Né esclave, David George (mort en 1810) se convertit au christianisme et fonda la première église baptiste noire d’Amérique du Nord. Durant la guerre d’Indépendance américaine, il se joignit aux loyalistes noirs qui émigrèrent en Nouvelle-Écosse, où il prêcha et acquit un grand nombre de disciples. Mais les Britanniques ne tinrent pas leurs promesses et George observa que les Noirs étaient « traités […] aussi mal que s’[ils avaient] été des esclaves ». En 1792, il figurait parmi les hommes qui menèrent près de 2 000 Noirs en Sierra Leone, dans l’espoir que la promesse de leur donner des terres gratuites et de leur octroyer le plein statut de sujets britanniques serait respectée.
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GEORGE, DAVID, prédicateur baptiste, né vers 1743 dans le comté d’Essex, en Virginie, fils des esclaves africains John et Judith ; décédé en 1810 à Freetown, Sierra Leone.

Esclave d’un dénommé Chapel, David George fut utilisé dans sa jeunesse comme porteur d’eau et cardeur de coton ; plus âgé, il prit place parmi les esclaves adultes, dans les champs de maïs et de tabac. Son maître était « très méchant envers les nègres » : George vit avec horreur sa mère dépouillée de ses vêtements et fouettée ; lui-même fut flagellé « jusqu’à ce que le sang [eût] coulé sur [sa] ceinture ». En 1762, à l’âge de 19 ans environ, son indépendance d’esprit s’affirma et il s’enfuit. Pourchassé par le fils de son maître, il s’enfonça de plus en plus profondément au sud, pour enfin trouver refuge, en 1764 ou 1765, parmi les Natchez. C’est là qu’un Blanc, du nom de George Galphin (Gaulfin, Gaulphin), l’acheta des Indiens et le fit travailler dans sa propriété, à Silver Bluff, près de la rivière Savannah, à environ 12 milles d’Augusta, en Géorgie.

À Silver Bluff, George épousa Phillis, elle-même esclave, et commença à élever une famille. Peu après, au moment où il était initié au christianisme par un compagnon de couleur, il se mit à assister aux services religieux célébrés dans le domaine et présidés par George Liele, prédicateur baptiste de couleur, mais affranchi, et par « Brother Palmer », qu’un chercheur a identifié comme étant Wait Palmer, prédicateur baptiste blanc du Connecticut. À un moment donné, entre 1773 et 1775, Palmer organisa la communauté baptiste Silver Bluff, qui fut la première congrégation baptiste noire et peut-être la première congrégation noire de toute confession, en Amérique du Nord. George en devint le principal conseiller presbytéral et il y prêchait entre les visites de Palmer et de Liele.

Quand éclata la révolution, en 1775, le gouverneur de la Virginie, lord Dunmore, publia une proclamation dans laquelle il offrait la liberté à tout esclave propriété d’un rebelle qui se joindrait aux forces loyalistes. Des milliers d’esclaves, alléchés par l’offre de Dunmore, abandonnèrent leurs maîtres et affluèrent dans le camp britannique. À Silver Bluff, selon ce que George affirma par la suite, on ne permettait pas aux prédicateurs de visiter les esclaves, « de crainte que [ceux-ci] ne donnent trop de renseignements ». C’est dans ces circonstances que la congrégation noire éleva George à la dignité de pasteur. En 1778, les Britanniques, s’étant emparés de Savannah, menaçaient Silver Bluff ; Galphin abandonna alors son domaine et prit la fuite, laissant aux esclaves le soin de se débrouiller. George et un groupe de 50 autres Noirs se rendirent alors accueillir les Britanniques et réclamer leur protection, à titre de Loyalistes de race noire.

Une liste de Loyalistes de couleur, datée de 1791, indique que George s’était fait soldat dans le parti loyaliste. Dans ses mémoires, toutefois, il n’affirme rien de tel. Selon cette dernière source, il travailla aux fortifications de Savannah pendant le siège de la ville par les forces américaines ; mais, la plus grande partie de la guerre, il la passa avec son collègue Liele, à prêcher parmi les Loyalistes de couleur. Il gagnait sa vie en exploitant un petit étal de boucher. Lors de la chute de Savannah aux mains des Américains, il s’établit à Charleston, en Caroline du Sud ; et quand un sort semblable eut frappé cette ville, il accompagna les Britanniques et des milliers de Loyalistes blancs à Halifax, où il arriva en décembre 1782.

Vie en Nouvelle-Écosse 

Résolu de porter la bonne nouvelle à ses frères noirs, George, en juin 1783, alla s’établir à Shelburne, en Nouvelle-Écosse, où 1 500 Loyalistes de couleur s’étaient fixés deux mois plus tôt. Au début, les magistrats locaux lui interdirent de présider ses services à l’intérieur du village ; aussi établit-il un campement « dans les bois », vers lequel sa prédication attira des Noirs « de proche comme de loin ». Cependant, un Blanc sympathique lui ayant fait don d’un emplacement au village, George commença de présider ses réunions à Shelburne même. Au milieu de l’année 1784, une chapelle avait été construite et la congrégation comptait 50 Noirs et quelques Blancs.

Les problèmes de George n’en étaient pas finis pour autant : en sa double qualité de Noir et de dissident, il continua de subir l’opposition non seulement des colons blancs, mais aussi des Noirs d’autres confessions. À l’été de 1784, une quasi-émeute éclata quand une bande d’individus tenta d’empêcher le baptême d’un couple de race blanche au cours de l’un des offices célébrés par George. À la suite de cet incident, selon ce dernier, « la persécution augmenta et devint si grande qu’il ne semblait pas possible de prêcher ; et [il] pensa devoir quitter Shelburne ». L’affaire connut son sommet quand, à la fin de juillet et au début d’août, des soldats sans emploi, qui en avaient contre la main-d’œuvre à bon marché que représentaient les gens de couleur, attaquèrent le district noir de Shelburne et sortirent de force George de sa chapelle. Ce dernier, en compagnie de nombreux Noirs de Shelburne, chercha refuge à Birchtown, non loin de là. Il y demeura quelques mois, prêchant et baptisant 20 autres Loyalistes de couleur, mais même là il se heurta à de l’hostilité, cette fois celle des Noirs anglicans et méthodistes. Il retourna donc à Shelburne en décembre 1784 et reprit possession de sa chapelle.

La renommée de George comme prédicateur commença de s’étendre au delà de Shelburne : pendant les années 1780, il fut invité à prêcher dans des communautés, à travers toute la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. À Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, il célébra un baptême collectif, dans la rivière, auquel étaient présents des Blancs comme des Noirs, mais certains autres Blancs se plaignirent, et George dut obtenir un permis, qui l’autorisait « à instruire les Noirs dans la connaissance du christianisme et à les exhorter à le mettre en pratique ». En clair, cela signifiait qu’il ne devait pas prêcher aux citoyens de race blanche ni les baptiser. Après avoir organisé des congrégations baptistes noires tant à Fredericton qu’à Saint-Jean, il retourna en Nouvelle-Écosse et visita Preston (où il construisit une chapelle), Horton et Liverpool.

Les tournées missionnaires de George lui acquirent un plus grand nombre de disciples que n’en eut jamais aucun prédicateur batiste de son temps, noir ou blanc, en Nouvelle-Écosse ou au Nouveau-Brunswick. Son succès venait en partie du style passionné de sa prédication. Un Blanc de Shelburne qui avait visité sa chapelle décrivait la scène suivante : une congrégation si fortement émue qu’elle ne pouvait s’empêcher de lancer, en pleurant, des hosannas, et un David George obligé lui-même d’interrompre son sermon à cause des larmes qui coulaient de son visage. Ses succès tenaient encore au fait que la sorte de religion qu’il présentait répondait à quelques-uns des besoins les plus profondément ressentis par les Loyalistes de couleur. Dès le moment de leur arrivée en Nouvelle-Écosse, ils avaient été traités d’une manière discriminatoire : au contraire des Blancs, qui recevaient des provisions pour trois ans en s’établissant dans la colonie, les Loyalistes noirs n’en recevaient que pour 80 jours ; en conséquence, ils devaient, pour vivre, aller travailler aux chemins. En outre, un tiers seulement des Loyalistes noirs qui immigrèrent en Nouvelle-Écosse obtinrent des concessions de terre ; et même ces heureux se voyaient accorder des lopins juste assez grands pour un potager. Dans ces conditions, il n’était guère surprenant que George obtînt de si grands succès comme prédicateur, car ses chapelles offraient aux Noirs la liberté et l’égalité, ce dont justement ils ne jouissaient pas dans une société dominée par les Blancs. En même temps, comme les Loyalistes noirs étaient pour la plupart d’anciens esclaves, ils se sentaient naturellement attirés par un prédicateur qui leur donnait la chance de gérer les affaires de leur congrégation d’une façon complètement indépendante de toute autorité blanche extérieure.

À la recherche d’une vie meilleure en Sierra Leone

En plus de répandre le message baptiste dans toute la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, George se joignit à d’autres prédicateurs noirs, notamment Boston King et Thomas Peters*, pour mener à bien le projet d’une émigration massive des Loyalistes noirs en Sierra Leone. En 1790, plusieurs centaines de Noirs, bouleversés du fait qu’ils n’avaient pu obtenir les concessions de terre auxquelles ils avaient droit, choisirent Peters pour qu’il allât porter leurs griefs devant le gouvernement britannique. En réponse à ces plaintes de mauvais traitement, la Sierra Leone Company, organisation philanthropique pour la création d’une colonie d’esclaves affranchis, offrit de transporter les Loyalistes noirs en Afrique, de les pourvoir de terres gratuites et de leur garantir le plein statut de sujets britanniques. George devint un ardent partisan de ce projet ; il apporta son aide au lieutenant John Clarkson, de la marine royale, que la Sierra Leone Company avait envoyé en Nouvelle-Écosse pour y recruter des émigrants, en portant son invitation aux Noirs du comté de Shelburne.

« Les Blancs de la Nouvelle-Écosse ne voulaient pas du tout que nous partions, rappela George plus tard, bien qu’ils eussent traité beaucoup d’entre nous comme si nous avions été des esclaves. » La raison en était que les Loyalistes noirs sans terre fournissaient le gros de la main-d’œuvre disponible en Nouvelle-Écosse, comme du reste ils offraient un débouché pour les produits agricoles des Blancs. George reçut personnellement des menaces ; de prétendues dettes et obligations furent imaginées pour garder les Noirs dans la colonie ; on offrit des pots-de-vin ; et une vigoureuse campagne de propagande fut menée pour convaincre les Noirs que la Sierre Leone Company avait l’intention de les vendre comme esclaves. Malgré cette opposition, 1 196 Loyalistes noirs, soit environ un tiers de tous les Loyalistes de couleur de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, s’embarquèrent avec Clarkson en janvier 1792. Parmi eux se trouvaient presque tous les baptistes qui fréquentaient les chapelles de George à Saint-Jean, Fredericton, Preston et Shelburne. Clarkson répartit ses émigrants noirs en compagnies, chacune placée sous les ordres d’un capitaine qui devait maintenir la discipline et diffuser les renseignements ; au-dessus de ces compagnies, il mit trois surintendants : Thomas Peters, le prêcheur méthodiste John Ball et George.

Malheureusement, la grande promesse de la mission de Clarkson n’allait point se réaliser. L’inconfort, le fait que la compagnie ne donna pas de terres gratuites, et, par-dessus tout, la subordination de ces Loyalistes noirs, à la recherche de l’indépendance, à un gouvernement blanc nommé par Londres, tout cela amena un affrontement, le 8 avril 1792, entre Clarkson et Thomas Peters. George avait une grande admiration et beaucoup d’amitié pour Clarkson et peu de sympathie pour Peters : il rallia donc ses baptistes, alors le groupe religieux le plus nombreux de la colonie, à l’appui de Clarkson. C’est ainsi qu’à partir de ce moment, il fut responsable du maintien de l’autorité de la compagnie à Freetown.

En décembre 1792, George accompagna Clarkson à Londres, où il resta jusqu’en août 1793, visitant les baptistes anglais et recueillant de l’argent pour sa mission africaine. Il y dicta aussi ses mémoires au rédacteur du Baptist annual register, laissant ainsi à la postérité l’un des rares documents d’un Loyaliste de couleur. Pendant son séjour à Londres, ses compatriotes de la Sierra Leone eurent un conflit avec leur nouveau gouverneur, William Dawes ; les travailleurs se mirent en grève contre les employeurs de la compagnie, et une assemblée publique envoya des délégués à Londres dans une tentative infructueuse pour obtenir une nouvelle forme de gouvernement. George ne vécut aucun de ces moments et ne connut pas leur impact émotionnel, de sorte qu’il était prêt, à son retour dans la colonie, à continuer de croire à la bonne foi des hommes qui l’avaient traité avec bonté et justice.

En Sierra Leone, George se consacra à la « vigne du Seigneur », tant dans le sens figuré que dans le sens littéral de l’expression : il tint un cabaret et il se lança dans un travail apostolique auprès des Africains des environs, comme aussi de sa congrégation de Freetown. Jusqu’à sa mort, en 1810, il continua d’éviter les révoltes contre l’autorité de la compagnie. Ceux qui, parmi les baptistes, étaient sympathiques aux demandes des « Néo-Écossais » plus radicaux se séparèrent de leur pasteur, ce qui marqua, pour George, le début du déclin de son influence et de celle de la dénomination baptiste. Après 1808, les baptistes perdirent la suprématie qu’ils avaient connue en 1792 et devinrent la plus petite confession de la colonie, une confession de plus en plus associée à la pauvreté et à un rang social inférieur.

S’il n’a pas son monument en Sierra Leone, David George est encore considéré comme une figure centrale des débuts de l’Église baptiste en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Grâce à son apport et à ceux de prédicateurs postérieurs comme Richard Preston*, l’Église baptiste fut peu à peu édifiée pour devenir la confession la plus nombreuse parmi les Noirs des Maritimes. Pour ces gens, David George reste un pionnier héroïque et bien-aimé.

James W. St G. Walker

L’autobiographie de David George, intitulée « An account of the life of Mr. David George, from Sierra Leone in Africa ; given by himself in a conversation with Brother Rippon of London, and Brother Pearce of Birmingham », a été publiée dans le Baptist annual reg. (Londres), 1 (1790–1793) : 473–484. Quelques lettres de George de la Sierra Leone apparaissent également dans le Baptist annual reg., 2 (1794–1797) : 94–96, 215s., 255s., 409s.

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Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

James W. St G. Walker, « GEORGE, DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/george_david_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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