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SCOBLE, JOHN, leader antiesclavagiste et homme politique, né le 16 janvier 1799 à Kingsbridge, Devonshire, Angleterre ; en 1827, il épousa Mary Anne Stainburn, et ils eurent six enfants ; on ne sait rien de lui après 1867.
John Scoble reçut son éducation dans le comté de Devon et à Londres, et devint ministre congrégationaliste. En 1831, il fut désigné comme l’un des conférenciers à plein temps de l’Agency Committee de l’Anti-Slavery Society ; après l’adoption de la loi d’émancipation de 1833, le comité se dissocia de la société et prit une orientation plus radicale sous l’appellation de Society for the Universal Abolition of Slavery and the Slave Trade, dont Scoble devint le secrétaire. Joseph Sturge, riche marchand de céréales, en était le patron et, en 1836, il organisa une expédition aux Antilles pour y examiner le système d’apprentissage qui avait remplacé l’esclavage. Scoble se joignit à l’expédition et rédigea une des quatre brochures, British Guiana, qui furent publiées après l’expédition. Scoble conclut que l’apprentissage était mauvais en principe et que la loi d’émancipation était constamment et systématiquement violée. En 1838, l’agitation des abolitionnistes porta fruit et le système d’apprentissage fut aboli. Un an plus tard, le Central Negro Emancipation Committee, créé en 1837 pour lutter contre le système existant aux Antilles, envoya Scoble aux Antilles et aux États-Unis répandre les résultats de l’expédition antillaise.
Les abolitionnistes américains accueillirent favorablement les conférences intéressantes, énergiques et enrichissantes de Scoble et réalisèrent l’importance de ce contact personnel avec les organismes antiesclavagistes britanniques. Pendant son séjour, Scoble fut témoin cependant des divergences graves entre William Lloyd Garrison et d’autres abolitionnistes dirigés par Lewis Tappan et James Gillespie Birney. Garrison s’opposait au recours à des mesures politiques pour mettre fin à l’esclavage et se mit à dos de nombreux abolitionnistes par ses propos injurieux contre les Églises et par l’appui marqué qu’il accordait aux mouvements pacifistes et à ceux qui défendaient les droits de la femme. Scoble donna son appui à Tappan et à Birney et, en 1839, fit part de ses impressions sur cette mésentente à la British and Foreign Anti-Slavery Society dont il était un des membres fondateurs. Lorsqu’elle organisa le congrès antiesclavagiste mondial de 1840, la British and Foreign Anti-Slavery Society décréta que les femmes pourraient y assister comme observateurs mais non en qualité de délégués ; cette décision choqua les partisans de Garrison et transporta la querelle en Grande-Bretagne. Même si elle était partagée par des modérés américains et britanniques, l’opposition de Scoble aux vues antipolitiques et antichrétiennes de Garrison fut considérée par les partisans de ce dernier comme une tentative de reléguer au second plan l’esclavage américain. L’impression qu’ils avaient du manque de sincérité et des préjugés raciaux de Scoble fut renforcée quand celui-ci demanda au peintre chargé d’exécuter le portrait du congrès de 1840 de ne pas être placé à côté d’un abolitionniste noir.
À titre de secrétaire de la British and Foreign Anti-Slavery Society, de 1842 à 1852, Scoble participa aux congrès antiesclavagistes et pacifistes de 1843, 1849 et 1850. Il réorganisa avec succès le mouvement antiesclavagiste en France en créant des associations permanentes et décentralisées qui ne s’occupaient pas uniquement de faire pression sur le gouvernement. Cependant, sa violente opposition aux partisans de Garrison joua un rôle dans sa démission, en septembre 1852, comme secrétaire de la société.
Scoble fut amené au Canada par les affaires du British American Institute of Science and Industry, près de Dresden dans le canton de Dawn, Haut-Canada. L’institut avait été créé en décembre 1842 comme une école secondaire et professionnelle pour les Noirs, en particulier à l’intention des esclaves fugitifs, mais n’excluait pas les Blancs et les Indiens. La vente des produits agricoles et du bois des 300 acres de l’école, ajoutée aux dons, devait suffire à en assurer le soutien financier. L’intérêt pour l’institut fut ravivé en 1851 par une visite en Angleterre de Josiah Henson*, esclave fugitif et gérant de l’institut. Henson cherchait à obtenir des fonds pour l’institut, mais son voyage ne connut pas le succès escompté en raison des accusations d’Edward Mathews, un ministre baptiste, et de Samuel Joseph May et Hiram Wilson, qui avaient tous deux fait partie du premier conseil d’administration de l’institut et qui prétendaient que Henson n’était pas mandaté par l’administration et que sa gestion financière laissait à désirer. Scoble fit une visite au Canada en 1851 en qualité de représentant d’un comité londonien de philanthropes antiesclavagistes, membres de la British and Foreign Anti-Slavery Society ; il était chargé d’analyser la situation pour le compte de ces philanthropes et de trouver des moyens de venir en aide à Henson et à l’institut. Les administrateurs de l’institut au Canada acceptèrent de se départir de leur mandat en faveur du comité de Londres, à la condition que le comité liquide la dette de l’institut jusqu’à concurrence de $7 000 et poursuive ses objectifs en éducation. Le comité demanda à Scoble, qui vint s’installer au Canada, et à John Roaf de Toronto, un autre membre du premier conseil d’administration, de régler, au nom du comité, la majeure partie des dettes de l’institut à raison de $0.63 du dollar. Ils effectuèrent le règlement à la fin de 1853 et, malgré certaines rumeurs qui laissaient croire le contraire, Scoble ne tira aucun avantage pécuniaire du règlement des comptes. Les tentatives de constituer juridiquement la société au Canada pour mettre un terme à la responsabilité des individus en cas de faillite se heurtèrent à James C. Brown qui refusa de remettre sa tutelle au comité de Londres.
Des querelles subséquentes entre les administrateurs en poste et les anciens, au cours des années 50, gênèrent les efforts de Scoble visant à assurer la stabilité financière de l’institut et touchant la construction de bâtiments et l’enseignement, du niveau élémentaire au niveau collégial. Alors qu’il croyait l’école intégrée, du point de vue des races, et soutenue par des contributions volontaires, Scoble apprit en 1852 que l’appui du gouvernement était celui accordé à une école séparée destinée aux gens de couleur. Il paya les taxes scolaires et ne fit rien pour entraver le programme de l’école mais fut soulagé lorsque cette dernière fut transplantée à Dresden en 1855. Il s’opposa aux dons jusqu’à ce que des garanties sérieuses soient données pour éviter des détournements de fonds comme on en avait connus avant 1851 et parce qu’il croyait que l’appui financier local devait constituer la première source de revenus. La propriété ne rapporta que peu de revenus en raison des difficultés rencontrées avec les locataires, d’une pauvre gestion au cours des années précédentes et des dépenses engagées pour le défrichement et l’érection des clôtures du terrain ; à ces difficultés s’ajoutaient l’obstruction mesquine de Brown et de sérieuses divergences d’opinions avec Henson. L’American Baptist Free Mission Society, locataire de la terre de 1851 à 1853, prit en mauvaise part l’ingérence de Scoble et, en 1853, ses agents quittèrent les lieux en emportant tout ce qu’ils pouvaient. Devant l’impossibilité de trouver un autre locataire convenable et réalisant l’importance des réparations à faire, Scoble prit lui-même la propriété à ferme. Henson en fut le locataire de 1857 à 1860 ; les mésententes entre ce dernier et Scoble, au sujet du loyer, des améliorations à apporter à la propriété et du paiement des frais de gestion aboutirent à une série de poursuites judiciaires entre 1861 et 1863. Henson espérait prendre en charge l’administration de la propriété parce qu’il était convaincu que l’institut pouvait réaliser ses objectifs en matière d’éducation. Scoble avait démissionné comme administrateur en décembre 1861 et demandé, en 1863, que la cour nomme un administrateur et lui rembourse certains frais judiciaires et dépenses. La cour acquiesça à la demande de Scoble, mais la propriété, sous la tutelle de la cour, ne rapporta pas de revenus suffisants. L’intérêt des colons noirs de la région pour l’institut s’estompa et, lorsque celui-ci fut constitué en société en 1868, les terres et l’institut furent vendus, et les revenus de la vente furent affectés à la dotation du Wilberforce Educational Institute, une école intégrée de Chatham.
Au cours de l’hiver de 1860–1861, Scoble avait joué un rôle important en empêchant l’extradition de John Anderson, un esclave fugitif recherché pour meurtre dans le Missouri. Réformiste engagé, Scoble fut le secrétaire du congrès réformiste de 1859 et il se présenta dans Elgin-Ouest aux élections de 1861. Il ne fut déclaré élu que le 23 février 1863 et fut réélu au cours de la même année. Au cours des débats qui aboutirent à la Confédération, il préconisa une union législative décentralisée reposant sur un système solide de gouvernements municipaux et sur la représentation basée sur la population. Il s’associa à John Alexander Macdonald* et à John Sandfield Macdonald* qui désapprouvèrent les recommandations du « comité réformiste parlementaire » de George Brown*, en juin 1864, et accorda son appui à la « Grande Coalition » créée à cette époque. Il continua à lui accorder son appui après la démission de George Brown, en 1865, jusqu’en 1867. Brown et d’autres s’employèrent, avec succès, à empêcher que Scoble ne soit proposé à nouveau comme candidat en 1867 ; même les réformistes locaux qui admiraient ses talents se montrèrent méfiants à l’égard de cet individu « aussi poli qu’un iceberg ». Dans une série de lettres à la London Free Press en juin et en juillet 1867, Scoble défendit habilement sa cause, s’opposa au congrès réformiste de 1867 et prétendit que les réformistes eussent dû accorder leur appui à « l’élément libéral du cabinet » de John Alexander Macdonald. Scoble ne fut pas élu en 1867, et il n’existe aucune trace de lui après cette date.
Scoble fut un homme énergique, sûr de lui et bien connu, autant au Canada qu’en Grande-Bretagne. Son fils, sir Andrew Richard Scoble, devint membre du comité judiciaire du Conseil privé dans les années 90 et un autre fils, Thomas Clarkson Scoble, fut l’un des premiers partisans du Hudson Bay Railway au Manitoba.
John Scoble est l’auteur de British Guiana [...] (Londres, 1838) ; Texas : its claims to be recognized as an independent power, by Great Britain [...] (Londres, 1839) ; Hill coolies ; a brief exposition of the deplorable condition of the bill coolies in British Guiana and Mauritius [...] (Londres, 1840) ; il a écrit en collaboration avec G. W. Alexander, Liberté immédiate et absolue, ou esclavage [...] (Paris, 1844). Il a aussi rédigé l’introduction à l’ouvrage de Lewis Tappan, Reply to charges brought against the American and Foreign Anti-Slavery Society (Londres, 1852).
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Elwood H. Jones, « SCOBLE, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/scoble_john_9F.html.
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Auteur de l'article: | Elwood H. Jones |
Titre de l'article: | SCOBLE, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |