prolongation mais aussi la promesse d’un escompte de plus de £1 800 s’il payait le solde à temps.

Au début des années 1800, Tod était lui-même en fort mauvaise posture. En 1803, il devait £1 654 à Kenelm Chandler. L’année suivante, il emprunta près de £500 et fut bientôt entraîné dans un tourbillon de dettes personnelles. Ses obligations à Québec étaient minimes par rapport aux £28 000 et plus qu’il devait à des créanciers en Grande-Bretagne. En mai 1807, sur les instances de la Gray, Freeman and Company, société londonienne de toiliers et principale créancière de Tod, une grande partie de ses biens fut saisie et vendue à titre d’acompte sur les dettes qu’il avait contractées en Grande-Bretagne. En novembre toutefois, comme ces dettes n’avaient que légèrement diminué, Tod dut céder les grosses sommes qu’on lui devait dans la colonie. Le mois suivant, il fit faillite selon l’opinion éclairée du voyageur Hugh Gray, c’était là le sort qu’avaient connu plus de 95 p. cent des marchands britanniques de Québec depuis 1767 environ. Tod devait encore plus de £28 000, surtout à des fournisseurs britanniques, dont la Gray, Freeman and Company et John Gillespie de Londres, la John Lean and Company de Bristol, ainsi que la Meeke, Lowndes and Company, la Jones and Smedley et William Harper de Liverpool. Bien qu’on ignore les raisons de la ruine de Tod, il se peut que la crise économique survenue en Grande-Bretagne entre 1802 et 1805 ait forcé ses créanciers à le poursuivre. La liquidation, confiée à Mure, traîna au moins jusqu’en 1817, ce qui engendra une situation pénible pour Tod.

Après sa faillite, Tod réduisit son activité, mais continua d’approvisionner la marine. Il dut toutefois se trouver un nouveau logis. En mai 1808, il quitta la rue Saint-Pierre pour emménager au second étage d’une maison de la rue de la Montagne. Deux ans plus tard, il louait toute la maison pour £100 par an, mais, en 1813, après un bref séjour rue Sainte-Famille, il emménagea à l’intersection des rues Saint-Georges (rue Hébert) et Laval dans un appartement qui ne lui coûtait que £50 par an. C’est là qu’il mourut, le 16 octobre 1816, à 74 ans environ. Il fut inhumé trois jours plus tard après des funérailles à l’église presbytérienne St Andrew. On ignore si Tod s’était marié, mais, en 1801, il avait transféré à sa fille majeure, Charlotte, les 1200 acres qu’il avait achetées dans le canton de Tewkesbury et, en 1808, il lui avait légué ses meubles et le peu qu’il restait de sa fortune antérieure.

David Roberts

AC, Québec, Testament olographe de James Tod, 22 oct. 1816 (V. P.-G. Roy, Inv. testaments, 3 : 144).— ANQ-Q, CE1-66, 19 oct. 1816 ; CN1-16, 6 févr. 1807, 8 mars 1808, 30 nov. 1809, 26 févr. 1810, 6 août 1817 ; CN1-26, 4, 7 mai, 2 oct. 1804, 20 mai 1807, 2 mai 1810 ; CN1-27, 9 mai 1811, 18 févr. 1813, 19 févr. 1814 ; CN1-92, 25 oct., 7, 27 nov. 1788, 13 juill., 13 oct. 1789, 3 août 1791, 9, 11 juill., 14 oct., 9 nov. 1793, 18 août 1794, 22 janv., 6 févr., 21 mars 1796, 12 avril, 10 mai, 28 août 1797, 23 oct., 17 déc. 1798, 10 sept. 1801 ; CN1-145, 21 juill. 1801, 7 avril 1808, 23 janv. 1810 ; CN1-147, 2 mars 1807 ; CN1-178, 27 janv., 23 avril 1795, 15 avril 1797, 5 sept., 5 oct. 1804, 5 avril 1806 ; CN1-205, 11 oct., 11 nov. 1777, 13 mars 1779, 21 janv., 18 oct. 1780, 7 juill. 1785 ; CN1-230, 12 sept., 10 oct. 1789, 17 mai 1790, 18 mai 1793, 19 avril 1796, 12 mai 1798, 14 juill. 1803, 15 nov. 1804, 21 juin 1806, 11 déc. 1807, 4 avril 1809 ; CN1-256, 19 oct. 1785, 2 juin, 7 août 1786, 24 août 1792, 7 nov. 1793, 16 janv. 1794, 16 juill. 1795 ; CN1-262, 13 juin 1803, 16 oct. 1806, 6 févr., 21 juill. 1807 ; CN1-284, 3 juin 1791, 27 avril 1793, 9, 11, 13, 27 févr., 21 mars, 2 avril 1795, 7 juin, 11 nov. 1796, 1er mai, 10 juin, 23 sept. 1797, 11 nov. 1799, 4, 31 mars 1800, 23 avril 1801 ; CN1-285, 28 oct. 1801, 29 janv. 1803.— APC, MG 8, A7, 5 : 306–325 ; 6 : 75–78 ; MG 23, GII, 26 : 7–12 ; MG 24, B1, 190 : 4972–4978 ; L3 : 8930–8938 ; MG 30, D1, 29 181, 183 ; RG 1, L3L : 33, 172, 2765s., 3002, 3019, 41629–41636, 92039–92076, 92081–92085 ; RG 4 , A1 : 20499–20501, 21707–21711 ; RG 8, I (C sér.), 372 : 172A, 179–180A ; 599 : 22–22A ; 1218 : 15 ; RG 42, sér. 1, 183 47.— ASQ, C 36 : 135 ; C 37 : 177 ; Polygraphie, XXV 19H ; S, carton 7, no 19 ; carton 9, nos 2, 2A.— BL, Add. mss 21727 : 21 (copie aux APC).— Musée McCord, J.-B. Blondeau, account-book, 1779–1787 : ff.123, 136 ; Samuel Morin, account-book, 25 août 1767.— PRO, CO 42/34 78–82 ; 42/48 : ff.147–150 ; 42/122 : 221 (mfm aux APC).— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1792–1796.— « Les dénombrements de Québec » (Plessis), ANQ Rapport, 1948–1949 : 36, 86, 135, 185.— Hugh Gray, Letters from Canada, written during a residence there in the years 1806, 1807, and 1808 [...] (Londres, 1809 ; réimpr., Toronto, 1971), 226230.— Smith, Diary and selected papers (Upton), 2 : 45s.— La Gazette de Québec, 13 oct. 1774, 26 sept., 3 oct. 1776, 6 nov. 1777, 29 oct. 1778, 24 juin 1779, 16 nov. 1780, 13 sept. 1781, 14 mars, 19 sept. 1782, 13 nov. 1783, 17 juin 1784, 1er, 8 juin, 13 juill., 16 nov. 1786, 24 mai 1787, 27 mars 1788, 28 mai, 3, 17 déc. 1789, 25 mars, 1er, 22 avril, 4 nov. 1790, 28 avril, 5 mai 1791, 5 avril, 17 mai, 20 déc. 1792, 11 avril, 8 août, 28 nov. 1793, 3 juill. 1794, 7 juill. 1795, 23, 30 mars 1797, 11 janv. 1798, 9 mai, 18 juill., 8 août 1799, 23 janv. 1800, 14 mai, 20 août 1801, 20 mai, 10 juin, 23 sept. 1802, 8 sept. 1803, 10 mai, 26 juill. 1804, 25 juill. 1805, 20 mars 1806, 9 avril, 14 mai, 17 déc. 1807, 29 janv., 27 oct. 1808, 26 janv. 1809, 22 févr., 12 avril 1810, 19 mars 1812, 2 avril, 2 sept., 30 déc. 1813, 17 oct. 1816.— Quebec Mercury, 18 oct. 1816.— Almanach de Québec, 1791 : 44, 85 ; 1794 : 125 ; 1805 : 40.— Doris Drolet Dubé et Marthe Lacombe, Inventaire des marchés de construction des Archives nationales à Québec, XVlle et XVIIIe siècles (Ottawa, 1977), nos 16151616.— Langelier, Liste des terrains concédés, 887.— London directory, 1806 : 87 ; 1807 : 95.— P.-G. Roy, Inv. concessions, 1 : 222s. ; 3 : 209.— H. A. Innis, The cod fisheries ; the history of an international economy (éd. rév., Toronto, 1954), 169, 236.— Ouellet, Hist. économique, 153,173.

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David Roberts, « TOD, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/tod_james_5F.html.

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Auteur de l'article:    David Roberts
Titre de l'article:    TOD, JAMES
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    2 oct. 2024