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TWEEDIE, LEMUEL JOHN, avocat, homme politique et fonctionnaire, né le 30 novembre 1849 à Chatham, Nouveau-Brunswick, fils de Joseph Tweedie et de Catherine McGary ; le 6 décembre 1876, il épousa dans cette ville Agnes Loudoun (décédée en 1929), et ils eurent quatre fils et deux filles qui lui survécurent ; décédé au même endroit le 15 juillet 1917.
Lemuel John Tweedie était d’ascendance irlandaise et écossaise. Il étudia à Chatham, d’abord à la grammar school, puis à la Presbyterian Academy. À l’issue d’un stage de droit chez John Mercer Johnson* et William Wilkinson, il fut reçu au barreau en 1871. Peu après, il se lança en politique provinciale et remporta un siège en 1874 dans la circonscription de Northumberland en soutenant le Common Schools Act de 1871. D’ailleurs, la plupart des candidats élus étaient favorables à des écoles non confessionnelles subventionnées par l’État. Cependant, une fois à l’Assemblée, Tweedie refusa d’appuyer la position du gouvernement de George Edwin King* sur un certain nombre de questions, dont une extrêmement importante pour Northumberland, la hausse des droits de coupe (frais payés par les entrepreneurs forestiers pour couper du bois sur les terres de la couronne). Accusé d’avoir « laissé tomber » le gouvernement, Tweedie subit la défaite aux élections de 1878. Il ne se présenta pas en 1882 car, entre-temps, sa pratique d’avocat était devenue lucrative.
Réélu en 1886 dans Northumberland, Tweedie continua de défendre les exploitants forestiers de sa circonscription. En 1890, il remporta encore la victoire avec trois colistiers indépendants opposés au gouvernement. Après le scrutin, le premier ministre Andrew George Blair* se rendit compte que sa position à la Chambre d’assemblée serait précaire et sollicita l’appui des députés indépendants de Northumberland. Tweedie, qui le jour de la mise en candidature s’était déclaré prêt à soutenir tout gouvernement qui réduirait les droits de coupe et assurerait à Northumberland une représentation au cabinet, entra au gouvernement à titre d’arpenteur général. Les terres de la couronne étaient de son ressort. La décision de réduire de 20 % les droits de coupe convainquit un deuxième député de Northumberland, le magnat du bois John Percival Burchill*, de se ranger dans le camp gouvernemental. Blair, insinua-t-on, obtint l’appui des deux autres en réglant leur dettes. Furieux, le groupe de l’opposition, qui avait espéré former un gouvernement, s’en prit à Tweedie et dénonça « l’entente de Northumberland », c’est-à-dire la fructueuse opération de recrutement menée par Blair. Ainsi, l’Union Advocate de Newcastle titra « Northumberland déshonoré ». Toutefois, comme le ferait observer le journaliste William Cochrane Milner, cette entente « différait de la plupart des magouilles du fait qu’elle n’avait rien de secret : la circonscription de Northumberland fut informée de tous ses détails, en devint partie, l’accepta, et la province la laissa passer ». Tweedie fut réélu en 1895 et en 1899.
Bien que, au Nouveau-Brunswick, les groupes politiques aient mis du temps à se distinguer les uns des autres de la même façon que les partis fédéraux, la vaste coalition réunie par Blair pour la première fois en 1883 avait pris peu à peu une teinte libérale. Après l’entrée de Blair en politique fédérale en 1896 et la démission de son successeur, James Mitchell*, l’année suivante, l’influence de Tweedie était telle que son accession au poste de premier ministre parut fort possible. Cependant, comme la solidité de ses convictions libérales suscitait des doutes – conservateur fédéral avant de se joindre au cabinet de Blair, il avait été pris par certains pour un conservateur Provincial –, le choix se porta plutôt sur Henry Robert Emmerson. Tweedie fut secrétaire de la province dans le gouvernement de Mitchell puis dans celui d’Emmerson. En 1900, lorsqu’Emmerson démissionna dans l’espoir de briguer un siège au gouvernement fédéral, Tweedie fut désigné pour le remplacer. La démarcation entre les partis dans le contexte provincial ne le préoccupait pas outre mesure. En 1900, il répliqua au chef conservateur John Douglas Hazen*, qui lui reprochait d’avoir changé de camp pour devenir premier ministre : « Dans l’ensemble, il n’y a pas de différence entre la politique du Parti libéral et celle du Parti conservateur ; à l’heure actuelle, ce n’est qu’une question de changement des gens au pouvoir. Mes positions sont les mêmes, je suis tout bonnement aujourd’hui ce que j’ai toujours été, un homme [soucieux du bien de sa] province. »
Tweedie remporta une victoire écrasante aux élections de 1903, mais la coalition libérale qui régnait sur le Nouveau-Brunswick depuis 20 ans s’effritait peu à peu sous les coups du Parti conservateur de plus en plus puissant de Hazen. Le gouvernement Tweedie prit tout de même quelques initiatives importantes sur le plan législatif. Ainsi, il fit en sorte, en 1906, que les femmes soient autorisées à pratiquer le droit dans la province (même si, du temps où il était au gouvernement Blair, Tweedie s’était opposé à ce qu’elles aient le droit de vote), soutint la production d’électricité à Grand Falls, créa une caisse de retraite pour les enseignants et forma une commission des accidents du travail. Dans le domaine des relations fédérales-provinciales, il réussit à faire augmenter ses subventions et à obtenir, après 25 ans, le paiement d’une section de l’Eastern Extension Railway qui avait été intégrée à l’Intercolonial, mais il ne put faire valoir son droit à une part des indemnités fixées par la commission d’arbitrage sur les pêcheries réunie à Halifax en 1877 [V. sir Albert James Smith*].
En 1907, Tweedie démissionna afin de succéder à Jabez Bunting Snowball* au poste de lieutenant-gouverneur L’année suivante, les conservateurs prirent le pouvoir sous la direction de Hazen et entreprirent d’examiner la comptabilité du département des Terres de la couronne. Ils s’aperçurent que, de 1893 à 1906, Tweedie avait maintenu un « compte en suspens » dont le découvert totalisait 13 686 $ et qui se composait en partie de frais imputables à des entrepreneurs forestiers pour la coupe du bois et en partie d’effets échus ou de traites impayées. Certains soupçonnaient que les dettes n’existaient que sur papier et que l’argent avait été détourné à des fins politiques. Lorsqu’il était devenu lieutenant-gouverneur, Tweedie avait réglé le compte en payant de sa poche, par crainte, disait-il, que la population le tienne personnellement responsable de ces vieilles dettes. Cependant, il nia toute responsabilité légale et refusa de payer l’intérêt. Les journaux conservateurs critiquèrent sa position, mais l’affaire ne donna pas lieu à des poursuites.
Tweedie fit l’objet d’une autre enquête en 1908. Cette fois, elle portait sur la New Brunswick Coal and Railway Company, au conseil d’administration de laquelle lui-même et son procureur général, William Pugsley*, avaient été nommés d’office en 1901, ainsi que sur une filiale de cette entreprise, la Central Railway Company, qui se trouvait en difficulté financière et avait été prise en main par le gouvernement en 1905. Les enquêteurs découvrirent, entre autres irrégularités, qu’une somme de 134 035 $ avait été « détournée de son affectation légitime ». À l’issue de l’audience, on eut l’impression que Tweedie n’avait guère été mêlé aux événements, car il avait déjà critiqué plusieurs fois, par écrit, la manière dont étaient menées les affaires du chemin de fer. Néanmoins, le rapport d’enquête, déposé en 1909, déclara sa conduite « sujette au blâme le plus sévère ». Les journaux conservateurs de la province exigèrent sa mise à la retraite et le congédiement de Pugsley, alors ministre des Travaux publics à Ottawa, mais tous deux restèrent en fonction.
Lemuel John Tweedie était un chef politique habile, opportuniste et pragmatique. Sa personnalité chaleureuse et son éloquence divertissante furent des atouts pour lui. William Cochrane Milner a dit qu’on lui devait les pages les plus amusantes du Synoptic report de l’Assemblée, « la plus morne des publications ». « Sans jamais prétendre à l’érudition ni à la profondeur, il maîtrisait l’art de la raillerie. Lorsqu’il était assis, c’était un homme trapu et robuste, avec une large figure aux traits sombres et assez inexpressifs, mais, une fois qu’il était debout et « en action », ses traits s’animaient, et il pouvait couvrir un adversaire de ridicule, parfois avec causticité, souvent avec bonhomie, au grand plaisir de tous. » À l’échéance de son mandat de lieutenant-gouverneur en 1912, Tweedie reprit avec succès la pratique du droit à Chatham. Malgré des ennuis de santé, il préparait son retour en politique lorsqu’il mourut subitement en 1917.
APNB, MC 1156.— Daily Times (Moncton, N.-B.), 1886, 1900, 1917.— Union Advocate (Newcastle, N.-B.), 1871–1886, 1900, 1917.— Canadian annual rev. (Hopkins), 1901–1910.— W. C. Milner, Our lieutenant governors ([Sackville, N.-B., 1928 ?]).— N.-B., House of Assembly, Synoptic report of the proc., 1874–1878, 1886–1892, publié par la suite par l’Assemblée législative monocamérale, 1893–1910.— Newspaper reference book.
Wendell E. Fulton, « TWEEDIE, LEMUEL JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/tweedie_lemuel_john_14F.html.
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Auteur de l'article: | Wendell E. Fulton |
Titre de l'article: | TWEEDIE, LEMUEL JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |