VAUGHAN, WILLIAM, entrepreneur en pêcheries et en exploitation forestière, né le 12 septembre 1703 (ancien style) à Portsmouth, New Hampshire, fils aîné de George Vaughan*, lieutenant-gouverneur du New Hampshire, et d’Elizabeth Elliot, décédé célibataire le 11 décembre 1746 à Bagshot, Angleterre.
Après avoir terminé ses études au Harvard College en 1722, William Vaughan exerça la profession de commerçant à Portsmouth ; il se lança alors dans l’industrie de la pêche à l’île Matinicus (Maine), au large de la baie de Penobscot. Quelques-uns de ses bateaux pêchaient également au large de Terre-Neuve. Vers 1732, toutefois, il s’était tourné vers l’exploitation forestière dans la région de Damariscotta. À « Damariscotty Falls », où il avait bâti une petite colonie prospère en pleine région inculte, Vaughan vivait la vie d’un baron féodal.
À l’automne de 1744, peu après le début des hostilités entre la France et l’Angleterre, Vaughan se rendit à Boston. Il y rencontra quelques-uns des soldats que les Français avaient fait prisonniers à Canseau (Canso, N.-É.) en mai, puis amenés à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton) et ensuite échangés contre des Français gardés prisonniers au Massachusetts [V. Patrick Heron]. Ils prétendirent qu’un corps expéditionnaire de la Nouvelle-Angleterre, même restreint, pourrait facilement prendre d’assaut la forteresse de Louisbourg. Vaughan, inquiet de la menace que faisaient peser sur son commerce de bois les incursions françaises et indiennes, fut séduit par l’idée et mit son énergie débordante, son « intelligence audacieuse, entreprenante et tenace » au service de sa réalisation. Il fut toujours un homme instable et il semble qu’à l’époque, insatisfait de la vie qu’il menait dans cette région isolée que constituait le Maine, il ait voulu s’assurer renom et prestige en se lançant dans cette nouvelle entreprise. Vers la fin de décembre 1744, il était arrivé à la conclusion que Louisbourg pourrait être investie par « des forces de la Nouvelle-Angleterre qui comprendraient 1 500 miliciens sans formation militaire, quelques échelles de siège et quelques embarcations armées ». Assuré d’un apport considérable de la partie est du Massachusetts pour mener à bien son audacieux projet, Vaughan, en janvier 1744/1745, soumit à William Shirley*, gouverneur du Massachusetts, « un plan en règle » pour surprendre Louisbourg et s’en emparer. Plus tard, Vaughan et John Bradstreet*, chacun de son côté, prétendront à la paternité de ce projet naïf. Vraisemblablement, le plan qui avait été soumis à Shirley fut préparé par Bradstreet puis revisé par Vaughan.
Vaughan se rendait bien compte qu’on ne mettrait jamais le projet à exécution à moins que Shirley ne l’appuie vigoureusement. Même si Shirley voulut bien recommander le plan de Vaughan, la General Court du Massachusetts ne fut pas d’accord pour autant. Le refus de celle-ci ne découragea pas Vaughan : il n’en fut que plus décidé à exercer des pressions sur elle afin qu’elle revienne sur sa décision. Il réussit donc à convaincre une bonne centaine parmi les principaux entrepreneurs en pêcheries de Marblehead et plus de 200 commerçants de Boston, de réclamer de la General Court qu’elle organise une expédition contre Louisbourg. Il continua par ailleurs à entretenir chez Shirley la flamme de l’enthousiasme. Le 25 janvier 1744/1745, par une seule voix de majorité, la General Court décida de l’attaque contre Louisbourg.
Lorsque l’expédition quitta la Nouvelle-Angleterre, au début du printemps, sous les ordres de William Pepperrell, Vaughan qui avait reçu le grade de lieutenant-colonel, n’exerçait pas de commandement particulier. Sa proposition de prendre la tête de l’expédition avait été écartée par Shirley qui le jugeait « un rêveur fantasque et extravagant ». Cette déception n’avait pas empêché Vaughan de consacrer beaucoup de temps et d’énergie au recrutement de nombreux volontaires. Les troupes débarquèrent sans encombre dans la baie de Gabarus, à l’île du Cap-Breton, le 30 avril, et Pepperrell ordonna alors à Vaughan de prendre la tête d’un détachement de 400 ou 500 hommes afin d’aller déloger les Français de l’extrémité nord du port de Louisbourg. Apparemment, aucun autre officier n’avait voulu assumer cette charge. Vaughan ne tarda pas à perdre la maîtrise de ses hommes surtout avides de pillage, et, à l’aube du 2 mai, il se retrouva avec seulement une douzaine d’hommes dans le campement installé à moins d’un quart de mille de la batterie Royale qui commandait l’entrée du port. Vaughan, qui ne voyait aucun signe de vie à l’intérieur de la batterie et qui redoutait une ruse de la part des Français, soudoya un Indien en lui donnant une bouteille d’alcool afin qu’il aille personnellement se rendre compte. Il s’avéra que la batterie était abandonnée et le canon inefficacement encloué ; Vaughan prit fièrement possession de la place. La réussite inespérée de son expédition ne servit qu’à envenimer des relations déjà fort tendues avec Pepperrell et ses autres officiers supérieurs.
Vaughan se dépensa tout au long du siège malgré la jalousie et le manque de considération qu’il croyait déceler chez les autres officiers. Il se porta volontaire, le 11 mai, pour conduire l’assaut de la batterie de l’Îlot mais Pepperrell n’accepta pas sa proposition. Pepperrell, qui en avait reçu une semblable de la part du général de brigade Samuel Waldo, décida d’écarter les deux offres et de surseoir indéfiniment à la tentative. Vaughan se sentit mortifié mais il résolut de concentrer toute son attention sur la construction de batteries de siège. Il dirigea les opérations de creusage, « soutenant sans cesse par ses encouragements le moral des troupes, devenu bien bas en raison des corvées exceptionnelles et du travail épuisant ». Le 19 mai, nullement ébranlé du fait qu’il ne connaissait rien à l’artillerie, Vaughan chargea à l’excès un canon de 42 livres dressé sur la batterie avancée, située à quelque 220 verges de la porte ouest de la cité. L’explosion qui en résulta mit le canon en pièces, en démonta un autre, détruisit presque entièrement deux barils de poudre, « tua deux hommes et en blessa deux autres ». Vaughan aida ensuite à dresser la batterie du Phare de l’autre côté du port. Cette batterie, en détruisant celle de l’Îlot, prépara la reddition de la forteresse qui survint le 17 juin.
À cause de la part qu’il avait prise non seulement dans l’organisation de l’expédition mais dans la prise même de Louisbourg, Vaughan s’attendait à être dépêché à Londres, porteur de la nouvelle de la victoire. Mais il semble que Pepperrell et le commodore Peter Warren, commandant de la flotte britannique qui fit le blocus de Louisbourg, aient voulu se réserver tout le mérite, refusant à Vaughan la part de récompense qui lui revenait. Vaughan partit pour Londres en juillet, à titre privé, mais les mémoires qu’il présenta au duc de Newcastle et à George II et dans lesquels il sollicitait, entre autres fonctions, celle de gouverneur de la Nouvelle-Écosse, restèrent lettre morte. La petite vérole l’emporta le 11 décembre 1746.
New Hampshire Hist. Soc., Vaughan papers, Waldron papers.— PRO, CO 5/753.— Jeremy Belknap, The history of New Hampshire (2e éd., 3 vol., Boston, 1813), II : 154–155, 168.— William Douglass, A summary, historical and political, of the first planting, progressive improvements, and present state of the British settlements in North-America [...] (2 vol., Boston, 1747–1752 ; Londres, 1755 ; Londres, 1760), I : 348.— Louisbourg journals (De Forest), 57.— The Pepperrell papers, Coll. of the Mass. Hist. Soc., 6e sér., X (1899).— PRO, JTP, 1741/42–1749, 175.— Shipton, Sibley’s Harvard graduates, VII : 128–136.— Bell, Foreign Protestants.— McLennan, Louisbourg, 109–166, 360–369.— Rawlyk, Yankees at Louisbourg ; New England origins of the Louisbourg expedition of 1745, Dal. Rev., XLIV (1964–1965) : 469–493.— William Goold, Colonel William Vaughan, of Matinicus and Damariscotta, Coll. of the Maine Hist. Soc., 1re sér., VIII (1881) : 293–313.
G. A. Rawlyk, « VAUGHAN, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/vaughan_william_3F.html.
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Auteur de l'article: | G. A. Rawlyk |
Titre de l'article: | VAUGHAN, WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |