SU-Á-PU-LUCK (Joseph Capilano), chef squamish, né vers 1854 à Yekw’ts (près de Squamish, Colombie-Britannique), fils de Letekwámcheten ; le 21 mai 1872, il épousa Mary Agnes Líxwelut, probablement dans la réserve indienne de Mission, n° 1, Colombie-Britannique, et ils eurent 12 enfants ; décédé le 10 mars 1910 dans la réserve indienne de Capilano, Colombie-Britannique.

Su-á-pu-luck naquit à une époque où la plupart des Squamishs vivaient encore selon les traditions de leurs ancêtres, et sa vie montre bien les profondes transformations que provoqua l’incursion des Européens en territoire squamish dans la seconde moitié du xixe siècle. On sait peu de chose de son enfance, mais il ne fait aucun doute que, très jeune, il apprit à chasser et à pêcher à la manière amérindienne et à connaître les meilleurs endroits où trouver des ressources. Jeune homme, il partit peut-être seul dans la forêt en quête de l’Esprit, mais il adhéra également à une nouvelle forme de spiritualité. Influencé par l’enseignement des missionnaires catholiques, qui avaient travaillé parmi les autochtones de la basse côte Ouest tout au long des années 1860, Su-á-pu-luck fut baptisé le jour de son mariage avec Mary Agnes Líxwelut. À cette époque, il vivait déjà dans la réserve exclusivement catholique de Mission, là où se trouve aujourd’hui North Vancouver, et il subvenait aux besoins de sa famille, de plus en plus nombreuse, de manière peu traditionnelle, car il travaillait comme journalier dans les scieries. Les Blancs de l’inlet Burrard l’appelaient Háyas Joe, à cause de sa force.

En 1895, l’un des leaders des Squamishs, le chef Láwa, mourut sans qu’on sache qui devait lui succéder. Su-á-pu-luck fut choisi à titre de chef, en partie semble-t-il grâce à l’influence du missionnaire catholique Paul Durieu*. Plusieurs Squamishs qui ne voulaient pas suivre l’enseignement des missionnaires quittaient la réserve de Mission pour s’établir dans celle de Capilano, un peu plus à l’ouest. Su-á-pu-luck était un chrétien convaincu et un orateur influent et persuasif, et Durieu croyait qu’il pourrait les convertir au christianisme. Après être devenu chef et s’être établi à Capilano, Su-á-pu-luck convertit effectivement un certain nombre de Squamishs, et une nouvelle église fut construite dans la réserve. La foi chrétienne n’y fut cependant pas implantée de façon aussi rigoureuse qu’à Mission, les convertis côtoyant ceux et celles qui vivaient exclusivement selon leurs croyances traditionnelles.

Une fois son autorité bien établie à Capilano, Su-á-pu-luck commença à s’occuper de la question, plus vaste, des droits des autochtones. Pour prêcher cette cause, il fit des voyages dans l’île de Vancouver et remonta la côte ouest du continent, et il réussit à faire parler de lui dans les journaux de Vancouver. Il dénonçait le fait que les Amérindiens avaient perdu une grande partie de leur territoire et qu’ils étaient de plus en plus contraints par les nouveaux règlements sur la chasse et la pêche. Mais la situation ne changea pas et, en 1906, il fit le geste pour lequel il est le plus connu : il dirigea une délégation chargée de rencontrer le roi Édouard VII en Angleterre. Les anciens qui l’accompagnaient – Basil David des Shuswaps et Chillihitza des Okanagans – avaient été choisis à l’occasion d’assemblées tenues sur la côte et à l’intérieur des terres. Avant son départ, on donna à Su-á-pu-luck un nom porté par plusieurs générations de chefs respectés tant parmi les Squamishs que parmi les Musqueams – un nom fort approprié, donc, pour quelqu’un qui allait rencontrer le roi d’Angleterre, et dont la forme anglaise est Capilano. À partir de ce moment-là, beaucoup l’appelèrent Joe Capilano, mais il semble que pour les Squamishs il soit toujours resté Su-á-pu-luck.

Après un arrêt à Ottawa, où elle rencontra le premier ministre sir Wilfrid Laurier*, la délégation arriva à Londres. Elle n’avait au préalable obtenu aucune audience avec le roi mais, grâce à l’intervention du haut commissaire du Canada, lord Strathcona [Donald Alexander Smith*], le roi accepta de les recevoir. Les représentants amérindiens ne purent présenter eux-mêmes à Édouard VII la requête exposant leurs griefs, qui dut être acheminée par les voies diplomatiques. Ils y affirmaient que les autochtones n’avaient jamais renoncé à leurs titres de propriété sur leurs terres, que les colons s’y étaient établis sans leur consentement, que les appels au gouvernement canadien n’avaient donné aucun résultat, et que les autochtones, qui n’avaient pas droit de vote, n’étaient même pas consultés par les agents des Affaires indiennes sur les questions ayant une influence sur leur vie. À son retour, Su-á-pu-luck fut accueilli avec grand enthousiasme par son peuple, mais il dut admettre que, hormis une publicité fort utile pour leur cause, le voyage n’avait rien donné de concret. La rencontre avec le roi avait été agréable ; il n’en restait pas moins que les autochtones de la Colombie-Britannique devaient régler leurs problèmes avec les gouvernements du Canada. Le voyage en Grande-Bretagne avait cependant été une étape importante du processus par lequel les autochtones feraient eux-mêmes entendre leurs protestations sur la scène politique. Peut-être parce que les prêtres n’avaient pas appuyé sa démarche, Su-á-pu-luck rejeta l’Église catholique peu de temps après son retour et il indiqua aux missionnaires qu’ils n’étaient plus les bienvenus chez les siens.

Toute sa vie, Su-á-pu-luck continua à travailler à la reconnaissance des droits des autochtones. En 1908, il fit un autre voyage infructueux à Ottawa et se rendit également chez les autochtones de la rivière Skeena pour les exhorter à affirmer leurs droits. Les non-autochtones en vinrent forcément à le considérer comme un fauteur de troubles. Les journaux de Vancouver le décrivirent comme un « casse-pieds » et, dans le Nord, certains fonctionnaires réclamèrent même qu’il soit arrêté et poursuivi en justice. Pour son peuple toutefois, il demeura toujours un chef digne et puissant. À sa mort le 10 mars 1910, les leaders autochtones de la basse côte Ouest et de l’île de Vancouver qui assistèrent à ses funérailles, dans la réserve de Capilano, témoignèrent tous de sa prééminence.

Robin Fisher

Un grand nombre de contes qu’on retrouve dans Legends of Vancouver (Vancouver, 1911), d’Emily Pauline Johnson*, sont basés sur des histoires que lui a racontées Su-á-pu-luck.

BCARS, GR 429, box 15, file 5, F. S. Hussey à W. J. Bowser, 3 nov. 1908.— British Columbia Indian Language Project (Victoria), Account of Su-á-pu-luck prepared by Louis Miranda, août 1983.— Vancouver Daily Province, 5 juin 1908.— J. W. Morton, Capilano : the story of a river (Toronto et Montréal, 1970).— E. P. Patterson, The Canadian Indian : a history since 1500 (Don Mills [Toronto], 1972), 169.

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Robin Fisher, « SU-Á-PU-LUCK (Joseph Capilano) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/su_a_pu_luck_13F.html.

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Auteur de l'article:    Robin Fisher
Titre de l'article:    SU-Á-PU-LUCK (Joseph Capilano)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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