Titre original :  Henry Usborne (1778) portrait

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USBORNE, HENRY, homme d’affaires et seigneur, né vers 1780 ; décédé le 23 juillet 1840 à Ryde, île de Wight, Angleterre.

En 1801, Henry Usborne vivait à Londres ; selon ses propres termes, il était alors un « gros manufacturier » de bois et un associé de « l’une des principales maisons » qui commerçaient avec la Russie par la mer Baltique. L’année précédente, la « neutralité armée » de la Russie, de la Suède et du Danemark, quoique temporaire, avait failli priver la Grande-Bretagne et sa marine, en guerre contre la France napoléonienne, de leurs sources de bois d’œuvre ; du même coup, elle fit voir à la compagnie d’Usborne l’urgence de trouver de nouveaux marchés d’approvisionnement. Au début de 1801, Usborne s’installa donc à Québec (il était probablement le premier grand marchand de bois de la Baltique à venir dans la colonie) et annonça son « intention expresse » d’y créer un commerce de bois semblable à celui qui se faisait avec la Russie.

A sa première saison, Usborne acheta une vaste cour à bois à l’anse au Foulon, à Québec, et fit l’acquisition de terres à bois et de scieries ; sur la rivière Maskinongé seulement, il acheta un moulin à huit scies et 2 000 acres de terre et demanda une concession foncière de 6 000 à 10 000 acres. En même temps, il prépara, pour 1802, l’envoi de sept cargaisons de pin en Grande-Bretagne ; dès 1803, ses exportations remplissaient 20 navires. Cette année-là, un certain « M. Osborne, gentleman anglais », construisit près de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, « un moulin de modèle russe [...] qui actionn[ait] quinze scies montées sur un même châssis ». Peut-être était-ce la première scie multiple au Canada, et les antécédents d’Usborne permettent de supposer qu’il en était le constructeur. En 1804, il acheta encore 2 500 acres de terre à bois sur la Maskinongé. Vers la même année, en recourant, à Québec, aux services de maîtres de chantier comme John Goudie*, il lança un programme continu de construction de navires. De 1806 à 1809, il annonça des espaces disponibles sur au moins huit navires en partance de Québec ; en un seul mois, en 1809, pas moins de sept de ses bateaux arrivèrent sur lest dans ce port, probablement pour prendre des chargements de bois.

Le lieutenant-gouverneur sir Robert Shore Milnes, impressionné par l’esprit d’initiative d’Usborne, notait que, dès le début, il avait expédié « une beaucoup plus grande quantité [de bois] que ce qui a[vait] jamais été exporté du Canada en une saison ». Il le recommanda chaleureusement à Whitehall et le soutint lorsqu’en 1803 les officiers charpentiers du chantier de Chatham, en Angleterre, jugèrent que ses spécimens de chêne canadien étaient « impropres » à la construction navale ou au radoub et ne convenaient qu’à des « utilisations inférieures ». Cependant, une coalition de marchands britanniques, en créant des pénuries artificielles, ouvrirent bientôt un marché au bois canadien, et Usborne, à cause de sa longueur d’avance, se trouva en fort bonne posture. En dépit du soutien de Milnes, ce fut tout de même avec une autre société londonienne, la Scott, Idle and Company, que l’Amirauté conclut en 1804 son premier marché d’approvisionnement en mâts, épars et beauprés du Canada. Trois ans plus tard, les représentants bas-canadiens de cette compagnie, John Mure* et James Hare Jolliffe, se plaignirent qu’Usborne « tent[ait] de multiplier les obstacles » pour les empêcher d’honorer leur engagement, coupait illégalement du bois sur les terres de la couronne (réservées à leur usage exclusif pour l’approvisionnement de l’Amirauté) et parlait de « s’adonner encore davantage, pendant la saison suivante, [...] au commerce des mâts et des épars ». En 1809, pour soutenir son expansion, Usborne avait acheté de grandes quantités de chêne et de pin sur les deux rives du lac Champlain.

Usborne participait modérément, semble-t-il, à la vie sociale. Il était membre du comité exécutif de la Société du feu de Québec, inscrivait des chevaux aux Courses de Québec et présida, en avril 1808, une « fête campagnarde » au Sturch’s Hotel. Sa maison était élégamment meublée, ses caves remplies, ses écuries bien pourvues. Il possédait, entre autres, « une pipe du meilleur Madère du Brézil, qui a[vait] été 7 ans en Canada », ainsi que « deux excellents fusils de chasse, et une paire de pistolets de poche ». À la fin de 1808, il paradait dans la ville à bord d’« une voiture faites à Londres, le printemps [précédent], par un des premiers carossiers », et pourvue d’« un Harnois complet dans le dernier gout ». En 1803, il avait eu, avec l’épouse illettrée d’un sergent en garnison dans la ville, un fils qui était mort peu après sa naissance.

En 1809, Usborne jugea que ses assises au Bas-Canada étaient solides ; il retourna donc à Londres pour y diriger les activités et forma une nouvelle compagnie avec son frère Thomas et Thomas Starling Benson. La société de Québec passa aux mains de Peter Patterson*, qui travaillait pour lui au moins depuis 1805. Associé, au Bas-Canada, à James Dyke de Québec et à Richard Collins de Montréal, ainsi qu’à Usborne, à Londres, Patterson dirigeait la Patterson, Dyke and Company, dont le siège social se trouvait à l’anse au Foulon. Sous sa gestion, les affaires d’Usborne au Bas-Canada connurent une croissance encore plus rapide qu’auparavant, surtout à compter de 1811, où il acheta de John Goudie et de Henry Black une grosse scierie en construction à la chute Montmorency, près de Québec. Par la suite, grâce au capital et à l’assistance d’Usborne, Patterson agrandit la propriété en faisant d’autres achats et la rendit, selon un spécialiste américain qui la visita, « probablement aussi imposante que toute autre au monde ». Les moulins étaient alimentés, du haut de la chute, par un grand bief en zigzag, creusé dans le roc et bordé de bois, ce qui explique qu’ils aient été parmi les plus coûteux à avoir été construits jusque-là dans le Bas et le Haut-Canada. Dès le début, ces moulins comptèrent plusieurs scies circulaires, apparemment les premières au Bas-Canada. Patterson étendit également les opérations d’abattage, de construction de navires et de transport maritime de la compagnie.

Entre-temps, à Londres (peut-être en 1812, mais sûrement en 1815 au plus tard), Usborne avait conquis sur la Scott, Idle and Company la moitié du marché des mâts, épars et beauprés canadiens. En 1815, pour améliorer les communications, on remplaça l’organisation de 1809 par une société transatlantique intégrée composée des associés londoniens ainsi que de Patterson et Dyke ; elle portait à Londres le nom de Henry Usborne, Benson and Company et à Québec, celui de Peter Patterson and Company. Dès 1818, la Henry Usborne, Benson and Company avait raflé tout le contrat de l’Amirauté, qui incluait une grande quantité de bois en plus des mâts et des épars ; la compagnie conserva ce monopole jusqu’en 1822. En 1820, Usborne déclara, devant un comité de la chambre des Communes britannique, que depuis 1801 sa compagnie avait investi quelque £40 000 dans les activités de sciage au Canada. Dans les années 1820, elle achetait de nouveau du bois en Russie.

En 1823, Patterson et Thomas Usborne quittèrent la compagnie et le premier prit les scieries de Montmorency. Henry Usborne exploita l’installation de l’anse au Foulon jusqu’en 1831, puis la vendit à Benson et à un associé. Il la racheta en 1834 mais la revendit l’année suivante à George William Usborne, qu’on disait être son frère mais qui était plus probablement son neveu. Peut-être était-ce lui qui finançait l’Atkinson, Usborne and Company, dont George William était un associé, et la Longley and Dyke [V. George Longley]. Usborne avait aussi, au Canada, des terres acquises à des fins de spéculation ou en paiement de dettes. Après 1810, il avait acheté une seigneurie de 45 000 acres, celle de Rivière-de-la-Madeleine, en Gaspésie, plus propice à la pêche qu’à l’exploitation forestière. Dans les années 1820, il fit partie du conseil d’administration de la Canada Company, qui possédait, dans le Haut-Canada, de vastes terres dont l’agent John Galt parrainait le peuplement. Il fut aussi l’un des promoteurs de la Lower Canada Land Company, qui devait être organisée comme la précédente mais ne connut pas de succès [V. William Bowman Felton]. Toutefois, en 1835, il n’avait plus d’intérêts dans la Canada Company et ne figurait pas au nombre des actionnaires de la British American Land Company, qui avait remplacé la Lower Canada Land Company.

En Angleterre, Usborne menait la vie sociale et publique agréable d’un riche marchand. En 1816, année où il épousa Phœbe Ann Birch, fille du député de Lancaster et sœur d’un baronnet, il possédait dans le Norfolk une maison de campagne appelée Heydon Hall, qui datait du xvie siècle. En 1824, il était shérif en chef du Suffolk et avait peut-être déjà remplacé sa maison de campagne par une autre, Branches Park, dans ce comté. Dix ans plus tard, il louait dans un coin chic de Londres, Portland Place, une grande maison qu’il emplit d’« argenterie, beau linge, verrerie, porcelaine, livres, tableaux, estampes [et] vins » ; ses écuries abritaient plusieurs chevaux et voitures. Il mourut en juillet 1840, apparemment pendant une visite à Ryde, un lieu de villégiature. À cette époque, Branches Park comprenait des « jardins, terrains d’amusement, bureaux et bâtiments » ; Usbome possédait aussi des « fermes, terres, maisons de rapport et immeubles » dans le Suffolk et le Cambridge, plus des « quais et immeubles au Canada ». Il légua à sa femme une somme de £500, la jouissance de toutes ses propriétés et l’actif net de sa succession, et divisa également entre ses filles survivantes, au moins deux, les fonds en fiducie qu’on devait constituer à partir du produit de la vente de ses propriétés (lequel, prévoyait-il, s’élèverait à environ £20 000).

A. J. H. Richardson

ANQ-Q, CE1-61, 8 mai, 19 nov. 1803 ; CN1-16, 2, 13 nov., 4 déc. 1809, 25 févr. 1811, 10 janv., 12 déc. 1812, 20 sept. 1821 ; CN1-49, 23 mai 1835, 23 juill., 13 août 1836, 20, 26 oct. 1860 ; CN1-116, 23 janv. 1838 ; CN1-145, 27 juill., 4 sept. 1804, 13 nov. 1805, 16 sept. 1807 ; CN1-262, 30 sept., 15 oct. 1801, 21 oct. 1803, 20, 25 oct. 1804, 1er juin, 20 sept. 1805.— APC, MG 24, B1, 189 : 4038, 4042, 4044, 4046 ; D12, 1 ; L3 : 8808–8826, 8898–8903, 26392–26403 ; MG 55/24, no 146 ; RG 1, L3L : 39870–39910, 75303, 75799, 93429–93457 ; RG 4, A1, Peter Patterson and Company à sir Gordon Drummond, 27 oct. 1815, William Price à lord Aylmer, 8 janv. 1831 ; B32, 1.— Arch. judiciaires, Québec, Testament olographe de Peter Patterson, 17 juin 1851 (V. P.-G. Roy, Inv. testaments, 3 : 110).— PRO, CO 42/119 : 191–194 ; 42/121 : 121vo ; 42/123 : 105 ; 42/135 : 363–369 ; 42/140 : 154 ; 42/180 : 10, 722–724 ; 42/186 : 16 ; 42/205 : 364vo, 369vo ; 42/248 : 7.— [Thomas Douglas, 5e comte de] Selkirk, Lord Selkirk’s diary, 1803–1804 ; a journal of his travels in British North America and the northeastern United States, P. C. T. White, édit. (Toronto, 1958 ; réimpr., New York, 1969), 195.— J. M. Duncan, Travels through part of the United States and Canada in 1818 and 1819 (2 vol., Glasgow, 1823), 2 : 198–201.— G.-B., Parl., House of Commons, Report from the select committee on timber duties [...] (Londres, 1835), 155 ; House of Commons paper, 1812, 3, no 210 : 1–668, Minutes of evidence, taken before the committee of the whole house [...], relating to the orders of council, 593, 601, 603, 613 ; House of Lords, First report from the select committee [...], appointed to inquire into the means of extending and securing the foreign trade of the country [...] ([Londres, 1820]), 207–210.— Gentleman’s Magazine, juill.-déc. 1816 : 273 ; juill.-déc. 1831 : 464 ; juill.-déc. 1840 : 442.— Francis Hall, Travels in Canada and the United Sates, in 1816 and 1817 (Londres, 1818), 72.— Benjamin Silliman, Remarks made on a short tour between Hartford and Quebec, in the autumn of 1819 (2e éd., New Haven, Conn., 1824), 230–231, planche 8.— Winslow papers (Raymond), 489.— Quebec Gazette, 20 août 1801, 15 juill. 1802, 13 janv., 16 juin 1803, 31 mai, 7 juin, 16 août 1804, 16 mai, 11 juill. 1805, 13, 15, 22 mai, 13 sept., 9, 22 oct. 1806, 3 sept. 1807, 31 mars, 21 avril, 5 mai, 23 juin, 8 sept. 1808, 8 juin, 6 juill., 12, 19, 26 oct. 1809, 12 avril, 6 déc. 1810, 5 sept. 1811, 13 juill., 10, 17 déc. 1812, 29 avril, 13 mai, 16 juill. 1813, 5 janv., 28 sept. 1815, 21 mars 1816, 21 sept. 1818, 28 janv., 13 mai, 7 oct. 1819, 18 juill. 1822, 7 juill. 1823, 1er déc. 1847.— Joseph Bouchette, Topographical description of L. C., 425 ; A topographical dictionary of the province of Lower Canada (Londres, 1832) (entrée à Beauport).— Burke’s peerage (1880), 115–116.— R. G. Albion, Forest and sea power : the timber problem of the Royal Navy, 1652–1862 (Cambridge, Mass., 1926), 352–355.— André Bernier, le Vieux-Sillery ([Québec], 1977), 23.— J. E. Defebaugh, History of the lumber industry of America (2 vol., Chicago, 1906–1907), 1 : 139–140.— Povl Drachmann, The industrial development and commercial policies of the three Scandinavian countries [...], Harald Westergaard, édit. (Oxford, Angl., 1915), 12–13, 33–34, 84–85.— S. J. Gillis, The timber trade in the Ottawa valley, 1806–54 (Parcs Canada, Direction des parcs et lieux hist. nationaux, Travail inédit, no 153, Ottawa, 1975).— G. S. Graham, Sea power and British North America, 1783–1820 : a study in British colonial policy (New York, 1968), 145–147.— J. W. Hughson et C. C. J. Bond, Hurling down the pine ; the story of the Wright, Gilmour and Hughson families, timber and lumber manufacturers in the Hull and Ottawa region and on the Gatineau River, 1800–1920 (Old Chelsea, Québec, 1964), 27, 29, 31.— J. M. LeMoine, Picturesque Quebec : a sequel to Quebec past and present (Montréal, 1882), 156, 236.— A. R. M. Lower, Great Britain’s woodyard : British America and the timber trade, 1763–1867 (Montréal et Londres, 1973), 46–47, 60, 144–145.— MacNutt, New Brunswick, 152–153.— Francis Parsons, Six men of Yale (Freeport, N.Y., 1971), 78–79.— F. W. Wallace, Wooden ships and iron men : the story of the square-rigged merchant marine of British North America, the ships, their builders and owners, and the men who sailed them (Boston, 1937), 14.— The wood industries of Canada (Londres, 1897).— A. J. H. Richardson, « Indications for research in the history of wood-processing technology », Assoc. pour l’avancement des méthodes de préservation, Bull. (Ottawa), 6 (1974), no 3 : 35–146.

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A. J. H. Richardson, « USBORNE, HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/usborne_henry_7F.html.

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Auteur de l'article:    A. J. H. Richardson
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
Date de consultation:    2 oct. 2024