TESSIER (Texier), dit Lavigne, PAUL (il signait Tesier), maître maçon et entrepreneur, né à Montréal le 22 octobre 1701, fils de Jacques Tessier (Texier), dit Lavigne, et de Marie Adhémar, dit Saint-Martin, décédé le 20 octobre 1773 à Longue-Pointe (Montréal).
Paul Tessier, dit Lavigne, était fils d’un censitaire de l’île de Montréal et petit-fils d’un charpentier et scieur de long, ancêtre au Canada de la famille Tessier, dit Lavigne. En novembre 1719, le père de Paul le mit en apprentissage chez un taillandier de Montréal, Louis-Jean Denys, pour trois ans. Cet accord fut de courte durée, puisqu’au mois de mars suivant Tessier était lié pour trois ans, par un nouveau contrat d’apprentissage, à Jean Deguire, qui devait lui apprendre le métier de maçon. Un cousin de Tessier, Dominique Janson*, dit Lapalme, était aussi entrepreneur de maçonnerie à cette époque, comme l’avait été un autre cousin, Pierre Couturier*, dit Le Bourguignon.
Son apprentissage terminé, Tessier recourut, comme tant d’autres, à la traite des fourrures pour amasser le capital nécessaire à son établissement comme artisan indépendant et chef de famille. En avril 1726, avec son frère cadet Jacques, il s’engagea comme « voyageur » envers Constant Le Marchand* de Lignery, Jean Lemire Marsolet et François Augé. Jacques ne fit qu’un voyage aller et retour à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan), via la Grande Rivière (Grand River, Ontario), mais Paul, pour la somme de 300#, alla au delà de Michillimakinac et rentra l’année suivante. Ses gains lui permirent d’acheter un terrain voisin de la propriété de son père, sur la place d’Armes, du côté nord de la rue Saint-Jacques, en novembre 1727. Sur ce terrain, il eut une petite maison en bois d’un seul étage, qu’il avait peut-être construite lui-même, puisqu’il avait contractée, envers Pierre Courreaud de La Coste, une dette substantielle au cours des deux années suivantes. Le brillant avenir qui s’ouvrait devant lui permit à Tessier d’épouser, le 19 avril 1728, la jeune veuve de Jean-Baptiste Descaris, Jeanne Lefebvre, mère d’une fille. Dans son contrat de mariage, Tessier se dit « Maitre Masson et tailleur de pierre ». Le couple eut six enfants, dont trois filles survécurent à la première enfance. Tout en assumant ses charges paternelles, Paul, en tant qu’aîné des fils encore vivants, agissait au nom de ses frères et sœurs dans les questions juridiques et prit soin de sa mère lorsqu’elle devint veuve en 1738.
En 1737, Tessier réussissait bien comme maître constructeur à Montréal : il avait à son emploi trois maçons et un apprenti. Le plus souvent il travaillait à des maisons privées, la plus fameuse d’entre elles étant le château de Ramezay, qu’il répara et agrandit en 1740–1741. En 1749, il entreprit la construction du « hangar du roi » près de la porte Beauharnois. Cette structure de pierre, de deux étages et demi, comportait une cave voûtée de 120 pieds sur 40. Elle constitue la plus grande réalisation de Tessier. En 1756, il s’engagea par contrat à restaurer et agrandir la résidence de la Compagnie des Indes, à Montréal, et à lui donner une entrée en pierre taillée, « pareille à celle de l’Intendance ». Pour chacun de ces projets, Tessier louait des maçons et des manœuvres, et passait des sous-contrats avec des fournisseurs de bois et des transporteurs de sable et de cailloux.
Son entreprise procura à Tessier une existence confortable, que révèle l’inventaire des biens de la communauté auquel on procéda en 1760, après la mort de sa femme. Sa maison était ornée d’horloges, de bustes en plâtre et de perroquets, et d’une peinture de la Vierge. Tessier dormait dans un lit luxueux, d’une valeur de 600#, et mangeait à une table sur laquelle apparaissaient des verres à vin, un service en argent, des tasses à café ainsi que des assiettes en porcelaine. Toutefois, ce constructeur, à demi illettré, ne possédait pas de livres. En soustrayant les aliments, surévalués à 2 417#, Tessier possédait en biens meubles 5 421# 9s., et il devait 3 300#. Pour son malheur, il possédait des lettres de change du gouvernement pour une valeur nominale de 18 720#. Qui pis est, il acquit davantage encore de ces papiers sans valeur, avant la cession du Canada à la Grande-Bretagne, et perdit une forte somme d’argent quand le gouvernement français refusa de faire honneur à ces effets. Comble de malheur, le feu détruisit la maison de Tessier en avril 1768, et on dut vendre plusieurs de ses biens restants lors d’une poursuite intentée par le marchand John Porteous, vraisemblablement pour dettes. Sa fortune envolée, Tessier semble être allé vivre chez les enfants de son oncle Paul Tessier, dit Chaumine, à Longue-Pointe, où il mourut.
L’identification de Paul Tessier, dit Lavigne, pose un problème aux chercheurs, puisque trois personnages portent ce nom à Montréal au xviiie siècle. En plus de notre personnage, il y a son oncle et son cousin. [p. n. m.]
AN, Col., F3, Cartes et plans, 82, 85 (mfm aux APC).— ANQ-M, Doc. jud., Juridiction de Montréal, 11, ff.108, 218 ; Greffe de J.-B. Adhémar, 2 nov. 1719, 6 nov. 1724, 14 janv. 1725, 22 avril 1726, 1er févr., 7, 9 mars 1737, 6 mars 1740, 31 déc. 1743 ; Greffe de L.-C. Danré de Blanzy, 24 août 1756, 2 juin 1760 ; Greffe de Jacques David, 6 mars 1720 ; Greffe de N.-A. Guillet de Chaumont, 25 févr. 1729, 22 mai 1730 ; Greffe de J.-C. Raimbault, 9 oct. 1731 ; Greffe de François Simonnet, 26 sept., 7 oct. 1740, 29 mai 1741, 17 mars, 8 sept. 1749.— État général des billets d’ordonnances [...], ANQ Rapport, 1924–1925, 259.— L’île de Montréal en 1731 : aveu et dénombrement des messieurs de Saint-Sulpice, seigneurs de Montréal, Antoine Roy, édit. (Québec, 1943), 42s.— Procès-verbaux sur la commodité et incommodité dressés dans chacune des paroisses de la Nouvelle-France par Mathieu-Benoît Collet, procureur général du roi au Conseil supérieur de Québec, Ivanhoë Caron, édit., ANQ Rapport, 1921–1922, 296s.— Recènsement de Montréal, 1741 (Massicotte), 42.— La Gazette de Québec, 24 janv. 1765, 28 avril, 12 mai 1768, 17 août 1769, 5 déc. 1771, 6 janv. 1774, 2 août 1781, 25 août 1785.— Massicotte, Répertoire des engagements pour l’Ouest, ANQ Rapport, 1929–1930, 251.— P.-G. Roy, Inv. jug. et délib., 1717–1760, V : 85.— Tanguay, Dictionnaire, I : 562 ; VII : 275.— Archange Godbout, Urbain Tessier, dit Lavigne, SGCF Mémoires, XI (1960) : 6–21.— É.-Z. Massicotte, Maçons, entrepreneurs, architectes, BRH, XXXV (1929) : 132–142.— Antoine Roy, Le coût et le goût des meubles au Canada sous le Régime français, Cahiers des Dix, 18 (1953) : 236.
Peter N. Moogk, « TESSIER (Texier, Tesier), dit Lavigne, PAUL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/tessier_paul_4F.html.
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Auteur de l'article: | Peter N. Moogk |
Titre de l'article: | TESSIER (Texier, Tesier), dit Lavigne, PAUL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |