PRÉVOST, JEAN (baptisé François-Jean-Berchmans), avocat, directeur de journal et homme politique, né le 17 novembre 1870 à Sainte-Scholastique (Mirabel, Québec), fils de Wilfrid Prévost, avocat et futur conseiller législatif, et de Reine Marier ; le 19 novembre 1895, il épousa à Montréal Gabrielle Gagnon, et ils eurent deux enfants ; décédé le 21 juillet 1915 à Montréal et inhumé le 26 à Saint-Jérôme, Québec.

Jean Prévost fait ses études classiques chez les jésuites, au collège Sainte-Marie de Montréal, puis son droit à l’université Laval à Montréal, où il obtient un baccalauréat en 1894. Admis au Barreau de la province de Québec en juillet 1894, il sera nommé conseiller du roi le 30 juin 1903.

Prévost exerce sa profession à Saint-Jérôme, d’abord en association avec son père, puis avec Camille Lemoyne de Martigny et Charles-Édouard Marchand. De 1901 à 1910, il exerce avec Thibaudeau Rinfret*. Il agit à titre d’avocat-conseil de communautés religieuses et de plusieurs grandes entreprises commerciales et industrielles.

Passionné de culture, Prévost fait plusieurs séjours en Europe. Liseur assidu, il dévore des ouvrages de philosophie, de littérature et d’histoire. À l’instar de nombre de ses contemporains de la petite bourgeoisie du nord de Montréal, il se pique d’écriture. En 1902–1903, il est directeur de l’Avenir du Nord, journal pour lequel il écrit des articles traitant de littérature ou de politique. Le Devoir publie certains de ses textes portant sur l’inévitable question de la colonisation. Enfin, à deux reprises, il compose pour ses concitoyens une revue de fin d’année, jouée par des comédiens amateurs. Toutefois, ni sa profession ni ses passe-temps littéraires ne comblent entièrement sa vie. Il a soif d’action sociale. C’est par-dessus tout une véritable bête politique.

Aux élections provinciales de 1900, Prévost se présente dans Terrebonne et réussit à arracher aux conservateurs ce vieux fief des Masson, des Chapleau et, depuis près de 20 ans, des Nantel ; il l’emporte sur Guillaume-Alphonse Nantel* par 20 voix. Il défait facilement Olivar Asselin* en 1904. Le 3 juillet 1905, il devient ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries dans le cabinet de Lomer Gouin*. Prévost est en poste depuis à peine deux ans quand il est accusé de corruption dans l’exercice de ses fonctions par Asselin et son journal le Nationaliste (Montréal). Le 30 septembre 1907, il offre sa démission à Gouin afin de poursuivre ses détracteurs devant les tribunaux. Le premier ministre accepte cette démission sans regret, content, semble-t-il, de se débarrasser d’un ministre que Robert Rumilly* dit « fêtard » et dont les absences aux réunions du cabinet se faisaient trop fréquentes. Coup de théâtre le 24 mars 1908 : le député de Terrebonne s’engage dans une critique véhémente et approfondie de la politique de son gouvernement en matière de colonisation faisant, contre toute attente, le procès de sa propre administration et mettant Gouin dans l’embarras. Cette sortie ne l’empêche pas de se représenter sous la bannière libérale dans Terrebonne aux élections de juin 1908, où il l’emporte à nouveau sur son vieil adversaire Nantel.

Prévost n’en a toutefois plus pour longtemps avec les libéraux. Le combat qu’il mène aux côtés de ses ennemis d’hier, les nationalistes, notamment avec Henri Bourassa*, Armand La Vergne* et Asselin, contre le projet de loi sur la marine de guerre et surtout son opposition ouverte sur cette question au premier ministre sir Wilfrid Laurier, consacre son divorce avec le Parti libéral. Subordonnant l’esprit de famille à la partisanerie politique, son cousin et ami de toujours, Jules-Édouard Prévost*, se range carrément derrière le premier ministre. L’Avenir du Nord, organe officiel du Parti libéral, dirigé par Jules-Édouard, s’acharne contre Prévost. Il a beau faire campagne contre lui aux élections provinciales de 1912, l’enfant chéri de Saint-Jérôme, qui se présente comme libéral indépendant à la fois dans L’Assomption et dans Terrebonne, ne l’emporte pas moins contre Camille Lemoyne de Martigny, candidat conservateur dans cette dernière circonscription.

Prévost mène son dernier grand combat en Chambre contre son ancien chef sir Lomer Gouin en 1914 à propos du projet de loi sur l’affiliation de l’École des hautes études commerciales de Montréal à l’université Laval. Lui qui, au congrès de colonisation tenu à Saint-Jérôme en 1905 avait, sans doute par opportunisme politique, offert à titre de ministre son appui à l’archevêque de Montréal, Mgr Paul Bruchési*, et au clergé dans l’accomplissement de leur œuvre d’éducation dans le secteur primaire, renoue maintenant avec les principes des « rouges » d’antan. Il réclame, en effet, la création, comme on l’avait prévu à l’origine, d’une université d’État et dénonce vigoureusement l’alliance du gouvernement et de l’archevêché de Montréal.

Cette véhémence de Prévost cache sans doute une profonde amertume à l’égard de la vie politique. Sa carrière aboutit à un cul-de-sac. Le Parti libéral se passe très bien de lui, le Parti conservateur ne l’attire pas et ne veut sûrement pas de lui dans ses rangs, tandis que les nationalistes, ses alliés occasionnels des dernières années, demeurent une formation politique marginale. Il reste au poste quelque temps encore jusqu’à ce qu’un cancer l’emporte prématurément à l’âge de 44 ans. Il est inhumé le 26 juillet 1915 à Saint-Jérôme en présence d’une nombreuse assemblée.

Plus talentueux peut-être que son ancien adversaire Guillaume-Alphonse Nantel, Jean Prévost ne laisse pas derrière lui une empreinte aussi profonde que ce dernier tant sur le plan régional que provincial. Malchanceux, incapable de mettre ses nombreux talents et toute son énergie au service des bonnes causes, au bon moment, Prévost, déjà ministre à 34 ans, ne semble pas avoir comblé tous les espoirs placés en lui par ses contemporains.

Serge Laurin

ANQ-M, CE1-173, 19 nov. 1895 ; CE6-22, 18 nov. 1870.— L’Avenir du Nord (Saint-Jérôme, Québec), 23 juill. 1915.— Le Devoir, 22 juill. 1915.— É.-J.[-A.] Auclair, Saint-Jérôme de Terrebonne (Saint-Jérôme, 1934), 353s.— Joseph Levitt, Henri Bourassa and the golden calf ; the social program of the nationalists of Quebec (1900–1914) (Ottawa, 1969).— Québec, Assemblée législative, Débats, 1901–1915.— RPQ.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 11–19.— Mason Wade, les Canadiens français, de 1760 à nos jours, Adrien Venne et Francis Dufau-Labeyrie, trad. (2 vol., Ottawa, 1963), 2.

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Serge Laurin, « PRÉVOST, JEAN (baptisé François-Jean-Berchmans) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/prevost_jean_14F.html.

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Auteur de l'article:    Serge Laurin
Titre de l'article:    PRÉVOST, JEAN (baptisé François-Jean-Berchmans)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    20 nov. 2024