WADDINGTON, ALFRED PENDERELL, auteur et promoteur de chemins de fer, né à Crescent House, Brompton, Londres, le 2 octobre 1801, décédé célibataire, à Ottawa, le 26 février 1872. Il était le sixième fils de William Waddington, marchand et banquier de Londres et de Paris, et de Grace Valentine Sykes, descendante des Penderell qui cachèrent Charles II dans un chêne après la bataille de Worcester.

Alfred Penderell Waddington fit ses études primaires en Angleterre mais, en 1818, après la mort de son père, il rejoignit un de ses frères plus âgés, Thomas, qui était alors le chef de la branche française de la famille, et dont les fils devaient plus tard occuper une situation de premier plan dans la vie publique française. À Paris, Alfred Waddington fréquenta l’école spéciale du Commerce et passa ensuite deux ans en Allemagne, à l’université de Göttingen et à Leipzig. En 1823, il fonda avec son frère Thomas une compagnie pour l’exploitation d’une fonderie, mais leur association se termina en 1825. C’était là la première de toute une suite d’entreprises commerciales infructueuses qui faisaient dire à Alfred en 1841 : « Depuis 20 ans, je n’ai fait que lutter contre l’adversité ; ma vie n’a été faite que de déceptions et il semble bien que ce n’est pas fini. » À cette époque, il était administrateur d’une forge à Lanvaux, près d’Auray en Bretagne, et occupa ce poste de 1829 jusque vers 1845, date à laquelle il partit s’installer à Épinac, en Bourgogne. Son frère préféré, Frederick, l’avait aidé à maintes reprises et ce fut encore lui qui lui fournit les fonds nécessaires lorsque, attiré par la ruée vers l’or, Alfred s’embarqua pour la Californie, en mai 1850. En 1854, il était associé dans l’affaire d’épicerie en gros Dulip and Waddington de San Francisco. Le commerce prospéra et, lorsque la ruée vers l’or commença en 1858 dans le fleuve Fraser, Waddington partit pour Victoria où il ouvrit une succursale. Il avait à cette époque 57 ans et devait être l’un des chercheurs d’or les plus âgés et les plus instruits.

Waddington s’adapta vite à la vie de son nouveau pays, dont il découvrit bientôt les ressources et au développement duquel il se consacra. Les premiers gisements aurifères que l’on avait découverts étaient situés à des endroits peu profonds le long des rives du Fraser, dans le voisinage de Hope et de Yale. Ils furent vite épuisés, et des milliers de mécontents commencèrent à quitter le pays. Dans le but d’enrayer cet exode et de rétablir la bonne réputation de l’Île-de-Vancouver et de la Colombie-Britannique, Waddington fit paraître en novembre 1858, The Fraser mines vindicated, or the history of four months (Victoria), le premier livre, en dehors des publications officielles, imprimé dans l’Île-de-Vancouver. Il se trouva vite mêlé à la politique, en se joignant à Amor De Cosmos* et d’autres dans leur opposition aux pouvoirs et aux méthodes autoritaires du gouverneur James Douglas et de la Hudson’s Bay Company. En 1859, Waddington publia, sous le couvert de l’anonymat, une brochure intitulée The necessity of reform : a tract for the times ; addressed to the colonists of Vancouver Island (Victoria). Au début de 1860, il fut élu à la chambre d’Assemblée où il représenta la circonscription de Victoria, mais il démissionna en octobre 1861 pour se consacrer uniquement à la construction de routes, entreprise qui devait le rendre célèbre. En 1862, il participa à la rédaction de la charte de la ville de Victoria mais il refusa de se présenter comme premier maire tel qu’on le lui proposait.

En 1861, les prospecteurs qui avaient remonté le Fraser découvrirent les premiers riches gisements aurifères de la région du Cariboo ; l’endroit connut alors une fièvre et une activité sans cesse grandissantes. Les nouveaux gisements étaient situés très à l’intérieur du pays et les canyons du Fraser rendaient les transports difficiles et onéreux. Waddington se rendit compte bien vite qu’on pouvait y parvenir plus facilement par terre, en partant d’une des nombreuses anses le long de la côte. Il s’était attaché à Victoria et en était devenu un ardent partisan dans la rivalité qui existait entre cette dernière et New Westminster. Il ne fait aucun doute que l’attrait du plan de Waddington venait de ce qu’il promettait de donner à Victoria le monopole des échanges commerciaux avec les nouvelles mines.

À l’époque, on ignorait presque tout de l’arrière-pays côtier, mais Waddington décida que l’anse de Bute était probablement celle qui convenait le mieux à son objectif. Il se rendit sur place en septembre et y laissa une équipe de reconnaissance qui revint en octobre, porteuse de nouvelles encourageantes basées en grande partie sur les renseignements obtenus des Indiens. Waddington prévoyait d’établir un port dans le fond de l’anse de Bute et, partant de là, de construire une route qui remonterait la vallée de la rivière Homathko et continuerait vers l’est jusqu’au fleuve Fraser, dans le voisinage d’Alexandria, soit à une distance d’environ 160 milles. Après des négociations avec le gouverneur Douglas pendant l’hiver, il reçut une charte en mars 1862 qui l’autorisait à construire à l’endroit proposé un sentier pour cavaliers ou une piste ; il y eut presque immédiatement un additif autorisant la construction d’une route au lieu d’une piste. La durée de la concession était de dix ans et Waddington était autorisé à percevoir un péage.

Les équipes d’ouvriers partirent immédiatement pour l’anse. Malgré les obstacles formidables qu’ils rencontrèrent dans le canyon de la rivière Homathko, au mois de novembre ils étaient parvenus en fait à terminer 33 milles de route, lorsque, à cause de la venue de l’hiver, il fallut arrêter les travaux. En 1863, en revanche, la construction de la route n’avança guère, les crues ayant emporté les ponts et causé d’autres dommages ; de plus, on n’avait trouvé aucun moyen de continuer la route jusqu’à l’extrémité du canyon. Enfin, Waddington était pris par le temps, ce qui n’arrangeait pas les choses. Douglas avait fait activer la construction de deux autres routes pour desservir la région du Cariboo, l’une d’elles partant à la source du lac Harrison et l’autre remontant le fleuve Fraser à partir de Yale. La première fut ouverte à la circulation au cours de l’été de 1863, et il était évident que l’autre serait prête avant un an. Pourtant Waddington refusa de se laisser abattre et, pendant l’hiver de 1863–1864, il vendit ses biens de Victoria pour financer les travaux de la saison à venir. Ceux-ci furent tragiquement interrompus en avril 1864, lorsque ses équipes de travail furent attaquées par les Chilcotins, conduits par leur chef Klattsasine*, qui tuèrent 19 ouvriers. Frederick Seymour*, qui avait succédé à Douglas en qualité de gouverneur de la Colombie-Britannique, réagit promptement et ce conflit, que l’on appela la « guerre des Chilcotins », se termina par l’arrestation des meurtriers, dont cinq furent exécutés. Ayant investi environ $50 000 dans la construction de la route, Waddington demanda une indemnisation qui lui fut refusée ; après avoir vainement essayé de trouver des fonds, il fut obligé d’abandonner son projet. En juin 1865, alors qu’il était désespérément en quête d’un emploi, il fut nommé surintendant des écoles de l’Île-de-Vancouver, fonction nouvellement créée et qu’il assuma avec compétence jusqu’en novembre 1866, époque à laquelle la colonie de Vancouver fut annexée à la Colombie-Britannique.

Les événements qui se déroulaient à l’extérieur de la province incitèrent Waddington à reprendre son projet et à lui donner plus d’ampleur. Il était maintenant certain qu’on était à la veille de l’établissement d’une confédération des provinces de l’est de l’Amérique du Nord britannique, et que finalement Rupert’s Land et la Colombie-Britannique en feraient partie. Les transports entre l’Est et l’Ouest deviendraient alors une chose essentielle. Waddington était en outre très alarmé par l’avancement des travaux d’un chemin de fer allant en Californie. Il craignait qu’il ne détournât vers les États-Unis une grande partie du commerce avec l’Asie et pensait que le gouvernement britannique devait riposter en encourageant la construction d’une voie de communication transcontinentale en territoire britannique. Il envisagea tout d’abord un genre de tramway, le long de la route de l’anse de Bute et du fleuve Fraser, itinéraire prévu pour le chemin carrossable qu’il devait construire, mais le projet se transforma bientôt en un plan pour la construction d’une voie ferrée, qui continuerait par la passe de la Tête-Jaune pour atteindre Edmonton et la rivière Rouge. C’est ce projet qu’il décrivit dans une brochure publiée à Victoria en juin 1867, et qui avait pour titre Overland communications by land and water through British North America.

Afin de défendre son projet, Waddington quitta Victoria, en septembre 1867, et partit pour Londres où il se vantait d’avoir été en relations avec des gens « qui avaient des moyens et possédaient une réputation de premier ordre dans le monde de la finance ». Le 9 mars 1868, il donna à la Royal Geographical Society une conférence au cours de laquelle il expliqua son plan. Celui-ci souleva un certain intérêt et incita sir Harry Verney à proposer à la chambre des Communes la création d’une commission chargée d’enquêter sur la colonisation des régions de la Rivière-Rouge et de la Saskatchewan. La proposition fut suivie d’un débat qui eut lieu le 9 juin, mais elle fut retirée en raison des négociations en cours concernant l’avenir de Rupert’s Land. En septembre, Waddington fit paraître une seconde brochure : Overland route through British North America ; or, the shortest and speediest road to the east (Londres), qui définissait ses projets et soulignait leur importance pour le commerce avec l’Asie. À cette époque, il avait encore en vue une route par terre et par voies fluviales qui réduirait les coûts de construction en utilisant des rivières et des lacs navigables, lorsqu’il en existait sur le parcours, mais sa carte montrait également un tracé composé uniquement de chemins de fer. En 1869, dans son projet révisé intitulé Sketch of the proposed line of overland railroad through British North America (Londres), il n’indiquait rien d’autre qu’un tracé ferroviaire.

En 1870, Waddington se trouvait à Ottawa où il cherchait des appuis à son projet et se renseignait sur la possibilité d’obtenir une charte pour la construction de son chemin de fer. En décembre, il fut reçu par sir John A. Macdonald*, qui parla de concessions de terres qu’on accorderait largement et de la possibilité de donner des subventions, mais ce dernier ajouta qu’on ne pouvait rien faire avant l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération. On n’a jamais su le nom des commanditaires anglais dont avait parlé Waddington mais, quand il rencontra à nouveau Macdonald en juillet 1871, il était évident que son principal appui financier provenait des Américains et notamment de George W. McMullen et de Charles M. Smith, tous deux de Chicago. Macdonald ne prit aucun engagement, s’abritant derrière le fait qu’il n’avait reçu aucune délégation de pouvoir du parlement : Waddington sortit de cette rencontre convaincu évidemment que tout allait bien et qu’il n’avait plus qu’à attendre l’approbation de la chambre des Communes. Il semble bien qu’il était dans cet état d’esprit optimiste lorsqu’il attrapa la variole et mourut à Ottawa, en février 1872. Mais, en réalité, il n’y avait pratiquement aucune possibilité que sa demande d’une charte en vue de la construction du chemin de fer du Pacifique fût acceptée. Macdonald voulait à tout prix empêcher que l’entreprise ne tombât dans les mains des Américains et il s’était sans doute déjà rendu compte que McMullen était une force dont il fallait tenir compte.

En parlant de sa rencontre avec Waddington et ses associés, qui avait eu lieu en juillet 1871, Macdonald faisait remarquer que « leur entreprise était à la fois prématurée et était inutilement précipitée par ce respectable et vieil imbécile de Waddington ». Le trait était cruel, mais Waddington était sans aucun doute un vieil optimiste, toujours pressé d’aboutir. Un ami qui le rencontra à Ottawa en juin 1870 écrivit à son sujet : « Alfred Waddington est ici, où il travaille à son projet de chemin de fer. Comme toujours, il est très confiant quant à sa réussite. » Chartres Brew*, homme perspicace et directeur de la police de la Colombie-Britannique, disait que Waddington était « un des hommes les plus optimistes et l’un des plus imaginatifs qu’[il] ait jamais rencontrés, prompt à s’enthousiasmer pour n’importe quel sujet auquel il se consacre ». On a dit qu’il avait eu le premier l’idée d’un chemin de fer canadien transcontinental mais cette assertion est fausse. Ce projet avait été étudié longtemps avant qu’il ne s’y intéressât. Toutefois ses brochures et ses plans contribuèrent beaucoup à vulgariser cette idée et à créer l’atmosphère grâce à laquelle on en vint à considérer la construction de ce chemin de fer comme une nécessité.

Waddington fut enterré au cimetière St James, dans la banlieue de Hull, Québec. Plusieurs sites géographiques canadiens portent son nom, les plus importants étant le mont Waddington (13 260 pieds), le plus haut sommet de la chaîne côtière de la Colombie-Britannique, et le canyon Waddington de la rivière Homathko.

W. Kaye Lamb

APC, FM 26, A (Papiers Macdonald), 519.— PRO, CO 60/22, 225.— Colonist (Victoria), 1858–1873.— Creighton, Macdonald, old politician, 106s.— Ormsby, British Columbia, 205s.— J. P. Waddington, Who’s who in the family of Waddington (Londres, 1934), 152s., 217–229, 474.— R. L. Reid, Alfred Waddington, MSRC, 3e sér., XXVI (1932), sect. ii : 13–27.

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W. Kaye Lamb, « WADDINGTON, ALFRED PENDERELL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/waddington_alfred_penderell_10F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
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