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TORRANCE, DAVID, marchand, armateur, président de la Banque de Montréal, né en 1805 à New York (N.Y.), fils de James et d’Elizabeth Kissock Torrance, décédé le 29 janvier 1876 à Montréal.
La famille des Torrance, originaire des « Basses-Terres » d’Écosse, venait de Larkhall, dans le comté de Lanark. Au début du xixe siècle, cinq fils de Thomas Torrance (1735–1805) émigrèrent au Canada en passant par New York. Deux d’entre eux, Thomas (1776–1826) et John* (1786–1870) s’établirent à Montréal où ils mirent sur pied une épicerie de gros et de détail ; ils s’occupèrent particulièrement de vins et de spiritueux ; James alla à Kingston, dans le Haut-Canada, à titre d’agent de l’entreprise familiale d’expédition et effectua des opérations commerciales à son compte. La guerre de 1812 permit aux deux premiers, au moins, de s’enrichir.
David, fils de James, alla à Montréal vers 1821 pour travailler dans la firme de son oncle John, la John Torrance & Company, située dans la rue Saint-Paul. Parmi les employés de la firme, il y avait Henry Wilkes*, futur pasteur congrégationaliste, et John Young avec qui David devait former dans la ville de Québec une association connue sous le nom de Torrance and Young, qui dura environ cinq ans après 1835. Le 9 janvier 1832, David épousa sa cousine Jane Torrance (1812–1875), fille aînée de son oncle John, et il devint associé de la firme en 1833. Durant les années suivantes, il joua un rôle important dans le commerce montréalais. Lorsque son oncle se retira des affaires en 1853, la firme prit le nom de David Torrance & Company. Ses associés furent Thomas Cramp* et, plus tard, son propre fils John Torrance (1835–1908). Avec Cramp et un autre de ses fils, George William Torrance (1849 ?–1911), David forma aussi, à Toronto, une autre association sous le nom de Cramp, Torrances & Company. La firme John Torrance & Company se livrait au commerce de produits de toutes sortes, mais elle était spécialisée dans le thé ; vers 1827, elle menaçait le monopole de la Forsyth, Richardson & Company pour l’importation du thé. Elle fut la première firme canadienne à négocier directement avec la Chine et l’Inde où son nom fut connu pendant plus de 30 ans ; en 1853, elle commença à effectuer des ventes annuelles de thé importé directement de Chine. Au moment de la mort de David, Bradstreet estimait la valeur de la firme David Torrance & Company de Montréal à $400 000 ou $500 000.
La firme John Torrance & Company s’intéressait également à l’expédition, et la Montreal Tow Boat Company des Torrance fut la première à rivaliser avec les Molson sur le Saint-Laurent [V. Molson]. En 1825, la compagnie fit l’acquisition du puissant remorqueur à vapeur Hercules ; pendant les quelques années suivantes, ses bateaux à vapeur pour le transport des passagers et des marchandises desservirent la route Montréal-Québec ; parmi ces bateaux il y avait le St George, le British America et le Canada (240 pieds), ce dernier étant le plus grand et le plus rapide de l’Amérique du Nord britannique. En 1831, la compagnie établit un service entre Montréal et Laprairie, assuré par le Voyageur et l’Edmund Henry auxquels, en 1833, ils ajoutèrent le Britannia. Au début, la concurrence avec les Molson sur le Saint-Laurent fut féroce ; mais, en 1833, les deux compagnies « se mirent d’accord pour assurer un service quotidien entre Québec et Montréal, afin de répondre aux besoins des passagers ». À ce moment-là, le service des passagers fut dissocié de celui des péniches. La firme Torrance, devenue la Montreal and Quebec Steamboat Company, eut bientôt des agents à Québec, Trois-Rivières, Sorel et Saint-François (comté de Yamaska), et d’autres bateaux furent ajoutés au cours des années 40. Vers la fin de 1853, le Montréal, qu’elle avait en copropriété avec les Molson et d’autres, sombra au large du cap Batiscan lors d’une tempête de neige. Pendant les années 50, la lutte de la compagnie contre des entreprises rivales se poursuivit : en 1852, les frères Tate avaient établi une ligne concurrente et, en 1856, la Compagnie du Richelieu [V. Sincennes] étendit son activité à la liaison Montréal-Québec. Cette rivalité entraîna une réduction de taux et une concurrence de vitesse jusqu’en 1858, alors que l’on procéda à la fusion de la Torrance Company et de la Richelieu Line. David Torrance devint administrateur de la nouvelle entreprise.
En 1870, Torrance s’essaya dans un genre différent de navigation. Il s’associa à la nouvelle Mississippi and Dominion Steamship Company Limited, instituée pour établir des échanges commerciaux entre Liverpool, la Nouvelle-Orléans et Montréal. Cette compagnie cessa rapidement ses relations avec les États-Unis et prit le nom de Dominion Line ; la famille Torrance garda sa succursale longtemps après la mort de David.
David Torrance s’intéressa aussi à la Banque de Montréal. En 1817, son oncle Thomas Torrance en avait été l’un des premiers actionnaires et, un an plus tard, il avait été élu au conseil d’administration, et y resta jusqu’à sa mort, en 1826. Le frère de Thomas, John, lui succéda et fut administrateur jusqu’en 1857 ; entre temps, en 1853, David avait été élu au conseil et, au moment où Edwin H. King* abandonna la présidence en 1873, il était le second en ancienneté. Quand le sénateur Thomas Ryan, le plus ancien des administrateurs, refusa la fonction de président, le conseil élit David Torrance. Son beau-frère, sir Alexander Tilloch Galt*, venait d’en devenir membre.
La présidence de Torrance à la banque fut de courte durée, car il fut malade durant presque toute l’année 1875 et mourut au début de 1876. Le mandat de Torrance fut aussi marqué par la grande dépression qui commença en 1873, peu après son élection à la présidence. Néanmoins, les bénéfices restèrent réguliers, les dividendes furent maintenus à 14 p. cent et un prêt de $1 250 000 fut consenti à la Compagnie du Grand Tronc en 1873. En 1874, la banque commença à se lancer dans les investissements : elle souscrivit à l’émission d’obligations de la province de Québec conjointement avec la firme londonienne Morton, Rose & Co., dont l’un des administrateurs était son agent de Londres, sir John Rose*. Cependant, on est tenté de sous-estimer l’importance du mandat de Torrance car il arriva entre deux présidences brillantes : celle de King et celle de son propre vice-président et successeur, George Stephen*, plus tard baron Mount Stephen.
David Torrance se distingua par l’attention soutenue qu’il apporta à son travail ; le Montreal Daily Witness l’affirma dans sa nécrologie, en déclarant : « C’était un marchand zélé qui s’occupa peu d’affaires publiques, quoi qu’il fût, durant toute sa vie, un libéral convaincu en politique. » Sa seule activité politique véritable concerna le mouvement d’annexion de 1849 ; il fut alors trésorier de l’Association d’annexion de Montréal et le cinquième des 325 premiers signataires du Manifeste d’annexion.
À l’origine, la famille Torrance était presbytérienne mais elle devint méthodiste et participa activement à la vie de l’église méthodiste St James Street ; David apporta une contribution de £100 au fonds destiné à la construction de la seconde église en 1845. En 1857, il devint membre fondateur du St James Club. Torrance fut aussi membre du Bureau de commerce de Montréal (Montreal Board of Trade) ; il fit partie de son conseil et du comité qui travailla activement à l’obtention de la deuxième charte de Montréal en 1840. En 1845, il fut nommé capitaine du 8e bataillon de la milice de Montréal ; en 1847, il fut muté au 6e bataillon mais fut radié en 1850 à cause de la part qu’il avait prise dans le mouvement d’annexion. De plus, il se distingua par sa participation à de nombreuses entreprises bienfaisantes et philanthropiques. Il fut directeur du High School de Montréal qu’il aida à créer en 1843 ; il fit de nombreux dons charitables au Montreal General Hospital dont il fut un des gouverneurs de 1869 à 1876.
Cinq enfants lui survécurent et un fils et quatre filles moururent avant lui. Outre les fils qui lui succédèrent dans les affaires, un autre de ses fils, Edward Fraser Torrance, devint pasteur de l’église presbytérienne St Paul de Peterborough, de 1876 à 1909. David Torrance fut un homme d’affaires compétent et un travailleur consciencieux qui, « ayant atteint la prospérité, continua de se rendre à son bureau aussi régulièrement qu’au début de sa carrière ». Ses activités commerciales et religieuses ainsi que la plupart de ses autres occupations semblent bien être la continuation de celles de son oncle et beau-père John Torrance qui, avec son frère Thomas, avait jeté les bases de la prospérité familiale.
AJM, Testament de David Torrance, 7 avril 1875.— APC, FO 1, L3L, 194, pp.92 426–92 452 ; FO 9, I, A3, 12 ; FO 9, I, A5, 16, pp.437s. ; FO 9, I, C4, 1, pp.145, 150 ; FO 9, I, C4, 4, p.266.— Archives Molson (Brasserie Molson, Montréal).— Bank of Montreal Archives (Montréal), Minute Book of the Board of Directors, 1873–1876.— The annexation movement, 1849–1850, A. G. Penny, édit., CHR, V (1924) : 237.— Bradstreet’s reports of the Dominion of Canada, February 1,1876 (New York, 1876), 642.— Montreal Daily Witness, 20 janv. 1870, 31 janv. 1876.— Montreal Herald, 15 oct. 1849, 21 janv. 1870.— The Canadian men and women of the time : a handbook of Canadian biography, H. J. Morgan, édit. (1re éd., Toronto, 1898).— Notman et Taylor, Portraits of British Americans, II : 228.— C. D. Allin et G. M. Jones, Annexation, preferential trade and reciprocity ; an outline of the Canadian annexation movement of 1849–1850, with special reference to the questions of preferential trade and reciprocity (Toronto et Londres, 1912), 114.— Atherton, Montreal, II : 168, 531, 574, 577.— Campbell, Hist. of Scotch Presbyterian Church, 313–316.— Canada, an encyclopædia, V : 443.— The centenary of the Bank of Montreal, 1817–1917 (Montréal, 1917), 50s., 80.— E. A. Collard, The Saint James’s Club ; the story of the beginnings of the Saint James’s Club (Montréal, 1957), 12s.— James Croil, Steam navigation in Canada and its relation to the commerce of Canada and the United States (Toronto, 1898), 221, 308–310, 313–315.— Merrill Denison, The barley and the stream ; the Molson story (Toronto, 1955), 90, 92, 95, 148, 152, 159s. ; Canada’s first bank, I : 162, 229 ; II : passim.— G. E. Jaques, Chronicles of the St. James St. Methodist Church, Montreal, from the first rise of Methodism in Montreal to the laying of the corner-stone of the new church on St. Catherine Street (Toronto, 1888), 68, 84, 90.— L. C. Tombs, National problems of Canada ; the port of Montreal (« McGill University Economic Studies », 6, Toronto, 1926), 36, 38.
Frederick H. Armstrong, « TORRANCE, DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/torrance_david_10F.html.
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Auteur de l'article: | Frederick H. Armstrong |
Titre de l'article: | TORRANCE, DAVID |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 16 nov. 2024 |