TIFFANY, SILVESTER (Sylvester), fonctionnaire, imprimeur, journaliste et éditeur, né le 9 août 1759 à Norton, Massachusetts, fils aîné de Gideon Tiffany et de Sarah Farrar, née Dean ; il épousa Frances Hopkins, née Davis, et ils eurent trois enfants, puis en secondes noces Elizabeth Ralston, et le couple eut cinq enfants ; décédé le 24 mars 1811 à Canandaigua, New York.

Silvester Tiffany entra au Dartmouth College, à Hanover, dans la colonie du New Hampshire, en 1775. Deux ans plus tard, il abandonnait ses études avant d’être diplômé, apparemment pour devenir imprimeur et journaliste. Dans le recensement de l’état de New York pour l’année 1790, on le trouve à Albany, où il vivait avec sa famille et un esclave. L’année suivante, il était à Lansingburgh, dans l’état de New York, où il publiait l’American Spy en société avec William Wands. Ce journal cessa de paraître en 1792 et, l’année d’après, Tiffany fondait le Tiffany’s Recorder, qui disparut en 1794. Pendant au moins un an, Tiffany avait exploité une imprimerie à Lansingburgh. Ses jeunes frères Oliver et Gideon* immigrèrent dans le Haut-Canada en 1794 et s’établirent à Newark (Niagara-on-the-Lake). Sur les instances du lieutenant-gouverneur Simcoe, Gideon succéda à Louis Roy* comme imprimeur du roi. À la fin de 1795 ou peu après, Silvester, accompagné de sa famille, vint rejoindre ses frères. Le 7 janvier 1797, il signait une pétition dans laquelle il demandait des terres « en vue de s’adonner à l’agriculture » et un emplacement urbain à Newark. Le 11 mars, le Conseil exécutif lui concédait 400 acres de terre, à titre d’« adjoint à l’imprimeur du roi ».

L’imprimeur du roi était responsable de l’impression des proclamations, des discours, des textes de loi et des commissions, mais sa tâche consistait surtout à publier le journal officiel, l’Upper Canada Gazette. Dès 1795, Simcoe avait encouragé Gideon Tiffany à « imprimer toutes les nouvelles » et à mettre son journal au service de la vérité. Le lieutenant-gouverneur ajoutait qu’il préférait voir Tiffany imprimer, « si cela [paraissait] vrai, [ce] qui [était] le plus favorable au gouvernement britannique ». L’année suivante, il interdisait à Tiffany d’acheter le papier, selon son habitude, à Albany plutôt qu’à Montréal, et il lui ordonna de s’adresser à Peter Russell, membre du Conseil exécutif, au marchand Robert Hamilton, de Niagara, et à l’arpenteur général David William Smith*, pour obtenir de l’aide « quant aux sujets » à traiter dans le journal. Simcoe avait décidé de transférer la capitale à York (Toronto), et il prévint Tiffany qu’il serait « risqué de demeurer à Niagara ». Le 5 juillet 1797, Gideon Tiffany cessait d’être l’imprimeur du roi et, le 20 septembre, Titus Geer Simons l’avait remplacé. Silvester Tiffany continua d’être l’adjoint de Simons jusqu’au 1er mai 1798. Au mois de septembre suivant, le journal fut transféré à York.

L’inquiétude des autorités au sujet du contenu politique de la Gazette de Gideon Tiffany transparaît dans une lettre de Simcoe, écrite en 1795. Mais, en février 1798, Silvester Tiffany avait carrément transformé cette inquiétude en hostilité. Le juge en chef John Elmsley, qui voyait d’un œil sévère les « républicains sans principes et sans attaches » de la province, demanda que Simons fût relevé de ses fonctions d’imprimeur du roi, parce que « les Tiffany [étaient] les vrais dirigeants » de la Gazette. Les imprimeurs avaient omis de mentionner dans le journal un événement aussi important, par exemple, que le discours du roi devant le Parlement, « tandis que la moindre bagatelle concernant les maudits États [faisait] les manchettes ». Le mois suivant, Elmsley annonça à Smith que les Tiffany avaient « l’intention de créer un journal voué à la dissémination du savoir dans le domaine politique ». Le 30 avril, Silvester Tiffany écrivait à Russell au sujet d’« une poursuite [...] qui devait être instituée contre [lui] ». Apparemment, le juge en chef avait envisagé la possibilité d’accuser Tiffany de trahison ou de conduite séditieuse, et celui-ci insista pour qu’on ouvrît une enquête. L’adjoint à l’imprimeur du roi était heureux de la notoriété que lui valait cette affaire : « La popularité est mon but et [elle est dans mon] intérêt [...] Je ne peux pas désirer que tout cela s’apaise. » Se disant « l’imprimeur du peuple », Tiffany croyait que l’intérêt de ce dernier était « inséparable » de celui du roi, mais il avertit Russell qu’il lui était impossible, dans sa position, de réconcilier « les esprits de plusieurs avec les mesures [d’alors] ». Il ajoutait « seule l’entreprise que je propose peut réaliser cette réconciliation ».

Le 20 juillet 1799, Silvester et Gideon Tiffany publièrent à Newark le premier numéro de la Canada Constellation (qui deviendra la Canadian Constellation). Ils le dédicacèrent à ceux-là seuls qui étaient « sans préjugés [...] et, parmi eux, à [leurs] clients qui aim[aient] et encourage[aient] les connaissances utiles [...], qui ne désir[aient] pas voir l’homme rabaissé, mais au niveau où il [devait] être, avec des possibilités accrues et des dispositions plus grandes à servir Dieu, son roi et son pays. C’[était] une vérité depuis longtemps reconnue que personne n’a[vait] plus d’influence sur l’esprit et le comportement des hommes que les imprimeurs. » Les marchands de Niagara n’étaient pas aussi hostiles que les fonctionnaires d’York aux prétendus appuis politiques des Tiffany envers les Américains. Le 4 août, « désireux d’encourager une entreprise qui [... pourrait] être utile », Hamilton informait John Askin père qu’il était abonné à la Canada Constellation, et il l’encourageait à obtenir, pour le journal, le soutien de ses voisins. Mais les tendances politiques supposées des Tiffany, de même que leur attitude générale, continuaient d’irriter le gouvernement. Plus tôt cette année-là, Gideon Tiffany avait été assez imprudent pour ajouter des lignes de son cru à l’hymne royal, lors d’une réunion sociale : « Dieu sauve l’Amérique et nous préserve des pouvoirs despotiques. » En avril 1799, le procureur général John White* informait Russell que Silvester Tiffany avait affirmé des choses au sujet du Conseil exécutif, en particulier que l’administrateur « avait fait payer au public les dépenses engagées pour l’annonce [de la mise en vente] d’une jeune fille noire ». White insista pour dire qu’on « ne pourrait être trop tôt débarrassé » de Tiffany et de ses frères. Pour les imprimeurs de cette époque, il était presque essentiel d’avoir l’appui du gouvernement, et il ne restait à Silvester Tiffany que peu d’amis dans les cercles officiels. Tiffany se prévalut de son affiliation maçonnique avec le secrétaire provincial William Jarvis, pour le supplier de les « aider », lui et ses frères. Le 11 janvier 1800, il quitta le journal, qui cessa de paraître au mois de juillet suivant. À un moment donné, au cours de cette année-là, Tiffany devint maître de poste.

Le 17 janvier 1801, Silvester Tiffany publia le premier numéro de son nouveau journal, le Niagara Herald. Il attribua l’échec de la Constellation au fait qu’il s’était écarté de la règle du paiement à l’avance, et il assura les lecteurs qu’il en avait tiré sa leçon. Mais il lui restait d’autres leçons à recevoir. Malhabile politiquement, il fit en sorte, dans son premier numéro, de réveiller la controverse au sujet de ses prétendus appuis aux Américains. Simons venait juste de publier dans la Gazette « An ode for Her Majesty’s birthday », laquelle, suggéra Tiffany dans le Herald, avait été écrite par le chien de Simons, Sancho. Sans doute au courant du désir d’Elmsley de trouver un imprimeur « d’un attachement indiscutable à la constitution britannique », Simons sauta sur l’occasion. Dans la Gazette, il décrivit la province comme « un asile pour les exilés et les étrangers, pour les athées et les démocrates rôdeurs », et il défia Tiffany en l’accusant d’avoir fréquenté « l’école du républicanisme embryonnaire, où [il avait reçu] les rudiments de [sa] foi, de [ses] conceptions politiques et de [son] éducation ». Simons ne put résister à l’envie de railler l’apparence physique de Tiffany, l’appelant « monsieur le critique boiteux ». Tiffany répliqua sur le même ton : bien que « certainement boiteux [... il était] extrêmement heureux d’être ce qu’il [était], et [accepterait d’être] n’importe quoi, sauf Sancho et sa poésie ». Il ajouta qu’il n’était ni un exilé, ni un étranger, ni un athée. La question du credo politique des colons américains continua d’alimenter les colonnes du Herald, sous les noms de divers correspondants, jusqu’au 23 mai, jour où Tiffany annonça qu’il ne risquerait pas plus longtemps d’être poursuivi pour diffamation en publiant des textes anonymes. En décembre encore, « A True Briton » s’en prenait à Tiffany, dans le Herald, à propos de ses remarques contre le gouvernement relativement aux négociations de paix entre la Grande-Bretagne et la France.

En janvier 1802, Silvester Tiffany commença à accepter de ses abonnés des denrées, au lieu de numéraire, par suite de la rareté de l’argent, et, le mois suivant, il augmenta le prix de ses abonnements. Cette année-là, il publia le Tiffany’s Upper Canada almanac. Aux prises avec des problèmes financiers, le Herald parut au moins jusqu’au 28 août. À la fin de l’année, Tiffany réglait ses affaires, vendant même son esclave, « afin de quitter le pays au début du printemps ». Il était encore grand secrétaire franc-maçon le 24 avril 1803 ; il démissionna par la suite. Il était amer à propos de son départ pour l’état de New York : « Ma décision m’a été imposée par la nécessité ; je retourne [là-bas] malgré moi [...] Mon ancienne ou ma présente [allégeance], je la considérerai entièrement comme chose du passé. » Il alla vivre sur un petit lot à Canandaigua, où il publia, jusqu’à sa mort, l’Ontario Freeman. Dans une lettre du 12 février 1804, il pressait Jarvis de « ne jamais laisser s’affaiblir l’esprit yankee ».

Douglas G. Lochhead

AO, MS 517, 22 : 58, 61, 77 ; MU 1730, J. Elmsley à Hunter, 27 mars 1800 ; RG 1, A-I-6 : 2921s; C-I-3, 13 : 100 ; 14 : 304.— APC, MG 24, A6, letterbooks, 1799–1805 : 74s. (transcriptions) ; RG 1, L3, 495 : T2/70 ; 511 : T misc., 1791–1819/4, 14 ; RG 5, A1 : 2s., 19s.— MTL, William Jarvis papers, B50 : 351s. ; B55 : 22–32 ; Peter Russell papers, J. White à Russell, 23 avril 1798 ; S. Tiffany à Russell, 30 avril, 13, 21 mai 1798 ; Henry Weishburn à Russell, 13 mars 1799 ; D. W. Smith papers, B8 : 29–32 ; BI 1 : 190.— « Accounts of receiver-general of U.C. », AO Report, 1914 : 753.— Corr. of Hon. Peter Russell (Cruikshank et Hunter), 2 : 103s.— Corr. of Lieut. Governor Simcoe (Cruikshank), 3 : 346 ; 4 : 196s., 259.— Doc. hist. of campaign upon Niagara fronder (Cruikshank), 5 : 21–26 ; 6 : 189.— John Askin papers (Quaife), 2 : 239.— « Journals of Legislative Assembly of U.C. », AO Report, 1909 : 58, 91, 118, 121, 163.— « Petitions for grants of land » (Cruikshank), OH, 24 : 140.— Canadian Constellation (Niagara [Niagara-on-the-Lake, Ontario]), 18 janv. 1800.— Niagara Herald (Niagara), 24 janv., 21 févr., 6 mars, 23 mai, 26 déc. 1801, 16 janv., 13 févr. 1802.— Bibliography of Canadiana (Staton et Tremaine).— N. O. Tiffany, The Tiffanys of America : history and genealogy ([Buffalo, N.Y., 1901]).— Tremaine, Biblio. of Canadian imprints, 649–653, 669.— Wilson, « Enterprises of Robert Hamilton », 292s., 311.— W. S. Wallace, « The first journalists in Upper Canada », CHR, 26 (1945) : 372–381 ; « The periodical literature of Upper Canada », CHR, 12 (1931) : 4–12.

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Douglas G. Lochhead, « TIFFANY, SILVESTER (Sylvester) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/tiffany_silvester_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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